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15/12/2005 | FRANCE | N°JURITEXT000006947368

France | France, Cour d'appel de Versailles, Ct0013, 15 décembre 2005, JURITEXT000006947368


La Cour est saisie de l'appel interjeté par le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL à l'encontre du jugement rendu le 11 mai 2005 par le Tribunal de commerce de Nanterre dans le litige qui l'oppose à Maître SEGARD, es qualités de commissaire à l'exécution du plan de la SA STARPIN'S. La SA STARPIN'S, créée en 1986 sous la dénomination Stadium Paris a développé son activité de vente de médailles et de produits de bijouterie, en l'axant sur la vente des épinglettes ou pin's. Le bilan de l'année 1991 fait apparaître une augmentation spectaculaire du chiffre d'affaires, s'élevant à 13

5.000 KF et dégageant un bénéfice de 10.500 KF. Le bilan de l'anné...

La Cour est saisie de l'appel interjeté par le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL à l'encontre du jugement rendu le 11 mai 2005 par le Tribunal de commerce de Nanterre dans le litige qui l'oppose à Maître SEGARD, es qualités de commissaire à l'exécution du plan de la SA STARPIN'S. La SA STARPIN'S, créée en 1986 sous la dénomination Stadium Paris a développé son activité de vente de médailles et de produits de bijouterie, en l'axant sur la vente des épinglettes ou pin's. Le bilan de l'année 1991 fait apparaître une augmentation spectaculaire du chiffre d'affaires, s'élevant à 135.000 KF et dégageant un bénéfice de 10.500 KF. Le bilan de l'année 1992 fait apparaître un tassement du chiffre d'affaires, s'élevant à 105.000 KF, et une perte de 24.541 KF. Les frais financiers se sont élevés à 6.470 KF, soit 6,20% du chiffre d'affaires. Au mois d'octobre 1992 le commissaire aux comptes a lancé une procédure d'alerte au motif notamment que des créances clients anciennes ou litigieuses n'ont pas été provisionnées, à hauteur de 32.000 KF. Le 21 janvier 1993, la SA STARPIN'S a été déboutée d'une demande formée contre la Société Renault pour un montant de 15.000 KF. Le 26 janvier 1993 le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL a confirmé à la SA STARPIN'S qu'elle maintenait ses concours limités à la somme de 54.000 KF, dont 37.000 KF par découvert en compte courant et 17.000 KF par cession de créances professionnelles. Le 24 février 1993 le commissaire aux comptes a demandé la convocation d'un Conseil d'administration qui s'est tenu le 22 mars 1993. Le 15 avril 1993, la SA STARPIN'S à cédé au CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL des créances professionnelles pour un montant de 16.019 KF. Le 3 mai 1993 une information judiciaire a été ouverte à l'encontre du Président du conseil d'administration . Cette procédure pénale donnera lieu à la désignation d'un expert, à un jugement correctionnel le 30 mai 2000 puis à un arrêt en date du 24 octobre 2002, condamnant le dirigeant pour usage de faux, abus de

KF, que l'actif était surévalué par suite de l'absence de provisions pour 48.000 KF et que s'y ajoutait un passif fiscal et douanier important. Il considère que le seul créancier qui a été lésé par la poursuite de l'activité est lui-même, pour avoir accepté de soutenir une société qui apparaissait pérenne au vu des informations fournies par les dirigeants. Maître SEGARD, es qualités, formant appel incident, demande à la Cour de confirmer le jugement, notamment en ce qu'il a déclaré l'action recevable, en ce qu'il a rejeté le moyen de péremption de l'instance, et en ce qu'il a retenu la responsabilité du CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL. Il requiert que le montant des dommages-intérêts soit porté à 11.000.000 euros et qu'il lui soit alloué sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile une indemnité supplémentaire de 20.000 euros. DISCUSSION DISCUSSION Sur la fin de la mission du commissaire à l'exécution du plan Considérant que le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL soutient que lorsque Maître SEGARD l'a fait assigner le 2 mars 1999, sa mission de commissaire à l'exécution du plan était terminée ; qu'à ce propos il fait notamment valoir : - que le jugement arrêtant le plan de cession de la SA STARPIN'S a été rendu le 29 septembre 1993 et a fixé expressément la durée du plan à 2 années, - que par application de l'article L.621-68, la mission du commissaire à l'exécution du plan prend fin à l'expiration de la durée du plan, et donc en l'espèce le 29 septembre 1995, - que Maître SEGARD, es qualités, ne prétend pas que le prix de cession n'a pas été entièrement payé, - que lorsque le commissaire à l'exécution du plan n'est plus en fonction, l'article 90 du décret du 27 décembre 1985 impose que l'instance soit introduite ou poursuivie par un mandataire de justice désigné spécialement à cet effet par le Tribunal de commerce ; Considérant

que Maître SEGARD, es qualités, fait observer que, l'article L.621-90 dispose que la mission du commissaire à l'exécution du plan dure biens sociaux, banqueroute par usage de moyens ruineux et infractions douanières. Le 17 mai 1993, le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL a dénoncé ses concours sans préavis. La SA STARPIN'S a déclaré son état de cessation des paiements le 23 juin 1993, et a été placée en redressement judiciaire le 1er juillet 1993. Par jugement en date du 29 septembre 1993, le Tribunal de commerce de Nanterre a arrêté le plan de cession de la SA STARPIN'S, en fixant le prix de cession à la somme de 800 KF. Neuf salariés ont été repris. Maître SEGARD a été désigné en qualité de commissaire à l'exécution du plan. Le passif non contesté s'est élevé à 78.811 KF, dont 46.762 KF au titre des créances du CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL. L'actif réalisé comprend le prix de cession et le montant des créances recouvrées pour 1.317 KF. La présente instance a été introduite par l'assignation que Maître SEGARD, es qualités, a fait délivrer le 2 mars 1999 au CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL pour octroi abusif de crédit. Par jugement en date du 11 mai 2005, le Tribunal de commerce de Nanterre : - a

rejeté les exceptions d'irrecevabilité soulevées par le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL pour défaut de qualité à agir du commissaire à l'exécution du plan et pour tardiveté de la demande, - s'est déclaré compétent, - a rejeté l'exception de péremption de l'instance, - a dit que le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL a engagé sa responsabilité de droit commun, - a condamné le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL à payer à Maître SEGARD, es qualités, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice de la collectivité des créanciers, la somme de 8.232.246,93 euros (54.000.000 francs), - a condamné le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL à payer à Maître SEGARD, es qualités, la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile. Le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL a interjeté appel de ce jugement et demande à la Cour : - de déclarer l'action irrecevable au motif que la mission de Maître

jusqu'au paiement intégral du prix de cession, par exception à l'article L.621- 68, et qu'en l'espèce, sur le prix de cession fixé à la somme de 800.000 francs, il reste encore due la somme de 66.660 francs, soit 10.162,25 euros et qu'en conséquence sa mission n'a toujours pas pris fin ; Considérant qu'il résulte du relevé du compte du commissaire à l'exécution du plan, ainsi que de la lettre du mandataire liquidateur du cessionnaire, que ce dernier a laissé impayé la somme de 66.660 francs, et que cette créance est irrécouvrable ; qu'il est ainsi établi que le prix de cession n'a pas été entièrement payé ; qu'il en résulte que la mission de commissaire à l'exécution du plan de Maître SEGARD n'a toujours pas pris fin, et que ce dernier avait donc qualité pour faire délivrer l'assignation le 2 mars 1999 ; que le jugement sera confirmé sur ce point ; Sur la péremption d'instance Considérant que le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL invoque la péremption de l'instance en faisant notamment valoir : - qu'entre l'assignation du 2 mars 1999 et les conclusions du 4 mai 2004, Maître SEGARD, es qualités, n'a effectué aucune diligence interruptive de péremption - que pour échapper à cette péremption Maître SEGARD, es qualités, invoque une décision rendue le 16 novembre 2000, en la qualifiant de jugement de sursis à statuer, alors qu'il ne s'agit que d'une décision administrative d'inscription sur un rôle d'attente, - qu'en effet cette décision ne fait que

régulariser par l'inscription sur un registre d'attente, une situation déjà prolongée de sursis de fait, a été rendue sans convocation et sans débat, ne contient aucune décision de sursis à statuer dans son dispositif, et précise au contraire que l'instance se trouvera périmée dans un délai de deux ans, en l'absence de diligences des parties ; Mais considérant que la décision du 16 novembre 2000 est intervenue 20 mois après l'assignation, pendant l'instance d'appel du jugement rendu le 30 mai 2000 sur l'action SEGARD, es qualités, a pris fin à l'expiration de la durée du plan fixée à 2 années et que le commissaire à l'exécution du plan n'était plus en fonction lorsqu'il a intenté l'action le 2 mars 1999, - de constater que l'instance a été éteinte par péremption, - subsidiairement de constater qu'il n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité, - plus subsidiairement de dire que l'insuffisance d'actif n'a connu aucune aggravation et qu'il n'existe pas de préjudice indemnisable, - en conséquence de débouter Maître SEGARD, es qualités, et de le condamner à lui payer la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de

procédure civile. Sur la situation de la SA STARPIN'S le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL fait notamment valoir : - que depuis 1988 elle accompagne le développement de la société en lui accordant des concours sous forme de découverts, d'escompte, de cessions de créances professionnelles et de crédits documentaires, - que le bilan de 1991, connu au cours de l'année 1992, a révélé un développement spectaculaire de la société, son chiffre d'affaires progressant de 237 % en passant de 40.000 KF à 135.000 KF - que son bénéfice s'est élevé à 10.500 KF, - que ses perspectives étaient encourageantes, - que la situation provisoire au 31 octobre 1992, connue fin décembre 1992, faisait apparaître une baisse de chiffre d'affaires et un résultat légèrement déficitaire de 940 KF, - que le 26 janvier 1993, elle a confirmé à la société le maintien de ses concours, fixés à un montant maximum de 54.000 KF, soit 37.000 KF de découvert et 17.000 KF par cession de créances professionnelles, - que le bilan définitif au 31 décembre 1992 n'a été connu qu'au mois de mai 1993, - que ce bilan a fait apparaître qu'il avait été trompé par les dirigeants de la société, les pertes s'établissant en réalité à 27.000 KF, - qu'il

a décidé en conséquence le 17 mai 1993 de dénoncer ses concours sans préavis, - que la société a déclaré son état de cessation des pénale motivant le sursis à statuer ; que cette décision s'intitule jugement, et précise dans son dispositif que l'affaire est inscrite au rôle des sursis à statuer, dans l'attente de l'issue de l'instance pendante devant la Cour d'appel de Versailles, et que dès que la procédure pourra être reprise, la partie la plus diligente devra en informer le greffe ; qu'il s'agit bien d'un jugement de sursis à statuer qui faisait obstacle à toute diligence des parties, sauf celle de reprendre l'instance après qu'une décision définitive ait été rendue sur l'action pénale ; que le délai de péremption a donc été interrompu jusqu'à l'arrêt rendu le 24 octobre 2002 par la Cour d'appel de Versailles, et n'était pas expiré lorsque l'instance a été reprise par Maître SEGARD, es qualités, le 4 mai 2004 ; que le jugement sera confirmé sur ce point ; Sur l'application de l'article L.650-1 Considérant que le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL soutient que sa responsabilité pour les concours qu'il a consentis ne peut désormais être appréciée qu'au regard des critères de l'article

L.650-1, inséré dans le Code de commerce par la loi du 26 juillet 2005 ; qu'il fait observer que de l'appréciation même du Conseil Constitutionnel dans sa décision du 22 juillet 2005, ce texte remplit un objectif d'intérêt général, car il est de nature à lever un obstacle à l'octroi des apports financiers nécessaires à la pérennité des entreprises en difficulté ; qu'il en déduit que cet article est d'application immédiate ; Mais considérant qu'une loi nouvelle, non interprétative, ne peut s'appliquer à une instance en cours, par exception au principe de la non-rétroactivité, qu'à la condition qu'elle réponde à des motifs impérieux d'intérêt général ; Considérant que l'article L.650-1 ne fait, selon l'appréciation du Conseil Constitutionnel, que clarifier le cadre juridique de la mise en jeu de la responsabilité des dispensateurs de crédit ; qu'il remplace le critère tiré de la notion d'abus de droit par le critère

paiements le 23 juin 1993, a été placée en redressement judiciaire le 1er juillet 1993, et a fait l'objet d'un plan de cession le 29 septembre 1993. - que par arrêt du 24 octobre 2002, le Président du conseil d'administration, Monsieur X..., a été condamné pour faux et usage de faux. Le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL soutient que, contrairement à ce qui lui est reproché, il ne pouvait avoir connaissance de la situation réelle de la société le 26 janvier 1993, lorsqu'il lui a confirmé ses concours. A ce propos il fait notamment valoir : - que le 23 janvier 1993 les documents prévisionnels portés à sa connaissance faisait état d'une perte limitée à 940 KF, - que cette perte pouvait s'expliquer par les investissements considérables que l'accroissement du chiffre d'affaires avait nécessité, ainsi que par la défaillance d'un certain nombre de clients importants, - qu'ayant accompagné la société durant sa période de forte expansion, il avait l'obligation de lui apporter son concours pour passer une période difficile, - qu'il ne disposait d'aucun moyen d'information autre que les documents que lui fournissaient les dirigeants, et dont il n'avait aucune raison de mettre en doute la fiabilité, - que dès qu'il a eu connaissance du bilan au 31 décembre 1992, et de la tromperie dont il avait été victime, il a dénoncé ses concours, sans préavis. Le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL souligne que la situation de la société ne

pouvait apparaître comme irrémédiablement compromise alors que les résultats antérieurs avaient été particulièrement bons, que les pertes restaient limitées et trouvaient une explication étrangère à l'absence de rentabilité, et que la signature de nouveaux contrats importants permettait d'espérer un redressement durable. Il souligne que le commissaire aux comptes lui-même, en suite des explications qui lui avaient été données après le Conseil d'administration du 22 mars 1993, faisait état de possibilités de continuation de l'entreprise, et que ce n'est qu'en juin 1993 qu'il a tiré de la notion de fraude ; qu'il n'apparaît pas que cette modification réponde à des motifs impérieux d'intérêt général ; qu'il n'y a donc pas lieu d'appliquer l'article L.650-1 à la présente instance ; Sur la responsabilité du CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL Considérant que le Tribunal de commerce a jugé que le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL a commis une faute pour avoir maintenu ses concours par lettre du 26 janvier 1993, alors que la banque savait, ou aurait dû savoir, que la SA STARPIN'S se trouvait alors dans une situation irrémédiablement compromise ; Considérant qu'en statuant

ainsi les premiers juges ont fait une exacte application des faits de la cause et du droit des parties ; qu'ils ont également parfaitement justifié leur décision par des motifs pertinents que la Cour adopte, sauf à les rappeler succinctement ; Considérant que le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL ne peut convaincre lorsqu'il soutient que la situation provisoire au 31 octobre 1992 qui lui a été communiquée fin décembre 1992 et les explications des dirigeants, l'ont trompé sur la situation réelle de la société, et qu'il ne pouvait s'apercevoir de ce que cette situation se trouvait irrémédiablement compromise ; Considérant qu'en effet cette situation faisait apparaître une diminution du chiffre d'affaires de 133.000 à 103.000 KF, soit de près de 25 %, et une perte de 0,94 MF ; qu'il apparaissait ainsi que la société était passée en dessous du seuil de rentabilité ; qu'en outre le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL, seul établissement financier de la société, pouvait se faire une idée, au vu des sommes portées au crédit du compte, du chiffre d'affaires mensuel qui n'était plus que de 6.000 KF en octobre et novembre 1992, et de 4.200 KF en décembre 1992, réduisant le chiffre d'affaires annuel, par

extrapolation, à 70.000 KF ; que le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL ne pouvait ignorer que cette diminution trouvait sa cause dans le déclin de l'engouement pour les pin's, comme elle savait que le estimé que la situation était irrémédiablement compromise. Le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL fait observer que les concours accordés restaient limités et fixés par lettre du 26 janvier 1993 à un maximum de 54.000 KF dont 37.000 KF par autorisation de découvert et 17.000 KF par escompte Dailly. Il conteste le grief que lui a fait le Tribunal de commerce de favoriser le crédit par découvert bancaire, alors qu'au contraire il a précisé que l'escompte Dailly pouvait être dépassé, dès lors que le crédit total restait dans la limite de 54.000 KF. Il note que cette limite a toujours été respectée jusqu'à la dénonciation des concours. Il fait enfin remarquer que ces concours s'accompagnait d'une garantie constituée par une cession de créance d'un montant de 20.000 KF, et que s'agissant d'une garantie et non d'un crédit, cette somme ne doit pas être prise en compte pour apprécier le montant des concours accordés. Le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL rappelle que l'action est fondée sur l'article 1382 du Code civil qui suppose que le demandeur fasse la preuve du lien de causalité entre la faute éventuelle et le préjudice. Il en déduit que l'on ne peut fixer le montant des dommages-intérêts, ni au montant de l'insuffisance d'actif comme le voudrait Maître SEGARD, es qualités, ni au montant des concours comme il a été décidé en première instance. Il rappelle que selon la jurisprudence, le préjudice indemnisable est constitué par l'aggravation de l'insuffisance d'actif que le retard dans l'ouverture de la procédure collective a contribué à créer. Il fait remarquer que Maître SEGARD, es qualités,

ne propose aucune démonstration de ce préjudice et en voit la raison dans le fait que ce préjudice est en réalité inexistant. Il calcule que le passif du redressement judiciaire est constitué pour 46.000 KF de sa créance, et pour 31.000 KF de passif tiers et estime qu'au 31 décembre 1992 ce passif tiers était déjà au moins aussi élevé. Il relève pour cela que le résultat comptable était négatif de 20.000 développement considérable au cours de l'exercice 1991 avait été dû à cette mode ainsi qu'au marché passé pour les jeux olympiques d'hiver d'Alberville ; que le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL connaissait également le montant des frais financiers supportés par la SA STARPIN'S qui se sont élevés à 6,2 % du chiffre d'affaires pour l'exercice 1992, et pouvait évaluer le montant de ces frais pour un encours de 54.000 KF ; que le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL pouvait également apprécier la valeur des créances clients qui lui étaient cédées, ne serait-ce qu'en examinant leur date d'émission, alors que l'on sait d'après la procédure d'alerte déclenchée par le commissaire aux comptes que ces créances auraient dues être provisionnées pour 30.000 KF ; que d'ailleurs la banque venait d'être avisée du jugement

rendu le 21 janvier 1993 et déboutant la société de sa demande en paiement de 15.000 KF formée à l'encontre de la Société Renault ; que la commande prévue pour la World Cup 1994, outre qu'elle n'était pas encore ferme, ne portait que sur 750.000 $, payable au début par trimestrialité de 50.000 $, et ne peut être qualifiée de commande importante faisant présager du redressement de la société ; que de la même manière la diminution des effectifs passés de 55 salariés en 1992, à 24, entraînait certes une diminution des charges, mais impliquait également une diminution du chiffre d'affaires, étant observé que le personnel était principalement affecté à la prospection commerciale ; Considérant qu'il ressort de ces éléments que le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL savait que le montant de ses concours représentait plus de la moitié du chiffre d'affaires de l'exercice précédent, et devait savoir que le chiffre d'affaires de la société se trouvait en nette diminution, sans espoir d'augmentation dans un avenir prévisible ; qu'il pouvait se rendre compte que la société se trouvait dans l'incapacité de supporter des frais financiers pouvant être raisonnablement appréciés à au moins 10

% du chiffre d'affaires ; qu'il ne pouvait ignorer, le 26 janvier 1993 que la situation de la société se trouvait irrémédiablement compromise ; qu'il devait alors dénoncer ses concours, et ne pas attendre le 17 mai 1993 ; Considérant que le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL a ainsi tardé pendant presque 4 mois pour dénoncer ses concours ; que l'ouverture du redressement judiciaire de la SA STARPIN'S a été retardée d'autant ; que le préjudice causé à la collectivité des créanciers est donc constitué par l'aggravation de l'insuffisance d'actif pendant cette période ; Considérant que le préjudice est celui de la collectivité des créanciers dont le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL fait partie ; qu'il n'y a donc pas lieu de distinguer entre le passif de la banque et celui des autres créanciers ; Considérant que ce préjudice peut être apprécié à la différence entre les produits et les charges de la période, dès lors qu'il n'est pas démontré que la valeur de l'actif ait connu des variations appréciables ; que cette différence peut être évaluée à partir des pertes de l'exercice précédent, en tenant compte de la dégradation de la rentabilité de la société, malgré la diminution des

charges liée à la réduction des effectifs et à la fermeture d'agences en province ; que la Cour trouve dans le dossier les éléments pour fixer à 1,2 millions d'euros l'aggravation de l'insuffisance d'actif entraînée par l'octroi abusif de crédit par le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL ; que le point de départ des intérêts sera fixé, pour une réparation complète du préjudice au 2 mars 1999 ; qu'il convient en conséquence de modifier le jugement en ce qui concerne le montant de la condamnation ; Considérant qu'il convient en équité de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL à payer à Maître SEGARD, es qualités, la somme de 10.0000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile, sans qu'il y ait lieu d'y ajouter ; PAR CES MOTIFS La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire, Confirme le jugement rendu le 11 mai 2005 par le Tribunal de commerce de Nanterre, sauf en ce qui concerne le montant de la condamnation principale, Statuant à nouveau de ce chef, condamne le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL à payer à Maître SEGARD, es qualités, à titre de dommages-intérêts, la somme de 1.200.000 euros avec les intérêts au taux légal à compter du

2 mars 1999 ; Rejette les demandes que les parties ont formées en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile, Condamne le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL aux dépens d'appel et accorde à la SCP BOMMART MINAULT, titulaire d'un office d'Avoué, le droit de recouvrement conforme aux dispositions de l'article 699 du Nouveau code de procédure civile,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Ct0013
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006947368
Date de la décision : 15/12/2005

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Organes - Commissaire à l'exécution du plan - Nomination - Durée - /.

Il résulte de l'article L. 621-90 du Code de commerce que la mission du commissaire à l'exécution du plan dure jusqu'au paiement intégral du prix de cession. Il s'ensuit que tant qu'une partie de cette somme demeure impayée, ce mandataire conserve sa mission, si bien que le commissaire à l'exécution d'un plan de cession dispose - même après l'expiration de celui-ci - de la qualité pour agir à l'encontre d'un débiteur

LOIS ET REGLEMENTS - Application immédiate - Instances en cours.

Il est de principe qu'une loi nouvelle ne s'applique pas aux instance en cours, sauf si elle répond à d'impérieux motifs d'intérêt général. Tel n'est pas le cas de la loi du 26 juillet 2005 introduisant un nouvel article L. 650-1 dans le Code de commerce dès lors que cette disposition se borne à remplacer le critère tiré de l'abus de droit par celui de la fraude afin, comme l'a précisé le Conseil Constitutionnel, de clarifier le cadre juridique de la responsabilité des établissements de crédit

BANQUE - Responsabilité - Faute - Octroi abusif de crédit - Cas - Soutien artificiel à une entreprise dont la situation était irrémédiablement compromise - Connaissance par la banque - Portée - /.

La banque qui sait que ses concours représentent plus de la moitié du chiffre d'affaire, que celui-ci présente une nette diminution sans l'espoir d'une augmentation prévisible et que le débiteur se trouve dans l'incapacité de supporter les frais financiers, ne peut manquer d'en déduire que la situation de la société débitrice est irrémédiablement compromise et doit donc dénoncer ses concours. En s'abstenant de le faire pendant presque quatre mois, l'établissement de crédit commet une faute qui cause à la collectivité des créanciers un préjudice tenant à l'aggravation du passif durant cette période


Références :

Code de commerce, article L. 621-90 Code de commerce, nouvel article L. 650-1 issu de la loi du 26 juillet 2005

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2005-12-15;juritext000006947368 ?
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