COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 64B 14ème chambre ARRET No contradictoire DU 07 DECEMBRE 2005 R.G. No 05/01498 AFFAIRE : UNION DES INDUSTRIES DE LA PROTECTION DES PLANTES "UIPP" C/ Association INTERPROFESSIONNELLE DES FRUITS ET LEGUMES FRAIS "INTERFEL" ... Décision déférée à la cour : appel d'une ordonnance de référé rendue le 09 Février 2005 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE No chambre : No Section : No RG : 469/04 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD Me Jean-Michel TREYNETREPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE SEPT DECEMBRE DEUX MILLE CINQ, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : UNION DES INDUSTRIES DE LA PROTECTION DES PLANTES "UIPP" 2 rue Denfert Rochereau 92100 BOULOGNE BILLANCOURT représentée par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD - N du dossier 0540976 assistée de Me Stéphanie STAEGER, (avocat au barreau de PARIS) du Cabinet SOULIER APPELANTE [****************] Association INTERPROFESSIONNELLE DES FRUITS ET LEGUMES FRAIS "INTERFEL" 60 rue du Faubourg Poissonnière 75010 PARIS représentée par Me Jean-Michel TREYNET - N du dossier 540976 assistée de Me François HONORAT, (avocat au barreau de PARIS) UNION NATIONALE INTERPROFESSIONNELLE DES LEGUMES TRANSFORMES "UNILET" 44 rue d'Alésia 75014 PARIS représentée par Me Jean-Michel TREYNET - N du dossier 17193 assistée de Me François HONORAT, (avocat au barreau de PARIS) INTIMEES [****************] Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 09 Novembre 2005 devant la cour composée de :
Monsieur Thierry FRANK, Président,
Madame Chantal LOMBARD, conseiller,
Madame Geneviève LAMBLING, Conseiller, qui en ont délibéré, Greffier, lors des débats : Madame Marie-Pierre LOMELLINIFAITS ET X...
L=Union des industries de la protection des plantes, dénommée UIPP, a présenté à la presse le 27 janvier 2005 sa future campagne de communication sur les pesticides, appuyée sur deux visuels représentant, l'un une cosse de petits pois d'un vert tendre sur un fond rose, l'autre un melon dont le coeur a été arraché, sous le titre pesticides : "on peut poser des questions", "on peut aussi y répondre" et la mention, "à décortiquer" pour les petits pois, et "à creuser", pour le melon.
Estimant que la campagne publicitaire ainsi réalisée faisait courir un dommage imminent à la filière des fruits et légumes frais ou transformés, l'association interprofessionnelle des fruits et légumes frais, dénommée INTERFEL, et l'Union nationale interprofessionnelle des légumes transformés, dénommée UNILET, ont sollicité l'autorisation d'assigner en référé d=heure à heure l'UIPP afin que voir interdire de faire référence à des fruits dans le cadre de sa campagne de communication sur l'usage et les conséquences des pesticides.
Par ordonnance en date du 9 février 2005, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre a déclaré recevable les demandes formées par INTERFEL et UNILET et fait interdiction à UIPP d'utiliser les visuels produits aux débats à l'occasion de la campagne de communication qu'elle se proposait de diffuser, tant auprès de la presse que du grand public pour informer celui ci de l'usage et des conséquences des produits phytosanitaires et particulièrement des pesticides, et ce, sous astreinte provisoire de 2 000 ç par infraction constatée dès la signification de l'ordonnance, se réservant la liquidation de l'astreinte ; l'UIPP était encore condamnée à payer deux sommes de 2 000 ç en application
de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Le premier juge a estimé que la lecture par une personne d'attention moyenne d'un tel message publicitaire laisse effectivement à penser que les petits pois et les melons sont traités aux pesticides et qu'il suffit de creuser ou de décortiquer pour en trouver ; que dans un deuxième temps seulement, et après analyse, il apparaît que le message concerne les questions que le consommateur peut utilement se poser sur l'utilisation des pesticides et sur leurs conséquences.
Il a considéré que le message contenu dans les visuels constitués de l=association entre l'image des fruits et légumes et le texte sur les questions posées n'a pas de caractère alarmiste mais introduit une interrogation et une crainte sur le caractère sain des fruits et légumes exposés.
Il a estimé que cette association exclusive crée du dommage imminent et réel sur la production de la filière des fruits et légumes frais et transformés, car elle risque d'entraîner une méfiance des consommateurs et de réduire leurs achats.
L'UIPP a relevé appel de cette décision, sollicite son infirmation ; elle demande de dire qu'INTERFEL et UNILET n'ont ni capacité, ni qualité, ni intérêt à agir.
Subsidiairement, elle demande de les débouter de leurs demandes et de les condamner à lui verser une somme de 7 500 çen application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
INTERFEL et UNILET concluent à l=irrecevabilité de l'UIPP en ses demandes d'appel. Subsidiairement, elles demandent son débouté, la confirmation de l'ordonnance et sa condamnation à leur verser deux sommes de 10 000 ç en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Au soutien du moyen d'irrecevabilité, elles indiquent qu'il résulte d'un courrier en date du 9 février 2005 du président de l'UIPP, que
celui ci avait renoncé à relever appel en tentant d'exécuter la décision, d'une part, en substituant aux supports visuels litigieux la représentation d'un homme ou d'une femme dans une cuisine, et, d'autre part, en retardant la remise des bons à tirer sauf pour trois magazines où le bon avait été remis le 19 janvier 2005.
Elles insistent sur le fait que la finalité déclaratoire de son action en appel ne saurait être accueillie.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Sur la recevabilité de l'appel
Considérant que L'ASSOCIATION INTERFEL et L'ASSOCIATION UNILET concluent à l'irrecevabilité de l'appel au motif que l'UIPP ne justifierait d'aucun intérêt actuel et légitime à contester la mesure d'interdiction qui lui a été notifiée le 9 février 2005 alors qu'elle a déclaré le même jour renoncer à la diffusion des supports litigieux ;
Mais considérant que l'UIPP réplique à bon droit qu'en substituant les visuels litigieux postérieurement à la décision entreprise, elle n'a fait que déférer à une ordonnance de référé exécutoire nonobstant appel ;
Qu'en effet, l'intérêt pour l'UIPP de relever appel de l'ordonnance déférée n'a pas disparu du fait de l'exécution de celle-ci ; qu'en l'espèce cette ordonnance lui faisant grief, l'UIPP a intérêt à en contester les motifs en en interjetant appel ; que l'appel est donc recevable et que l'exception d'irrecevabilité sera rejetée ;
Sur la recevabilité de l'action
Considérant que l'UIPP conclut à l'irrecevabilité de l'action des ASSOCIATIONS INTERFEL et UNILET pour défaut de qualité et d'intérêt à
agir ; qu'elle soutient que les statuts de INTERFEL et d'UNILET ne les autorisent pas à agir pour la défense de l'agriculture biologique étant précisé que la consistance du dommage imminent qu'elles invoquent serait basé sur la promotion de l'agriculture biologique dans la filière des fruits et légumes ; qu'elle fait valoir que l'image des fruits et des légumes est exclusive de tout droit réel susceptible de fonder la demande d'interdiction réclamée ; qu'elle ajoute qu'une limitation de l'utilisation d'images de fruits et légumes telles qu'elle les a représentés constitue une limite à la liberté d'expression, et ce, alors que sa campagne de communication s'inscrivait dans le conteste d'une polémique sur les vertus des produits pesticides et des conséquences de leur emploi ; qu'elle soutient par ailleurs qu'INTERFEL et UNILET ne justifieraient pas de la déclaration en préfecture de leurs statuts modifiés et pas davantage de l'autorisation du conseil d'administration pour agir en justice ;
Mais considérant que tant INTERFEL qu'UNILET établissent leur qualité d'associations interprofessionnelles dont les objectifs et les compétences sont définies par les articles L 632-1 et suivants du Code Rural ; qu'elles justifient, l'une et l'autre, avoir régulièrement déposé leurs statuts en préfecture, lesquels ont été publiés, et que cette reconnaissance leur confère un pouvoir de représentation des intérêts collectifs de l'ensemble des acteurs économiques de la filière des fruits et légumes, et ce, qu'elles que soient les méthodes de production utilisées ; que leur action tend à défendre l'utilisation d'images des fruits et légumes qu'elles produisent ; qu'il s'ensuit qu'elles ont un intérêt légitime à agir et que leur président qui, aux termes de leurs statuts, représente l'association, à la capacité d'agir en justice en leur nom ;
Considérant, par conséquent, que l'exception d'irrecevabilité de
l'appel sera rejetée et la décision déférée confirmée en ce qu'elle a déclaré l'action d'INTERFEL et d'UNILET, recevable ;
Sur les causes du référé
Considérant qu'à l'appui de son appel, l'UIPP soutient essentiellement que l'action de communication critiquée n'est ni illicite, ni mensongère ;
Qu'elle communique sur des produits autorisés ayant fait la preuve de leur innocuité pour la santé humaine et l'environnement ; qu'il s'agit, en outre, de produits utiles et que l'esthétique et le message des visuels légitimes reflètent une démarche informative et rassurante sur les pesticides et qu'enfin, le choix du fruit et du légume n'est pas exclusif mais représentatif de l'ensemble des végétaux et que l'association fruits-légumes/pesticides est une réalité que nul n'ignore ;
Considérant que les associations INTERFEL et UNILET répliquent, notamment, que les supports visuels litigieux nuisent à l'image des fruits et légumes en ce qu'ils induisent que ces produits traités contiennent des pesticides dans leur substance même et qu'ils sont de nature à créer un doute, à l'origine inexistant dans l'esprit du consommateur sur la qualité des fruits et légumes offerts à la consommation ;
Considérant aux termes de l'article 809 alinéa 1er au Nouveau Code de X... Civile que : "Le Président du Tribunal de Grande Instance peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit, pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;
Considérant, en l'espèce, ainsi que l'a justement relevé le premier juge, que le message contenu dans les visuels, constitué de l'association entre l'image des fruits et légumes et le texte sur les
questions posées autour des pesticides, induit que ces produits traités contiennent dans leurs substances même, des pesticides et que cette présentation nuit à l'image des fruits et légumes ; qu'il en résulte suffisamment la preuve d'un dommage imminent sur la production de la filière des fruits et légumes frais ou transformés en ce qu'elle est susceptible d'avoir un impact négatif sur les consommateurs ; que la demande d'interdiction des visuels réalisés par l'UIPP pour sa campagne d'information est donc fondée au regard des dispositions de l'article 809 alinéa 1er précité et que la décision déférée sera confirmée en toutes ses dispositions ;
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser aux associations INTERFEL et UNILET les frais irrépétibles exposés devant la Cour et qu'il y a lieu de leur allouer, à chacune, la somme complémentaire de 2 000 ç au titre de l'article 700 du Nouveau Code de X... Civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,
Rejette les exceptions d'irrecevabilité tant de l'appel que de l'action,
Confirme l'ordonnance entreprise,
Condamne L'UNION DES INDUSTRIES DE LA PROTECTION DES PLANTES à payer à l'association INTERFEL et à l'association UNLET, la somme complémentaire de 2 000 ç (deux mille euros), chacune au titre de l'article 700 du Nouveau Code de X... Civile,
La condamne aux dépens lesquels seront recouvrés directement par Maître TREYNET, avoué, conformément à l'article 699 du Nouveau Code de X... Civile.
Arrêt prononcé et signé par Monsieur Thierry FRANK, Président et par Madame Marie-Pierre Y..., Greffier, présent lors du prononcé Le GREFFIER,
Le PRESIDENT,