COUR D'APPEL DE VERSAILLES
12ème chambre section 2
D.C. / P.G. ARRET No Code nac : 57A
contradictoire
DU 01 DECEMBRE 2005
R.G. No 04 / 05671
AFFAIRE :
Société YONG INTERNATIONAL-sté de droit Belge
C / S.A. AUTOMOBILES CITROEN
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Mai 2004 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE No Chambre : 6 No Section : No RG : 497F / 02
Expéditions exécutoires Expéditions délivrées le : à : SCP BOMMART MINAULT SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD E.D.
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE PREMIER DECEMBRE DEUX MILLE CINQ, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Société YONG INTERNATIONAL-société de droit Belge ayant son siège 328 Bld Emile Bockstael,1120 BRUXELLES (BELGIQUE), prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
représentée par la SCP BOMMART MINAULT, avoués-N du dossier 30696 Rep / assistant : Me YVER substituant Me BOURGEON, avocat au barreau de PARIS.
APPELANTE ****************
S.A. AUTOMOBILES CITROEN ayant son siège 62 Bld Victor Hugo 92200 NEUILLY-SUR-SEINE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
représentée par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD, avoués-N du dossier 0540937 Rep / assistant : Me Nicolas BARETY, avocat au barreau de PARIS (C. 41).
Appelante incdemment INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Octobre 2005 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Denis COUPIN, conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Françoise LAPORTE, Président, Monsieur Jean-François FEDOU, conseiller, Monsieur Denis COUPIN, conseiller,
Greffier, lors des débats : Mme Marie-Thérèse GENISSEL, FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
Pour rétablir en Algérie la commercialisation de ses véhicules qu'elle avait interrompue à la suite des événements violents des années 1992 / 93, la société AUTOMOBILES CITROEN, ci-après dénommée CITROEN, a conclu le 06 avril 2000 deux contrats annuellement reconductibles :-le premier de fourniture de véhicules et pièces de rechange avec la société de droit belge YONG INTERNATIONAL, ci-après dénommée YONG, dont le gérant est monsieur KIM B...C...,-le second d'importation et de distribution en Algérie des produits à sa marque avec la société de droit algérien CASA, filiale de la société YONG INTERNATIONAL, qui devait se fournir exclusivement auprès de cette dernière.
Le 27 octobre 2000, a été créée une société de droit algérien YONG INTERNATIONAL ALGERIE, dont les associés, monsieur KIM B...C... et monsieur D..., n'ont pas pu s'entendre et qui a été dissoute moins d'un mois plus tard.
Monsieur KIM B...C... a alors présenté à la société AUTOMOBILES CITROEN une société algérienne CIT INDUSTRIE AUTOMOBILE, dont il partageait le capital avec un ressortissant algérien, monsieur E..., à laquelle le constructeur a confié le droit de représenter sa marque sur le territoire algérien.
Par télécopie en date du 12 janvier 2001 la société YONG INTERNATIONAL a déclaré se désister du droit de représenter la marque CITROEN pour l'ensemble du territoire algérien et a exprimé son accord pour transférer ce droit à la société CIT.
La société AUTOMOBILES CITROEN a établi des relations commerciales avec cette dernière, puis a conclu un contrat lui confiant l'importation et la distribution en Algérie de ses véhicules.
La société YONG INTERNATIONAL considère que les pourparlers avaient aussi abouti à un accord sur l'établissement d'un contrat de commissionnement à son bénéfice.
Le 18 mars 2001, monsieur KIM B...C... informait la société AUTOMOBILES CITROEN de l'attitude hostile et menaçante de monsieur E... qui l'a contraint de quitter les locaux de la société CIT en lui offrant de racheter au pair sa participation dans le capital. Il précisait que l'échéance de sa carte de séjour l'obligeait à quitter le pays avant le 23 mars.
C'est dans ces circonstances que la société YONG INTERNATIONAL a assigné la société AUTOMOBILES CITROEN devant le tribunal de commerce de Nanterre pour voir retenir la responsabilité de celle-ci pour n'avoir pas régularisé le contrat de commissionnement négocié et arrêté par les parties. Elle réclamait divers dommages et intérêts pour un montant total de 1. 620. 000 euros en sollicitant la désignation d'un expert. La société AUTOMOBILES CITROEN s'est opposée à ces prétentions.
Par un jugement rendu le 14 mai 2004, cette juridiction a considéré que la société YONG INTERNATIONAL n'apportait pas la preuve que le contrat de commissionnement était causé ni qu'un tel contrat avait été conclu, ni qu'il se substituait à la convention initiale dont elle s'était désistée.
Elle a ainsi débouté la société YONG INTERNATIONAL de toutes ses demandes, l'a condamnée à payer à la société AUTOMOBILES CITROEN la somme de 4. 600 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
La société YONG INTERNATIONAL, qui a interjeté appel de cette décision, se prévaut des termes d'une télécopie adressée le 12 janvier 2001 à sa direction par monsieur F..., chef de la section régionale CITROEN pour l'Afrique, qui démontre amplement, selon elle, la volonté de la société AUTOMOBILES CITROEN de conclure un contrat de commissionnement avec elle.
Elle précise que ce n'est que sur la base de cette offre que monsieur KIM B...C... a confirmé son accord pour se désister de son droit de représentation. Elle affirme que cet échange de correspondances matérialise un accord de principe pour la conclusion d'un contrat d'importation et de distribution sur le territoire algérien entre les sociétés AUTOMOBILES CITROEN et CIT et d'un contrat de commissionnement entre le constructeur et elle-même.
Elle ajoute que les 05 et 15 février 2001, les parties étaient parvenues à un accord sur un taux de commission de 2 % des ventes aux prix CFR Alger et sur une durée de trois ans identique à celle du contrat principal conclu avec CIT.
Réfutant l'argumentaire de la société AUTOMOBILES CITROEN, reprise par les premiers juges, elle explique que le droit de représenter la marque CITROEN n'a jamais constitué la cause du contrat de commissionnement qui avait pour contrepartie la renonciation de la société YONG INTERNATIONAL à poursuivre le contrat de fourniture de véhicules et de pièces dont l'économie reposait sur la perception d'une marge brute de 5 % en contrepartie de son investissement dans la réintroduction de la marque CITROEN sur le marché algérien.
Elle affirme que le contrat de commissionnement se substituait ainsi au contrat initial pour lui assurer sa rémunération.
Très subsidiairement, elle fait valoir que la société AUTOMOBILES CITROEN a rompu abusivement et brutalement le contrat de fourniture dont elle bénéficiait en conférant à CIT des droits auxquels, si l'on suit la société CITROEN, elle n'aurait pas renoncé.
Elle rappelle à cet égard que la société AUTOMOBILES CITROEN n'a jamais dénoncé le contrat de fourniture qui s'est trouvé renouvelé jusqu'au 31 décembre 2001 et aurait dû être poursuivi jusqu'à cette date.
Elle fait grief à la société AUTOMOBILES CITROEN de l'avoir rompu de manière brutale et abusive en concluant un contrat direct avec la société CIT.
Elle considère que cette demande subsidiaire est parfaitement recevable au regard des dispositions de l'article 564 du nouveau code de procédure civile dès lors qu'elle tend aux mêmes fins que celle principale et qu'elle était virtuellement comprise dans la demande relative à la non régularisation de contrat de commissionnement.
Elle calcule les commissions qu'elle aurait dû percevoir sur les exercices 2001,2002 et 2003 à raison de 2 % du chiffre d'affaires réalisé par la société AUTOMOBILES CITROEN en Algérie selon les informations communiquées par le constructeur. Elle chiffre ainsi à un minimum de 741. 220 euros le montant des commissions dues au taux de 2 % et demande une provision à due concurrence.
Subsidiairement, elle expose que son préjudice est égal à 5 % des ventes de l'année 2001, à raison de la non-exécution du contrat de fournitures, soit 616. 850 euros.
Elle y ajoute une somme de 100. 000 euros au titre des pertes qu'elle a éprouvées puisqu'elle n'a pas été en mesure de rentabiliser ses investissements et, notamment, ses frais, ainsi que 20. 000 euros en réparation de son préjudice d'image.
Elle demande en conséquence à la cour d'infirmer le jugement, de condamner la société AUTOMOBILES CITROEN à lui payer 861. 220 euros à titre de dommages et intérêts, de désigner un expert aux frais avancés de la société AUTOMOBILES CITROEN pour fournir les éléments permettant de déterminer les chiffres d'affaires réalisés en Algérie de février 2001 à février 2004, subsidiairement de condamner la société AUTOMOBILES CITROEN à lui payer à titre de dommages et intérêts 736. 850 euros et de désigner un expert pour déterminer le montant des ventes 2001.
Elle réclame en toute hypothèse 9. 000 euros pour ses frais irrépétibles et la condamnation de la société AUTOMOBILES CITROEN aux dépens.
La société AUTOMOBILES CITROEN réplique que la société YONG INTERNATIONAL n'était juridiquement titulaire d'aucun droit de représentation de sa marque sur le territoire de l'Algérie qu'elle aurait pu transmettre à CIT ce qui démontre, selon elle, l'absence de contrepartie au prétendu contrat de commissionnement.
Elle rappelle qu'aux termes du contrat de fourniture, la société YONG INTERNATIONAL revêt la qualité d'intermédiaire commercial de ses productions ce qui est exclusif d'un quelconque droit de représentation qui ne pourrait appartenir qu'aux distributeurs, clients de la société YONG INTERNATIONAL.
Elle souligne que la société YONG INTERNATIONAL prétend avoir transféré le droit de représentation à CIT mais aussi l'avoir antérieurement apporté à la société YONG INTERNATIONAL ALGERIE, dissoute depuis.
Elle affirme ainsi que la société YONG INTERNATIONAL ne peut avoir transféré un droit de représentation dont elle n'était pas titulaire, ni l'avoir transféré deux fois.
Elle dénie toute force contractuelle à la lettre d'accréditation du 18 septembre 2000 délivrée à monsieur KIM B...C... et rappelle le contenu exact de la télécopie du 12 janvier 2001 qui ne vise pas la renonciation à la poursuite du contrat de fourniture.
Elle ajoute que celui-ci ne prévoit aucunement le versement d'une commission de 5 % puisque la société YONG INTERNATIONAL réalisait une marge commerciale.
Invoquant l'article 1131 du code civil, elle soutient que le prétendu contrat de commissionnement serait dépourvu de cause, faute par la société YONG INTERNATIONAL d'avoir pu transférer un droit dont elle n'a jamais disposé et faute d'avoir renoncé à percevoir une commission de 5 % dont la preuve de l'existence n'est pas rapportée.
Elle explique que la télécopie du 12 janvier 2001, dont se prévaut la société YONG INTERNATIONAL, est un document interne faisant allusion à un simple projet ne précisant pas les conditions et modalités de l'éventuel contrat, soumis à la direction qui n'y a pas donné suite.
Elle discute la force probante des attestations produites par la société YONG INTERNATIONAL en en soulignant certaines incohérences. Elle observe que les correspondances antérieures au 27 mars 2001 ne font aucune allusion à ce contrat qui est aujourd'hui présenté comme l'unique contrepartie de l'opération.
Aussi conclut-elle à la confirmation du jugement qui a débouté la société YONG INTERNATIONAL de ses demandes.
Elle qualifie de nouvelle celle présentée, à titre subsidiaire, en appel par la société YONG INTERNATIONAL en paiement d'une indemnité correspondant au montant des commissions qu'elle aurait dû percevoir pour l'exécution du contrat de fourniture et qui aurait été rompu.
Elle la tient en conséquence pour irrecevable.
Subsidiairement, elle la considère mal fondée dès lors que la société YONG INTERNATIONAL est elle-même à l'origine de la non-poursuite de ce contrat aux termes duquel elle s'était engagée à acheter un certain nombre de véhicules neufs par année civile, engagement qu'elle n'a pas respecté auprès de la société AUTOMOBILES CITROEN qui ne peut la contraindre à poursuivre le contrat.
Elle ajoute qu'aucun élément ne justifie l'affirmation de la société YONG INTERNATIONAL selon laquelle elle pouvait légitimement escompter une marge brute minimum de 5 %.
Elle discute enfin point par point les éléments de préjudice avancés par la société YONG INTERNATIONAL et la portée des justificatifs produits aux débats.
Elle demande en conséquence à la cour de confirmer le jugement, de déclarer la société YONG INTERNATIONAL irrecevable et en tout cas mal fondée en sa demande subsidiaire, de l'en débouter. Formant un appel incident, elle sollicite l'infirmation du jugement qui l'a déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive et sollicite, de ce chef, une somme de 15. 000 euros.
Elle réclame à la société YONG INTERNATIONAL 4. 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et la condamnation de celle-ci en tous les dépens.
La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 22 septembre 2005 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 18 octobre 2005.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le contrat de commission allégué
Considérant que la société YONG INTERNATIONAL soutient que la société AUTOMOBILES CITROEN a refusé de régulariser un contrat de commissionnement qui trouverait sa cause, non pas dans le droit de représenter la marque CITROEN, mais dans la renonciation qu'elle a faite à poursuivre le contrat de fourniture de véhicule et de pièces de rechange conclu le 6 avril 2000 à la seule condition de bénéficier, en contrepartie, d'un contrat de commissionnement ;
Considérant que l'articulation des deux contrats signés le 06 avril 2000 avait pour résultat que les véhicules et pièces détachées CITROEN vendues en Algérie par la société CASA étaient nécessairement achetés par cette dernière à la société YONG INTERNATIONAL qui se les procurait directement auprès du constructeur en encaissant une marge sur cette opération de commerce international ;
Considérant que les parties s'accordent à confirmer qu'au début de l'année 2001, la société AUTOMOBILES CITROEN a conclu avec la société de droit algérien CIT INDUSTRIE AUTOMOBILE un contrat confiant à cette dernière l'importation et la distribution en Algérie de ses productions ; que le texte de ce contrat n'est pas produit aux débats ; qu'il n'est ni allégué ni démontré qu'il mettait à la charge du distributeur, une obligation de s'approvisionner exclusivement auprès de la société YONG INTERNATIONAL ;
Considérant que monsieur KIM B...C..., qui est aussi le dirigeant de la société YONG INTERNATIONAL, est intervenu personnellement dans l'établissement de relations commerciales entre la société AUTOMOBILES CITROEN et la société CIT, dont il détenait une fraction du capital social ; que les efforts qu'il a déployés sont établis par la réalité de sa longue présence en Algérie et les divers échanges de télécopies adressées par la société AUTOMOBILES CITROEN indifféremment à ce dernier et à monsieur E... ou à la société CIT ;
Considérant que la télécopie envoyée le 20 février 2001 par la société AUTOMOBILES CITROEN à la société CIT, adressant à cette dernière le contrat signé, explicite les modalités de la collaboration entre ces deux sociétés en précisant l'établissement, d'un commun accord, de plans d'action successifs semestriels définissant l'introduction sur le marché des évolutions produits, les volumes de vente, les planning de formation et de développement du réseau, le plan d'action service après vente, les actions publicitaires et de communication, le budget d'aide commerciale apportée par CITROEN ;
Considérant que cette télécopie mentionne, in fine, la phrase suivante : " Je vous propose que lors de sa prochaine visite, M F... fixe, avec M KIM et qui vous désignerez, le plan d'action jusqu'à fin juin et les grands axes du plan du deuxième semestre 2001 " ;
Considérant que l'établissement d'un lien contractuel direct entre la société AUTOMOBILES CITROEN et la société CIT, désigné importateur et distributeur, était de nature à engendrer une baisse significative du volume de l'activité commerciale de véhicules et de pièces achetés par la société CASA et transitant nécessairement par la société YONG INTERNATIONAL ;
Considérant, dès lors, que la société AUTOMOBILES CITROEN n'est pas fondée à invoquer les dispositions de l'article 1131 du code civil et à soutenir que le contrat de commissionnement dont se prévaut la société YONG INTERNATIONAL serait dépourvu de cause puisqu'il pouvait être convenu entre les parties que les commissions constituent la contrepartie de la perte de marge sur les opérations commerciales que ne réalisait plus la société YONG INTERNATIONAL ;
Considérant que cette réalité se trouve au demeurant explicitement confirmée par les termes de la télécopie adressée le 12 janvier 2001 par la société AUTOMOBILES CITROEN sous la signature de monsieur Mathieu F..., dont la qualité de chef de la section régionale pour l'Afrique indiquée par la société YONG INTERNATIONAL n'est pas discutée, à monsieur H..., dont l'appartenance à la société AUTOMOBILES CITROEN est admise par les parties mais la fonction non précisée ;
Considérant que cette lettre, interne à CITROEN, est en effet libellée en ces termes sous l'OBJET " Nouveau Contrat Algérie " : " Suite à la conversation que nous avons eue hier matin, je vous confirme que nous souhaitons établir un nouveau contrat d'importation / distribution sur l'Algérie, avec la société CIT Industrie Automobile SARL, qui est aujourd'hui déjà le distributeur de Citroën sur ce territoire. Ce contrat d'importation / distribution sera assorti d'un contrat de commissionnement avec la société YONG INTERNATIONAL.-Vous trouverez ci-joint le formulaire que vous m'avez demandé " ;
Considérant en revanche que la société YONG INTERNATIONAL n'apporte pas la preuve dont elle a la charge que la société AUTOMOBILES CITROEN se serait engagée à régulariser un contrat de commissionnement ;
Considérant qu'elle expose que, ce même 12 janvier 2001, elle a adressé à la société AUTOMOBILES CITROEN une télécopie par laquelle elle déclarait se " désister du droit de représenter la Marque CITROEN (...) pour l'ensemble du territoire d'Algérie " et exprimait son " accord pour transférer ce droit à la société CIT " ; qu'elle en déduit que cet échange de correspondances matérialise un accord de principe sur la conclusion des deux contrats, d'importation distribution d'une part et de commissionnement d'autre part ;
Considérant toutefois que la télécopie précitée du 12 janvier 2001 est un document interne au groupe CITROEN, ne constituait que la présentation par le chef de la section régionale pour l'Afrique d'un projet et se trouve dépourvue de portée contractuelle ; que la circonstance que le double de cette télécopie soit parvenue, dans des conditions qui ne sont pas précisées, sur le télécopieur de la société YONG INTERNATIONAL ne saurait démontrer que cette dernière en était destinataire ;
Considérant en second lieu que la société YONG INTERNATIONAL justifie qu'elle était titulaire du doit de représenter la marque CITROEN en Algérie ainsi que cela est établi par la télécopie qui lui a été envoyée par le constructeur le 17 mars 2000 " Nous soussignés CITROEN INTERNATIONAL, avons le plaisir de vous annoncer que vous avez été retenu pour représenter notre marque sur le territoire algérien " ; que ce droit, en revanche, n'était aucunement exclusif puisque, dans le contrat d'importation conclu avec la société CAS, filiale de la société YONG INTERNATIONAL, le constructeur se réservait le droit de vendre directement ou par l'intermédiaire de toute société de son groupe, ses productions, notamment à tout acheteur dont l'importance justifie son intervention dans l'intérêt de la marque ;
Considérant qu'il ne résulte pas des termes de la télécopie du 12 janvier 2001 que la renonciation par la société YONG INTERNATIONAL à ce droit devait nécessairement s'entendre comme la contrepartie d'un contrat de commission ; que le désistement est intervenu explicitement au bénéfice de la société CIT dans laquelle monsieur KIM B...C... avait des intérêts d'investisseur ;
Considérant que la télécopie dont se prévaut la société YONG INTERNATIONAL envoyée le 12 janvier 2001 par monsieur F... ne précise ni l'assiette, ni le taux des commissions dont le reversement avait été envisagé ; que les deux attestations produites aux débats par la société YONG INTERNATIONAL émanent de messieurs Paul I... et Ahmed J... qui se déclarent respectivement conseiller financier et associé de la société YONG INTERNATIONAL pour l'un et conseiller de la société CIT et de monsieur KIM B...C... pour l'autre, n'ont pas pour portée d'établir l'engagement de la société AUTOMOBILES CITROEN de souscrire un contrat de commissionnement ;
Considérant que, hormis la qualité de leurs auteurs, proches des intérêts de la société YONG INTERNATIONAL et de monsieur KIM B...C..., les explications fournies par ces attestations se bornent à faire état du contenu et de l'état d'avancement des discussions menées par la société YONG INTERNATIONAL et monsieur F... ;
Considérant que l'attestation de monsieur I... se réfère à une réunion tenue le 08 janvier 2001, mentionne que le taux restait indécis et confirme que le représentant de CITROEN devait solliciter les services juridiques ; que c'est précisément ce qu'a fait monsieur F... par sa télécopie interne du 12 janvier 2001 ;
Considérant que l'attestation de monsieur J... relate une réunion du 15 février 2001 mais révèle une incohérence majeure puisqu'elle fait du contrat de commission un préalable au transfert des droits d'importation dont la société YONG INTERNATIONAL s'était cependant désistée plus d'un mois auparavant, par sa télécopie du 12 janvier 2001 ;
Considérant au surplus qu'est produite aux débats une lettre adressée par la société YONG INTERNATIONAL à la société AUTOMOBILES CITROEN le 18 mars 2003 informant cette dernière des importantes difficultés rencontrées par monsieur KIM B...C... dans ses relations avec monsieur E..., son associé dans le capital de la société CIT ; que cette correspondance établit que monsieur KIM B...C... avait connaissance de ce que le contrat de distribution importation avait été signé ; que monsieur KIM B...C... relate en détail les circonstances de la rupture avec son associé et les conséquences financières qui en résulte pour lui ; qu'il ne fait toutefois aucun rappel de la non-signature d'un contrat de commissionnement alors pourtant que monsieur J... expose que, le 15 février 2001 " il était bien convenu que le contrat de commissionnement devait être signé préalablement, ou au plus tard, en même temps que le contrat principal devant lier CITROEN à CIT... "
Considérant ainsi que la preuve d'un engagement explicite de la société AUTOMOBILES CITROEN de conclure avec la société YONG INTERNATIONAL un contrat de commissionnement sur toutes les ventes consenties à la société CIT n'est pas établie ;
Que doit en conséquence recevoir confirmation, par substitution de motifs, le jugement qui a rejeté la demande de la société YONG INTERNATIONAL tendant à voir retenir la responsabilité de la société AUTOMOBILES CITROEN à son égard en ne régularisant pas le contrat de commissionnement ;
Sur la rupture du contrat de fourniture
Considérant que, pour la première fois en cause d'appel, la société YONG INTERNATIONAL prétend, subsidiairement, que la société AUTOMOBILES CITROEN a rompu abusivement et brutalement le contrat de fourniture signé le 06 avril 2000 et demande l'indemnisation du préjudice qui en résulte pour elle, calculé à raison de 5 % des ventes enregistrées sur le territoire algérien pendant l'année civile 2001 ;
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 564 du nouveau code de procédure civile les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ;
Considérant que la société YONG INTERNATIONAL excipe de l'article 565 du même code qui édicte que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges même si leur fondement juridique est différent ;
Considérant que la demande formée en première instance était celle du paiement de commissions dues en exécution, sur trois ans, d'un contrat de commissionnement que la société YONG INTERNATIONAL prétendait conclu avec la société AUTOMOBILES CITROEN qui en contestait l'existence ;
Considérant que la demande subsidiaire vise à réclamer les rémunérations de marge brute que la société YONG INTERNATIONAL aurait perçues en exécution du contrat signé le 6 avril 2000 et dont elle fait grief à la société AUTOMOBILES CITROEN de l'avoir rompu abusivement ;
Considérant que les demandes peuvent être considérées comme tendant aux mêmes fins indemnitaires d'une interruption ou d'une non prolongation des relations commerciales contractuelles existantes entre la société YONG INTERNATIONAL et la société AUTOMOBILES CITROEN et de leur évolution à raison de la mise en place d'un nouvel importateur distributeur pour le territoire de l'Algérie ;
Que la demande subsidiaire doit en conséquence être déclarée recevable ;
Considérant que le contrat de fourniture de véhicules et de pièces conclu entre la société AUTOMOBILES CITROEN et la société YONG INTERNATIONAL a été signé le 6 avril 2000 pour une période commençant le 1er avril et se terminant le 31 décembre 2000 ; qu'il était stipulé tacitement renouvelable par période successives d'un an sauf dénonciation trois mois avant l'échéance prévue ;
Considérant que la société YONG INTERNATIONAL affirme que la société AUTOMOBILES CITROEN n'était pas fondée à rompre le contrat avant le 31 décembre 2001 dès lors que, faute de dénonciation, il s'est trouvé tacitement renouvelé ; qu'elle qualifie d'abusive la rupture par la société AUTOMOBILES CITROEN de ce contrat alors qu'elle-même pouvait légitimement escompter percevoir une marge brute minima de 5 % sur les ventes des véhicules CITROEN à la société CASA ;
Considérant toutefois que le contrat litigieux avait pour objet de définir les conditions et modalités selon lesquelles la société YONG INTERNATIONAL s'engageait, en vue de satisfaire le marché algérien, à acheter à la société AUTOMOBILES CITROEN des véhicules neufs (sept cents la première année) ; qu'il ne mettait pas d'autre obligation à la charge de la société AUTOMOBILES CITROEN que celle de satisfaire aux commandes de véhicules et à sa garantie de constructeur ;
Considérant que la société YONG INTERNATIONAL prétend que la société AUTOMOBILES CITROEN a rompu le contrat en signant celui avec la société CIT ; que le contrat ne comporte toutefois aucune disposition par laquelle la société AUTOMOBILES CITROEN se serait interdite de distribuer ses véhicules par un autre canal ; que, si le contrat de fourniture fait référence au contrat de distributeur de la société CASA en Algérie et explicite la relation entre les deux conventions, il ne crée au bénéfice de la société YONG INTERNATIONAL aucun droit exclusif ; qu'il en est au demeurant de même du contrat signé le même jour avec la société CASA ;
Considérant ainsi que la société AUTOMOBILES CITROEN n'est pas l'auteur d'une rupture du contrat que la société YONG INTERNATIONAL pouvait librement continuer d'exécuter en commandant des véhicules destinés à l'Algérie ; qu'elle n'allègue ni ne démontre un refus de la société AUTOMOBILES CITROEN à cet égard ; que les pièces produites aux débats n'établissent pas une quelconque défaillance de la société AUTOMOBILES CITROEN dans l'exécution de ses obligations contractuelles ; qu'au contraire, c'est sans être contredite que cette dernière expose que la société YONG INTERNATIONAL n'a pas honoré ses engagements d'achats auprès d'elle ; que la société AUTOMOBILES CITROEN ne pouvait contraindre la société YONG INTERNATIONAL à poursuivre l'exécution du contrat ;
Que la société YONG INTERNATIONAL doit en conséquence être déclarée mal fondée en sa demande de voir dire et juger que la société AUTOMOBILES CITROEN a rompu de manière brutale et abusive le contrat de fourniture et en celle corrélative d'indemnisation de ce chef ;
Sur les demandes accessoires
Considérant que la société AUTOMOBILES CITROEN ne démontre pas le caractère abusif du comportement de la société YONG INTERNATIONAL qui a exercé une voie de recours que lui réserve la loi ; qu'il n'est pas établi que cet exercice ait dégénéré en abus ; qu'au surplus la société AUTOMOBILES CITROEN ne justifie pas du préjudice qu'elle allègue ; que sa demande en paiement de dommages et intérêts doit être rejetée ;
Considérant en revanche qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge des frais non compris dans les dépens qu'elle a été contrainte d'engager en cause d'appel ; que la société YONG INTERNATIONAL sera condamnée à lui payer une indemnité complémentaire de 4. 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Considérant que l'équité ne commande pas d'allouer des sommes sur le fondement du même texte à l'appelante qui, succombant dans l'exercice de son recours, doit être condamnée aux dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme, par substitution partielle de motifs, le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Déclare la société YONG INTERNATIONAL recevable mais mal fondée en sa demande de voir condamner la société AUTOMOBILES CITROEN à lui payer des dommages et intérêts pour rupture prétendument abusive du contrat de fourniture,
Déboute la société AUTOMOBILES CITROEN de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Condamne la société YONG INTERNATIONAL à payer à la société AUTOMOBILES CITROEN la somme complémentaire de 4. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à application de ce même texte au bénéfice de la société YONG INTERNATIONAL,
Condamne cette dernière aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par la SCP LISSARRAGUE-DUPUIS-BOCCON-GIBOD, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Arrêt prononcé par Madame Françoise LAPORTE, Président, et signé par Madame Françoise LAPORTE, Président et par Mme Marie-Thérèse GENISSEL, greffier, présent lors du prononcé
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,