COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
H..L. / J.M.
5ème chambre B
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 10 NOVEMBRE 2005
R.G. No 04 / 03802
AFFAIRE :
S.A.X... VOYAGES en la personne de son représentant légal, S.A. TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX en la personne de son représentant légal
C /
Francis Y...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Juillet 2004 par le Conseil de Prud'hommes de NANTERRE
Section : Commerce
No RG : 01 / 03300
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE DIX NOVEMBRE DEUX MILLE CINQ,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A.X... VOYAGES agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés de droit au siège social sis :
9 Route Principale du Port
CE 479
92638 GENNEVILLIERS CEDEX
représentée par Me Jacques VALLUIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R 195 substitué par Me Isabelle GRANGIE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R 195
S.A. TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés de droit au siège social sis :
9 Route Principale du Port
CE 479
92638 GENNEVILLIERS CEDEX
représentée par Me Jacques VALLUIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R 195 substitué par Me Isabelle GRANGIE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R 195
APPELANTES
****************
Monsieur Francis Y...
...
24200 CARSAC AILLAC
représenté par Me François JODEAU, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 376
INTIMÉ
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 06 Octobre 2005, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme Jeanne MININI, Président,
Mme Marie-Noëlle ROBERT, Conseiller,
M. Jacques CHAUVELOT, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Mme Christiane PINOT
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
La société CHAUMONT VOYAGES, société chargée de l'organisation de voyages et de séjours en France et à l'étranger, a engagé verbalement Francis Y... en qualité de coursier pour une durée indéterminée à compter du 4 septembre 1989. La moyenne de ses trois derniers mois de salaire pour 169 heures s'est élevée à la somme mensuelle brute de 10 750 francs (1 638,83 € uros), le salarié percevant en outre une prime de bilan et un treizième mois versé en décembre de chaque année.
Parallèlement, Francis Y... a effectué à compter du mois de juin 1989 plusieurs missions régulières pour le compte de la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX, société chargée de transports et d'excursions, en qualité de chauffeur d'autocar. La moyenne de sa rémunération s'est élevée à la somme mensuelle brute de 615,18 €.
Les sociétés X... VOYAGES et TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX exercent leurs activités professionnelles dans les mêmes locaux sis à Gennevilliers et sont dirigés par les mêmes personnes physiques.
Le 26 septembre 2001 la société CHAUMONT VOYAGES a convoqué Francis Y... à un entretien préalable à une mesure de licenciement fixé au 23 octobre suivant, au retour des congés payés du salarié. Puis selon lettre recommandée avec accusé de réception en date du 26 octobre 2001, la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX a notifié à Francis Y... son licenciement pour les motifs suivants :
" Le 19 septembre dernier, vous avez refusé de déposer un pli que nous vous avions confié et qui devait être remis dans l'après-midi à Nanterre.
Alors que monsieur X... vous demandait pour quelle raison vous ne l'aviez pas informé dès 14 heures, vous vous êtes emporté, avez frappé le bureau de monsieur
X...
de votre casque et déclaré que vous en aviez marre et arrêtiez de travailler.
Vous avez laissé votre sacoche et le reste de vos affaires sur place et quitté les locaux. Vous n'avez pas effectué le travail qui vous avait été confié pour l'après-midi.
Vous ne vous êtes pas présenté pour prendre votre service le lendemain matin. Vous n'êtes venu qu'à 11 heures, avez rendu le reste de vos affaires et avez persisté dans votre refus de travail.
Vos refus de travail des 19 et 20 septembre et votre abandon de poste du 19 septembre s'avérant constitutifs d'une faute grave, votre licenciement sans préavis prend effet dès la première présentation de la présente.............. "
Constatant son erreur dans l'envoi de la lettre de licenciement, la société CHAUMONT VOYAGES a, dès le 8 novembre 2001, transmis à nouveau à Francis Y... la même lettre de licenciement pour son propre compte en lieu et place de celle adressée antérieurement sur un document à en-tête de la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX.
Malgré la notification du licenciement, la société CHAUMONT VOYAGES, selon courrier en date du 5 décembre 2001, a donné des instructions à Francis Y... pour l'exécution de prestations à effectuer le 11 décembre 2001 à 18 heures 15.A nouveau le 17 décembre 2001, la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX, constatant l'inexécution par Francis Y... des instructions précédemment données, a formalisé de nouvelles directives pour des prestations à effectuer le 21 décembre 2001 à 18 heures 30.
Constatant l'inexécution des ordres donnés, la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX a convoqué Francis Y... le 26 décembre 2001 à un entretien préalable à une mesure de licenciement fixé au 2 janvier 2002. Puis, selon lettre recommandée avec accusé de réception en date du 4 janvier 2002, la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX a notifié à Francis Y... son licenciement pour faute grave en énonçant les griefs suivants :
"-le 5 décembre 2001, nous vous avions convoqué pour effectuer un service le 11 décembre 2001 à 18 heures 15, service auquel vous ne vous êtes pas présenté,
-le 17 décembre 2001, nous vous avions convoqué pour effectuer un service le 21 décembre 2001 à 18 heures 30, service auquel vous ne vous êtes pas présenté.
Votre refus de travail sans justification des 11 et 21 décembre 2001 s'analysent en un abandon de poste et sont constitutifs d'une faute grave, votre licenciement sans préavis prend effet dès la première présentation de cette lettre............ "
Contestant les conditions ainsi que les motifs des licenciements prononcés à son encontre par ses deux employeurs, Francis Y... a, dès le 5 novembre 2001, fait convoquer les sociétés X... VOYAGES et TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX devant le Conseil de Prud'hommes de Nanterre afin d'obtenir :
• la condamnation de chacune des sociétés au paiement des indemnités conventionnelles de rupture des contrats de travail, de dommages et intérêts pour non respect des procédures de licenciement et licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,
• la condamnation solidaire des deux sociétés au paiement des heures supplémentaires effectuées outre les congés payés afférents et les repos compensateurs.
Par jugement en date du 23 juillet 2004, le Conseil de prud'hommes, statuant en formation de départage, a :
ordonné la jonction des procédures,
dit les licenciements dépourvus de cause réelle et sérieuse,
condamné la société CHAUMONT VOYAGES à payer à Francis Y... les sommes suivantes :
• 3 550,80 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents,
• 5 858,82 € à titre d'indemnité de licenciement,
ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2001,
• 30 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse outre intérêts au taux légal à compter du jugement,
• 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
condamné la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX à payer à Francis Y... les sommes de :
• 1 230,36 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents,
• 2 030 € à titre d'indemnité de licenciement,
ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2001,
• 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse outre intérêts au taux légal à compter du jugement,
• 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
condamné solidairement les sociétés X... VOYAGES et TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX à payer à Francis Y... les sommes de :
• 64 048,14 € au titre des heures supplémentaires,
• 22 390,07 € à titre de dommages et intérêts pour repos compensateurs non pris,
débouté Francis Y... de ses demandes au titre de l'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral et au titre du rappel de congés payés,
ordonné le remboursement par les sociétés X... VOYAGES et TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX des indemnités de chômage versées à Francis Y... aux organismes concernés à concurrence de six mois,
ordonné aux sociétés X... VOYAGES et TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX de remettre à Francis Y... un certificat de travail, des bulletins de salaire et une attestation ASSEDIC rectifiés dans les deux mois de la notification du jugement,
rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties,
condamné les sociétés X... VOYAGES et TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX aux dépens.
Les sociétés X... VOYAGES et TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX ont régulièrement relevé appel de cette décision.
Vu les conclusions déposées et développées oralement à l'audience du 6 octobre 2005 par lesquelles elles ont sollicité la réformation du jugement déféré, le rejet de l'ensemble des réclamations présentées par Francis Y... et la condamnation de celui-ci au paiement à chacune d'une somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Ces sociétés ont fait essentiellement valoir que Francis Y... n'avait jamais contesté la matérialité des griefs reprochés dans chacune des lettres de licenciement et qu'en conséquence la procédure prévue par le Code du travail ayant été parfaitement observée, la rupture des deux contrats de travail est régulière en la forme et justifiée au fond dès lors que les fautes relevées à l'encontre du salarié rendaient son maintien impossible dans chacune des sociétés.
Ces sociétés ont fait également valoir que Francis Y... a travaillé à temps plein pour la société CHAUMONT VOYAGES sans jamais effectuer aucune heure supplémentaire et a travaillé à temps partiel en qualité d'extra pour la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX en étant rémunéré selon les heures travaillées récapitulées sur un état joint à chacun de ses bulletins de salaire.A titre subsidiaire, et au cas où des heures supplémentaires resteraient dues à Francis Y..., les sociétés ont fait observer que les premiers juges ont procédé à un calcul erroné en ce qui concerne la distinction entre les heures dues à 25 % et les heures dues à 50 %, le coût horaire et le nombre des repos compensateurs.
Francis Y... a conclu en son principe à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a dit que les licenciements sont dépourvus de cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a fixé le montant des indemnités conventionnelles de rupture des contrats de travail. Pour le surplus il a formé appel incident en sollicitant le jour de l'audience de plaidoiries :
la condamnation de la société CHAUMONT VOYAGES au paiement des sommes de :
• 53 357,16 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
• 20 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'impossibilité de retrouver un revenu de substitution et du fait de la minoration de sa retraite,
la condamnation de la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX au paiement des sommes de :
• 22 867,35 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
• 10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'impossibilité de retrouver un revenu de substitution et du fait de la minoration de sa retraite,
la condamnation solidaire des sociétés X... VOYAGES et TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX au paiement des sommes de :
• 1 065,16 € à titre de rappel de salaires au titre des congés payés non pris en 1998,1999 et 2000, soit à concurrence de 18 jours,
• 11 634,91 € au titre des heures supplémentaires à 25 %,
• 63 192 € au titre des heures supplémentaires à 50 %,
• 7 482,66 € au titre des congés payés afférents,
• 21 226,71 € au titre des repos compensateurs,
ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2001,
la délivrance des bulletins de salaire, du certificat de travail et de l'attestation ASSEDIC pour chaque rupture des contrats de travail sous astreinte de 100 € par jour de retard,
la condamnation des sociétés X... VOYAGES et TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX au paiement chacune d'une indemnité complémentaire de 2 000 € au titre des frais de procédure exposés en appel outre les entiers dépens comprenant les frais exposés devant le Premier Président statuant en référé suite à l'introduction par les sociétés d'une procédure en arrêt de l'exécution provisoire attachée à la décision de première instance.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1-sur la rupture des contrats de travail
Considérant qu'il résulte des documents produits aux débats que Francis Y... a travaillé depuis l'année 1989 pour le compte des sociétés X... VOYAGES et TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX, à temps complet en qualité de coursier pour le compte de la première entreprise et à temps partiel selon des missions définies ponctuellement en qualité de chauffeur d'autocar pour le compte de la seconde entreprise, ces deux entités économiques exploitant des activités distinctes (agence de voyage pour l'une et exécution de prestations de transports de personnes pour l'autre) tout en étant implantées dans les mêmes locaux sur le même site et dirigées par les mêmes personnes physiques ;
Considérant que la société CHAUMONT VOYAGES a, la première, pris l'initiative de rompre le contrat de travail la liant à Francis Y... depuis plus de 12 années, en engageant dès le 26 septembre 2001 une procédure de licenciement, reprochant au salarié des fautes graves constituées par un refus de travailler et un abandon de poste ;
Considérant cependant que la rupture du contrat de travail liant la société CHAUMONT VOYAGES à Francis Y..., selon un courrier transmis par la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX le 26 octobre 2001 qui n'était par l'employeur du salarié au titre du contrat de travail considéré, est entachée d'une irrégularité de fond rendant le licenciement nul et de nul effet (la régularisation opérée postérieurement par le société CHAUMONT VOYAGES étant sans effet en l'absence d'accord exprès du salarié) ;
Considérant que victime d'un licenciement nul, Francis Y... doit obtenir une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle prévue par l'article L. 122-14-4 du Code du travail ;
Considérant qu'après avoir pris en considération l'âge de Francis Y... au moment de la rupture du contrat de travail, son ancienneté au sein de l'entreprise et les difficultés rencontrées par lui pour retrouver un nouvel emploi, il convient, par substitution de motifs, de confirmer le jugement déféré ayant fixé à 30 000 € le montant de l'indemnité réparant l'ensemble des préjudices subis par le salarié du fait de la perte injustifiée de son emploi et ayant rejeté toute autre réclamation à caractère indemnitaire ;
Considérant qu'il convient également de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a alloué à Francis Y... les indemnités conventionnelles de rupture du contrat de travail à hauteur des sommes de 3 550,80 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis de deux mois outre
les congés payés afférents et de 5 858,82 € au titre de l'indemnité de licenciement, ces montants ne faisant l'objet d'aucune contestation de la part de la société CHAUMONT VOYAGES ;
Considérant toutefois qu'en application des dispositions de l'article L. 122-14-4 alinéa 2 du Code du travail il convient d'ordonner le remboursement à l'ASSEDIC des indemnités de chômage versées à Francis Y... dans la limite de deux mois ;
Considérant que de son côté la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX a pris l'initiative de rompre le contrat de travail la liant à Francis Y... en engageant une procédure de licenciement à compter du 26 décembre 2001 ;
Considérant toutefois qu'en notifiant à Francis Y... la rupture du contrat de travail en faisant notamment état de son refus d'exécuter le 11 décembre 2001 des instructions données par une société, la société X... VOYAGES, qui avait déjà rompu son contrat de travail depuis le 26 octobre 2001, la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX n'a pas justifié de la réalité de griefs réels et sérieux reprochés à ce salarié qui a pu légitimement croire, qu'en raison de l'utilisation concomitante par les deux sociétés de courriers à en-tête de l'une et de l'autre des entreprises, ces deux sociétés avaient mis un terme définitif à son activité professionnelle par l'envoi de la première lettre de licenciement ;
Considérant qu'il convient dès lors de confirmer le jugement déféré qui a dit que le licenciement notifié par la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Considérant que Francis Y... peut prétendre au paiement des indemnités conventionnelles de rupture du second contrat de travail à hauteur des sommes de 1 230,36 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents et de 2 030 € au titre de l'indemnité de licenciement ;
Considérant qu'il convient également de confirmer le jugement déféré ayant fixé à 10 000 € le montant des dommages et intérêts réparant l'intégralité des préjudices subis par Francis Y... du fait de la rupture injustifiée de son contrat de travail après avoir pris en considération son âge, son ancienneté au sein de l'entreprise et les difficultés rencontrées pour retrouver un nouvel emploi ;
Considérant toutefois qu'en application des dispositions de l'article L. 122-14-4 alinéa 2 du Code du travail il convient d'ordonner le remboursement à l'ASSEDIC des indemnités de chômage versées à Francis Y... dans la limite de deux mois ;
2-sur les rappels de salaires
a-sur les heures supplémentaires et les repos compensateurs
Considérant qu'aux termes de l'article L 212-1-1 du code du travail, en cas de litige relatif au nombre d'heures effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ;
Considérant que s'il résulte de ces dispositions que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties, il appartient cependant au salarié de fournir préalablement au juge les éléments de nature à étayer sa demande ;
Considérant au cas présent qu'il est établi et non contesté par les parties que Francis Y... a travaillé à temps complet pour le compte de la société CHAUMONT VOYAGES, selon un horaire fixé à 39 heures par semaine, et à temps partiel pour le compte de la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX ;
Considérant que l'examen des fiches de travail communiquées aux débats, établies pour permettre l'établissement des bulletins de salaire par la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX, fait apparaître que Francis Y... a travaillé pour le compte de cette société dans les conditions suivantes :
-soit le matin avant la prise de ses fonctions de coursier pour le compte de la société CHAUMONT VOYAGES,
-soit le soir après la cessation de ses fonctions de coursier pour le compte de la société CHAUMONT VOYAGES,
-soit les samedis et dimanches suivant les semaines travaillées pour le compte de la société CHAUMONT VOYAGES,
Considérant que si un salarié peut cumuler deux emplois auprès de deux employeurs distincts, il ne peut effectuer des travaux rémunérés au-delà de la durée maximale du travail, soit 48 heures par semaine ;
Considérant par ailleurs que le travail effectué au-delà des horaires fixés doit être rémunéré par des majorations de salaires dans les conditions fixées par le Code du travail ;
Considérant au cas présent qu'en raison des liens très étroits existant entre les sociétés X... VOYAGES et TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX qui réalisaient des activités complémentaires dans les mêmes locaux (respectivement d'agent de voyage et d'organisateur de voyages et d'excursions) et qui étaient dirigées par la même personne physique, la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX, qui donnait des instructions ponctuelles à Francis Y... pour la conduite des autocars de l'entreprise en dehors des heures de travail effectuées par ce salarié pour le compte de la société CHAUMONT VOYAGES mais s'ajoutant toujours aux horaires de travail fixés par cet employeur, aurait dû rémunérer les heures travaillées avec les majorations légales, soit 25 % pour les 8 heures au-delà de 39 heures (soit de 40 à 47 heures) et 50 % pour les heures au-delà de 47 heures ;
Considérant de même que la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX aurait dû faire bénéficier Francis Y... de repos compensateurs au-delà de 41 heures de travail ;
Considérant qu'il convient donc de réformer le jugement déféré et de dire que seule la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX devra verser à Francis Y... des heures supplémentaires dans les limites ci-dessous fixées (calculées à partir d'un salaire horaire constant fixé à 9,22 €) après déduction des sommes déjà versées au salarié et mentionnées sur ses bulletins de salaire :
au titre de l'année 1996 : la somme de 265,15 € ainsi calculée
-heures supplémentaires à 25 % : 599,30 €
-congés payés afférents : 59,93 €
-à déduire les sommes encaissées : 394,08 €
au titre de l'année 1997 : la somme de 2 536,21 € ainsi calculée
-heures supplémentaires à 25 % : 4 425,60 €
-heures supplémentaires à 50 % : 1 327,68 €
-congés payés afférents : 575,32 €
-à déduire les sommes encaissées : 3 792,39 €
au titre de l'année 1998 : la somme de 6 012,02 € ainsi calculée
-heures supplémentaires à 25 % : 4 425 €
-heures supplémentaires à 50 % : 7 501,39 €
-congés payés afférents : 1 192,63 €
-à déduire les sommes encaissées : 7 107 €
au titre de l'année 1999 : la somme de 5 950,49 € ainsi calculée
-heures supplémentaires à 25 % : 4 425,60,09 €
-heures supplémentaires à 50 % : 6 638,40 €
-congés payés afférents : 1 106,40 €
-à déduire les sommes encaissées : 6 219,91 €
au titre de l'année 2000 : la somme de 5 610,22 € ainsi calculée
-heures supplémentaires à 25 % : 4 425 €
-heures supplémentaires à 50 % : 7 501,39 €
-congés payés afférents : 1 192,63 €
-à déduire les sommes encaissées : 7 508,80 €
au titre de l'année 2001 : la somme de 2 612,17 € ainsi calculée
-heures supplémentaires à 25 % : 2 581,60 €
-heures supplémentaires à 50 % : 3 291,54 €
-congés payés afférents : 587,31 €
-à déduire les sommes encaissées : 3 848,28 €
soit au total la somme de 22 986,26 € uros ;
Considérant que le calcul des repos compensateurs à hauteur de la somme de 21 226,71 € n'est pas critiquable ;
b-sur les rappels de salaires au titre des congés payés non pris
Considérant que Francis Y... ne démontre pas que la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX l'a empêché de prendre la totalité des congés payés au titre des années 1998,1999 et 2000 ;
Qu'ainsi de ce chef il convient de confirmer le jugement déféré qui a débouté le salarié de cette réclamation ;
c-sur les indemnités de procédure
Considérant enfin qu'il convient de condamner chacune des sociétés à verser à Francis Y... la somme de 2 500 € au titre des frais de procédure non taxables exposés tant en première instance qu'en cause d'appel au sens des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et par décision contradictoire,
INFIRME dans la mesure utile le jugement rendu le 23 juillet 2004 par le Conseil de Prud'hommes de Nanterre,
STATUANT A NOUVEAU :
CONDAMNE la société CHAUMONT VOYAGES à payer à Francis Y... les sommes de :
3 550,80 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 355,08 € au titre des congés payés afférents,
5 858,82 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2001,
30 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du caractère illicite du licenciement outre intérêts au taux légal à compter du jugement,
2 500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
ORDONNE le remboursement par la société CHAUMONT VOYAGES à l'ASSEDIC des indemnités de chômage versées à Francis Y... dans la limite de deux mois d'indemnités en application des dispositions prévues par l'article L. 122-14-4 alinéa 2 du Code du travail ;
ORDONNE, sans astreinte, la remise par la société CHAUMONT VOYAGES à Francis Y... de bulletins de salaire, d'un certificat de travail et d'une attestation ASSEDIC conformes à la présente décision,
CONDAMNE la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX à payer à Francis Y... les sommes de :
1 230,36 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 123,03 € au titre des congés payés afférents,
2 030 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2001,
10 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse outre intérêts au taux légal à compter du jugement,
22 986,26 € au titre des heures supplémentaires comprenant les congés payés afférents pour la période de novembre 1996 à septembre 2001 outre intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2001,
21 226,71 € au titre des repos compensateurs outre intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2001,
2 500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
ORDONNE le remboursement par la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX à l'ASSEDIC des indemnités de chômage versées à Francis Y... dans la limite de deux mois d'indemnités en application des dispositions prévues par l'article L. 122-14-4 alinéa 2 du Code du travail ;
ORDONNE la notification par les soins du Greffe de la présente décision à l'ASSEDIC de L'OUEST FRANCILIEN Site de Sartrouville 27 rue Lamartine BP 161 78507 SARTROUVILLE Cedex,
ORDONNE, sans astreinte, la remise par la société TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX à Francis Y... de bulletins de salaire, d'un certificat de travail et d'une attestation ASSEDIC conformes à la présente décision,
DÉBOUTE Francis Y... du surplus de ses demandes,
CONDAMNE les sociétés X... VOYAGES et TOURISME TRANSPORTS INTERNATIONAUX aux entiers dépens et aux frais d'exécution des décisions de première instance et d'appel comprenant les frais exposés en référé devant le Premier Président.
Prononcé publiquement par madame MININI, Président,
Et ont signé le présent arrêt, madame MININI, Président et madame PINOT, Greffier.
Le Greffier Le Président