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13/10/2005 | FRANCE | N°3331/04

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13 octobre 2005, 3331/04


COUR D'APPEL DE VERSAILLES 12ème chambre section 2 J.F.F./P.G. ARRET N° Code nac : 30B contradictoire DU 13 OCTOBRE 2005 R.G. N° 04/05611 AFFAIRE : S.A.R.L. CHENEAU MAILLARD ET CIE C/ S.A.S. KDI Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Juillet 2004 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES N° Chambre : 3 N° Section : N° RG :

3331/04 Expéditions exécutoires Expéditions délivrées le : à : SCP LEFEVRE TARDY & HONGRE BOYELDIEU SCP KEIME GUTTIN JARRY E.D. REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE TREIZE OCTOBRE DEUX MILLE CINQ, La cour d'appel de VER

SAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : S.A.R.L. CHENE...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES 12ème chambre section 2 J.F.F./P.G. ARRET N° Code nac : 30B contradictoire DU 13 OCTOBRE 2005 R.G. N° 04/05611 AFFAIRE : S.A.R.L. CHENEAU MAILLARD ET CIE C/ S.A.S. KDI Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Juillet 2004 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES N° Chambre : 3 N° Section : N° RG :

3331/04 Expéditions exécutoires Expéditions délivrées le : à : SCP LEFEVRE TARDY & HONGRE BOYELDIEU SCP KEIME GUTTIN JARRY E.D. REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE TREIZE OCTOBRE DEUX MILLE CINQ, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : S.A.R.L. CHENEAU MAILLARD ET CIE ayant son siège 57 Quai de la Tour 78200 MANTES LA JOLIE, agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège. représentée par la SCP LEFEVRE TARDY & HONGRE BOYELDIEU, avoués - N° du dossier 240570 Rep/assistant : Me Bernard RAOULT de la SCPA BERNARD RAOULT & MARC DE CHANAUD, avocats au barreau de VERSAILLES. APPELANTE ** ** ** ** ** ** ** ** S.A.S. KDI ayant son siège 173-179 Boulevard Félix Faure 93300 AUBERVILLIERS, agissant poursuites et diligences de son Président domicilié en cette qualité audit siège. représentée par la SCP KEIME GUTTIN JARRY, avoués - N° du dossier 04000762 Rep/assistant : Me J. Luc TIXIER, avocat au barreau de NANTERRE. INTIMEE ** ** ** ** ** ** ** ** Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 Juin 2005 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-François FEDOU, conseiller chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Françoise LAPORTE, Président, Monsieur Jean-François FEDOU, conseiller, Monsieur Denis COUPIN, conseiller, Greffier, lors des débats : Mme Marie-Thérèse GENISSEL, 5FAITS ET PROCEDURE : La Société CHENEAU MAILLARD & CIE était

propriétaire Quai de la Tour (78200) à MANTES LA JOLIE de divers locaux à usage industriel et commercial qui ont été donnés en location à la Société KDI suivant bail de trois, six, neuf années, renouvelé à compter du 1er septembre 2002 pour un loyer annuel de 77.798 HT, soit 6.483,16 HT par mois. Par arrêté du 19 mai 2003, le Préfet des Yvelines a ordonné la cessibilité des biens loués à la Société KDI ; le 28 mai 2003 a été prononcée une ordonnance d'expropriation; l'arrêté de cessibilité et l'ordonnance d'expropriation ont été notifiés à la Société CHENEAU MAILLARD & CIE le 20 juin 2003. C'est dans ces circonstances que, faisant grief à la société locataire de ne plus verser la moindre indemnité depuis le 1er septembre 2003, la SARL CHENEAU MAILLARD & CIE a, par acte du 22 mars 2004, assigné la Société KDI en paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle égale à 6.483,16 HT jusqu'à dépossession effective de la bailleresse ou jusqu'au départ effectif du preneur, soit à hauteur de la somme principale de 51.865,33 HT, au titre de la période du 1er septembre 2003 au 1er avril 2004 inclus, augmentée des indemnités accessoires. La Société KDI a soulevé à titre principal l'incompétence du Tribunal de Grande Instance au profit du Tribunal de Commerce de VERSAILLES; subsidiairement, elle a fait état de la précarité de sa situation, justifiant que l'indemnité d'occupation soit fixée à 70 % du loyer antérieur. Par jugement du 06 juillet 2004, le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES a : - rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la Société KDI ; - fixé à la somme de 5.186,33 l'indemnité d'occupation mensuelle due par la Société KDI à la Société CHENEAU MAILLARD à compter du 28 mai 2003, date de l'ordonnance d'expropriation et jusqu'à son complet départ des lieux situés Quai de la Tour à MANTES LA JOLIE ; - condamné la Société KDI à payer à la SARL CHENEAU MAILLARD la somme de 41.490,40 , outre la TVA, correspondant aux indemnités

d'occupation mensuelles impayées du 1er septembre 2003 au 30 avril 2004 ; - débouté la SARL CHENEAU MAILLARD de ses demandes de dommages-intérêts et d'indemnité de procédure et condamné la Société KDI aux dépens. La Société KID a quitté les locaux loués le 31 août 2004. La Société CHENEAU MAILLARD & CIE a interjeté appel de cette décision. Elle fait valoir que la procédure engagée par elle, visant à obtenir l'évaluation de l'indemnité d'occupation, est assimilable à celle prévue à l'article L 145-28 du code de commerce et concernant le droit de rétention du locataire évincé jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction. Elle relève que l'indemnité d'occupation, qui est la contrepartie de la jouissance prolongée des lieux loués par suite de la substitution d'une situation légale au régime contractuel, doit être évaluée selon les règles de fixation du loyer. Elle soutient qu'elle ne saurait donner lieu à un abattement pour précarité et qu'elle doit être égale à la valeur locative, dans la mesure où elle doit couvrir l'intégralité du préjudice causé au bailleur, et où l'occupation n'entraîne aucune diminution du chiffre d'affaires du locataire. Aussi elle demande à la Cour, en réformant partiellement le jugement entrepris sur le montant alloué, de dire que l'indemnité d'occupation doit correspondre au montant du loyer contractuel, soit la somme de 6.483,16 par mois, et ce sous réserve de la réévaluation du loyer conformément à la clause d'indexation stipulée au bail, et de dire également que cette indemnité d'occupation sera due jusqu'au départ effectif de la Société KDI. Elle sollicite en outre la condamnation de cette dernière au paiement de la somme de 3.000 , sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, en compensation des frais non compris dans les dépens exposés par elle tant en première instance qu'en appel. La société par actions simplifiée KID conclut à la confirmation du jugement. Elle expose que l'indemnité d'occupation due en cas

d'expropriation a un caractère spécifique, et n'a pas la même nature que l'indemnité d'occupation de droit commun, puisqu'elle constitue le versement de la contrepartie de la jouissance des lieux occupés. Elle relève que la situation précaire dans laquelle elle s'est trouvée justifie l'application d'un abattement sur le montant du loyer, dès lors qu'étant tenue de quitter les lieux au plus tard un mois après le paiement de l'indemnité d'expropriation, elle n'avait plus les mêmes garanties et avantages découlant du contrat de bail. Elle en déduit que la demande de la partie adverse, tendant à voir fixer cette indemnité au montant du loyer en vigueur au titre du contrat de bail éteint par l'ordonnance d'expropriation, doit être rejetée. Elle demande acte qu'elle se déclare redevable du seul solde restant à payer au titre de la période comprise entre le 16 août 2004 et le 31 août 2004. Elle réclame en outre les sommes de 5.000 à titre de dommages-intérêts pour procédure d'appel abusive et de 2.000 en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. L'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 mai 2005. MOTIFS DE LA DECISION : Sur la détermination du montant de l'indemnité d'occupation : Considérant que l'ordonnance d'expropriation éteint par elle- même et à la date de son prononcé tous droits réels ou personnels existants sur l'immeuble exproprié et résout de plein droit le bail du locataire ; Considérant qu'il s'ensuit qu'à partir de cette date, le preneur se trouve dans la situation d'un occupant précaire sujet à expulsion dans le délai d'un mois à compter du paiement ou de la consignation de l'indemnité ; Considérant qu'en effet, aux termes de l'article L 15-1 du Code de l'expropriation : Dans le délai d'un mois, soit du paiement ou de la consignation de l'indemnité, soit de l'acceptation ou de la validation de l'offre d'un local de remplacement, les détenteurs sont tenus d'abandonner les lieux. Passé ce délai qui ne peut, en aucun

cas, être modifié, même par autorité de justice, il Passé ce délai qui ne peut, en aucun cas, être modifié, même par autorité de justice, il peut être procédé à l'expulsion des occupants ; Considérant qu'il s'ensuit que, jusqu'à la date du paiement ou de la consignation, et en toute hypothèse au plus tard un mois après ce paiement ou cette consignation, le propriétaire exproprié a le droit de percevoir une indemnité d'occupation du preneur resté dans les lieux postérieurement au prononcé de l'ordonnance d'expropriation ; Considérant que, dans la mesure où le locataire bénéficie d'un titre juridique justifiant son occupation, l'indemnité dont il est redevable à ce titre ne constitue pas la sanction d'une faute de sa part et ne vise pas à réparer un préjudice subi par le bailleur, mais doit s'analyser comme la contrepartie de la jouissance des lieux loués pendant la période concernée ; Considérant qu'il en résulte que la procédure engagée par la Société CHENEAU MAILLARD & CIE, tendant à obtenir la condamnation de la Société KDI au versement de l'indemnité d'occupation, est assimilable à celle de l'article L 145-28 du Code de commerce ayant trait au droit de rétention du locataire évincé jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction ; Considérant que, dès lors, par référence à cette disposition légale, la valeur locative des lieux loués doit servir de base à la fixation de l'indemnité d'occupation, compte tenu de tous éléments d'appréciation ; Considérant que, précisément, dans l'appréciation de cette valeur locative, il convient de tenir compte de la précarité de la situation du locataire évincé ; Or considérant qu'en l'occurrence, cette précarité résulte indiscutablement de ce qu'étant légalement tenue de quitter les lieux au plus tard un mois après le paiement de l'indemnité d'expropriation ou sa consignation, la Société KDI s'est trouvée à compter du 28 mai 2003 dans l'incertitude de la date de son éviction effective, laquelle dépendait uniquement

d'une décision unilatérale de l'Administration ; Considérant qu'au demeurant, la circonstance que la société locataire puisse prétendre à une indemnisation de son préjudice de la part de l'administration expropriante est sans incidence sur le présent litige, dans la mesure où cette indemnisation est destinée à couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation, indépendamment des conditions objectives d'occupation des lieux loués, lesquelles doivent s'apprécier exclusivement dans les rapports entre bailleur et preneur ; Considérant que, dans la mesure où, pour les raisons précédemment exposées, l'occupant n'a plus bénéficié, à compter de l'ordonnance d'expropriation, des mêmes garanties et avantages que ceux que lui offrait le contrat de bail d'origine, c'est à bon droit que le premier juge a énoncé que la situation de précarité ainsi créée justifie l'application d'un abattement, fixé par lui à 20 %, sur le montant du loyer dû par la Société KID au moment du prononcé de cette ordonnance ; Considérant que, par voie de conséquence, il y a lieu, en confirmant le jugement déféré, de dire que l'indemnité d'occupation due par la société intimée s'élève à la somme mensuelle de : 6.483,16 - 20 % = 5.186,53 , représentant le montant du loyer en vigueur au mois de mai 2003, après déduction d'un coefficient de précarité de 20 % ; Considérant qu'il doit être donné acte à la Société KID de ce qu'elle a versé en cours de procédure une indemnité d'un montant égal à 47.233,31 , correspondant à son occupation des lieux durant la période comprise entre le 28 mai 2003 et le 15 août 2004 ; Considérant qu'il convient, en ajoutant à la décision entreprise, de déclarer la société intimée redevable du solde restant due par elle à ce titre pour la période comprise entre le 16 août 2004 et le 31 août 2004, date de son départ effectif des lieux loués. Sur les demandes complémentaires et annexes :

Considérant que, dès lors que l'exercice par une partie des voies de

recours qui lui sont ouvertes ne saurait être constitutive d'un abus de droit de nature à justifier l'allocation d'une indemnité, il y a lieu de débouter la Société KDI de sa demande de dommages-intérêts du chef d'appel abusif ; Considérant que l'équité commande d'allouer à la société intimée une indemnité de 1.000 sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Considérant qu'il n'est cependant pas inéquitable que la société appelante conserve la charge des frais non compris dans les dépens exposés par elle dans le cadre de la présente instance ; Considérant que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a condamné la Société KDI aux dépens de première instance ; Considérant que la Société CHENEAU MAILLARD & CIE, qui succombe en son recours, doit être condamnée aux dépens d'appel. PAR CES MOTIFS Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Déclare recevable l'appel interjeté par la Société CHENEAU MAILLARD & CIE, le dit mal fondé ; Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ; Y ajoutant : Constate que la Société KID a versé en cours de procédure à la Société CHENEAU MAILLARD & CIE la somme de 47.233,31 , en paiement de l'indemnité d'occupation due pour la période du 28 mai 2003 au 15 août 2004 ; Déclare la Société KDI redevable du solde d'indemnité d'occupation restant à payer pour la période comprise entre le 16 août 2004 et le 31 août 2004 sur la base de la somme de 5.186,53 par mois; Condamne la Société CHENEAU MAILLARD & CIE à verser à la Société KDI la somme de 1.000 sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Déboute la Société KDI de sa demande de dommages-intérêts ; Condamne la Société CHENEAU MAILLARD & CIE aux dépens d'appel, et autorise la SCP KEIME GUTTIN JARRY, Société d'Avoués, à recouvrer directement la part la concernant, conformément à ce qui est prescrit par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. Arrêt prononcé par Madame

Françoise LAPORTE, Président, et signé par Madame Françoise LAPORTE, Président et par Mme Marie-Thérèse GENISSEL, greffier, présent lors du prononcé Le GREFFIER, Le PRESIDENT, 0 Arrêt 2004-05611 1 13 octobre 2005 2 CA Versailles 3 12 B Présidence: Mme F. LAPORTE , Conseillers: M. J-F Fedou, M. D. Coupin 4 Bail commercial, Expropriation pour cause d'utilité publique, Poursuite de l'occupation des lieux par le preneur, Indemnité d'occupation due au bailleur, Calcul L'ordonnance d'expropriation ayant notamment pour effet de résoudre de plein droit le bail du locataire, celui-ci se trouve en situation d'occupation et sujet à expulsion dans le délai d'un mois à compter du paiement de ou de la consignation de l'indemnité en application de l'article L 15 -1 du Code de l'expropriation. Il suit de là qu'à compter du paiement ou au plus tard, un mois après celui-ci le propriétaire exproprié peut prétendre percevoir du preneur resté dans les lieux une indemnité d'occupation constitutive de la contrepartie de la jouissance des lieux dont le montant doit être fixé par référence à celle de l'article L 145-28 du Code de commerce relative à la fixation de l'indemnité d'occupation due par le locataire évincé exerçant son droit de rétention jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction, c'est à dire compte tenu de tous éléments d'appréciation . Le locataire resté dans les lieux se trouvant nécessairement en situation précaire dès lors que tenu légalement de quitter les lieux au plus tard un mois après le paiement de l'indemnité d'expropriation ou sa consignation, son éviction effective dépend uniquement d'une décision unilatérale de l'Administration ; la situation de précarité du preneur resté dans les lieux justifie en conséquence l'application d'un abattement sur le montant du loyer dû.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 3331/04
Date de la décision : 13/10/2005
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2005-10-13;3331.04 ?
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