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04/03/2005 | FRANCE | N°04/00102

France | France, Cour d'appel de Versailles, 04 mars 2005, 04/00102


N?

du 04 MARS 2005

9ème CHAMBRE



RG : 04/00102

CC LL/BF









COUR D'APPEL DE VERSAILLES









Arrêt prononcé publiquement le QUATRE MARS DEUX MILLE CINQ, par Madame RACT-MADOUX, Président de la 9ème chambre des appels correctionnels,

en présence du ministère public,

Nature de l'arrêt :

CONTRADICTOIRE

Sur appel d'un jugement du tribunal correctionnel de Nanterre, 15ème chambre du 27 juin 2003.



COMPOSITION DE LA COUR



lors des d

ébats, du délibéré, et au prononcé de l'arrêt,



Président:Madame RACT-MADOUX,

Conseillers:Mademoiselle DELAFOLLIE,

Monsieur BRISSET-FOUCAULT,

Bordereau N?



MINISTÈRE PUBLIC : Monsieur LAM...

N?

du 04 MARS 2005

9ème CHAMBRE

RG : 04/00102

CC LL/BF

COUR D'APPEL DE VERSAILLES

Arrêt prononcé publiquement le QUATRE MARS DEUX MILLE CINQ, par Madame RACT-MADOUX, Président de la 9ème chambre des appels correctionnels,

en présence du ministère public,

Nature de l'arrêt :

CONTRADICTOIRE

Sur appel d'un jugement du tribunal correctionnel de Nanterre, 15ème chambre du 27 juin 2003.

COMPOSITION DE LA COUR

lors des débats, du délibéré, et au prononcé de l'arrêt,

Président:Madame RACT-MADOUX,

Conseillers:Mademoiselle DELAFOLLIE,

Monsieur BRISSET-FOUCAULT,

Bordereau N?

MINISTÈRE PUBLIC : Monsieur LAMOUROUX, substitut général

GREFFIER : Mademoiselle AUBATERRE, lors des débats

Madame RAABE, Greffier en Chef, lors du prononcé de l'arrêt

PARTIE EN CAUSE

CC

Né le .............(41)

de Henri et de C.......... Jacqueline

Gérant salarié, de nationalité française, divorcé,

demeurant 19

Jamais condamné, libre,

Comparant, assisté de Maître ROSEN, avocat au barreau de PARIS.

PARTIE CIVILE

DIRECTION DES SERVICES FISCAUX DES HAUTS DE SEINE NORD

167/177, Avenue Joliot Curie - 92000 NANTERRE

Représentée par Mme PARCHEMIN, inspecteur principal, assisté de Maître CARALP-DELION Geneviève, avocat au barreau de PARIS

5

RAPPEL DE LA PROCÉDURE :

LE JUGEMENT :

Par jugement contradictoire en date du 27 juin 2003, le tribunal correctionnel de Nanterre :

SUR L'ACTION PUBLIQUE :

A constaté que les prescriptions de l'article L.228 du livre des procédures fiscales n'ont pas été respectées,

A dit en conséquence irrecevable la plainte de l'administration fiscale déposée contre M. A...,

A constaté dès lors la nullité de la procédure pénale,

A déclaré CCnon coupable et l'a relaxé des fins de la poursuite de :

SOUSTRACTION A L'ETABLISSEMENT OU AU PAIEMENT DE L'IMPOT: OMISSION DE DECLARATION - FRAUDE FISCALE, courant 1997 et 1998, à LA GARENNE-COLOMBES, infraction prévue par l'article 1741 AL.1 du Code général des impôts et réprimée par les articles 1741 AL.1, AL.3, AL.4, 1750 AL.1 du Code général des impôts, l'article 50 §I de la Loi 52-401 DU 14/04/1952

LES APPELS :

Appel a été interjeté par :

DIRECTION DES SERVICES FISCAUX DES HAUTS DE SEINE NORD, le 04 juillet 2003,

M. le Procureur de la République, le 04 juillet 2003.

DÉROULEMENT DES DÉBATS :

A l'audience publique du 28 janvier 2005, Madame le Président a constaté l'identité du prévenu qui comparaît assisté de son conseil ;

Ont été entendus :

Monsieur BRISSET-FOUCAULT, Conseiller, en son rapport,

Madame RACT-MADOUX, Président, en son interrogatoire,

Monsieur A..., en ses explications,

Madame PARCHEMIN, en ses observations,

Maître CARALP-DELION, avocat, en ses plaidoirie et conclusions,

Monsieur LAMOUROUX, substitut général, en ses réquisitions,

Maître ROSEN, avocat, en ses plaidoirie et conclusions,

Le prévenu a eu la parole en dernier.

Madame le président a ensuite averti les parties que l'arrêt serait prononcé à l'audience du 04 MARS 2005 conformément à l'article 462 du code de procédure pénale.

DÉCISION

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, jugeant publiquement, a rendu l'arrêt suivant :

LE RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

De 1991 à 1993, M. Charles A..., immatriculé depuis 1985 comme agent commercial, a été rémunéré par la société SA SCHWING STETTER en qualité d'ingénieur conseil spécialisé dans le traitement des déchets.

À sa demande, le greffe du tribunal de Commerce de ROMORANTIN l'a radié du Registre Spécial des Agents Commerciaux le 28 décembre 1994, avec effet au 1er avril 1994.

M. A... a par ailleurs créé le fin 1997 la SARL SERIP FRANCE, au capital de 50 000 francs, domiciliée à PARIS dans le 17ème arrondissement. Cette Société a pour objet social la commercialisation de matériels industriels et le conseil dans le domaine de l'environnement.

L'exploitation de bulletins de recouvrement attestant de versements d'honoraires à M. A... par la société SA SCHWING STETTER, au cours des années 1996,1997 et 1998 a révélé à l'Administration des impôts que M. A... avait, nonobstant sa radiation, poursuivi de manière occulte son activité d'ingénieur-conseil jusqu'en 1998 au ... à la GARENNE COLOMBES (Hauts de Seine).

La déclaration des données sociales déposées au titre de l'année 1995 par la société SA SCHWING STETTER faisait en effet état d'honoraires versés à M. Charles A... pour les montants suivants :

1996

642 973 francs

1997

846 530 francs

1998 (jusqu'au 30/11/98)

214 465 francs

****

Le contrôle effectué par l'Administration des impôts sur la base de ces renseignements devait révéler que M. Charles A... ne se soumettait pas à ses obligations fiscales.

La nature de l'activité d'ingénieur-conseil exercée par M. A... l'assujettissait à la taxe sur la valeur ajoutée et à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Plus précisément, compte tenu du montant de ses recettes, il relevait de plein droit du régime réel simplifié d'imposition en matière de TVA, et du régime de la déclaration contrôlée en matière de résultat non commercial.

De ce fait, en application des dispositions de l'article 287-3 du Code général des impôts, il devait souscrire, chaque année, des déclarations abrégées périodiques (trois trimestriels et une bimestrielle) et une déclaration de régularisation annuelle mentionnant l'intégralité des opérations réalisées.

Par ailleurs, en vertu des dispositions de l'article 97 de ce même code, il était tenu de souscrire chaque année une déclaration de bénéfices non commerciaux, le bénéfice imposable étant déterminé, d'une part, par l'excédent des recettes encaissées sur les dépenses payées et nécessitées par l'exercice de la profession, d'autre part, selon le principe des créances acquises et des dépenses engagées.

M. A... devait enfin produire chaque année les déclarations d'ensemble de ses revenus personnels, obligation à laquelle tout contribuable passible de l'impôt sur le revenu est astreint, conformément à l'article 170 du Code général des impôts.

Aux termes de l'article 12 du même Code, l'impôt est dû à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de l'année d'imposition.

Un avis de vérification de comptabilité portant en matière de TVA sur la période du 1er janvier 1996 au 30 novembre 1998 et en matière de bénéfices non commerciaux sur les années 1996 et 1997, a été adressé à M. A... au ... à la GARENNE COLOMBES (Hauts de Seine) le 9 février 1999. Le pli a été réexpédié par les services de la Poste au ... (Essonne) et présenté le 12 février, mais non réclamé.

La première intervention sur place était prévue le 17 mars 1999.

Par lettre du 9 février 1999 adressée au ..., à laquelle était joint une copie de l'avis de vérification et un exemplaire de la charte du contribuable, le vérificateur a informé le contribuable de l'engagement du contrôle par l'envoi d'un avis de vérification à la GARENNE COLOMBES, et confirmé le rendez-vous à cette adresse le 19 mars 1999.

Le pli recommandé, présenté le 13 février 1999, n'a pas été réclamé. La lettre simple n'a pas été renvoyée à l'Administration des Impôts et aucune réponse n'est parvenue à cette dernière.

Par courrier du 10 mars 1999 adressé en lettre simple et en pli recommandé à M. A... au ... (17ème) (adresse la SARL SERIP FRANCE), le vérificateur a une nouvelle fois indiqué qu'il se présenterait à la GARENNE COLOMBES le 17 mars 1999 afin de commencer les opérations de contrôle et l'a mis en garde sur l'application le cas échéant de la procédure d'opposition à contrôle fiscal prévu par l'article L 74 du Livre des procédures fiscales.

Par lettre en date du 15 mars 1999, M. A... a donné mandat à la SARL LANCIAN-TEBOUL, avocats à Paris, pour le représenter.

Par courrier en date du 20 mars 1998, M. A... a demandé que la première intervention sur place soit reportée au 27 avril 1999. Il a également demandé que les opérations de contrôle se déroulent dans le bureau de son avocat, Maître B..., ... (16ème).

Par lettre du 25 mars 1999 adressée au ..., pli recommandé présenté le 27 mais non réclamé, le vérificateur a confirmé le lieu et la date de première intervention, soit le 27 avril.

La première intervention a finalement eu lieu le 27 avril 1999, en présence de M. A... et de Maître B....

Le débat oral et contradictoire s'est déroulé au cabinet de Maître
B...
, en présence de ce dernier.

Les opérations de contrôle se sont terminées le 10 juin 1999.

En l'absence de comptabilité, les recettes ont ainsi été reconstituées par l'administration :

1) Au titre de 1996 et 1997, à partir des sommes figurant sur les bulletins de versement d'honoraires en possession du service, corroborées par une réponse de la SA SCHWING STETTER à une demande de renseignements et par les encaissements relevés sur le compte en banque utilisé à titre professionnel par M. A....

2) Au titre de janvier à novembre 1998 à partir des encaissements bancaires

????

À l'issue du contrôle, les recettes reconstituées s'élèvent (en francs) à :

Périodes

du 01/01/96

au 31/12/96

du 01/01/97

au 31/12/97

du 01/01/98

au 31/11/98

Recettes TTC

775 425

1 020 915

246 596

Recettes HT

642 973

746 530

204 475

Taxe sur la valeur ajoutée :

L'administration a établi comme suit (en francs) les chiffres d'affaires imposables et la TVA éludée :

Périodes

du 01/01/96

au 31/12/96

du 01/01/97

au 31/12/97

Recettes déclarées dans les délais

Recettes reconstituées HT

642 973

842 530

TVA nette due éludée

132 452

174 385

Total visé pénalement

305 242

Bénéfice non commercial :

Le résultats imposables ont été déterminés ainsi (en francs) par l'administration en déduisant du montant des recettes reconstituées, les frais appuyés de factures justificatives ou de simples tickets de caisse et après déduction en cascade des rappels de TVA :

Année

1996

1997

Revenus déclarés

-

-

Redressements

- Bénéfices non commerciaux

479 002

689 440

Charges admises en déduction du revenu global (pension alimentaire)

- 44 500

- 72 000

Revenu imposable arrondi

434 500

617 440

Impôt net dû éludé visé pénalement (1,5 part)

157 634

265 853

Les résultats de la vérification de comptabilité et leurs conséquences sur le revenu global ont été adressés à M. A... le 5 juillet 1999 (pli présenté le 7, non réclamé).

L'administration, estimant que des infractions graves et intentionnelles avaient été commises par M. A..., a saisi la Commission des infractions fiscales (CIF) le 4 juillet 2000 d'une proposition de plainte à son encontre.

Après avis favorable de la CIF du 20 septembre 2000, la Direction des Services Fiscaux des Hauts de Seine - Nord a déposé plainte auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nanterre le 12 octobre 2000.

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À la suite de l'enquête préliminaire à laquelle il a fait procéder, le parquet a fait citer M. Charles A.... devant le tribunal correctionnel de Nanterre pour " s'être, à LA GARENNE COLOMBES, courant 1997 et 1998, sur le territoire national et depuis un temps non couvert par la prescription, soustrait frauduleusement à l'établissement et au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 01.01.96 au 31.12.97 et l'impôt sur le revenu au titre des années 1996 et 1997, en omettant volontairement de faire les déclarations de taxes sur la valeur ajoutée et les déclarations de bénéfices non commerciaux ", faits prévus et réprimés par les articles 1741 et 1750 du Code général des impôts et 50 de la loi 52-401 du 14 avril 1952.

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Le 27 juin 2003, le tribunal correctionnel de Nanterre a rendu la décision dont le dispositif suit :

" CONSTATE que les prescriptions de l'article L. 228 du Livre des procédures fiscales n'ont pas été respectées."

" DIT en conséquence irrecevable la plainte de l'Administration fiscale déposées contre Monsieur A...."

" CONSTATE dès lors la nullité de la procédure pénale. "

Pour motiver sa décision, le tribunal a relevé :

- que l'avis envoyé par la Commission des Infractions Fiscales à M. A... pour l'avertir de ce qu'elle avait été saisie avait "été adressé 'chez Monsieur Charles C..., ... ', adresse qui était la sienne au mois de juillet 2000 ";

- que "l'accusé de réception de cet avis recommandé avait été retourné à la CIF avec la mention 'non réclamé retour à l'envoyeur' ";

- qu'"il n'était pas contesté que Charles A... avait donné à son conseil, la SCP LANCIAN-TEBOUL, pouvoir de le représenter devant toute autorité administrative, commission ou juridiction, et qu'il avait élu domicile au cabinet de ses avocats ... Armée à PARIS et ce en raison de nombreux déplacements à l'étranger pour raison professionnelle, ce pouvoir ayant été donné le 15 mars 1999 et l'Administration fiscale en ayant été informée, ce qu'elle ne conteste nullement ";

- que "l'avis de la CIF avait été adressé à une adresse autre que celle à laquelle Charles A... avait élu domicile et qu'il n'avait pas été reçu par celui-ci qui dès lors n' avait pas fait valoir ses observations ";

- que "compte tenu du mandat donné, il n' était pas contestable que l'administration était tenue d'adresser au mandataire l'ensemble des actes de la procédure et de faire connaître à la CIF l'existence de ce mandat et de lui communiquer en conséquence l'adresse à laquelle l'ensemble des courriers devait être considéré comme le dernier domicile connu de l'Administration" ;

- que "dès lors que cet avis avait été adressé ailleurs, à une adresse qui n'était pas celle du dernier domicile connu de l'administration, et n' avait pas été retiré par le contribuable, il y avait lieu de considérer que les prescriptions de l'article 228 du Livre des procédures fiscales n' avaient pas été respectées ";

- que "les droits de Monsieur D... avait été dès lors privé de pouvoir adresser ses observations écrites à la commission, n' avaient pas été respectés" ;

- qu'"en conséquence la procédure de la CIF était irrégulière entachant d'irrecevabilité la plainte de l'Administration des Impôts."

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Le 4 juillet 2003, la Direction des services fiscaux des Hauts de Seine et le ministère public ont interjeté appel de cette décision.

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La Direction des services fiscaux demande à la cour de L'ADMINISTRATION DES IMPOTS demande à la Cour, infirmant la décision entreprise de :

" Constater la régularité de la procédure ;

Déclarer Monsieur E... des faits de la prévention ;

Statuer ce que de droit sur les réquisitions de Monsieur l'Avocat Général ;

Déclarer l'Administration des Impôts recevable et bien fondée en sa constitution de partie civile ;

Ordonner, à la requête de Monsieur l'Avocat Général, et en application des dispositions de l'article 1741 alinéa 4 du Code Général des Impôts, l'affichage et la publication de l'arrêt à intervenir."

Le conseil de l'administration fait valoir que le pouvoir donné par M. A... à son conseil le 15 mars 1999 concernait la représentation de ce dernier auprès de l'administration au cours du contrôle fiscal et les suites administratives et contentieuses du contrôle fiscal pouvant l'opposer à la Direction Générale des Impôts.

Or, selon l'administration, la Commission des infractions fiscales, composée de hauts magistrats, est indépendante de la Direction Générale des Impôts. Ainsi, le mandat donné par M. A... à son Conseil ne pouvait concerner la procédure suivie devant la Commission des infractions fiscales et la lettre d'information prévue par l'article R 228-2 du Livre des procédures fiscales étant un courrier personnel, la commission ne pouvait que l'adresser au domicile personnel de la personne visée.

L'administration souligne en outre que ces deux correspondances ont été retournées, faute d'avoir été retirées et non en raison d'une adresse inexacte ou périmée. En effet, si l'adresse n'avait pas été valable, le courrier aurait été retourné revêtu de la mention "n'habite pas à l'adresse indiquée" (NPAI).

Selon l'administration, il est manifeste que l'adresse du ..., est une adresse à laquelle Monsieur F... recevoir du courrier. C'est d'ailleurs celle qu'il a indiqué comme étant la sienne lorsqu'il a été entendu dans le cadre de l'enquête préliminaire. S'agissant du domicile personnel de M. A..., seule cette adresse pouvait être prise en compte par la CIF.

Pour l'administration, la procédure suivie est donc parfaitement régulière;

Sur le fond, l'administration indique, en premier lieu, qu'à raison de son activité professionnelle, M. A... était tenu aux obligations comptables prévues par l'article 99 du Code général des impôts mais qu'il n' a présenté aucun compte pour les années 1996 et 1997. Un procès-verbal de défaut de présentation de comptes habilités a en conséquence été dressé le 27 avril 1999.

L'administration relève ensuite, sur le délit de fraude fiscale, que M. A... s'est abstenu de déposer toute déclaration professionnelle (TVA et bénéfices non commerciaux) ainsi que personnelle au titre des années 1996 et 1997, en dépit de l'envoi des mises en demeure en matière de bénéfices non commerciaux et d'impôt sur le revenu.

Il a ainsi dissimulé un chiffre d'affaire supérieur à 1,4 million de francs pour l'ensemble de la période visée et a éludé plus de 300 000 francs de TVA.

Son revenu imposable a été dissimulé à hauteur de plus de 1 million de francs l'impôt éludé à ce titre s'élevant à plus de 420 000 francs.

Selon l'administration l'élément matériel de la fraude fiscale est établi, de même que l'élément intentionnel, qui ressort de l'aspect occulte de ses activités.

L'administration souligne que les difficultés personnelles invoquées par le prévenu ne peuvent être considérées comme justifiant la fraude fiscale et, s'agissant de la TVA que M. A... s'est constituée une trésorerie au dépens du Trésor Public en ne reversant pas celle qu'il avait encaissée de ses clients.

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Le ministère public requiert l'infirmation de la décision entreprise. Il soutient que la procédure était valide, la commission des infractions fiscales étant un organe indépendant de l'administration, donc non concerné par l'élection de domicile. Il requiert le condamnation de M. A... à six mois d'emprisonnement avec sursis, à 5 000 francs d'amende et demande que la cour ordonne l'affichage et la publication de sa décision.

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Par conclusions déposées par son conseil, M. A... demande à la cour de confirmer la décision entreprise;

Sur l'exception de nullité, M. A... fait valoir que, lorsque la commission des infractions fiscales est saisie, son secrétariat en informe le contribuable par lettre recommandée avec accusée de réception en lui indiquant l'essentiel des griefs qui motivent cette saisine et l'invite à fournir dans un délai de 30 jours les informations qu'il estimerait nécessaires.

En l'espèce, il est établi que M. A... n'a pas reçu cette lettre recommandée, qui avait été adressée le 6 juillet 2000 à "Monsieur G... Monsieur Michel C...
... ".

Or, Monsieur Charles A..., amené à effectuer de nombreux déplacements à l'étranger pour raisons professionnelles, avait expressément élu domicile au cabinet d'Avocats B... TEBOUL, selon pouvoir en date du 15 mars 1999 demandant à son conseil :

"de le représenter devant toutes les autorités administratives, commissions juridictions, tant en première instance qu'en appel",

"de recevoir tous documents de l'administration et y répondre",

"et plus généralement prendre connaissance de toutes pièces, présenter toute observations, tous mémoires, substituer et plus généralement faire le nécessaire".

Selon le prévenu, l'administration a adressé le 5 juillet 1999 une notification de redressement à son domicile au mépris de ce pouvoir. Elle a d'ailleurs reconnu son erreur à la suite d'une réclamation contentieuse du 7 juin 2000, en établissant un avis de dégrèvement le 1er août 2000.

M. A... soutient que l'administration n'ignorait donc pas, lorsqu'elle a saisi la CIF, l'élection de domicile faite par M. A... chez son conseil et qu'elle devait lui adresser chez ce dernier l'ensemble des correspondances. Il appartenait donc à l'administration d'informer la CIF de cet élection de domicile.

M. A... soutient également qu'il n'a dès lors pas été en mesure de formuler d'observation devant la CIF par l'intermédiaire de son conseil, celui-ci n'ayant jamais été avisé de la saisine de la commission.

Le prévenu expose que la décision du ministre ou de son délégataire de saisir la commission des infractions fiscales et l'avis favorable formulé par celle-ci sont des actes nécessaires à la mise en mouvement de l'action publique et par suite non détachables de celle-ci. Dès lors, les tribunaux judiciaires saisis des poursuites sont compétents pour apprécier la validité de cet avis et les juges répressifs saisis d'une plainte pour fraude fiscale, sont compétents pour statuer sur les exceptions concernant cette procédure.

Selon M. A..., le fait qu'il n'ait pas été régulièrement avisé de la saisine de la CIF constitue un manquement qui a porté atteinte aux droits de la défense qui entraîne la nullité de la procédure suivie, et ce en vertu des dispositions des articles L 228 du Livre des procédures fiscales et 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Pour M. A..., la nullité de la procédure suivie devant la commission des infractions fiscales dont l'avis conforme constitue un préalable nécessaire à la mise en ouvre de l'action publique, entraîne celle de la procédure pénale subséquente.

Subsidiairement, M. A... indique qu'il n'a jamais fait l'objet de condamnation pénale, que les infractions ont été commises sous la pression d'un contexte très particulier et que l'élément intentionnel est contestable.

Il précise qu'il a traversé de multiples problèmes d'ordre familial, financier et professionnel et indique qu'après avoir travaillé exclusivement plus de 9 années pour le compte du groupe SCHWING STETTER en qualité d'agent commercial, son contrat avec cette société a été résilié en octobre 1997, sans indemnité. Il a tenté en vain d'obtenir réparation de son préjudice devant le tribunal de Strasbourg mais a été débouté de ses demandes par jugement en date du 11 avril 2003.

Actuellement, il travaille en Corrèze à LUBERAC au sein d'une société SERIP et y exerce une activité de négoce de pompes à béton et autres matériaux de construction pour le compte de groupes de travaux publics. Il effectue correctement ses déclarations d'imposition et ne dispose d'aucun patrimoine personnel.

Le conseil du prévenu ajoute dans sa plaidoirie que son client, qui ne conteste pas la matérialité des faits, sollicite l'indulgence de la cour et demande que la publication et l'affichage de l'arrêt à intervenir ne soient pas ordonnés, pour éviter de lui créer une difficulté supplémentaire dans le cadre de la nouvelle activité que M. A..., dont les ressources sont limitées, cherche à développer actuellement.

Motifs de la cour

Sur l'exception de nullité

Selon l'article L. 228 du Livre des procédures fiscales, les plaintes pour fraude fiscale sont déposées par l'administration sur avis conforme de la Commission des infractions fiscales, laquelle doit aviser le contribuable de sa saisine et l'inviter "à lui communiquer, dans un délai de trente jours, les informations qu'il jugerait nécessaires".

Il résulte de ce qui précède que la commission des infractions fiscales, organe indépendant, n'est pas tenue par les instructions données à l'administration par le contribuable dans le cadre de la procédure de contrôle fiscal. La CIF doit informer de sa saisine le contribuable à son domicile personnel, nonobstant le fait que le contribuable ait, au cours de la phase de contrôle fiscal, fait élection de domicile chez un tiers. Contrairement à ce que relèvent les premiers juges, aucune obligation n'est faite à l'administration d'informer la CIF de l'adresse déclarée pendant le contrôle.

De même, le ministère public, s'il décide d'engager des poursuites à la suite de la plainte qui lui a été adressée par l'administration, fera citer la personne concernée à son domicile, sans tenir compte de l'éventuelle élection de domicile faite au cours du contrôle.

En l'espèce, il est établi que l'avis adressé par la commission des infractions fiscales pour informer M. A... de sa saisine a été adressé au domicile personnel du prévenu, qui a ainsi été mis en mesure de présenter à cet organisme les informations qu'il jugeait nécessaires, sans qu'il puisse opposer le fait qu'il ait négligé d'aller chercher à la poste la lettre recommandée avec demande d'avis de réception qui lui avait été adressée.

La cour, infirmant le jugement entrepris, dira en conséquence valide la procédure suivie par la commission des infractions fiscales et rejettera l'exception tendant à l'annulation des poursuites engagées par la Direction des services fiscaux et le ministère public contre M. A...

Sur le fond

Il résulte du dossier soumis à l'appréciation de la cour et des débats que l'infraction reprochée au prévenu, qui n'en conteste pas la matérialité, est constituée.

En s'abstenant délibérément de satisfaire aux obligations fiscales inhérentes aux activités professionnelle qu'il avait continué à exercer de manière clandestine, après avoir accompli une démarche pour se faire radier du registre du commerce où il était inscrit comme agent commercial, M. A... a démontré le caractère intentionnel des faits qui lui sont reprochés.

La cour condamnera en conséquence M. A... à six mois d'emprisonnement. Le prévenu n'ayant jamais été condamné, la cour assortira cette peine du sursis. Pour tenir compte des difficultés économiques que rencontre M. A... et du montant des pénalités fiscales qu'il doit acquitter, la cour ne prononcera pas de peine d'amende.

La cour ordonnera l'affichage et la publication de sa décision, aux frais du condamné, mesures qui sont de droit en application de l'alinéa 4 de l'article 1741 du Code général des impôts et déclarera l'Administration des Impôts recevable et bien fondée en sa constitution de partie civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, après en avoir délibéré,

Statuant publiquement, et contradictoirement,

EN LA FORME :

Déclare recevables les appels de l'Administration des impôts et du ministère public,

SUR L'EXCEPTION DE NULLITÉ,

Infirmant le jugement entrepris,

Rejette l'exception de nullité formée par M. Charles A...,

Déclare en conséquence régulière la procédure suivie par la commission des infractions fiscales contre M. A..., ainsi que les poursuites engagées à son encontre par la Direction des services fiscaux et le ministère public,

AU FOND :

SUR L'ACTION PUBLIQUE :

Déclare M. Charles A... coupable de fraude fiscale, faits prévus et réprimés par les articles 1741 et 1750 du Code général des impôts et 50 de la loi 52-401 du 14 avril 1952,

Condamne M. Charles A... à la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis,

Dit que l'avertissement prévu à l'article 132.29 du code pénal aété

donné à M. A...

Ordonne l'affichage du communiqué suivant, pour une durée de trois mois sur les panneaux réservés à l'affichage officiel de la mairie de ROSIER DE JUILLAC (19) et sa publication dans le Journal Officiel de la République Française et dans l'édition des Hauts de Seine du journal "Le Parisien", aux frais du condamné :

" Par arrêt du 4 mars 2005, la cour d'appel de Versailles (9ème chambre) a déclaré M. Charles A... coupable de fraude fiscale, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis et a ordonné l'affichage du présent extrait sur les panneaux réservés à cet effet par la mairie de son domicile et sa publication dans le Journal Officiel de la République Française et l'édition des Hauts de Seine du journal "Le Parisien" ",

SUR L'ACTION CIVILE :

Déclare l'Administration des Impôts recevable et bien fondée en sa constitution de partie civile.

Et ont signé le présent arrêt, Madame Martine RACT-MADOUX, Président et Madame Frédérique RAABE, Greffier en Chef.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT.

Décision soumise à un droit fixe de procédure

(article 1018A du code des impôts) :120,00


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 04/00102
Date de la décision : 04/03/2005
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2005-03-04;04.00102 ?
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