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14/12/2004 | FRANCE | N°95/004508

France | France, Cour d'appel de Versailles, 14 décembre 2004, 95/004508


COUR D'APPEL DE VERSAILLES Chambres commerciales réunies F.L./P.G. ARRET Nä Code nac : 38E 2C contradictoire DU 14 DECEMBRE 2004 R.G. Nä 02/06508 AFFAIRE : S.A. LEGRAND C/ SA CDR CREANCES venant aux droits de la BANQUE SAGA et de la société SAGAGEST Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Septembre 1996 par le tribunal de Commerce de PARIS Nä Chambre : 8ème Nä Section : Nä RG : 95/004508 Expéditions exécutoires Expéditions délivrées le : à : SCP JULLIEN LECHARNY ROL SCP KEIME GUTTIN JARRY Me Jean-Pierre BINOCHE SCP JUPIN & ALGRIN SCP BOMMART MINAULT SCP FIEVET-ROC

HETTE- LAFON SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD REPUBLIQUE FRANCAI...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES Chambres commerciales réunies F.L./P.G. ARRET Nä Code nac : 38E 2C contradictoire DU 14 DECEMBRE 2004 R.G. Nä 02/06508 AFFAIRE : S.A. LEGRAND C/ SA CDR CREANCES venant aux droits de la BANQUE SAGA et de la société SAGAGEST Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Septembre 1996 par le tribunal de Commerce de PARIS Nä Chambre : 8ème Nä Section : Nä RG : 95/004508 Expéditions exécutoires Expéditions délivrées le : à : SCP JULLIEN LECHARNY ROL SCP KEIME GUTTIN JARRY Me Jean-Pierre BINOCHE SCP JUPIN & ALGRIN SCP BOMMART MINAULT SCP FIEVET-ROCHETTE- LAFON SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE QUATORZE DECEMBRE DEUX MILLE QUATRE, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDERESSES devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (chambre commerciale, financière et économique) du 24 septembre 2002 cassant et annulant partiellement l'arrêt rendu par la cour d'appel de PARIS, 1ère chambre, section A, le 29 mars 2000 S.A. LEGRAND ayant son siège 128 avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny 87045 LIMOGES, agissant poursuites et diligences de son Président du Conseil d'Administration domicilié en cette qualité audit siège. S.A. MARTIN ET LUNEL ayant son siège 29 avenue de Bobigny 93130 NOISY LE SEC, agissant poursuites et diligences de son Président du Conseil d'Administration domicilié en cette qualité audit siège. SNC PLANETE WATTHOM ayant son siège Zone Activités Commerciales Epb, Avenue Félix louat 60303 SENLIS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. S.A. ARNOULD FAE ayant son siège 95 avenue de Romans 38163 SAINT MARCELLIN CEDEX, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. représentées par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL, avoués assistées de Me Philippe DEROUIN, avocat au barreau de PARIS.

compter de chaque paiement et de celle des sommes immobilisées entre le paiement et la transaction, dont elles procèdent à une répartition entre les banques intimées dans leurs écritures. Elles observent enfin que la société SHEARSON LEHMAN HUTTON GESTION dissoute survit pour les besoins de la liquidation. Elles sollicitent donc la condamnation au paiement aux sociétés LEGRAND, ARNOULD, PLANET WATTHOM, et MARTIN LUNEL par la société ARJIL et CIE la somme de 1.551.465 euros avec intérêts de droit à compter du 12 avril 1994 à concurrence de 260.561 euros, du 14 février 1995, à hauteur de 1.084.348 euros et du 05 juin 1997 pour 206.556 euros . la société LEGRAND : - la société CDR CREANCES, la somme de 833.995 euros avec intérêts légaux à partir du 12 avril 1994 à hauteur de 719.139 euros et du 05 juin 1997 à concurrence de 114.856 euros, - les sociétés BMA et CHAUCHAT DEVELOPPEMENT solidairement la somme de 37.192 euros avec intérêts de droit à compter du 12 avril 1994 pour 28.695 euros et du 05 juin 1997 pour 8.497 euros.- les sociétés BMA et CHAUCHAT DEVELOPPEMENT solidairement la somme de 37.192 euros avec intérêts de droit à compter du 12 avril 1994 pour 28.695 euros et du 05 juin 1997 pour 8.497 euros. - les sociétés BANQUE D'ORSAY et ORSAY GESTION solidairement la somme de 143.482 euros avec intérêts légaux depuis le 12 avril 1994 à concurrence de 125.670 euros et du 05 juin 1997 à hauteur de 17.812 euros. - les sociétés BANQUE LEHMAN BROTHERS et SHEARSON LEHMAN HUTTON GESTION solidairement, la somme de 568.727 euros avec intérêts de droit à partir du 14 février 1995 pour 505.425 euros et du 05 juin 1997 pour 63.303 euros. - les sociétés CLC BOURSE et GPK FINANCE solidairement la somme de 2.330.739 euros avec intérêts de droit depuis le 14 février 1995 à hauteur de 2.003.670

euros et du 05 juin 1997 à concurrence de 297.069 euros. Elles réclament aussi la capitalisation des intérêts et une indemnité de 100.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure [**][**][**][**][**][**][**][**] DEFENDERESSES DEVANT LA COUR DE RENVOI SA CDR CREANCES venant aux droits de la BANQUE SAGA et de la société SAGAGEST ayant son siège 27/29 rue Le Peltier 75009 PARIS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. représentée par la SCP KEIME GUTTIN JARRY, avoués assistée de Me CHESNELONG, avocat au barreau de PARIS (G.707) Société BANQUE ARJIL SCA venant aux droits de la société ARJIL GESTION SA ayant son siège 7 rue du Cirque 75008 PARIS et actuellement 43 rue Vineuse 75116 PARIS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. représentée par Me Jean-Pierre BINOCHE, avoué. Assistée de Me Olivier HOEBANX, avocat au barreau de PARIS. S.A. BANQUE DE MARCHES ET D'ARBITRAGE - BMA- ayant son siège 7 rue Meyerbeer 75009 PARIS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. S.A. CHAUCHAT DEVELOPPEMENT BMA GESTION ayant son siège 7 rue Meyerbeer 75009 PARIS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. représentées par la SCP JUPIN & ALGRIN, avoués. Assistées de Me Arnaud GERARDIN du bureau de Francis LEFEVRE, avocat au barreau de NANTERRE. S.A. BANQUE D'ORSAY anciennement dénommée Delta Banque ayant son siège 33 avenue de Wagram 75008 PARIS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. S.A. ORSAY GESTION anciennement dénommée Delta Gestion ayant son siège 33 avenue de

Wagram 75008 PARIS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. représentées par la SCP BOMMART MINAULT, avoués. Assistées de Me Arnaud de SENILHES, avocat au barreau de PARIS (Y.010). S.A. BANQUE LEHMAN BROTHERS anciennement dénommée Banque Sherason Lehman Hutton ayant son siège 21 rue Balzac 75008 PARIS, prise en la personne de ses représentants légaux civile. Les sociétés BMA et CHAUCHAT DEVELOPPEMENT répliquent qu'aucun moyen relatif au partage de responsabilité n'a été soumis à la cour de cassation qui ne s'est donc pas prononcée sur l'atténuation de leur responsabilité en raison des fautes commises par les souscripteurs. Elles prétendent que l'étendue de la saisine de la cour inclut nécessairement le débat sur le partage de responsabilité en application des articles 625, 638 et 624 du nouveau code de procédure civile. Elles opposent que la faute de la victime est toujours susceptible d'être prise en considération même lorsque l'obligation, source de responsabilité, est une obligation de résultat. Elles font valoir que la cause du dommage réside dans le fonctionnement saisonnier des fonds communs de placement auquel les sociétés du "Groupe" LEGRAND ont participé. Elles contestent la réalité des irrégularités qui leur sont reprochées et affirment avoir apporté la preuve que les fonds concernés ont fonctionné normalement. Elles allèguent que l'origine du préjudice résulte de l'utilisation abusive de la mesure d'assouplissement prévue par l'instruction du 13 janvier 1983 qui a été sanctionnée par les redressements. Elles objectent que la nature et les caractéristiques du comportement des souscripteurs ne sont pas modifiés par la protection prévue à l'article L 80 A du livre des procédures fiscales dont ils peuvent

bénéficier. Elles arguent de la mauvaise foi des sociétés du "Groupe" LEGRAND lorsqu'elles disent penser acquérir de "vrais" crédits d'impôt et considèrent que la recherche systématique de crédit d'impôt revalorisés constitue une faute. Elles affirment que les sociétés du "Groupe" LEGRAND ont eu conscience de commettre cet abus de droit et l'ont reconnu en concluant une transaction avec l'administration fiscale et en acceptant d'honorer une pénalité de 20 %. Elles qualifient ledit abus de faute grave et intentionnelle et ajoutent que même s'il devait s'agir d'une imprudence, la domiciliés en cette qualité audit siège. SA LEHMAN BROTHERS SERVICES venant aux droits de la société Shearson Hutton Gestion ayant son siège 21 rue Balzac 75008 PARIS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège ayant fait l'objet d'un désistement par ordonnance du 25 février 2003. représentées par la SCP FIEVET-ROCHETTE-LAFON, avoués. Assistées de Me François FARMINE, avocat au barreau de PARIS. S.A. GPK FINANCE anciennement dénommée Gestion Patrimoniale et Financière ayant son siège 20 rue Saint Augustin 75002 PARIS, prise en la personne de ses

représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. Sa clc bourse anciennement dénommée gorgeu Perquel Krucker ayant son siège 3 rue de Gramont 75002 PARIS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. représentées par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD, avoués. Assistées de Me Dominique BORDE, avocat au barreau de PARIS. [**][**][**][**][**][**][**][**] Composition de la cour : A l'audience solennelle du 08 Juin 2004, Madame LAPORTE Françoise, Président, a été entendue en son rapport, devant la cour composée de : Madame Françoise LAPORTE, Président, Monsieur Jean-François FEDOU, conseiller, Monsieur Denis COUPIN, conseiller, Mme Marie-José VALANTIN, Conseiller, Madame Marion BRYLINSKI, Conseiller, qui en ont délibéré, Greffier, lors des débats : Madame Marie SAUVADET X... la communication de l'affaire au ministère public en date du 24 février 2004 ; 5FAITS ET PROCEDURE : Par souci de simplification de leur gestion, l'administration fiscale a, dans une instruction du 13 janvier 1983, autorisé les fonds communs de placement (FCP) à procéder à un réajustement de la masse des crédits d'impôts attachés

aux produits perçus par le fonds au titre d'un exercice donné, afin de permettre le transfert, à leurs porteurs de parts, d'un crédit d'impôt unitaire de même montant, indépendamment de la date de leur souscription des parts, la participation consciente de la victime d'une opération illicite devrait conduire à un partage de responsabilité. Elles opposent que la demande d'indemnisation du préjudice au titre de l'immobilisation des sommes entre le règlement et la transaction est nouvelle eet que les appelantes étaient en droit de demander à l'administration fiscale le paiement d'intérêts moratoires, les sommes remboursées conformément à l'article L 208 du livre des procédures fiscales. Elles soutiennent que la cour de cassation a définitivement clos le débat afférent à la demande concernant les commissions. Elles précisent que les intérêts moratoires doivent courir à compter de la décision eu égard à son caractère constitutif. Elles concluent à l'entier débouté de la société LEGRAND et à l'octroi en leur faveur à chacune d'une indemnité de 100.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La société ARJIL et CIE

expose les différents fonds communs de placement ARC 1, ARC 2 et hibiscus souscrits par les sociétés du "Groupe" LEGRAND dont elle était dépositaire et la société ARJIL GESTION, aux droits de laquelle elle est, était gérante et les opérations qui s'en sont suivies. Elle indique que l'étendue de la cassation porte sur la demande d'indemnisation des sociétés du "Groupe" LEGRAND à concurrence du gain fiscal dont elles ont été privées par la remise en cause par l'administration de la valeur libératoire des crédits d'impôt qui leur avaient été transférés par les FCP. Elle prétend que le débat sur le partage de responsabilité n'est pas définitivement clos, mais étroitement lié à la question de l'indemnisation des sociétés du groupe LEGRAND qui a été renvoyée devant la cour. Elle invoque la nécessaire prise en compte de la faute des sociétés du "Groupe" LEGRAND de nature à l'exonérer de sa responsabilité résultant de leur souscription massive, au moment idoine et pour une très courte durée des parts de FCP dans le but exclusif d'obtenir des crédits d'impôts

répartition des produits devant intervenir dans un délai de quatre mois de la clôture de l'exercice. Cette mesure avait pour effet de créer des crédits d'impôt ne correspondant à aucune retenue préalable au profit du Trésor. Certains fonds ont autorisé la multiplication des souscriptions de parts dans les jours précédant la répartition des produits, avec pour unique objectif des souscripteurs de bénéficier de crédits d'impôts, les parts étant immédiatement revendues après la répartition. L'administration fiscale a décidé de mettre un terme à cette pratique et a procédé à des contrôles auprès des souscripteurs de parts de FCP ayant bénéficié de crédits d'impôt pour un montant important. Des redressements ont ainsi été notifiés, en décembre 1990, mai et décembre 1991, sur le fondement de la procédure de l'abus du droit à la SA LEGRAND et à trois de ses filiales, la SA MARTIN LUNEL, la société PLANET WATTHOM et la SA ARNOULD FAE, les sociétés du "Groupe LEGRAND" qui, en 1987 et 1988, avaient souscrit des parts de FCP auprès de cinq banques et d'une société de bourse à savoir, des parts de fonds dont la SA BANQUE ARJIL était dépositaire et la société ARJIL GESTION, la gérante, des parts dont le dépositaire était la société BANQUE DE MARCHES ET D'ARBITRAGE BMA et le gérant la société BMA GESTION devenue la SA

CHAUCHAT DEVELOPPEMENT des parts dont le dépositaire était DELTA BANQUE et le gérant, le société DELTA GESTION, des parts dont la banque SAGA était dépositaire et la société SAGAGEST, le gérant des parts dont la BANQUE SHEARSON LEHMAN HUTTON était dépositaire et la société SHEARSON LEHMAN HUTTON GESTION, devenue la SA LEHMAN BROTHERS, le gérant et enfin par l'intermédiaire de CBOT, en vertu de contrats dits de "compte conseillé" des parts de fonds dont la société GORGEU PERQUEL KRUCKER GPK, devenue CLC BOURSE était dépositaire et la société LYONNAISE ET PARISIENNE DE GESTION, devenue GPK FINANCE le gérant. Après la mise en recouvrement des revalorisés au détriment de l'administration fiscale dès lors que ceux-ci ne correspondaient à aucun prélèvement à la source au profit du Trésor. Elle allègue l'imprudence de ces dernières qui ont accepté les risques que comprenaient leurs opérations spéculatives en soulignant que le Groupe LEGRAND était l'un des plus grands souscripteurs en la matière, parfaitement averti et spécialisé en ce domaine, a agi en connaissance de cause. Elle observe que les intérêts moratoires doivent courir à compter de la décision fixant le

montant des dommages et intérêts et fait état du caractère nouveau au sens des articles 633 et 564 du nouveau code de procédure civile de la prétention relative aux intérêts sur les sommes objet du dégrèvement et soulignent qu'en tout cas les sociétés du Groupe LEGRAND auraient pu se prévaloir des dispositions de l'article L 208 du livre des procédures fiscales. Elle soulève, en conséquence, l'irrecevabilité de la demande nouvelle formée par les appelantes au titre des intérêts de 206.556 euros et réclame leur débouté intégral et une indemnité de 100.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Les sociétés BANQUE LEHMAN BROTHERS et LEHMAN BROTHERS SERVICES rappellent aussi le contexte des opérations litigieuses et les faits et font état, en exergue, de la disparition de la société SHEARSON LEHMAN HUTTON GESTION dissoute par décision de l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires du 05 décembre 1990, de la clôture des opérations de liquidation le 24 octobre 1991 et de sa radiation du registre du commerce et des sociétés de PARIS. Elles soutiennent que l'argumentation des sociétés du "Groupe" LEGRAND tirée d'un préjudice équivalent à celui fiscal

résultant de la mise en recouvrement des impôts et pénalités ne peut être retenue dès lors qu'il n'était pas certain et ne l'est devenu que lors de la transaction. Elles opposent que le préjudice des appelantes ne saurait résulter de l'impôt par elles acquitté, ni de redressements, les sociétés du "GROUPE" LEGRAND ont présenté des réclamations auprès de l'administration fiscale et ont parallèlement sollicité la garantie de tous les intervenants dans les souscriptions litigieuses. Devant leur refus, les sociétés du "GROUPE" LEGRAND les ont assignées devant le tribunal de commerce de PARIS pour obtenir leur condamnation à leur payer les sommes dues par elles à l'administration fiscale et subsidiairement à leur restituer avec intérêts les commissions versées. Par jugement rendu le 25 septembre 1996, le tribunal a débouté les sociétés du "GROUPE" LEGRAND de leur demande de sursis à statuer afin de soumettre certaines questions préjudicielles aux juridictions administratives, sursis à statuer jusqu'à ce qu'une décision définitive intervienne sur les redressements fiscaux notifiés aux sociétés du GROUPE LEGRAND et contestés par elles, rejeté leur demande de provision, les a

condamnées aux dépens en réservant les prétentions au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Les sociétés CLC BOURSE et GPK FINANCE ont relevé appel de cette décision et les sociétés du "GROUPE" LEGRAND ont conclu, les 05 juin et 04 juillet 1997 deux transactions avec l'administration fiscale. Par arrêt du 10 mars 1998, la cour d'appel de PARIS réformant le jugement entrepris a sursis à statuer dans l'attente de la réponse aux questions préjudicielles précédemment posées au Conseil d'Etat dans des affaires de même nature par des arrêts du 02 juillet 1997. En suite de l'avis rendu par celui-ci, le 08 avril 1998, la cour d'appel de PARIS, selon une seconde décision prononcée le 29 mars 2000, a considéré que les FCP n'avaient pas fonctionné régulièrement et que les sociétés ARJIL, CDR CREANCES, BMA et CHAUCHAT DEVELOPPEMENT, BANQUE D'ORSAY et ORSAY GESTION, BANQUE LEHMAN BROTHERS et SHEARSON LEHMAN HUTTON GESTION, CLC BOURSE et GPK FINANCE qui avaient délivré des certificats de crédits d'impôt non conformes à leur destination

la pénalité de 20 % comme des intérêts de retard qui sanctionnent leur comportement propre. Elles ont la même position que les intimées précédents au sujet du point de départ du cours des intérêts et de l'irrecevabilité comme du mal fondée des intérêts en raison de l'immobilisation du fonds. Elles estiment également possible d'invoquer un partage de responsabilité en vertu de l'article 624 du nouveau code de procédure civile, cette question n'ayant pas été soumise, selon elle, à la cour de cassation et les juridictions judiciaires ayant confirmé qu'il pouvait être envisagé. Elles font valoir que les sociétés du "Groupe" LEGRAND ont concouru à la production où à l'aggravation de leur dommage en notant que les redressements ont pour fondement l'abus de droit et en relevant que celles-ci ne peuvent nier avoir eu connaissance du fonctionnement des fonds turbo, ni refuser d'admettre avoir eu parfaitement conscience des risques pris eu égard à leur investissement en FCP pour un montant supérieur à 135 millions d'euros sur deux années. Elles sollicitent le donner acte aux sociétés du "Groupe" LEGRAND de leur désistement de déclaration de saisine à l'encontre de la société LEHMAN BROTHERS SERVICES et la constatation de l'inexistence de la société SHEARSON LEHMAN HUTTON GESTION lors de l'assignation de la

société LEGRAND à son égard. Elles concluent à l'irrecevabilité et subsidiairement au mal fondé de la demande des appelantes au paiement par la société BANQUE LEHMAN BROTHERS de 63.303 euros de dommages et intérêts complémentaires au titre de la perte de jouissance des sommes remboursées par l'administration fiscale à la suite du dégrèvement à leur bénéfice. Elles réclament le rejet de toutes les prétentions des sociétés du "Groupe" LEGRAND, subsidiairement, un partage de responsabilité entre elles et la société LEHMAN BROTHERS à hauteur de 50 % chacune et dans tous les cas, une indemnité de 10.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. et ainsi failli à leurs obligations étaient tenues de réparer le dommage causé par leur manquement. Elle a estimé que les sociétés du "GROUPE" LEGRAND n'établissaient pas que si les FCP avaient fonctionné conformément à leur nature, ils auraient été aptes à leur procurer le gain fiscal prétendument manqué et que le préjudice invoqué du chef du paiement des droits en principal n'était donc pas caractérisé pour ouvrir droit à réparation. La cour a, en revanche, retenu au titre de la perte éprouvée par les sociétés du GROUPE

LEGRAND une indemnité égale au montant des intérêts de retard et à celui de la majoration fiscale de 20 % par elles réglé après la mise en recouvrement de l'imposition résultant des redressements. Elle a, par ailleurs, relevé que les sociétés LEGRAND n'étaient pas fondées à rechercher subsidiairement le remboursement de commissions perçues par les intimées sans formuler expressément aucun moyen de droit propre à justifier cette prétention, ni à exercer un recours subrogatoire à leur encontre sur le fondement de la comptabilité de fait et des principes dont s'inspire l'article 79-2 de l'annexe II du code général des impôts ainsi que sur celui des dispositions de l'article 1251-3ä du code civil. La cour d'appel de PARIS a, en conséquence, condamné à payer à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt : - aux sociétés LEGRAND, MARTIN & LUNEL, PLANET WATTHOM et ARNOULD FAE, la BANQUE ARJIL la somme de 3.744.495 francs (570.844,58 euros), - à la société LEGRAND les sommes de : 2.075.585 francs (316.420,89 euros) et CDR CREANCES, [* 82.820 francs (12.625,83 euros) BMA et CHAUCHAT DEVELOPPEMENT solidairement, *] 362.708 francs (55.294,48 euros) les sociétés ORSAY

et ORSAY GESTION solidairement, [* 1.458.761 francs (222.386,68 euros) les sociétés LEHMAN BROTHERS et SHEARSON LEHMAN HUTTON GESTION solidairement, *] 5.869.600 francs (894.814,75 euros) les sociétés CLC La société CDR CREANCES réfute l'analyse de l'arrêt de la cour de cassation à laquelle ont procédé les sociétés du "Groupe" LEGRAND. Elle observe que si les établissements mis en cause ont manqué à leur obligation de veiller au fonctionnement régulier des fonds, ils ne sauraient être tenus de réparer un préjudice autre que celui directement causé par ce manquement tandis que les souscripteurs ne peuvent réaliser par la voie de la présente action un profit indû. Elle précise les spécificéités des fonds turbo, fait état de la qualité d'opérateur "initié" des marchés financiers de la société mère du "Groupe" LEGRAND et du rendement net d'impôt de 12,35 % l'an par l'administration dont elle a bénéficié à l'occasion de ces opérations.Elle invoque la participation consciente des sociétés du "Groupe" LEGRAND à la réalisation de leur préjudice et sa parfaite connaissance des risques liés au détournement de l'instruction administrative ne permettant pas, selon elle, de les absoudre de leur

responsabilité propre dans les redressements qui leur ont été notifiés. Elle ajoute que ce profit indû est patent lorsque les appelantes, en dépit des règles de droit les plus élémentaires et des termes de l'arrêt de la cour de cassation, viennent réclamer des intérêts depuis le jour des règlements qu'elles ont spontanément effectués en 1994 et 1995 auprès de l'administration fiscale. Elle considère que la capitalisation des intérêts ne saurait être ordonnée, car elle a vocation à réparer un préjudice spécifique et ne se justifie que dans la mesure où l'on admet l'allocation d'intérêts moratoires. Elle affirme que le gain fiscal manqué indemnisable est constitué, selon la cour de cassation, des droits en principal se limitant pour ce qui la concerne à la somme de 719.139 euros correspondant au crédit d'impôt refusé définitivement par l'administration après que les sociétés du "Groupe" LEGRAND aient régularisé avec elle une transaction et obtenu un dégrèvement. Elle BOURSE et GPK FINANCE solidairement. - ordonné la capitalisation des intérêts, le cas échéant, - débouté les sociétés du "Groupe" LEGRAND de toutes leurs autres prétentions, - rejeté toutes autres demandes, - dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et partagé les dépens des deux instances entre les parties condamnées dans la même proportion que leurs condamnations respectives. Toutes les parties se sont pourvues en cassation à l'encontre de cette décision. Par arrêt rendu le 24 septembre 2002, la chambre commerciale, financière et économique de la cour de cassation a rejeté la plupart des moyens soulevés, mais relevant qu'en statuant comme elle y avait procédé, alors que les gérants et dépositaires des fonds communs de placement étaient tenus

d'une obligation de résultat quant à la délivrance d'un certificat de crédit d'impôt conforme à sa destination et étaient seuls responsables des choix et modalités de fonctionnement des fonds, la cour d'appel de PARIS avait violé l'article 1147 du code civil, a cassé sa décision mais seulement en ce qu'elle a débouté les sociétés du "Groupe" LEGRAND de leurs prétentions relatives à l'indemnisation du préjudice invoqué du chef du paiement des droits en principal et renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de VERSAILLES. Les sociétés du Groupe LEGRAND ont saisi cette cour. Aux termes de longs développements, ces sociétés rappellent le contexte de l'affaire, l'historique des fonds communs de placement, les décision du Conseil d'Etat de la cour de cassation et des juridictions administratives en la matière. Elles décrivent les irrégularités qui, selon elles, ont affecté les fonds "turbo", interextrat 1 x 2, ARJIL, SHEARSON LEHMAN, SL SECURITE 3, DELTA 18 et DELTA 1 ainsi que les conditions des redressements fiscaux dont elles ont fait l'objet. Elles observent que la cour de cassation a rappelé l'obligation de résultat à laquelle étaient tenues les intimées qui ne peuvent prétendre qu'il

conclut donc à la limitation de la réclamation des sociétés du "Groupe" LEGRAND à la somme de 719.139 euros, au rejet du surplus de ses prétentions, à la fixation des intérêts à compter de l'arrêt à intervenir et à l'octroi en sa faveur d'une indemnité de 65.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Les sociétés CLC BOURSE et GPK FINANCE soutiennent aussi que l'arrêt de la cour de cassation autorise une discussion sur le partage de responsabilité entre les banques et les souscripteurs. Elles font valoir que les sociétés du "Groupe" LEGRAND ont contribué à la production et à l'ampleur du dommage invoqué en relevant que les redressements ont été motivés en se fondant sur les modalités de souscription des parts, le fonctionnement saisonnier des FCP ayant été causés exclusivement par le comportement des souscripteurs, les gérants et dépositaires étant tenus de recevoir les souscriptions à tout moment, sans pouvoir maîtriser leur montant. Elles ajoutent que l'administration fiscale a considéré que les modalités de souscription et de revente des parts du FCP par les société du "Groupe" LEGRAND caractérisaient un véritable abus du droit. Elles

estiment que les sociétés appelantes ne peuvent donc sérieusement prétendre qu'elles n'avaient pas conscience du risque pris en souscrivant massivement dans de telles conditions et dans un but exclusivement fiscal des parts de FCP. Elles considèrent que la question du point de départ des intérêts civils de retard ne peut fait l'objet d'un réexamen. Elles concluent à l'irrecevabilité des demandes de réparation du préjudice résultant de la privation de jouissance des sommes payées à l'administration fiscale ainsi qu'au titre du point de départ des intérêts moratoires et des commissions. Elles sollicitent un partage de responsabilité à hauteur de moitié entre ellles et les sociétés du "Groupe" LEGRAND, leur débouté pour le surplus et une indemnité de 65.000 euros sur le fondement de

s'agirait d'une obligation atténuée dont elles pourraient s'exonérer en prouvant l'absence de faute mais qui doivent justifier du respect des conditions requises par l'instruction administrative auxquelles était subordonnée la mesure d'assouplissement génératrice des crédits d'impôt litigieux. Elles soutiennent que le fonctionnement des fonds était entaché d'un vice général tenant à ce qu'il n'était pas démontré que les souscriptions auraient pu intervenir à tout moment ainsi que de vices particuliers touchant à la mise en oeuvre, et à la rémunération des gérants et dépositaires des fonds. Elles soulignent que la responsabilité exclusive de ces derniers a été définitivement jugée tout comme le lien de causalité entre les fautes et le préjudice en relevant le rejet du moyen tiré de la transaction conclue avec l'administration fiscale et la consécration de son droit à indemnisation du montant en principal des droits payés. Elles soutiennent que le point de départ du cours des intérêts peut être fixé à la date de paiement des impositions à l'administration en application de l'article 1153-1 du code civil et que la cour saisie de la réparation du préjudice correspondant aux droits en principal à toute latitude pour le déterminer dès lors qu'en vertu de l'article 624 du nouveau code de procédure civile, la cassation prononcée s'étend aux dispositions accessoires qui sont la dépendance nécessaire de celles censurées.Sur le fond, elles se prévalent de l'avis du Conseil d'Etat du 08 avril 1998 qui a écarté tout lien de causalité entre les redressements fiscaux et le comportement des

souscripteurs. Elles affirment que seule une faute prouvée de la part du contribuable est susceptible d'atténuer la responsabilité du professionnel à son égard, impliquant qu'il soit établi la transgression caractérisée d'une norme de comportement. Elles soutiennent qu'une telle preuve n'est pas rapportée, en l'espèce, en précisant n'avoir eu connaissance que bien après les redressements l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Les sociétés BANQUE D'ORSAY et ORSAY GESTION soulignent que le taux de multiplication des crédits d'impôts des fonds gérés par leurs soins est nettement inférieur à ceux des autres établissements financiers et qu'il n'est pas établi que des irrégularités se soient produites dans leur gestion. Elles concluent à l'entier débouté des appelantes et réclament une indemnité de 150.000 euros en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Le dossier a été communiqué le 24 février 2004 au ministère public qui l'a visé à la même date. MOTIFS DE LA DECISION : SUR LE DESISTEMENT DE SAISINE ENVERS LA SOCIETE LEHMAN BROTHERS SERVICES : Considérant que ce désistement émanant des sociétés du "Groupe" LEGRAND ayant déjà été constaté par

ordonnance du 25 février 2003 du conseiller de la mise en état, il n'y a plus lieu à donner acte sur ce point. SUR LA RECEVABILITE DE L'ACTION DES SOCIETES DU "GROUPE" LEGRAND A L'EGARD DE LA SOCIETE SHEARSON LEHMAN HUTTON GESTION : Considérant que la banque LEHMAN BROTHERS faisant valoir qu'il n'apparait pas contestable que la société SHEARSON LEHMAN HUTTON GESTION n'avait plus d'existence juridique au moment de la signification de l'acte introductif d'instance devant le tribunal de commerce de PARIS, soulève l'irrecevabilité de l'action des sociétés du "Groupe" LEGRAND à son encontre ; mais considérant que la BANQUE LEHMAN BROTHERS n'a ni qualité, ni intérêt pour conclure au nom de la société SHEARSON LEHMAN HUTTON et que sa demande sur ce point a déjà été déclarée irrecevable de manière irrévocable par la cour d'appel de PARIS. SUR L'ETENDUE DE LA SAISINE DE LA COUR EN TANT QUE JURIDICTION DE RENVOI : Considérant qu'en vertu de l'article 623 du nouveau code de procédure civile, l'annulation d'un arrêt est limitée à la portée du moyen qui lui a servi de base et laisse subsister comme passées en force de chose jugée toutes les parties de la décision qui n'ont pas

des irrégularités affectant les FCP Turbo dissimulées par les intimées. Elles discutent la portée donnée par ces derniers à la brièveté de la durée de détention des parts et au choix de la période de soucription. Elles réfutent toute prétendue acceptation du risque en rappelant que cette notion et celle d'obligation de résultant sont mutuellement exclusives et qu'en toute hypothèse, celle-ci ne peut entrainer un partage de responsabilité que si elle est fautive. Elles estiment que la recherche d'un avantage fiscal est parfaitement légitime et dénient tout abus de droit dont la transaction traduirait la reconnaissance. Elles font valoir qu'en tout état de cause, leur faute, si elle était retenue, ne pourrait être que d'imprudence ou de négligence et ne saurait laisser aux intimées une partie quelconque du profit de leurs agissements, ni aboutir à un partage de responsabilité, lequel, s'il était opéré, devrait plus subsidiairement encore, tenir compte de la gravité relative des fautes commises. Elles expliquent que leurs préjudices résultent de la mise en recouvrement des impôts et pénalités quelles que soient les voies de recours ouvertes ou exercées par le contribuable avec ou

sans sursis à paiement. Elles affirment que dans les relations entre personnes privées, la contribution de l'impôt peut valablement faire l'objet de contrats. Elles ajoutent que le préjudice découlant du manquement des intimées est équivalent à l'impôt dû et que la solution est transposable au crédit d'impôt qui n'est pas un gain prétendument manqué mais l'objet même des obligations des intimées, en considérant que même la perte d'un gain est indemnisable. Elles indiquent avoir été contraintes de régler les droits en principal à concurrence d'un montant total de 4.757.507 euros. Elles précisent que leurs pertes s'entendent également de la privation de jouissance des sommes versées depuis les dates de règlements des 12 avril 1994 et 14 février 1995 justifiant l'allocation des intérêts moratoires à

été attaquées par le pourvoi ; considérant qu'aux termes de l'article 624 du nouveau code de procédure civile, la censure qui s'attache à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation sauf le cas d'indivisibilité ou de dépendance nécesaire et qu'en application de l'article 638 du même code, l'affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation ; considérant qu'il s'infère de l'analyse exhaustive de l'arrêt de la cour de cassation du 24 septembre 2002 que la décision de la cour d'appel de PARIS du 29 mars 2000 est devenue irrévocable sur les conditions de la mise en oeuvre de la responsabilité contractuelle des intimées par les appelantes ; considérant, en premier lieu, que sur la faute des gérants et dépositaires des fonds communs de placement, la cour de cassation a d'abord confirmé la définition de l'objet de leurs obligations consistant pour les premiers à transférer aux souscripteurs les crédits d'impôt attachés aux revenus distribués, calculés et déterminés suivant les textes fiscaux en vigueur et pour les seconds, à s'assurer que les opérations qu'ils effectuent sont conformes à la législation des fonds communs de placement ; considérant qu'elle en a confirmé la qualification d'obligation de résultat en estimant que c'était "à bon droit que la cour d'appel avait décidé que les gérants et dépositaires de fonds communs de placement étaient tenus d'une obligation de résultat quant à la délivrance d'un certificat de crédit d'impôt conforme à sa

destination, c'est à dire propre à permettre aux souscripteurs de bénéficier des dispositions fiscales relatives aux parts de fonds communs de placement" ; considérant qu'elle en a fait de même au titre de la présomption de responsabilité pesant sur les gérants et dépositaires de fonds communs de placement en relevant qu'il leur appartenait de rapporter la preuve qu'ils avaient exécuté leur obligation de résultat et en retenant que la cour d'appel avaient pu estimer que ceux-ci ne démontraient pas avoir respecté les dispositions règlementaires et prudentielles ; qu'il est donc définitivement jugé que les gérants et dépositaires des fonds communs de placement ont manqué à l'obligation de résultat qui pesait sur eux en délivrant des certificats de crédits d'impôt non conforme à leur destination ; considérant que la cour de cassation a rappelé que "le préjudice invoqué trouvait son origine dans le redressement qui, quel que soit son fondement, a été notifié par l'administration fiscale sans que la transaction signée entre ces sociétés et l'administration qui n'a eu pour effet que de mettre fin à un contentieux sur le bien fondé de ce redressement, n'ai rompu ce lien de causalité, ni ne puisse être regardée comme la cause du dommage invoqué ; Qu'il suit de là, que les dispositions de l'arrêt de la cour d'appel de PARIS ayant trait au lien de causalité sont également irrévocables ; considérant que, par ailleurs, le fait des souscripteurs ne peut être retenu comme cause étrangère exonératoire de responsabilité par les gérants et dépositaires des fonds communs de placement, l'arrêt n'ayant encouru aucune censure lorsque la cour d'appel admet "que les souscriptions volontairement effectuées par le souscripteur dans le but de réduire son imposition n'étaient pas de nature à exonérer les

personnes tenues de faire fonctionner les fonds communs de placement conformément aux dispositions légales et règlementaires d'ordre public et que la volonté de bénéficier des avantages fiscaux tirés de l'utilisation d'une instruction dont la légalité n'avait pas encore été discutée, ne caractérisait pas la faute de la victime, seule susceptible de justifier une exonération ou un partage de responsabilité" ; considérant que relativement au préjudice, l'existence et l'importance du dommage quant à la perte subie ont aussi été confirmés, la cour d'appel ayant, selon la cour de cassation, pu considérer sans méconnaitre les articles 1147 et 1151 du code civil, non plus que le principe de la personnalité des peines et les articles 6 et 7 de la convention européenne des droits de l'homme, que le préjudice indemnisable des souscripteurs devait tenir compte de l'appauvrissement qu'ils avaient supporté à raison des pénalités par eux réglées et avait, en outre, fixé, à bon droit, le point de départ des intérêts légaux sur les dommages et intérêts réparant la perte subie au jour de sa décision ; considérant, par ailleurs, que le rejet des demandes des sociétés du "Groupe" LEGRAND

au titre de la restitution des commissions ainsi que sur le fondement de la subrogation des porteurs de parts dans les droits du Trésor Public, aussi définitif Considérant que la cour de cassation a, de manière précise et non équivoque, cassé l'arrêt rendu le 29 mars 2000 par la cour d'appel de PARIS seulement en ce qu'il a débouté les sociétés du "Groupe" LEGRAND de leurs prétentions relatives à l'indemnisation du préjudice qu'elles invoquaient du chef du paiement des droits en principal, en délimitant le renvoi à la demande de ces sociétés relative au préjudice considéré dans son élément de gain manqué résultant de leur privation des crédits d'impôt ; considérant que les intimées ne sauraient donc, sauf à méconnaitre l'autorité irrévocable de la chose jugée par la cour d'appel de PARIS sur toutes les dispositions de son arrêt n'ayant pas été attaquées ou ayant fait l'objet de moyens de cassation rejetés, prétendre que la cour devrait à nouveau apprécier les conditions de leur responsabilité pour se prononcer sur la réparation du préjudice, concernant le gain fiscal manqué, alors que leur obligation de réparer n'est plus discutable ; considérant que les gérants et dépositaires de fonds communs de

placement ne sauraient aussi soutenir que la question du partage de responsabilité se poserait encore devant la cour de renvoi ; qu'en effet, la cour de cassation a rejeté tous les moyens critiquant l'existence du manquement contractuel et ceux constatant la causalité directe et exclusive de ce manquement dans la réalisation du dommage, tout comme celui reprochant un défaut de réponse à conclusions sur ce point selon des motifs comportant un double appréciation de droit sur la pertinence des moyens proposés par les banques et de la réponse que leur a donnée la cour d'appel de PARIS, laquelle avait bien abordé cette question en estimant qu'aucune faute ne pouvait être retenue à l'encontre des souscripteurs pour exclure ou atténuer la responsabilité des gérants et dépositaires des fonds communs de placement en sorte que leur responsabilité exclusive est irrévocablement jugée, étant de surcroît, observé que le principe selon lequel la cassation qui atteint un chef de dispositif n'en laisse rien subsister quel que soit le moyen qui a déterminé cette cassation, n'est applicable que dans la limite de la cassation prononcée ; considérant que les gérants et dépositaires des fonds

communs de placement en cause qui n'ont pas satisfait à leur obligation de résultat de délivrer aux sociétés du "Groupe" LEGRAND des certificats de crédits d'impôt conformes à leur destination sont tenus de réparer le gain manqué de ces dernières, lequel est équivalent au montant nominal desdits certificats émis par les fonds communs de placement dont l'imputation sur les impositions dues a été remise en cause par l'administration ; considérant qu'il suit de là qu'au vu des justificatifs produits et des notifications des redressements fiscaux, les sociétés du "Groupe" LEGRAND sont bien fondées à obtenir les sommes suivantes : - ARJIL :

1.344.909 euros - CDR CREANCES :

719.139 euros - BMA :

28.695 euros - ORSAY :

125.670 euros - LEHMAN :

505.424 euros - et CLC BOURSE :

2.033.670 euros SUR LES INTERETS MORATOIRES : Considérant qu'il doit être statué quant au point de départ de ces intérêts sur l'indemnité au titre du gain manqué qui se rattache par un lien de dépendance nécessaire aux chefs de la décision de la cour d'appel de PARIS, ayant fait l'objet de la cassation partielle ; considérant que cette cour ayant dû apprécier l'existence et l'importance du dommage invoqué par les sociétés du "Groupe" LEGRAND avant de fixer le montant des dommages et intérêts pouvant leur être alloué, le point de départ du cours des intérêts légaux sur les sommes ainsi déterminées sera dès lors fixé à compter du présent arrêt. SUR LA DEMANDE AU TITRE DE LA PRIVATION DE JOUISSANCE DES SOMMES IMMOBILISEES ENTRE LE PAIEMENT ET LA SUR LA DEMANDE AU TITRE DE LA PRIVATION DE JOUISSANCE DES SOMMES IMMOBILISEES ENTRE LE PAIEMENT ET LA TRANSACTION : Considérant qu'il est constant que les sociétés du "Groupe" LEGRAND ont réglé à l'administration fiscale les 12 avril 1994 et 14 février 1995 les sommes correspondant aux redressements qui leur ont été notifiés ; que même si par l'effet des transactions réalisées, le 05 juin 1997, ces montants ont été diminués, il n'en demeure pas moins que dans l'intervalle, ces sociétés n'ont pu disposer des sommes précédemment versées pendant toute cette période là ; considérant que la prétention formulée, à cet égard, par les

sociétés du "Groupe" LEGRAND n'est pas nouvelle en cause d'appel dès lors qu'il s'infère des termes tant de leurs assignations introductives d'instance en date des 09, 13 et 28 décembre 1994, que de leurs conclusions en réplique du 13 mars 1996, que dès l'origine celles-ci avaient sollicité la condamnation des défenderesses à leur payer la totalité des sommes mises en recouvrement par l'administration des impôts avec intérêts au taux légal à partir des dates de règlement au Trésor Public les 12 avril 1994 et 14 février 1995 ; considérant qu'au titre de la perte éprouvée, les sociétés appelantes sont donc en droit de réclamer une indemnité égale au montant des intérêts légaux dus entre le 14 février 1995 et le 05 juin 1997 dont elles ont été privées pour les avoir réglées à la suite de leur mise en recouvrement ; considérant que les sociétés du "Groupe" LEGRAND ont dressé sur ce point un tableau récapitulatif des montants payés à l'administration, des montants transactionnels et des montants des dégrèvements ventilés par banque et par entreprise avec les intérêts correspondant pour déterminer la répartition de la somme globale de 708.093 euros relative aux intérêts revendiqués ;

que ces données n'ayant pas suscité de critique de la part des intimées, seront entérinées ; considérant, en outre, que la société ARJIL et la banque LEHMAN ne peuvent utilement prétendre que les intérêts sur les sommes dégrévées devraient être demandées à l'administration fiscale sur le fondement de l'article L 208 du livre des procédures fiscales dans la mesure où celle-ci ne les a pas versées et où, la prétention formulée en ce sens par les sociétés du "Groupe" LEGRAND a été rejetée par jugement du tribunal administratif de LIMOGES du 31 décembre 2002 ; considérant que les sociétés du "Groupe" LEGRAND obtiendront donc de ce chef les sommes suivantes ainsi distinguées : - ARJIL et CIE :

206.556 euros - BMA :

8.497 euros - ORSAY (DELTA) :

17.812 euros - CLC BOURSE :

297.069 euros - CDR CREANCES (SAGA) :

114.856 euros - SHEARSON LEHMAN :

63.303 euros Considérant que pour les mêmes motifs que ceux exposés relativement aux dommages et intérêts correspondant aux droits en

principal, les intérêts légaux courreront également et seulement depuis la décision de la cour. SUR LA CAPITALISATION DES INTERETS :

Considérant que les conditions de l'article 1154 du code civil n'étant pas réunies en l'espèce, il n'y a pas lieu à capitalisation des intérêts. SUR LES PRETENTIONS ACCESSOIRES : Considérant que l'équité commande d'accorder aux sociétés du "Groupe" LEGRAND une indemnité de 10.000 euros en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; que les sociétés intimées qui succombent à titre principal en leurs prétentions, supporteront les dépens de la présente instance in solidum à proportion des condamnations prononcées à leur encontre, étant observé qu'il a déjà été statué sur le sort des dépens exposés devant le tribunal de commerce et la cour d'appel de PARIS, selon des dispositions irrévocables de l'arrêt du 29 mars 2000. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, sur renvoi après cassation partielle de la décision de la cour d'appel de PARIS du 29 mars 2000 par arrêt de la cour de cassation du 24 septembre 2002 et en dernier ressort, CONSTATE que les dispositions du jugement entrepris du tribunal de commerce de

PARIS du 25 septembre 1996 ont fait l'objet de décisions devenues irrévocables ou n'ayant désormais plus d'objet, CONDAMNE à payer à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision : - aux SA LEGRAND, ARNOULD, PLANET WATTHOM et MARTIN LUNEL, la société ARJIL et COMPAGNIE la somme de 1.551.465 euros, - à la SA LEGRAND, la SA CDR CREANCES la somme de 833.995 euros, - à la SA LEGRAND, les SA BANQUE DE MARCHES ET D'ARBITRAGE (BMA) et CHAUCHAT DEVELOPPEMENT (BMA GESTION) solidairement la somme de 37.192 euros, - à la SA LEGRAND, les SA BANQUE D'ORSAY et ORSAY GESTION, solidairement la somme de 143.482 euros, - à la SA LEGRAND, les SA BANQUE LEHMAN BROTHERS et LEHMAN HUTTON GESTION solidairement la somme de 568.727 euros, - à la SA LEGRAND, les SA CLC BOURSE et GPK FINANCE solidairement la somme de 2.330.739 euros. DIT n'y avoir lieu à capitalisation des intérêts, CONDAMNE les sociétés intimées in solidum à verser aux sociétés appelantes une indemnité de 10.000

euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, LES CONDAMNE sous la même solidarité aux dépens de la présente instance à proportion des condamnations prononcées et AUTORISE les avoués concernés à les recouvrer conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile. Arrêt prononcé par Madame Françoise LAPORTE, Président, et signé par Madame Françoise LAPORTE, Président et par Mme Marie-Thérèse Y..., Greffier présent lors du prononcé Le GREFFIER,

Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 95/004508
Date de la décision : 14/12/2004
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2004-12-14;95.004508 ?
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