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30/09/2004 | FRANCE | N°2003-01342

France | France, Cour d'appel de Versailles, 30 septembre 2004, 2003-01342


COUR D'APPEL DE VERSAILLES 12ème chambre section 2 J.F.F./P.G. ARRET Nä Code nac : 59C contradictoire DU 30 SEPTEMBRE 2004 R.G. Nä 03/01342 AFFAIRE : S.A Y... FRANCE C/ S.A. COMM'BACK Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Février 2003 par le Tribunal de Commerce VERSAILLES Nä de chambre : 2ème chambre RG nä :

2001F01063 Expéditions exécutoires Expéditions délivrées le : à :

représentée par Me Jean-Pierre BINOCHE représentée par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD E.D. REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE TRENTE SEPTEMBRE DEUX MILL

E QUATRE, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire e...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES 12ème chambre section 2 J.F.F./P.G. ARRET Nä Code nac : 59C contradictoire DU 30 SEPTEMBRE 2004 R.G. Nä 03/01342 AFFAIRE : S.A Y... FRANCE C/ S.A. COMM'BACK Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Février 2003 par le Tribunal de Commerce VERSAILLES Nä de chambre : 2ème chambre RG nä :

2001F01063 Expéditions exécutoires Expéditions délivrées le : à :

représentée par Me Jean-Pierre BINOCHE représentée par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD E.D. REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE TRENTE SEPTEMBRE DEUX MILLE QUATRE, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

APPELANTE S.A Y... FRANCE ayant son siège ..., agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. représentée par Me Jean-Pierre BINOCHE, avoué. assistée de Me Cédric Z..., avocat au barreau de PARIS (M.677). ** ** ** ** ** ** ** ** INTIMEE S.A. COMM'BACK ayant son siège ..., Immeuble Tour de Saône, 69009 LYON 09, agissant poursuites et diligences de son Président du Conseil d'Administration domicilié en cette qualité audit siège. représentée par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD, avoués. assistée de Me Alain X..., avocat au barreau de PARIS (E.241). ** ** ** ** ** ** ** ** Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Juin 2004 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-François FEDOU, conseiller chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé de : Madame Françoise LAPORTE, Président, Monsieur Jean-François FEDOU, conseiller, Monsieur Denis COUPIN, conseiller, Greffier, lors des débats : Mme Marie-Thérèse GENISSEL, 5FAITS ET PROCEDURE : La Société COMM'BACK est une agence de marketing direct,

détenant des bases de données relatives aux utilisateurs et aux projets informatiques des entreprises; elle propose à ses clients un package base de données End User's et programme Génération Leads. La Société Y... FRANCE (ci-après Y...), qui a pour activité le commerce de gros de machines de bureaux et de matériels informatiques, s'est rapprochée de la Société COMM'BACK en vue de développer ses capacités de prospection commerciale. La Société Y... a établi le 29 mars 1999 un bon de commande portant sur la fourniture de la base de données End User's avec trois mises à jour annuelles ainsi qu'un abonnement annuel au programme Génération Leads pour un prix total TTC de 265.320 F (40.447,77 euros). A la suite de la réception de ce bon de commande, la Société COMM'BACK a adressé à la Société Y... une facture datée du 30 mars 1999, reproduisant les fournitures commandées et livrées selon le tarif convenu, soit 265.320 F (40.447,77 euros). Ayant découvert que la Société Y... avait utilisé sa base de données End User's en dehors de la période d'utilisation annuelle, la Société COMM'BACK l'a, par courriers en date des 22 septembre 2000 et 15 mars 2001, mise en demeure : - soit de chiffrer au tarif unitaire les adresses utilisées pour le mailing afin de lui permettre de facturer chaque utilisation de ces adresses ; - soit de conclure un nouveau contrat d'utilisation annuel permettant d'exploiter la base de données End User's pour une nouvelle durée d'un an. Ces mises en demeure étant restées sans effet, la Société COMM'BACK a, par acte du 05 juin 2001, assigné la Société Y... FRANCE aux fins de lui voir interdire sous astreinte la poursuite des actes d'utilisation de la base de données End User's et de la voir condamner à 1.000.000 F (152.449,02 euros) à titre de dommages-intérêts. Par jugement du 12 février 2003, rectifié en ce qui concerne la charge des dépens par une décision du 31 mars 2003, le Tribunal de Commerce de VERSAILLES a : - interdit à la Société

Y... FRANCE l'utilisation, sous quelque forme que ce soit, de la base de données End User's, sous astreinte de 1.500 euros par infraction constatée à compter d'un délai de quinze jours après la signification du jugement ; - condamné la Société Y... FRANCE à payer à la Société COMM'BACK la somme de 30.000 euros, à titre de dommages-intérêts ; - condamné la Société Y... FRANCE au paiement de la somme de 3.500 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. La Société Y... FRANCE a interjeté appel de cette décision. Elle fait valoir que seuls le contrat intitulé "offre personnalisée" et les conditions générales de la partie adverse font état expressément et sans équivoque d'une durée d'utilisation du CD ROM d'une seule année. Elle relève que la Société COMM'BACK ne rapporte pas la preuve de la transmission de ces documents à la société appelante, et n'établit pas davantage avoir attiré l'attention de cette dernière sur leur existence au moment de la vente du CD ROM litigieux. Elle estime que le Tribunal a dénaturé les termes de son engagement en retenant que le bon de commande souscrit par elle constituait l'acceptation pleine et entière d'une "offre personnalisée" non signée, et de conditions générales non portées à sa connaissance. Elle constate que la partie adverse ne conteste désormais plus que le bon de commande et la facture sont les seuls documents qui lient les parties, à l'exclusion des conditions générales et de l'offre personnalisée. Elle observe qu'aucune limitation de durée n'a été contractuellement prévue quant à l'utilisation des adresses figurant dans le CD ROM "End User's", lesquels ont été "achetés", ainsi qu'il résulte de la mention "achat fichiers"figurant sur la facture. Elle allègue que, les termes de la facture devant s'interpréter en faveur de celui qui a contracté l'obligation, elle pouvait légitimement croire qu'elle procédait à l'achat des adresses issues de la base de données et non à une simple

location limitée dans le temps. Elle soutient que les adresses figurant dans le CD ROM "End User's" ont bien été cédées par la société intimée, ce qui justifie l'importance de la contrepartie financière exigée et payée en 1999 à concurrence de la somme TTC de 265.320 F, soit 40.447,77 euros. Elle considère qu'ayant acheté une liste d'adresses d'entreprises sur un support CD ROM moyennant une contrepartie financière négociée entre les parties, elle pouvait à bon droit utiliser ces informations de manière illimitée sans porter atteinte à ses obligations contractuelles, seule l'utilisation du programme Génération Leads étant limitée à un an. Elle conteste avoir porté atteinte au droit d'auteur de la société intimée, dès lors qu'elle a utilisé le CD ROM litigieux dans la sphère délimitée par les deux seuls documents contractuels, conformément aux dispositions de l'article L 342-2 du Code de la propriété intellectuelle, pour un usage parfaitement adapté à sa destination, et sans excéder les conditions normales d'utilisation de la base de données. Elle ajoute que, dans l'appréciation du préjudice invoqué par la partie adverse, il doit être tenu compte d'une part de la carence de cette dernière dans son devoir d'information et de conseil inhérent aux contrats informatiques, d'autre part de l'absence de manque à gagner subi par elle compte tenu du caractère désormais obsolète des adresses figurant dans le CD ROM litigieux, enfin de la cessation effective d'utilisation du programme à partir du mois de janvier 2001. Par voie de conséquence, la Société Y... FRANCE demande à la Cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, de débouter la Société COMM'BACK de l'ensemble de ses prétentions, et de la condamner au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. La Société COMM'BACK conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a prononcé l'interdiction sous astreinte par la Société Y... de

l'utilisation de la base de données "End User's", et en ce qu'il a condamné cette dernière au versement de la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts. Elle fait valoir que, si le bon de commande et la facture sont les documents liant les parties, à l'exclusion des conditions générales et de l'offre personnalisée, ces documents, en tant qu'ils stipulent "la fourniture de la base de données End User's" et la période "d'avril 1999 à avril 2000", ne comportent toutefois aucune ambigu'té sur la durée d'utilisation de la base de données et du programme. Elle relève que sa politique commerciale a toujours consisté à mettre à disposition, et non à vendre la base de données "End User's", et que les formules proposées par elle stipulent expressément un système d'abonnement annuel à un prix forfaitaire pour un accès illimité à la base "End User's", à distinguer de l'achat du support (le CD ROM). Elle soutient que la mise en place d'adresses témoins rajoutées dans la base de données "End User's", dont la liste a été déposée auprès d'un huissier de justice, démontre qu'elle se contente de mettre à disposition sa base de données, et contrôle toute utilisation illicite de cette base. Elle allègue que la société appelante a commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle en utilisant cette base de données en dehors des conditions contractuellement prévues. Elle objecte qu'il ne peut lui être sérieusement reproché d'avoir manqué à son obligation d'information quant au renouvellement de la période d'utilisation de la base de données "End User's", alors qu'en présence d'un contrat à durée déterminée, les parties sont libres de renouveler ou de ne pas renouveler leur contrat, lorsqu'il est arrivé à son terme. Elle conteste qu'il puisse lui être fait grief d'un comportement déloyal, dans la mesure où elle a tenté un règlement amiable du différend opposant les parties, assorti d'une proposition de régularisation. Elle explique que, dès lors qu'elle n'avait plus

licitement accès à la base de données litigieuse à partir d'avril 2000, la société appelante est sans droit à invoquer l'exception édictée par l'article L 342-3 du Code de la propriété intellectuelle, lequel autorise l'extraction ou la réutilisation d'une partie non substantielle du contenu de la base seulement par la personne qui y a licitement accès. Elle souligne que, pour être conforme aux dispositions de l'article L 131-3 du Code de la propriété intellectuelle, l'achat de bases de données impliquait la mention précise dans l'acte de cession des droits cédés, et elle considère que la partie adverse ne saurait s'exonérer de son atteinte aux droits de propriété intellectuelle de la société intimée en se prévalant des dispositions de l'article L 122-5 5ä du Code de la propriété intellectuelle, alors que la possibilité d'accéder au contenu d'une base de données électroniques ne joue que dans les limites de l'utilisation prévue au contrat, en l'occurrence réduite à une année. Elle prétend avoir subi un manque à gagner indéniable, correspondant au prix qu'elle facturait à ses clients pour l'utilisation de la base de données "End User's" au titre de l'année 2000. Aussi, elle demande à la Cour, en ajoutant à la décision entreprise, de condamner la Société Y... FRANCE à lui verser la somme de 274.898 euros, augmentée de la TVA au taux en vigueur, correspondant au manque à gagner subi par elle jusqu'à l'année 2003 comprise, et à supporter les intérêts au taux légal sur le montant total de son indemnisation à compter du 22 septembre 2000, eux-mêmes capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du Code civil. Elle réclame en outre la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. L'ordonnance de clôture a été prononcée le 13 mai 2004. MOTIFS DE LA DECISION : SUR LA DUREE DU DROIT D'UTILISATION DE LA BASE DE DONNEES "END USER'S" :

Considérant que, le présent litige ayant trait à la période

d'utilisation de la base de données "End User's", il incombe à la Cour de déterminer si, ainsi que le soutient la Société Y... FRANCE, les adresses issues de cette base de données ont été cédées à cette dernière sans limitation de durée, ou si, ainsi que le prétend la Société COMM'BACK, cette base de données avait été mise à la disposition de sa cocontractante pour une durée limitée à une année ; Considérant que l'une et l'autre parties admettent désormais que les seuls documents pertinents pour l'appréciation de la nature et de l'étendue des obligations souscrites par elles sont constitués par le bon de commande signé le 29 mars 1999 par la Société Y... et par la facture y afférente en date du 30 mars 1999, à l'exclusion de l'offre personnalisée revêtue de la seule signature de la Société COMM'BACK et à l'exclusion des conditions générales de cette dernière ; Considérant qu'en présence de clauses ambiguùs, il convient de faire application de l'article 1162 du Code civil, aux termes duquel : "Dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation" ; Considérant qu'en l'occurrence, il résulte du bon de commande du 29 mars 1999 que la Société Y... s'est engagée à payer à la Société COMM'BACK la somme totale TTC de 265.320 F (40.447,77 euros), en contrepartie de : - "la fourniture de la base de données End User's avec trois mises à jour annuelles" ; - "l'abonnement annuel au programme Génération Leads sur les thèmes suivants : imprimantes, copieurs, serveurs" ; Considérant que la Société COMM'BACK allègue vainement, dans ses courriers de mise en demeure du 22 septembre 2000 et du 15 mars 2001, que les spécifications du bon de commande établi par la Société Y... sont en tous points conformes : - d'une part à l'offre personnalisée du 29 mars 1999, prévoyant que les droits auxquels donne lieu la fourniture de la base de données End User's sont accordés pour une durée d'un an à compter de la date de

signature, et moyennant un montant forfaitaire HT de 200.000 F (30.489,80 euros) ; - d'autre part aux conditions générales de la société intimée, spécifiant que le droit d'utilisation des fichiers acquis dans le cadre du contrat sera d'une durée d'un an à compter de la signature ; Considérant qu'en effet, ces documents, qui ne sont pas revêtus de la signature de la Société Y..., et auxquels le bon de commande ne fait aucune référence expresse, ne peuvent être utilement opposés à la société appelante, dans la mesure où il n'est en cause d'appel ni allégué, ni en toute hypothèse démontré par la Société COMM'BACK, que l'offre personnalisée et les conditions générales précitées auraient été portées à la connaissance de sa cocontractante préalablement à l'émission de sa commande ; Considérant qu'au surplus, si la facture datée du 30 mars 1999, et se rapportant à la commande du 29 mars 1999, est davantage explicite en ce qu'elle : "concerne contrat offre personnalisée pour la fourniture de la base de données des utilisateurs End User's avec 3 mises à jour annuelles et abonnement au programme Génération Leads pour une période d'un an Période avril 1999 à avril 2000 Achat Ficher + Leads", ses énonciations imprécises ou ambiguùs ne renseignent pas de manière claire et non équivoque sur la durée du droit d'utilisation consenti à la Société Y... ; Considérant qu'à cet égard, la référence au "contrat offre personnalisée" est sans incidence sur le présent litige, dès lors qu'il vient d'être relevé que la preuve n'a pas été rapportée de la transmission préalable de cette offre ; Considérant qu'il doit être également observé que, si le droit d'utilisation de la Société Y... avait été limité dans le temps, la facture litigieuse aurait dû normalement assortir la "fourniture de la base de données des utilisateurs End User's" de la mention :

"redevance" ou "abonnement", conformément à ce qui a été stipulé relativement à la fourniture du programme Génération Leads ;

Considérant que la Société COMM'BACK n'explique pas pour quelle raison, si elle entendait limiter dans le temps la mise à disposition de sa base de données, elle n'a pas utilisé la formule : "Abonnement annuel : prix forfaitaire pour un accès illimité à la Base End User's pendant un an : nous consulter", telle qu'elle figure sur l'extrait de son site internet produit aux débats ; Considérant que, par ailleurs, l'indication distincte : "Période avril 1999 à avril 2000" ne saurait se comprendre de manière certaine comme étant applicable à l'ensemble des fournitures mises à la disposition de la société appelante, alors que cette stipulation fait immédiatement suite à la : "durée d'un an" laquelle a trait exclusivement à l'abonnement au programme Génération Leads ; Considérant qu'il s'ensuit qu'aucune conséquence ne peut être tirée du paiement effectué par la Société Y..., sans protestation ni réserve de sa part, de la facture datée du 30 mars 1999 et se rapportant à la commande litigieuse ; Considérant que, dès lors, à la différence de ce qui a été prévu s'agissant de la mise à disposition limitée à une année du programme Génération Leads, il ne peut se déduire des seules clauses contractuelles liant les parties que la fourniture de la base de données End User's était limitée à une période d'utilisation d'une année ; Considérant que, de surcroît, la facture susvisée comporte la mention supplémentaire : "Achat Fichier + Leads", et l'allégation de la société intimée, selon laquelle il convient de distinguer l'achat du support (CD ROM "End User"s) de la cession des droits d'utilisation sur la base de données (laquelle n'interviendrait jamais à titre définitif) n'est étayée par aucun document probant ; Considérant qu'au demeurant, à la rubrique "tarifs : type achat d'adresses" de l'extrait du site internet de la société intimée, il n'est nullement spécifié que l'achat d'adresses est nécessairement assorti d'un accès limité dans sa durée, lequel est prévu uniquement

en cas de souscription à un abonnement annuel ; Considérant qu'à titre surabondant, il s'infère du constat d'huissier établi le 13 septembre 1996 que la Société COMM'BACK a mis volontairement dans le fichier vendu par elle "des adresses d'entreprises qui n'existent pas, pour lui permettre de vérifier ultérieurement que les utilisateurs sont bien les acheteurs" ; Considérant que, toutefois, il ne résulte nullement de ce procès-verbal de constat que la vente des adresses serait limitée dans le temps, les "adresses pièges" étant uniquement destinées à vérifier que seuls les acheteurs utilisent les données, et à repérer l'utilisation anormale susceptible d'être faite du fichier par des personnes ne les ayant pas achetées ; Considérant qu'il doit donc se déduire des stipulations contractuelles, corroborées par les éléments extrinsèques venant étayer l'analyse de la commune intention des parties au moment de l'échange de leurs consentements, que le droit d'utilisation du CD ROM "End User's" a été cédé à la Société Y... sans limitation de durée ; Considérant que, par voie de conséquence, il convient d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a énoncé que la société appelante avait manqué à ses obligations contractuelles en ne respectant pas la durée d'utilisation de cette base de données. SUR LA PRETENDUE ATTEINTE AU DROIT D'AUTEUR :

Considérant qu'en application de l'article L 341-1 du Code de la propriété intellectuelle, la Société COMM'BACK bénéficie, en tant que producteur de base de données, d'une protection sur le contenu de la base de données "End User's" ; Considérant qu'aux termes de l'article L 342-1 du même code : "Le producteur de bases de données a le droit d'interdire l'extraction, par transfert permanent ou temporaire de la totalité ou d'une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu d'une base de données sur un autre support, par tout moyen et sous toute forme que ce soit..." ; Considérant que,

toutefois, ainsi que l'indique la Société Y..., les deux seuls mailing adressés par elle à la société piège "MERCURY etamp; JIMBERT SA" les 31 août 2000 et 02 février 2001 ne peuvent suffire à caractériser des extractions d'une partie quantitativement substantielle de la base de données End User's ; Considérant que ces extractions ne peuvent davantage être qualifiées de qualitativement substantielles, dès lors qu'il n'est pas contesté que les adresses contenues dans le CD ROM mis à la disposition de la société appelante étaient en usage au cours de l'année 1999, ce qui les prive de tout caractère particulièrement stratégique ou d'actualité; Considérant que c'est donc l'article L 342-2 du Code de la propriété intellectuelle qui doit recevoir application, en vertu duquel : "Le producteur peut également interdire l'extraction ou la réutilisation répétée et systématique de parties qualitativement ou quantitativement non substantielles du contenu de la base lorsque ces opérations excèdent manifestement les conditions d'utilisation normale de la base de données" ; Or considérant que, dans la mesure où il apparaît que le droit d'utilisation du CD ROM "End User's" a été cédé sans limitation de durée à la Société Y..., celle-ci ne peut se voir imputer une utilisation fautive de la base de données postérieurement au mois d'avril 2000 ;

Considérant qu'il s'ensuit que cette utilisation, intervenue conformément aux stipulations contractuelles liant les parties, n'a pas excédé "les conditions d'utilisation normale de la base de données" au sens de la disposition légale susvisée ; Considérant que, dès lors qu'en fonction de ce qui précède, la société appelante avait licitement accès au contenu de la base de données litigieuse, l'exploitation de cette base de données dans les circonstances ci-dessus rappelées n'a pas porté atteinte à la protection légale dont se prévaut la société intimée ; Considérant que cette dernière

n'est pas davantage fondée à invoquer l'irrégularité de la cession des droits consentis à la Société Y..., sur le fondement de l'article L 131-3 du Code de la propriété intellectuelle, pour cause d'absence de mention distincte, dans les documents contractuels, de chacun des droits cédés ; Considérant qu'à cet égard, aux termes de ses écritures récapitulatives, elle expose que l'article L 131-2 du même code ne subordonne pas les contrats de licence à l'exigence d'un écrit, et elle précise que l'acceptation d'une offre est régie par le principe du consensualisme, et qu'un droit d'utilisation peut être cédé dans un simple bon de commande ; Considérant que, dès lors qu'en toute hypothèse, l'accès au contenu de la base de données de la Société COMM'BACK s'est effectué dans les limites de l'utilisation prévue au contrat, il convient d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a fait interdiction à la Société Y..., sous astreinte de 1.500 euros par infraction constatée, d'utiliser les adresses du CD ROM "End User's". SUR LES DEMANDES COMPLEMENTAIRES ET ANNEXES :

Considérant que, dans la mesure où la responsabilité de la Société Y... ne se trouve engagée ni pour manquement à ses obligations contractuelles ni au titre d'une prétendue atteinte au droit d'auteur de la Société COMM'BACK, il convient, en infirmant également de ce chef la décision entreprise, de débouter cette dernière de sa demande de dommages-intérêts pour manque à gagner ; Considérant que l'équité commande d'allouer à la Société Y... FRANCE une indemnité de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Considérant qu'il n'est cependant pas inéquitable que la Société COMM'BACK conserve la charge des frais non compris dans les dépens exposés par elle dans le cadre de la présente instance ; Considérant qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a lui a octroyé une indemnité de procédure ; Considérant que la Société COMM'BACK doit être condamnée aux dépens de première instance

et d'appel. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, DECLARE recevable l'appel interjeté par la Société Y... FRANCE, le dit bien fondé ; INFIRME le jugement déféré, et statuant à nouveau : DEBOUTE la Société COMM'BACK de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la Société Y... FRANCE ; CONDAMNE la Société COMM'BACK à payer à la Société Y... FRANCE la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; CONDAMNE la Société COMM'BACK aux dépens de première instance et d'appel, et AUTORISE Maître BINOCHE, Avoué, à recouvrer directement la part le concernant, conformément à ce qui est prescrit par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. Arrêt prononcé par Madame Françoise LAPORTE, Président, et signé par Madame Françoise LAPORTE, Président et par Mme Marie-Thérèse GENISSEL, greffier présent lors du prononcé Le GREFFIER,

Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 2003-01342
Date de la décision : 30/09/2004

Analyses

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Interprétation

En présence de clauses ambiguùs, il convient de faire application de l'article 1162 du Code civil, aux termes duquel : "Dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation". Dès lors qu'un bon de commande et qu'une facture portant sur la fourniture d'une base de données présentent un caractère équivoque et ambigu quant à l'existence d'une éventuelle limitation dans le temps de la mise à disposition de ladite base de données, il s'en déduit qu'en l'absence d'éléments extrinsèques contraires, la commune intention des parties au moment de l'échange des consentements portait sur un droit d'utilisation sans limitation de durée


Références :

Code civil, article 1162

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2004-09-30;2003.01342 ?
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