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14/09/2004 | FRANCE | N°JURITEXT000006944630

France | France, Cour d'appel de Versailles, 14 septembre 2004, JURITEXT000006944630


COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 55B OA Chambres commerciales réunies ARRET Nä 54 CONTRADICTOIRE DU 14 SEPTEMBRE 2004 R.G. Nä 02/05340 AFFAIRE : Société TRANSVET C/ S.A. COMPAGNIE D'ASSURANCES LE CONTINENT IARD Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Février 1998 par le Tribunal de commerce de PARIS. Nä Chambre : 7ème Nä RG : 96074488 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : Me BINOCHE SCP TUSET REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE QUATORZE SEPTEMBRE DEUX MILLE QUATRE, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant d

ans l'affaire entre :

DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versai...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 55B OA Chambres commerciales réunies ARRET Nä 54 CONTRADICTOIRE DU 14 SEPTEMBRE 2004 R.G. Nä 02/05340 AFFAIRE : Société TRANSVET C/ S.A. COMPAGNIE D'ASSURANCES LE CONTINENT IARD Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Février 1998 par le Tribunal de commerce de PARIS. Nä Chambre : 7ème Nä RG : 96074488 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : Me BINOCHE SCP TUSET REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE QUATORZE SEPTEMBRE DEUX MILLE QUATRE, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (chambre commerciale, financière et économique) le 09 Juillet 2002 cassant et annulant l'arrêt rendu par la cour d'appel de PARIS ( 7ème Chambre, section A) le 11 Janvier 2000, Société TRANSVET dont le siège social est : 15, rue de Nancy - 75010 PARIS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés audit siège en cette qualité, représentée par Maître Jean-Pierre BINOCHE, Avoué à la Cour assistée de Maître BEAUCHARD, Avocat au Barreau de PARIS DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI S.A. COMPAGNIE D'ASSURANCES LE CONTINENT IARD dont le siège social est : 62, rue de Richelieu - 75105 PARIS CEDEX 02, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés audit siège en cette qualité, représentée par la SCP TUSET-CHOUTEAU, Avoués à la Cour assistée de Maître Denis GANTELME, Avocat au Barreau de PARIS Composition de la Cour : A l'audience solennelle du 04 Mai 2004, Madame Marion BRYLINSKI, Conseiller, a été entendue en son rapport, devant la Cour composée de : Madame Simone X..., Présidente, Madame Nicole BOUCLY-GIRERD, Conseiller, Monsieur Jean-François FEDOU, Conseiller, Monsieur Denis COUPIN, Conseiller, Madame Marion BRYLINSKI, Conseiller, qui en ont délibéré, Greffier, lors des débats

: Madame Agnès Y..., Vu la communication de l'affaire au ministère public en date du 9 Janvier 2004 ; 5FAITS ET PROCEDURE La société SERPINTEX a confié à la société GATEXTRANS le transport d'un lot de vêtements d'AMADORA (Portugal) à ARLES (France). Ce transport, qui a donné lieu à établissement d'un lettre de voiture CMR Nä 455541 datée du 4 Août 1995, a été assuré par la société GATEXTRANS jusqu'à VILLENEUVE LA GARENNE ; la SA TRANSVET a assuré la livraison de VILLENEUVE LA GARENNE à ARLES. Le camion a été détourné et la marchandise volée par des malfaiteurs qui ont agressé le chauffeur à proximité d'une sortie d'autoroute dans le Gard ; la SA COMPAGNIE LE CONTINENT IARD assureur de la société GATEXTRANS a indemnisé la victime de ce vol à hauteur de la somme de 214 647,64 F. ( 32 722,82 ) ayant donné lieu à établissement d'une quittance subrogative. Sur le fondement de cette quittance, la SA COMPAGNIE LE CONTINENT IARD a assigné la SA TRANSVET en paiement de la somme principale de 214 647,64 F. ( 32 722,82 ) et de la somme de 10 000 F. ( 1 524,49 ) sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. *** Par jugement en date du 18 Septembre 1997 le Tribunal de Commerce de PARIS a condamné la SA TRANSVET à payer à la SA COMPAGNIE LE CONTINENT IARD la somme de 214 647,64 F. ( 32 722,82 ) en principal, outre la somme de 20 000 F. ( 3 048,98 ) sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Par arrêt en date du 11 Janvier 2000, la Cour d'Appel de PARIS a confirmé le jugement en toutes ses dispositions entreprises, et y ajoutant a condamné la SA TRANSVET à payer à SA COMPAGNIE LE CONTINENT IARD les intérêts au taux légal à compter de l'assignation jusqu'à parfait paiement, ordonné la capitalisation des intérêts échus depuis plus d'une année à compter du 29 Avril 1998, rejeté toute autre demande, condamné la SA TRANSVET à payer à la SA COMPAGNIE LE CONTINENT IARD la somme de 6 000 F. ( 914,69 ) sur le fondement de l'article 700

du nouveau code de procédure civile en cause d'appel. *** La Cour de Cassation par arrêt en date du 9 Juillet 2002 a cassé cette décision en toutes ses dispositions. Elle fait grief à la Cour d'Appel de PARIS d'avoir retenu que "le transport nocturne dans une région où les agressions et marchandises sont particulièrement nombreux, le caractère d'imprévisibilité ne pouvait exister et permettre d'invoquer la force majeure" et ainsi de ne pas avoir donné de base légale à sa décision, un tel motif étant "impropre à justifier l'exclusion de la clause d'exonération de sa responsabilité invoquée par le transporteur". *** La SA TRANSVET a saisi la Cour d'Appel de VERSAILLES désignée comme cour de renvoi, à laquelle elle demande de : - infirmer le jugement du Tribunal de Commerce de PARIS du 18 Septembre 1997, - statuant à nouveau, débouter la SA COMPAGNIE LE CONTINENT IARD de toutes ses demandes, - condamner la SA COMPAGNIE LE CONTINENT IARD à payer à la SA TRANSVET la somme de 7 000 sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile La SA TRANSVET soutient que le transport au départ du PORTUGAL à destination d'ARLES est de plein droit régi par la convention CMR, la SA TRANSVET étant intervenue pour la livraison finale en qualité de transporteur successif selon les dispositions des articles 34 et suivants de la convention CMR ; que la SA TRANSVET doit de toutes façons être exonérée sur le fondement tant du cas exonératoire prévu à l'article 17-2 de la convention CMR que des dispositions de l'article L 133-1 du code de commerce. Elle fait valoir que la perte des objets à transporter résulte d'une agression à main armée, événement irrésistible et qui ne pouvait être au nombre des prévisions raisonnables ; que cette irrésistibilité suffit à caractériser la force majeure dès lors que la prévisibilité n'aurait pu permettre d'en limiter les effets. *** La SA COMPAGNIE LE CONTINENT IARD demande à la Cour de : - confirmer purement et

simplement la décision entreprise, - y ajoutant, condamner la SA TRANSVET à payer à la SA COMPAGNIE LE CONTINENT IARD la somme de 5 000 sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La SA COMPAGNIE LE CONTINENT IARD soutient que la responsabilité de la SA TRANSVET est soumise au régime juridique des articles L 133-1 et suivants du code de commerce ; qu'en effet, si le transport du PORTUGAL à VILLENEUVE LA GARENNE a été effectué sous couvert de la lettre de voiture CMR, le transport de VILLENEUVE LA GARENNE à ARLES a été exécuté par la SA TRANSVET sous couvert d'un document de transport interne qu'elle a elle même émis le 8 Août 1995 ; que dans ces conditions, la SA TRANSVET est présumée responsable de la perte des marchandises sauf à démontrer que celle-ci est intervenue dans des circonstances constitutives d'un cas de force majeure. Elle fait valoir que la force majeure suppose que l'événement invoqué présente les caractères d'irrésistibilité et dans une moindre mesure d'imprévisibilité, que la relation de cause à effet, entre cet événement et la perte soit démontrée, et que le voiturier n'ait pas lui même commis une faute susceptible d'avoir concouru à la réalisation de l'événement dommageable ; qu'en l'espèce, la preuve de l'irrésistibilité du vol n'est pas rapportée, les rapports d'enquête par les services de police/gendarmerie n'étant pas produits ; que par ailleurs, les risques de vol dans cette région de la France sont nombreux et connus des transporteurs, mais que la SA TRANSVET n'a pris aucune mesure pour les éviter et a commis une imprudence. * DISCUSSION Il est constant que les marchandises confiées par la société SERPINTEX devaient être transportées du Portugal à ARLES ; elles ont donné lieu à un transport d'AMADORA (Portugal) aux entrepôts de SA TRANSVET à MARNE LA VALLEE, puis à un transport de MARNE LA VALLEE en direction d'ARLES, le vol ayant été déclaré comme commis sur le trajet entre AVIGNON et ARLES. Le

transport a été confié par la société SERPINTEX à la société GATEXTRANS suivant une lettre de voiture internationale CMR datée du 4 Août 1995. Il concerne 908 vestes et 1 558 pantalons, mentionne l'identité complète de société SERPINTEX en qualité d'expéditeur, l'identité complète de société GATEXTRANS en qualité de transporteur, l'identité complète de KIABI destinataire final, l'adresse complète du lieu de livraison à ARLES, les lieu et date de prise en charge de la marchandise, les instructions de l'expéditeur en ce qui concerne la date et l'heure de déchargement au lieu de livraison, la signature du transporteur avec indication de l'immatriculation du camion. La première partie de ce transport assurée directement par la société GATEXTRANS jusqu'aux locaux de la SA TRANSVET qui a ensuite assuré la seconde partie, a donné lieu à l'établissement d'un bordereau de livraison à l'entête de société GATEXTRANS, daté du 7 Août 1995 et revêtu du cachet humide de SA TRANSVET. Ce bordereau désigne en qualité d'expéditeur "Serpintex Lisbonne" et comme destinataire "TRANSVET ZI CROISSY BEAUBOURG", mentionne la nature, la quantité et le poids des marchandises et le nombre de colis correspondants, précise le destinataire final de la livraison à savoir "KIABI rue Galilée ZAC ARLES NORD 13200 ARLES", la date et l'heure convenues pour la livraison. Ce bordereau compte tenu de ses mentions et de son contexte ne peut être analysé autrement que comme le reçu prévu par l'article 35 de la CMR. Il n'est pas contesté que SA TRANSVET n'a pas porté son nom et son adresse sur le deuxième exemplaire de la lettre de voiture en application des mêmes dispositions, et que par ailleurs elle a, elle même, établi un autre document pour le transport jusqu'à ARLES. Mais il doit être relevé que ce document, qui ne porte pas d'intitulé, porte pour seules mentions : sa date du 8 Août 1995, dans la rubrique expéditeur "GATEXTRANS VILLENEUVE LA GARENNE", dans la rubrique destinataire "KIABI ARLES", et dans le descriptif des

marchandises "908 + 76 cartons". Ce document par son absence totale de précision, ne comportant pas notamment l'adresse de prise en charge des marchandises, l'adresse précise du lieu de livraison, ni les date et heure d'enlèvement et de livraison des marchandises, ne peut être considéré comme un document de transport interne autonome pouvant recevoir exécution sans aucune référence aux autres documents précédemment établis, dont il n'était qu'une annexe. Dans ces conditions, le transport de MARNE LA VALLEE vers ARLES doit être considéré comme un transport final exécuté dans le cadre du contrat de transport unique ayant donné lieu à l'établissement de la lettre de voiture internationale CMR datée du 4 Août 1995. Il en résulte que la SA TRANSVET pour se voir exonérée de sa responsabilité à raison du vol commis pendant une partie de transport dont elle avait la charge, doit, en application des articles 17 paragraphe 2 et 18 de la convention CMR, rapporter la preuve de circonstances qu'elle ne pouvait éviter et aux conséquences desquelles elle ne pouvait pas obvier.tances qu'elle ne pouvait éviter et aux conséquences desquelles elle ne pouvait pas obvier. En l'état, la SA TRANSVET ne produit aux débats que deux articles publiés dans la presse locale dans les deux jours suivant le vol, ainsi que le rapport dressé dans les quinze jours suivants de ce vol, par l'expert mandaté par l'assureur de la SA TRANSVET. Certains de ces documents reprennent les éléments objectifs d'enquête, comme relevant de constatations matérielles, en ce qui concerne les temps de conduite et d'arrêt du camion, et le lieu où ce dernier a été abandonné après le vol des marchandises. Mais la SA TRANSVET en dépit de la demande qui lui en a été faite, ne produit pas le rapport d'enquête de gendarmerie, alors que l'expert dans son rapport mentionnait s'être rendu à la brigade de gendarmerie qui indiquait alors détenir des éléments importants permettant de faire progresser l'enquête ; de sorte qu'en l'état, les

indications concernant les circonstances précises du vol, notamment l'interception du camion grâce à un autre véhicule venant bloquer sa route, l'agression par trois personnes armées, et la neutralisation et la séquestration du chauffeur ne résultent que des seules affirmations de ce dernier, sans qu'aucun élément matériel ni aucune déclaration de tiers ne vienne les conforter. D'autre part, il doit être noté que l'un des articles de presse fait état de ce que les malfaiteurs "ont réussi une attaque bien organisée, bénéficiant de renseignements précis" ; or, l'expert en son rapport relate que le chauffeur du camion a d'abord assuré un transport d'AVIGNON à BEAUNE puis, à la suite d'un échange avec un autre chauffeur de la SA TRANSVET a pris en charge le camion venant de MARNE LA VALLEE pour repartir en direction d'AVIGNON, il précise également que "ce procédé est utilisé pratiquement tous les jours à la même heure". Dans ces conditions, la SA TRANSVET ne rapporte pas la preuve dont elle a la charge en application des articles 17 paragraphe 2 et 18 de la convention CMR, et ne peut prétendre s'exonérer de sa responsabilité. Le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions. La SA TRANSVET supportera les dépens de la procédure, y compris ceux de l'arrêt annulé (les dépens de la décision de cassation restant à la charge de la partie perdante devant la Cour de cassation )et devra verser à la SA COMPAGNIE LE CONTINENT IARD la somme de 5 000 sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. * PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, solennellement, par arrêt contradictoire en dernier ressort, sur renvoi après cassation par arrêt en date du 9 Juillet 2002 d'un arrêt rendu par la Cour d'Appel de PARIS le 11 Janvier 2000, I - Confirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de Commerce de PARIS en date du 18 Septembre 1997, II - Condamne la SA TRANSVET à payer à SA COMPAGNIE LE CONTINENT IARD, en cause d'appel, la somme de 5 000 sur le

fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, III - Condamne la SA TRANSVET aux entiers dépens de la procédure, y compris ceux de l'arrêt annulé, et autorise la SCP TUSET-CHOUTEAU, Avoués, sur sa demande, à recouvrer contre cette dernière ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans recevoir provision. Arrêt prononcé par Madame Simone X..., Présidente, et signé par Madame Simone X..., Présidente et par Monsieur Didier Z..., Greffier, présent lors du prononcé. Le GREFFIER, La PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006944630
Date de la décision : 14/09/2004

Analyses

TRANSPORTS TERRESTRES - Marchandises - Transport international - Convention de Genève du 19 Mai 1956 (CMR) - Responsabilité - Exonération

En application des articles 17 OE 2 et 18 de la convention de Genève du 19 mai 1956 dite CMR, l'exonération de responsabilité du transporteur suppose qu'il rapporte la preuve de circonstances qu'il ne pouvait éviter et aux conséquences desquelles il ne pouvait pas obvier. Ne satisfait pas à ces exigences, le transporteur qui se borne à produire aux débats les éléments univoques des circonstances de l'agression - comme résultant des seules affirmations du chauffeur - à l'exclusion de tout élément matériel ou déclaration de tiers de nature à les conforter, et spécialement sans produire le rapport de gendarmerie, en dépit de la demande qui lui en a été faite


Références :

convention de Genève du 19 mai 1956 dite CMR, articles 17 OE 2 et 18

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2004-09-14;juritext000006944630 ?
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