COUR D'APPEL DE VERSAILLES 12ème chambre section 2 A.D.D. EXPERTISE F.L./P.G. ARRET Nä Code nac : 30E contradictoire DU 24 JUIN 2004 R.G. Nä 03/05938 AFFAIRE : S.A.R.L. ALEF C/ S.C.I. BONITANDRE Décision déférée à la cour un jugement rendu le 05 Mai 2003 par le Tribunal de Grande Instance PONTOISE Nä de chambre : 2ème chambre civile RG nä :
02/02516 Expéditions exécutoires Expéditions délivrées le : à :
représentée par la SCP DEBRAY-CHEMIN représentée par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD Expertises (3) E.D. REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE VINGT QUATRE JUIN DEUX MILLE QUATRE, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : APPELANTE S.A.R.L. ALEF ayant son siège 55 avenue de la Division Leclerc 95170 DEUIL LA BARRE, agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège. représentée par la SCP DEBRAY-CHEMIN, avoués. assistée de Me Etienne KALCK, avocat au barreau de PARIS (M.18) INTIMEE S.C.I. BONITANDRE ayant son siège 7 rue de Prony 75017 PARIS et actuellement 19 bis rue Godefroy 92800 PUTEAUX, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. représentée par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD, avoués. assistée de la SELARL SEGIF-D'ASTORG-BLEU-FROVO ET. ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Mai 2004 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise LAPORTE, Président chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé de : Madame Françoise LAPORTE, Président, Monsieur Jean-François FEDOU, conseiller, Monsieur Denis COUPIN, conseiller, Greffier, lors des débats : Mme Marie-Thérèse GENISSEL, 5FAITS ET PROCEDURE :
Suivant acte sous seing privé en date du 10 janvier 1985, Monsieur
Robert X..., aux droits duquel se trouve la SCI BONITANDRE, a consenti à Monsieur et Madame Y..., aux droits desquels est la SARL ALEF, un bail commercial sur des locaux situés 55 avenue de la Division Leclerc à DEUIL LA BARRE pour une durée de 12 ans à compter du 1er juillet 1984. Selon exploit du 26 février 1996, la locataire a demandé au propriétaire le renouvellement de son bail à compter du 1er juillet 1996. Par acte de même forme en date du 11 septembre 1996, Monsieur X... a déclaré accepter ce renouvellement moyennant un loyer déplafonné porté à 72.000 francs (10.976,33 euros) ce qui a été refusé par la société ALEF le 16 septembre 1996. Puis, Monsieur X... a délivré, le 27 juin 1997, congé à la société ALEF avec refus de renouvellement et offre d'indemnité d'éviction pour le 1er janvier 1998, puis l'a assignée devant le tribunal de grande instance de PONTOISE en validation du congé, "expulsion" et fixation du loyer entre le 1er juillet 1996 et le 31 décembre 1997 à 10.976,33 euros et une indemnité d'occupation à partir du 10 janvier 1998 à 10.000 francs (1.524,49 euros). Monsieur X... arguant de la mise en location gérance du fonds de commerce en violation des clauses du bail a demandé ensuite la validation du congé sans offre d'indemnité d'éviction et subsidiairement la résiliation du bail. Après qu'un jugement rendu le 20 novembre 1998 ait enjoint Monsieur X... de régulariser la procédure et de produire son acte de propriété, celui-ci est décédé et l'affaire a fait l'objet d'une radiation administrative. Selon acte du 20 novembre 2001, la société BONITANDRE a acquis l'immeuble en cause. La société BONITANDRE a assigné la société ALEF aux fins de voir constater sa subrogation dans les droits et obligations de Monsieur X... et formé des prétentions identiques à celles formulées par le précédent propriétaire à l'exception du loyer. Par décision prononcée le 05 mai 2003, cette juridiction a, dit n'y avoir lieu à ordonner la jonction
de l'instance 1998/4786 et 2002/2516, validé le congé du 27 juin 1997 avec refus de renouvellement et d'indemnité d'éviction eu égard à la faute contractuelle commise par la société ALEF, ordonné son expulsion immédiate sous astreinte de 200 euros par jour à compter de la signification et la séquestration du mobilier à ses frais en tous lieux au choix de la société BONITANDRE, l'a condamnée à verser une indemnité d'occupation mensuelle de 1.525 euros, ordonné l'exécution provisoire, alloué une indemnité de 2.200 euros en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile à la demanderesse et condamné la défenderesse aux dépens. Appelante de cette décision, la société ALEF soutient que le tribunal ayant estimé qu'il s'agissait d'une affaire nouvelle ne pouvait transformer le congé du 27 juin 1997 en "congé sanction", le bailleur dans cette hypothèse devant délivrer un nouveau congé. Elle fait grief aux premiers juges de s'être fondés sur des dispositions du bail ne concernant pas la location gérance et de ne pas s'être expliqués sur la gravité du manquement allégué. Elle estime qu'en toute hypothèse le bailleur a accepté le renouvellement en connaissant l'existence du contrat de location gérance. Elle fait valoir qu'il ne pouvait lui être opposé un délai de forclusion, mais qu'en revanche l'action en fixation de l'indemnité d'occupation du bailleur était prescrite. Elle affirme que le principe du renouvellement du bail était acquis, le bailleurs ayant gardé le silence après sa demande à cette fin le 26 février 1996 pendant trois mois. Elle demande donc à la Cour de constater que le bail dont elle est titulaire est renouvelé aux conditions antérieures à compter du 1er juillet 1996 et subsidiairement si le congé du 27 juillet 1997 était validé d'en reporter les effets au 1er avril 1998 et de désigner un expert aux fins de détermination de l'indemnité d'éviction. Elle réclame 17.010 euros en réparation du préjudice subi et une indemnité de 3.500 euros au titre de l'article 700 du nouveau
code de procédure civile. La société BONITANDRE oppose qu'en vertu du bail il est interdit de substituer quelle que personne que ce soit au locataire et de prêter ou louer les locaux à d'autres personnes. Elle en déduit que la mise en location gérance constitue un motif de résiliation judiciaire ou un motif de refus de renouvellement. Elle considère qu'en toute hypothèse, le non respect de son obligation d'exploitation et l'absence de paiement de loyers par la société ALEF justifient la résiliation du bail. Elle conclut à la confirmation du jugement déféré sauf à fixer l'astreinte à 800 euros et à y ajouter une indemnité de 10.000 euros en sa faveur en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. MOTIFS DE LA DECISION : Considérant qu'il s'infère des éléments des débats que la société ALEF selon des modalités formelles dont la validité n'est pas discutée a, le 26 février 1996, demandé le renouvellement du bail commercial dont elle était titulaire à compter du 1er juillet 1996 et auquel il a été mis fin par ladite demande à la date d'échéance ; considérant que Monsieur X... qui n'y a pas répondu pendant plus de trois mois a accepté tacitement le principe du renouvellement et confirmé cette décision le 11 septembre 1996 ; considérant toutefois, que la société ALEF n'ayant pas agréé le montant du loyer de 1.097.633 euros réclamé par le propriétaire, celui-ci, comme il en avait la faculté, est revenu sur son acceptation de principe pour s'opposer au renouvellement en offrant le paiement d'une indemnité d'éviction, le 27 juin 1997, selon un acte improprement intitulé et qualifié de congé et d'exercice du droit d'option prévu à l'article L 145.57 du code de commerce ; considérant que l'action introduite ensuite par Monsieur X... qui s'est trouvée interrompue par l'effet de son décès et ne pouvait être reprise que par ses héritiers qui n'y ont pas procédé, est devenue périmée, tandis que la société BONITANDRE a introduit, à juste titre, une nouvelle instance en sa
qualité de propriétaire de l'immeuble précédemment donné à bail à la société ALEF et a formé des prétentions identiques à celles de Monsieur X... pour refuser de régler l'indemnité d'éviction à cette dernière ; Considérant qu'aux termes de l'article L 145-17 du code de commerce, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'aucune indemnité notamment s'il justifie d'un motif grave et légitime à condition, s'il s'agit de l'inexécution d'une obligation pour pouvoir invoquer l'infraction d'avoir adressé au preneur une mise en demeure par acte extrajudiciaire précisant ledit motif et reproduisant les dispositions de l'alinéa 1 du texte précité et de la poursuite du renouvellement de ladite infraction plus d'un mois après que celle-ci ait été signifiée ; qu'en outre, les motifs graves et légitimes dont peut se prévaloir le bailleur doivent être soient postérieurs à la date d'effet de la demande de renouvellement, soient avoir été ignorés de sa part s'ils sont antérieurs ; considérant que l'exploitation personnelle du fonds de commerce par le locataire n'est plus exigé par le statut des baux commerciaux ; qu'il suit de là que la location gérance est autorisée sauf disposition contraire dans le contrat de location ; or, considérant que tel n'est pas le cas de la clause invoquée, la société BONITANDRE stipulant que le "preneur ne peut se substituer quelque personne que ce soit, ni prêter les lieux même temporairement à des tiers" figurant dans un article consacré à "l'occupation et à la jouissance" et au sein d'un alinéa relatif à la cession et à la sous-location qui vise uniquement les locaux et non l'exploitation du fonds de commerce et ne fait donc pas obstacle à la location gérance alors que de surcroît, il n'est pas démontré que cette situation qui date de 1995 ait été inconnue au propriétaire d'alors et que les formalités prescrites par l'article L 145-17 du code de commerce afférent à la mise en demeure et à ses
conséquences, n'ont pas, en l'espèce, été respectées ; considérant qu'en l'absence de motif grave et légitime au sens du texte susvisé, la société BONITANDRE est redevable d'une indemnité d'éviction sans pouvoir opposer à la société ALEF la forclusion édictée par l'article L 145-10 du code de commerce qui ne concerne pas, comme en la cause, le refus de renouvellement lorsqu'il s'est accompagné d'une offre d'une indemnité d'éviction ; Considérant que la cour ne disposant d'aucun élément pour déterminer cette indemnité, il s'avère indispensable d'ordonner une mesure d'expertise pour recueillir toutes données utiles à cet égard aux frais avancés de la société ALEF ; Considérant que l'action en paiement de l'indemnité d'occupation due par le locataire qui se maintient dans les lieux régulièrement conformément aux dispositions de l'article L 145-28 du code de commerce est soumise à la prescription biennale prévue par l'article L 145-60 du même code ; considérant que le point de départ du délai de cette prescription est, en principe, celui du lendemain de la date d'expiration du bail sauf si le principe du droit à indemnité d'éviction faisait lui-même l'objet d'une contestation, où il court à compter du jour où la décision est prononcée ; considérant qu'en l'occurrence, le bailleur ayant invoqué un motif grave et légitime de nature, si il avait été retenu, à priver la locataire de son droit à indemnité d'éviction lequel lui est reconnu par le présent arrêt, la société BONITANDRE est recevable à solliciter une indemnité d'occupation pour la fixation de laquelle, il importe de recueillir aussi des éléments d'information par la voie de la mesure d'instruction ordonnée, dès lors que celle-ci ne fournit aucun justificatif sur le montant de 1.525 euros par mois qu'elle réclame ; considérant que le bail commercial conclu le 10 janvier 1985 ayant pris fin le 1er juillet 1996 et n'ayant pas été renouvelé, la société BONITANDRE ne peut plus solliciter sa résiliation ; considérant que
la société ALEF ne saurait prétendre obtenir réparation d'un préjudice qu'elle ne démontre, au demeurant, pas en alléguant être restée dans l'incertitude de son sort depuis le 1er juillet 1996, alors même que cette situation résulte du décès de Monsieur X... et de ses conséquences, non imputables à la société BONITANDRE, de l'action que celle-ci était en droit d'engager pour la défense de ses intérêts et d'ailleurs initiée trois mois seulement après son acquisition de l'immeuble et enfin de l'appel qu'elle a elle-même estimé devoir exercer ; que la demande en dommages et intérêts de l'appelante sera en conséquence rejetée ; considérant que la décision entreprise doit, en définitive, être intégralement infirmée ; considérant que les prétentions accessoires et les dépens seront réservés jusqu'à l'issue de la procédure. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions hormis celle concernant la non jonction des instances par substitution de motifs, Et statuant à nouveau, CONSTATE que le bail commercial conclu, le 10 janvier 1985, a pris fin le 1er juillet 1996, DIT que la SCI BONITANDRE ne peut se prévaloir d'un motif grave et légitime au sens de l'article L 145-17 du code de commerce, DIT que la SARL ALEF a droit à une indemnité d'éviction et à demander son paiement sans encourir la forclusion de l'article L 145-10 du code de commerce, DIT que la SCI BONITANDRE est recevable à solliciter une indemnité d'occupation, Avant dire droit sur la fixation de ces indemnités, ORDONNE une expertise, DESIGNE à cet effet Monsieur Maurice Z... demeurant 19 rue Pasteur 78000 VERSAILLES (Tél. : 01.39.51.83.85), auquel mission est confiée, après s'être fait communiquer l'ensemble des documents contractuels ainsi que les divers bilans comptables, de fournir à la Cour : - tous éléments lui permettant de fixer le montant de l'indemnité d'éviction à laquelle peut prétendre la SARL ALEF,
conformément aux dispositions de l'article L 145-14 alinéa 2 du Code de Commerce ; - tous éléments lui permettant de déterminer le montant de l'indemnité d'occupation durant la période de maintien dans les lieux ; FIXE à 2.000 euros le montant de la consignation que la société ALEF devra effectuer au Greffe de la Cour dans le délai de deux mois du présent arrêt, DIT qu'à défaut de consignation dans le délai, la désignation de l'expert sera caduque sauf prorogation du délai ou relevé de forclusion conformément aux dispositions de l'article 271 du nouveau code de procédure civile, DIT que l'expert devra déposer son rapport dans les cinq mois du jour où il sera avisé du versement de la consignation, DIT qu'en cas d'empêchement de l'expert, il sera remplacé sur simple requête, DESIGNE le Conseiller de la Mise en Etat pour suivre les opérations d'expertises, DEBOUTE la SARL ALEF de sa demande en dommages et intérêts, RESERVE les demandes au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi que les dépens. Arrêt prononcé par Madame Françoise LAPORTE, Président, et signé par Madame Françoise LAPORTE, Président et par Mme Marie-Thérèse GENISSEL, greffier présent lors du prononcé Le GREFFIER,
Le PRESIDENT,