COUR D'APPEL DE VERSAILLES 12ème chambre section 2 J.F.F./P.G. ARRET Nä Code nac : 38A contradictoire DU 17 JUIN 2004 R.G. Nä 02/08041 AFFAIRE : S.A. HACHETTE FILIPACCHI FILMS anciennement dénommée FILM OFFICE EDITIONS C/ S.A NATEXIS COFICINE nouvelle dénomination de S.A. COFICINE (CONSORTIUM GENERAL DE FINANCEMENT ET DE CONTROLE CINEMATROGRAPHIQUE) Décision déférée à la cour : d'un jugement rendu le 16 Octobre 2002 par le Tribunal de Commerce NANTERRE Nä de chambre : 3ème chambre RG nä : 2002F01036 Expéditions exécutoires Expéditions délivrées le : à : représentée par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL représentée par la SCP JUPIN etamp; ALGRIN E.D. REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE DIX SEPT JUIN DEUX MILLE QUATRE, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANTE S.A. HACHETTE FILIPACCHI FILMS anciennement dénommée FILM OFFICE EDITIONS ayant son siège 149 rue Anatole France 92300 LEVALLOIS PERRET, agissant poursuites et diligences de son Président du Conseil d'Administration domicilié en cette qualité audit siège. représentée par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL, avoués. assistée de Me Cyrille MORVAN de la SCP CARBONNIER-LAMAZE-RASLE, avocats au barreau de PARIS (P.298). INTIMEE S.A NATEXIS COFICINE nouvelle dénomination de S.A. COFICINE (CONSORTIUM GENERAL DE FINANCEMENT ET DE CONTROLE CINEMATROGRAPHIQUE) ayant son siège 26 rue Montévidéo 75116 PARIS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. représentée par la SCP JUPIN etamp; ALGRIN, avoués. assistée de Me Benjamin SARFATI, avocat au barreau de PARIS. Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 26 Avril 2004 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-François FEDOU, conseiller chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour,
composé de : Madame Françoise LAPORTE, Président, Monsieur Jean-François FEDOU, conseiller, Monsieur Denis COUPIN, conseiller, Greffier, lors des débats : Mme Marie-Thérèse X..., 5FAITS ET PROCEDURE : Par contrat en date du 25 juin 1996, la Société FILM OFFICE (désormais dénommée HACHETTE FILIPACCHI FILMS) a acquis auprès de la Société LES FILMS NUMBER ONE les droits de distribution vidéographe du film "The Secret of Roan Inish". Aux termes de ce contrat, elle s'est engagée à verser, à titre de minimum garanti, à la Société LES FILMS NUMBER ONE la somme de 250.000 F (38.112,25 ) hors taxes décomposée comme suit : - 30 %, soit 75.000 F (11.433,68 ), à la signature du contrat ; - 70 %, soit 175.000 F (26.678,58 ), dans un délai de dix jours suivant la livraison et l'acceptation technique de la matrice du film par la Société FILM OFFICE, et à la livraison au service marketing de cette société des éléments publicitaires et télévisuels du film. Par courrier recommandé en date du 22 juillet 1996, intitulé :
"notification de cession de créances professionnelles", la Société COFICINE a informé la Société FILM OFFICE que les Sociétés LES FILMS NUMBER ONE et CIPA lui avaient, selon acte du 27 juin 1996, cédé la somme de 175.000 F (26.678,58 ) dans les conditions prévues par la loi du 02 janvier 1981; cette notification était accompagnée d'une lettre d'acceptation de cession de créance, laquelle a été signée le 24 juillet 1996 par la Société FILM OFFICE. Par jugement du 24 juillet 1997, le Tribunal de Commerce de PARIS a placé la Société LES FILMS NUMBER ONE en redressement judiciaire; après avoir demandé à l'administrateur de cette dernière s'il souhaitait poursuivre l'exécution du contrat, la Société FILM OFFICE a, le 16 octobre 1997, déclaré sa créance entre les mains de la SCP BROUARD-DAUDE, représentant des créanciers. Invitée à procéder au règlement de la somme de 175.000 F (26.678,58 ) qui lui était réclamée sur le fondement de l'article 6 de la loi du 2 janvier 1981
(devenu l'article L 313-29 du Code monétaire et financier), la Société FILM OFFICE a, par lettre du 19 janvier 1999, contesté être redevable de cette somme, au motif que le matériel n'avait été ni livré ni accepté par elle. C'est dans ces circonstances que, par acte du 1er mars 2002, la Société COFICINE, nouvellement dénommée NATEXIS COFICINE, a assigné en référé la Société FILM OFFICE EDITIONS (désormais dénommée HACHETTE FILIPACCHI FILMS) en vue d'obtenir le paiement de la somme HT de 26.678,58 euros (175.000 F), augmentée d'une indemnité de procédure. Par ordonnance du 21 mars 2002, le Président du Tribunal de Commerce de NANTERRE a dit n'y avoir lieu à référé et a renvoyé les parties à se pourvoir au fond. Par jugement du 16 octobre 2002, le Tribunal de Commerce de NANTERRE, statuant sur le fond, a : - condamné la Société FILM OFFICE EDITIONS à payer à la Société CONSORTIUM GENERAL DE FINANCEMENT ET DE CONTRÈLE CINEMATOGRAPHIQUE, dite COFICINE, la somme de 26.678,58 euros HT, outre les intérêts au taux légal à compter du 11 janvier 1999 ; - débouté la Société FILM OFFICE EDITIONS de sa demande reconventionnelle ; - condamné la Société FILM OFFICE EDITIONS au versement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens. La Société FILM OFFICE EDITIONS a interjeté appel de cette décision. La Société HACHETTE FILIPACCHI FILMS (anciennement FILM OFFICE EDITIONS) expose que, si l'acceptation d'une cession de créance "Loi DAILLY" interdit à la société acceptante d'opposer au cessionnaire les exceptions fondées sur ses rapports personnels avec le signataire du bordereau, encore faut-il que cette acceptation soit intervenue sans condition. Elle relève que la notification de cession de créance, qui fait expressément référence aux termes de l'acte de cession de droits d'exploitation vidéographique du film, énonce que le montant de 175.000 F (26.678,58 ) dû au titre de l'acquisition des droits était
"payable à la livraison du film". Elle soutient que la contrepartie financière relative notamment au montant du minimum garanti de 175.000 F (26.678,58 ) est bien plus qu'une simple modalité, puisque toute l'économie du contrat repose sur ce point capital. Elle en déduit que, contrairement à ce qui a été retenu par le Tribunal, l'acte de cession des droits d'exploitation a subordonné expressément le paiement de la somme susvisée à la livraison du matériel. Elle précise qu'en l'occurrence, elle se trouve confrontée à une défaillance irréversible dans l'exécution du contrat de cession de droits d'exploitation, caractérisée par la non livraison définitive du film litigieux consécutivement au redressement judiciaire de la Société LES FILMS NUMBER ONE. Elle invoque l'interdépendance entre d'une part le contrat de cession de droits d'exploitation vidéographique du film et d'autre part l'acte d'acceptation de la cession de créance professionnelle, pour conclure qu'elle est parfaitement fondée à opposer à la partie adverse l'exception d'inexécution du bordereau Dailly. Par voie de conséquence, elle demande à la Cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré, et, statuant à nouveau, de constater que la condition subordonnant le règlement de la somme de 26.678,58 euros n'a pas été remplie, et de débouter la Société NATEXIS COFICINE de l'intégralité de ses prétentions. Elle sollicite en outre le remboursement de toute somme payée par elle en exécution de la décision entreprise, et la condamnation de la société intimée au règlement des sommes de 4.500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. La Société NATEXIS COFICINE, nouvelle dénomination de COFICINE, conclut à la confirmation du jugement. Elle fait valoir que le débiteur cédé, qui a accepté la cession de la créance effectuée selon les modalités prévues par la loi du 02 janvier 1981, ne peut,
pour échapper au paiement de la dette, se prévaloir du non respect par le cédant ou le cessionnaire des conventions intervenues entre eux. Elle soutient qu'en se référant explicitement à l'article 6 de la loi précitée, la Société HACHETTE FILIPACCHI FILMS (anciennement dénommée FILM OFFICE EDITIONS) a entendu se soumettre à ce mécanisme légal, selon lequel le débiteur cédé ne peut se prévaloir des exceptions fondées sur ses rapports personnels avec le cédant. Elle relève que la société appelante n'a pas expressément soumis l'acceptation de la cession à une condition quelconque, et elle précise que la mention "payable à la livraison du film" apposée sur la lettre d'acceptation de la partie adverse en date du 24 juillet 1996 ne saurait constituer une exception opposable au cessionnaire, dès lors que l'acceptation figure uniquement dans le deuxième paragraphe de cette lettre et n'est assortie d'aucune réserve. Elle en déduit que la société appelante est tenue de respecter ses engagements et d'honorer le paiement de la créance de 175.000 F (26.678,58 ), détenue par la Société COFICINE à son égard. Elle réclame en outre la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. L'ordonnance de clôture a été prononcée le 25 mars 2004. MOTIFS DE LA DECISION : SUR L'INOPPOSABILITE DE L'EXCEPTION SOULEVEE : Considérant qu'aux termes de l'article L 313-23 du Code monétaire et financier (anciennement article 1er de la loi du 2 janvier 1981) : "Peuvent être cédées... les créances liquides et exigibles, même à terme. Peuvent également être cédées ou données en nantissement les créances résultant d'un acte déjà intervenu ou à intervenir mais dont le montant et l'exigibilité ne sont pas encore déterminés"; Considérant qu'il résulte de l'article L 313-29 du Code monétaire et financier (anciennement article 6 de la loi du 2 janvier 1981) que : "Sur la demande du bénéficiaire du bordereau, le débiteur peut s'engager à le
payer directement... Dans ce cas, le débiteur ne peut opposer à l'établissement de crédit les exceptions fondées sur ses rapports personnels avec le signataire du bordereau, à moins que l'établissement de crédit, en acquérant ou en recevant la créance, n'ait agi sciemment au détriment du débiteur"; Considérant qu'il est toutefois admis que le débiteur acceptant peut valablement opposer au cessionnaire l'exception d'inexécution résultant de ses rapports avec le créancier cédant, si son acceptation de la cession est assortie de conditions; Considérant qu'en l'occurrence, il est constant que, par acte du 27 juin 1996, les Sociétés FILMS NUMBER ONE et CIPA ont cédé à la Société COFICINE, selon les modalités de la Loi Dailly, à hauteur de 175.000 F (26.678,58 euros) majorée de la TVA, la créance de 250.000 F (38.112,25 euros) majorée de la TVA, détenue à l'encontre de la Société FILM OFFICE (HACHETTE FILIPACCHI FILMS) au titre du minimum garanti prévu au contrat du 25 juin 1996 pour la distribution vidéographe du film "Le Secret de Roan Inish" ; Considérant qu'il est stipulé, à la rubrique de cet acte : "montant de la créance cédée", la mention : "175.000 F (26.678,58 euros) plus TVA payable à la livraison du film"; Considérant qu'il apparaît qu'en réponse à la notification de cession de créances professionnelles en date du 22 juillet 1996, la Société FILM OFFICE s'est, par lettre recommandée du 24 juillet 1996, engagée à régler, directement entre les mains de COFICINE, le montant de la créance susvisée, "dans les conditions prévues à l'article 6 de la Loi nä 8101 du 2 janvier 1981..." ; Considérant qu'il doit être observé que, si la Société FILM OFFICE fait référence, dans le premier paragraphe du courrier précité, à l'acte de cession de créances professionnelles du 27 juin 1996 pour la somme de 175.000 F (26.678,58 euros) "payable à la livraison", l'engagement souscrit par elle, tel qu'il figure au second paragraphe, de régler cette somme directement à la Société
COFICINE n'est pas assorti de la moindre condition ou réserve ; Considérant qu'en toute hypothèse, la circonstance qu'en vertu de leur convention initiale souscrite le 25 juin 1996, à laquelle se réfère la lettre d'acceptation de cession en date du 24 juillet 1996, les Sociétés LES FILMS NUMBER ONE et FILM OFFICE aient prévu que le solde du minimum garanti ne serait exigible que postérieurement à la livraison du film, ne saurait avoir pour effet de conférer un caractère conditionnel à cette acceptation; Considérant qu'en effet, l'expression "payable à la livraison", visée dans les actes de cession des 25 et 27 juin 1996 ainsi que dans les courriers échangés en juillet 1996, doit se comprendre en ce sens que la créance litigieuse était certaine dès l'origine, seule son échéance étant à date incertaine ; Considérant qu'il s'ensuit que la créance cédée et son acceptation par le débiteur cédé sont assorties, non d'une condition, mais d'un terme incertain qui ne remet pas en cause l'existence de cette créance mais en suspend seulement l'exigibilité jusqu'à l'arrivée de ce terme ; Considérant que, dès lors, l'engagement souscrit par la Société FILM OFFICE envers la Société COFICINE revêt un caractère autonome, lui interdisant d'opposer au cessionnaire l'exception, tirée du défaut de livraison du film, inhérente à ses rapports avec le cédant ; Considérant que le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a, faisant une exacte application de l'article L 313-29 du Code monétaire et financier, condamné la Société FILM OFFICE EDITIONS, désormais dénommée HACHETTE FILIPACCHI FILMS, à payer à la Société COFICINE, dont la nouvelle dénomination est NATEXIS COFICINE, la somme de 26.678,58 euros HT, montant de la créance litigieuse, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 11 janvier 1999, date de la mise en demeure. SUR LES DEMANDES ANNEXES : Considérant que, dans la mesure où il est fait droit aux prétentions de la Société COFICINE, le jugement déféré doit
être confirmé en ce qu'il a débouté la Société FILM OFFICE EDITIONS, désormais dénommée HACHETTE FILIPACCHI FILMS, de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ; Considérant que l'équité commande d'allouer