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15/06/2004 | FRANCE | N°1999-03631

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15 juin 2004, 1999-03631


COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 646 1ère chambre 2ème section ARRET Nä CONTRADICTOIRE DU 15 JUIN 2004 R.G. Nä 99/03631 AFFAIRE : SA CHRONOPOST C/ X... Y... Décision déférée à la cour :

Jugement rendu le 21 Janvier 1999 par le Tribunal d'Instance VANVES RG nä : 99/2641 Expéditions exécutoires Expéditions délivrées le : à : SCP LISSARRAGUE SCP KEIME GUTTIN REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE QUINZE JUIN DEUX MILLE QUATRE, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : APPELANTE SA CHRONOPOST prise en la personne de ses re

présentants légaux domiciliés audit siège 14, rue des Frères Voisins 9...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 646 1ère chambre 2ème section ARRET Nä CONTRADICTOIRE DU 15 JUIN 2004 R.G. Nä 99/03631 AFFAIRE : SA CHRONOPOST C/ X... Y... Décision déférée à la cour :

Jugement rendu le 21 Janvier 1999 par le Tribunal d'Instance VANVES RG nä : 99/2641 Expéditions exécutoires Expéditions délivrées le : à : SCP LISSARRAGUE SCP KEIME GUTTIN REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE QUINZE JUIN DEUX MILLE QUATRE, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : APPELANTE SA CHRONOPOST prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège 14, rue des Frères Voisins 92130 ISSY LES MOULINEAUX représentée par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD, avoués assistée de Me Pierre-Yves FOURÉ substituant Me Laurent HOUDART, avocat au barreau de PARIS INTIME Monsieur X... Y... Immeuble Saint Z... 20290 CASAMOZZA représenté par la SCP KEIME GUTTIN JARRY, avoués assisté de Me José DUGUET, avocat au barreau de TOULOUSE Composition de la cour : L'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 Mai 2004 devant la cour composée de : Monsieur Charles LONNÉ, Président, Madame Sabine FAIVRE, Conseiller, Madame Evelyne LOUYS, Conseiller, qui en ont délibéré, Greffier, lors des débats : Madame Natacha A... FAITS ET B..., 5Par arrêt du 12 janvier 2001, auquel il convient de se reporter pour l'exposé des faits et de la procédure, la Cour de céans a ordonné d'office le sursis à statuer sur toutes les demandes des parties en attendant les décisions à venir à la suite de la plainte déposée par la S.A. CHRONOPOST le 19 août 1997 et de celle déposée par la S.A.R.L. MICHELI et Fils le 3 septembre 1999. Concluant le 11 mars 2004 la S.A. CHRONOPOST, appelante, demande à la Cour de : - infirmer la décision entreprise et statuant à nouveau, - vu l'article 1382 du Code Civil et 226-10 du Code Pénal, - constater qu'elle n'a commis aucune faute délictuelle à l'encontre de Monsieur

Y..., En conséquence, - débouter ce dernier de toutes ses demandes, - ordonner le remboursement des sommes qui auront pu être versées en vertu de l'exécution provisoire, avec intérêts au taux légal à compter de leur versement, - statuer ce que de droit sur les dépens. Au soutien de son recours, la Société appelante fait essentiellement valoir : - que les conditions de la dénonciation calomnieuse ne sont pas réunies en l'espèce et que la responsabilité de la S.A. CHRONOPOST ne peut être dès lors engagée ; - que compte tenu des éléments d'information en sa possession, elle ne pouvait que se manifester auprès de son sous-traitant afin de protéger au mieux ses intérêts et la fiabilité de ses prestations de livraisons de colis ; - que pour le cas où la mesure de licenciement serait jugée sans cause réelle et sérieuse, car fondée sur l'alibi du vol du fusil de chasse comme le soutient Monsieur Y..., ce dernier serait fondé à solliciter tout dédommagement auprès de la S.A.R.L. MICHELI et Fils en contestation de son licenciement, mais ce dédommagement ne peut faire double emploi avec la présente procédure ; - qu'en tout état de cause Monsieur Y... n'est pas fondé à porter ses prétentions indemnitaires à hauteur de 15250,00 sur le fondement d'un préjudice moral initialement chiffré à 4573,47 ; - que les circonstances particulières de l'espèce conduisent la S.A. CHRONOPOST à ne pas maintenir sa demande indemnitaire au titre d'une procédure abusive, des frais irrépétibles et des dépens. L'intimé, aux termes de ses dernières écritures déposées le 8 avril 2004, auxquelles la Cour se réfère expressément pour l'exposé de son argumentation, demande de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a retenu la responsabilité de la S.A. CHRONOPOST mais de l'infirmer quant aux dommages et intérêts qui lui ont été alloués en condamnant l'appelante à lui régler la somme de 15.250,00 de ce chef avec intérêts légaux à compter de sa demande sauf à déduire la provision

de 3811,23 qui lui a été accordée avec le bénéfice de l'exécution provisoire. Monsieur Y... demande également que la société appelante soit condamnée à lui payer 6000,00 sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens. MOTIFS : Considérant que la S.A. CHRONOPOST, par l'intermédiaire de son chef d'agence de BASTIA, Monsieur Philippe C..., a expressément accusé Monsieur Y..., dans un courrier adressé le 20 mai 1998 à son employeur, la S.A.R.L. MICHELI et Fils, d'être l'auteur du vol d'une arme de chasse disparue le 13 août 1997 ; Considérant que Monsieur Y..., reproche à la S.A. CHRONOPOST d'être de mauvaise foi et d'avoir eu l'intention de lui nuire ; qu'il soutient que cette lettre représente une dénonciation calomnieuse au sens de l'article 226-10 du Code Pénal et donc une faute volontaire au sens de l'article 1382 du Code Civil dont il est fondé à demander réparation ; Considérant que les termes du courrier que Monsieur C..., chef de l'Agence CHRONOPOST de BASTIA, a adressé à la S.A.R.L. MICHELI le 20 mai 1998 sont les suivants : "Nous tenons à porter à votre connaissance les faits suivants : Suite à la disparition d'un colis Réf. Nä... contenant une arme de chasse et pour laquelle une plainte a été déposée auprès de la Police Judiciaire, nous sommes amenés à vous faire savoir qu'il a été détourné par le chauffeur de votre entreprise Monsieur Y... X.... Nous avons pour conforter notre accusation deux témoignages et une preuve irréfutable. Nous voudrions, en fonction d'une faute aussi grave qui prouve bien que vous ne pourrez plus confier une tâche de responsabilité à un chauffeur qui encourt d'autre part des poursuites d'ordre pénal, connaître les dispositions que vous comptez prendre à l'encontre de cette personne qui ne parait plus habilitée à exercer cette fonction. De notre côté, nous vous ferons savoir la suite que nous allons donner à cette affaire. Nous vous prions d'agréer etc...".

Considérant que ce courrier qui est adressé à l'employeur de Monsieur Y..., au sens de l'article 226-10 du Code Pénal, dénonce sans aucune réserve ce dernier comme étant l'auteur de faits graves, à savoir le vol d'une arme qui lui aurait été confiée en vue de sa livraison à son destinataire ; Considérant toutefois qu'il est constant que la fausseté du fait ci-dessus dénoncé résulte de la décision définitive de non-lieu rendue le 27 juin 2003 par le vice président chargé de l'instruction du Tribunal de Grande Instance de BASTIA qui, contrairement à ce que soutient l'appelante dans ses écritures, indique clairement que l'infraction reprochée au mis en examen n'est nullement établie et ne peut lui être imputée ; qu'un examen de cette ordonnance de non-lieu, contradictoirement versée au débat (pièce Nä 70 produite par l'intimé), permet en effet de relever : - que le magistrat instructeur s'est très sérieusement interrogé sur l'objectivité et la crédibilité des témoins qui avaient chacun une version différente ; - que les investigations menées sur commissions rogatoires n'ont pas clarifié la situation, certains éléments nouveaux venant au contraire ajouter à la confusion ; - que le juge d'instruction indique que les explications de Monsieur C..., confronté à certaines incohérences, étaient peu convaincantes ; - qu'en revanche il précise que les déclarations de Monsieur Y... ont toujours été constantes et cohérentes tout au long de l'instruction ; - que, par ailleurs, le magistrat instructeur a constaté que les témoins qui mettent en cause Monsieur Y... entretiennent des liens très étroits entre eux, parfois de nature familiale ce qui hypothèque, l'authenticité de leurs déclarations ; Considérant, compte tenu des éléments susvisés, que pour faire droit à la demande de Monsieur Y..., il convient de savoir si la S.A. CHRONOPOST a pu avoir l'intention de nuire à Monsieur Y... et si elle a été de mauvaise foi en adressant la lettre du 20 mai 1998 à la

S.A.R.L. MICHELI en sachant que le fait dénoncé était totalement ou partiellement inexact ; Considérant, tout d'abord, et comme le relève à juste titre le premier juge qu' "il est surprenant que la S.A. CHRONOPOST ait averti directement la S.A.R.L. MICHELI sans au préalable avoir saisi le Parquet dans la mesure où elle avait déjà déposé plainte contre X pour ce vol le 19 août 1997" ; Considérant, ensuite, que l'audition de Monsieur C... lors de l'enquête permet de mieux saisir les modalités techniques du transfert du courrier et des colis de la poste de BASTIA à ceux de LA PORTA qui est le bureau chargé de la distribution des colis sur le domicile de Monsieur D..., destinataire du fusil de chasse ; qu'il est indiqué que c'est un camion de la Société CYRNEA SERVICES, et non de la S.A.R.L. MICHELI, qui fait la distribution sur le secteur sud de BASTIA en s'arrêtant au Centre de Tri de FURIANI pour réceptionner le courrier destiné au Bureau de FOLELLI, lequel est ensuite transféré au Bureau de poste de LA PORTA qui le distribue ; que ce sont les préposés de cette dernière poste qui sont responsables de l'acheminement jusqu'au domicile du destinataire final ; Considérant que Monsieur C... a dit qu'un colis avait été reçu le 13 août 1997 vers 4 H du matin puis confié à 6 H à un agent de la Société CYRNEA SERVICES du nom de Dominique E... ; que ce dernier a bien confirmé ainsi réceptionné un sac et un petit colis au Centre de BASTIA à destination du bureau de poste de LA PORTA ; Considérant que l'on ne voit donc pas comment Monsieur C... peut soutenir que le fusil aurait été volé par Monsieur Y... alors qu'il ressort du dossier que celui-ci commence ses journées à 7H10 et non à 6 H et que sa tournée, qui dessert le Cap Corse au Nord, ne recoupe pas du tout celle de Monsieur E... qui est entièrement localisée au Sud de BASTIA ; qu'il n'est par ailleurs nullement établi que les deux chauffeurs se soient rencontrés le jour où le fusil a été volé ; Considérant, par

ailleurs, que la S.A. CHRONOPOST, dans son courrier du 20 mai 1998 indique à la S.A.R.L. MICHELI que pour conforter son accusation à l'encontre de Monsieur Y... elle a deux témoignages et une preuve irréfutable ; Mais considérant que l'appelante interrogée le 13 juillet 1998 par le conseil de Monsieur Y... puis par voie d'huissier (sommation interpellative du 5 août 1998) sur ces deux témoignages et sur la nature de "la preuve irréfutable" accusant Monsieur Y... s'est refusée à toute explication ; Que la S.A. CHRONOPOST ne s'est jamais expliquée clairement sur la source des informations lui permettant d'accuser formellement Monsieur Y... sauf à ce que Monsieur C... déclare le 1er février 2002 devant le magistrat instructeur que deux personnes l'avaient contacté "mais qu'il ne se souvenait plus des noms" ; Considérant, enfin, que Monsieur C... a affirmé avoir rangé dans son bureau une boîte de cartouches adaptées au fusil volé que lui aurait remis l'un des témoins et qui serait "la preuve irréfutable" du courrier du 20 mai 1998 ; que toutefois cette boîte n'a jamais été retrouvée étant ajouté que l'armurier qui a expédié le fusil a indiqué que pour des raisons de sécurité les armes ne voyageaient pas avec leurs munitions ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le chef de l'Agence CHRONOPOST de BASTIA ne pouvait ignorer l'insuffisance de preuves dont il disposait pour accuser Monsieur Y... ; Considérant, dès lors, que c'est sciemment, en toute connaissance de cause et de mauvaise foi, qu'il s'est permis de dénoncer ce dernier à son employeur en des termes extrêmement graves occasionnant à Monsieur Y... un préjudice important ; Considérant, en conséquence, que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions, Monsieur Y... étant débouté du surplus de sa demande relative au montant des dommages et intérêts qui lui ont été justement alloués en réparation de son préjudice par le Tribunal

d'Instance de Vanves ; Considérant qu'une somme de 3000,00 dédommagera Monsieur Y... de ses frais irrépétibles exposés dans le cadre de la présente instance ; Que les dépens seront supportés par l'appelant qui succombe. PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort. - Déclare l'appel recevable. - Déboute la S.A. CHRONOPOST de son appel. - Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris. - Ajoutant : - Condamne la S.A. CHRONOPOST à payer à Monsieur Y... la somme de 3000,00 au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. - Condamne la S.A. CHRONOPOST aux dépens, qui pourront être recouvrés par la S.C.P. KEIME-GUTTIN-JARRY, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. Arrêt prononcé et signé par Monsieur Charles LONNÉ, Président et par Madame Natacha A..., Greffier présent lors du prononcé Le GREFFIER,

Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1999-03631
Date de la décision : 15/06/2004

Analyses

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Faute

L'imputation d'un vol à une personne déterminée et la dénonciation de ces faits supposés sans aucune réserve à l'employeur de celle-ci - ici, une entreprise en lien de sous-traitance avec l'entreprise dénonciatrice - est de nature à constituer une dénonciation calomnieuse au sens de l'article 226-10 du Code pénal et une faute volontaire engageant la responsabilité civile du dénonciateur sur le fondement de l'article 1382 du Code civil. Un mis en examen ayant fait l'objet d'une décision définitive de non lieu le mettant, sans ambigu'té, hors de cause, est fondé à invoquer la mauvaise foi et l'intention de nuire du dénonciateur dès lors que ce dernier, faute de pouvoir s'expliquer sur les prétendus témoignages et preuve irréfutable dont il arguait, ne pouvait ignorer l'insuffisance des preuves sur lesquels il fondait son accusation ad hominem.


Références :

article 1382 du code civil

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2004-06-15;1999.03631 ?
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