COUR D'APPEL DE VERSAILLES 12ème chambre section 2 F.L./P.G. ARRET Nä Code nac : 55Z contradictoire DU 13 MAI 2004 R.G. Nä 02/08275 AFFAIRE : S.A. SCHENKER BTL (et intimée RG 03/255) C/ SA AIG EUROPE anciennement dénommée UNAT SNC L'OREAL PRODUITS DE LUXE INTERNATIONAL anciennement dénommée SNC L'OREAL PARFUMS ET BEAUTE Société TRANSPORTS ERICH RASMUSSEN Décision déférée à la cour : d'un jugement rendu rendu le 18 Septembre 2002 par le Tribunal de Commerce NANTERRE Nä de chambre : 3ème chambre RG nä : 2001F00325-01F749 Expéditions exécutoires Expéditions délivrées le : à : représentée par la SCP KEIME etamp; GUTTIN représentée par la SCP GAS, représentée par la SCP JUPIN etamp; ALGRIN E.D. REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE TREIZE MAI DEUX MILLE QUATRE, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : APPELANTE S.A. SCHENKER BTL (et intimée RG 03/255) ayant son siège ..., représentée par son Président Directeur Général en exercice domicilié en cette qualité audit siège. représentée par la SCP KEIME etamp; GUTTIN, avoués. assistée de Me Philippe Y..., avocat au barreau de PARIS (E.1526). ** ** ** ** ** ** ** ** INTIMEES SA AIG EUROPE anciennement dénommée UNAT ayant son siège Tour American International, Cedex 46, 92079 PARIS LA DEFENSE 2, représentée par son Président Directeur Général en exercice domicilié en cette qualité audit siège. SNC L'OREAL PRODUITS DE LUXE INTERNATIONAL anciennement dénommée SNC L'OREAL PARFUMS ET BEAUTE ayant son siège ..., représentée par son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège. représentées par la SCP GAS, avoués. assistées de Me Jean-Louis Z..., avocat au barreau de PARIS (A.002). Société TRANSPORTS ERICH RASMUSSEN (et appelant RG: 03/255) société de droit danois, ayant son siège Energivef nä2, SORO (DANEMARK), prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité
audit siège. représentée par la SCP JUPIN etamp; ALGRIN, avoués. assistée de Me Frédérique X..., avocat au barreau de PARIS. ** ** ** ** ** ** ** ** Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Mars 2004 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise LAPORTE, Président chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé de : Madame Françoise LAPORTE, Président, Monsieur Jean-François FEDOU, conseiller, Monsieur Denis COUPIN, conseiller, Greffier, lors des débats : Mme Marie-Thérèse GENISSEL, 5FAITS ET PROCEDURE : Le 12 janvier 2000, la SNC L'OREAL PARFUMS ET BEAUTE, désormais dénommée L'OREAL PRODUITS DE LUXE INTERNATIONAL, a confié à la société SA SCHENKER l'acheminement de sept palettes plus seize cartons d'un poids de 2.094,500 kgs de cosmétiques et de produits de parfumerie de GENNEVILLIERS (92) à ALBERTSLUND au DANEMARK. La société SCHENKER s'est substituée la société de droit danois TRANSPORTS ERICH RASMUSSEN à laquelle elle a remis la marchandise le 14 janvier 2000 pour livraison dans les locaux de la société SCHENKER BTL A/S à HVIDOVRO au DANEMARK. A l'arrivée en ce lieu le 15 janvier 2000, la personnel de la société SCHENKER BTL ne pouvant recevoir la marchandise, le chauffeur de la société TRANSPORTS ERICH RASMUSSEN a stationné l'ensemble routier sur un parking. Le 17 janvier 2000 au matin, un vol a été constaté. Lors de la réception le 18 janvier 2000, la société NUANCE GLOBAL TRADINS, destinataire, a effectué des réserves écrites sur la lettre de voiture CMR. La SA AIG EUROPE, assureur de la marchandise, a indemnisé la société L'OREAL à hauteur de 43.538,72 euros puis a mis vainement en demeure les 09 mai et 16 novembre 2000, la société SCHENKER BTL de lui régler la somme de 43.100,44 euros dûment subi consécutivement au vol, puis avec la
société L'OREAL, l'a assignée aux mêmes fins devant le tribunal de commerce de NANTERRE et la société SCHENKER a appelé en garantie la société TRANSPORTS RASMUSSEN. Par jugement rendu le 18 septembre 2002, cette juridiction a déclaré la société AIG EUROPE recevable en son action, condamné la société SCHENKER à régler à la société L'OREAL la somme de 3.048,98 euros avec intérêts au taux de 5 % à compter du 09 mai 2000 et à la société AIG EUROPE celle de 393.782,69 euros avec intérêts au même taux à partir du 15 mai 2000 à concurrence de 393.034,70 euros et du 16 novembre 2000 à hauteur de 747,99 euros et la contrevaleur en euros au jour de son prononcé de la somme de 2.250 DKK assortie des intérêts au taux de 5 % l'an depuis le 09 janvier 2001, condamné la société RASMUSSEN à garantir la société SCHENKER à hauteur de 80 %, ordonné l'exécution provisoire, alloué une indemnité de 1.500 euros en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile à la société L'OREAL et condamné la société SCHENKER aux dépens. Les sociétés SCHENKER et RASMUSSEN ont relevé appel de cette décision. La société SCHENKER souligne en exergue que le tribunal s'est trompé dans la conversion de francs en euros. Elle prétend que la société AIG ne démontre pas avoir indemnisé son assurée, la société L'OREAL en indiquant que les documents produits par cette compagnie présentent certaines singularités qui ne peuvent corroborer l'existence d'une subrogation. Elle estime, en toute hypothèse, que sa responsabilité ne peut être engagée dans la mesure où la preuve de la réalité du dommage au moment de la livraison n'est pas rapportée par les sociétés intimées, en l'absence de réserves valables et de constat contradictoire des manquants. Elle ajoute que l'existence et le montant du préjudice allégué ne sont pas établis et ne peuvent l'être par le rapport amiable unilatéral du Cabinet Simmelkajaer service du 24 mars 2000. Elle dénie toute faute lourde de la part du voiturier en relevant
l'absence de déclaration de valeur, comme de recommandation sur le stationnement par la société L'OREAL ainsi que toutes les précautions prises selon elle par le chauffeur. Elle se prévaut, en tout cas, de la limitation édictée par l'article 23-3 de la CMR et réfute devoir le coût de main d'oeuvre généré par le comptage des colis qui sont exclus de l'article 23-4 de la CMR. Elle considère qu'aucune négligence ou défaillance ne pouvant lui être imputée, la société RASMUSSEN devrait seule supporter l'indemnisation qui serait mise à sa charge. Elle soulève donc l'irrecevabilité de la demande de la compagnie AIG EUROPE et sollicite l'entier débouté des intimées, la restitution de la somme de 51.816,26 euros versée par l'effet de l'exécution provisoire. Elle réclame subsidiairement le rejet des prétentions des intimées supérieures à la somme de 8.208,46 DTS ou sa contrevaleur au jour de l'arrêt et la restitution du surplus honoré en vertu de l'exécution provisoire, sa garantie totale par la société RASMUSSEN et dans tous les cas, une indemnité de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La société RASMUSSEN dément la faute lourde de son chauffeur qui a garé l'ensemble routier sur un parking éclairé la nuit réservé aux camions en précisant que seulement trois parkings gardés surveillés existent au Danemark et qu'il ignorait la nature de la marchandise. Elle fait état de l'absence de constatation contradictoire des dommages et/ou des manquants partiels et relève qu'en tout état de cause, les frais de pointage ne sont pas liés au sinistre. Elle demande le rejet des prétentions des intimées, subsidiairement la limitation du préjudice imputable au transport réalisé par ses soins à la somme de 1.240,58 euros moins la valeur de sauvetage de 5.000 couronnes danoises et très subsidiairement à 43.100,44 euros moins la contrevaleur de 5.000 couronnes danoises ainsi qu'une indemnité de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Les
sociétés AIG EUROPE et L'OREAL font valoir que la quittance communiquée atteste de la subrogation. Elles opposent que le tribunal a retenu, à bon droit, la responsabilité de la société SCHENKER et la faute lourde du voiturier en se référant aux motifs de la décision attaquée. Elles invoquent les réserves mentionnées sur la lettre de transport du 17 janvier 2000 selon elle suffisantes et le rapport du Cabinet Simmelkjaer du 24 mars 2000. Elles précisent qu'eu égard à la faute lourde du conducteur l'ensemble du préjudice doit être indemnisé. Elles concluent à la confirmation du jugement entrepris, sauf à rectifier l'erreur matérielle l'affectant au chef de la conversion en euros en remplaçant la somme de 393.034,70 euros par celle de 43.100,44 euros et à y ajouter la capitalisation des intérêts, 2.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et une indemnité de 2.500 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. MOTIFS DE LA DECISION : SUR LA RECEVABILITE DE L'ACTION DE LA COMPAGNIE AIG : Considérant que la compagnie AIG produit l'acte de subrogation en date du 15 mai 2000 aux termes duquel la société L'OREAL reconnait avoir reçu la somme de 285.595,26 francs (43.538,72 euros) de cet assureur au titre de la police nä 485301, également communiquée, souscrite par le Groupe L'OREAL et intitulée "stock transit" ayant pour objet de couvrir tous les biens confiés à l'assuré en transports qu'en séjours, la société L'OREAL, en raison de ce règlement, a subrogé à due concurrence la compagnie AIG et a apposé son cachet et la signature manuscrite de son représentant précédée de la mention "lu et approuvé, bon pour subrogation" ; considérant que cet acte de subrogation dont l'authenticité n'est pas discutée par la société SCHENKER établit la réalité du paiement par la compagnie AIG de la somme en cause en faveur de la société L'OREAL, laquelle le corrobore encore en limitant sa prétention au moment de la franchise ; considérant que la
compagnie AIG justifie ainsi suffisamment du paiement en vertu du contrat d'assurance et par conséquent, son intérêt à agir sans que l'argumentation de la société SCHENKER concernant le montant réclamé et la date du courrier de la compagnie lui demandant le remboursement amiable de la somme par elle versée ne soit, en l'espèce, opérante ; que la fin de non recevoir formulée de ce chef par la société SCHENKER sera donc rejetée. SUR LE FOND : Considérant que le transport routier ayant donné lieu à une prise en charge de la marchandise en France et ayant été destiné au Danemark est régi par la convention CMR ; considérant que les sociétés L'OREAL et AIG recherchent la responsabilité de la société SCHENKER en tant que garant de son substitué la société RASMUSSEN, en faisant état de pertes de marchandises survenues au cours de l'exécution du contrat de transport consécutivement à un vol ; que les intimées invoquent donc des dommages apparents ; considérant qu'aux termes de l'article 30 de la CMR, le destinataire doit, dans ce cas, soit avoir constaté contradictoirement avec le transporteur ou avoir adressé au plus tard au moment de la livraison des réserves à ce dernier indiquant la nature générale de la perte ou de l'avarie, sinon il est présumé avoir reçu une livraison conforme de la marchandise à celle énoncée dans la lettre de voiture jusqu'à preuve contraire ; considérant qu'en l'occurrence, les sociétés L'OREAL et AIG se prévalent des réserves suivantes figurant sur ce document de transport :
"MARCHANDISES REOEUES SOUS RESERVE DE DEFAUTS ET DE MANQUANTS DUS AU VOL" ; considérant toutefois que de telles réserves générales qui ne comportent aucune indication sur la nature et le nombre précis de pièces manquantes ne peuvent être déclarées valables à défaut de renseignements suffisants sur l'étendue du dommage ; que les intimées ne peuvent utilement invoquer sur ce point la déclaration de vol effectuée au commissariat de police de Naestved le 18 juin 2000 qui
énonce seulement au titre des objets volés "des outils, des parfums, un téléphone portable et des équipements etc..." ; considérant qu'il n'est pas établi qu'il aurait été procédé à un constat contradictoire par le transporteur et le destinataire concernant l'existence des manquants ; considérant enfin que les intimées ne peuvent davantage faire état du rapport unilatéral dressé le 24 mars 2000 à la requête de l'assureur par le Cabinet Simmelkjaer qui n'est intervenu que trois mois après la livraison et dont, au demeurant, la cour n'a pu prendre connaissance de la teneur puisque rédigé en langue étrangère ce document n'est assorti d'aucune traduction ; Considérant dans ces conditions que les sociétés L'OREAL et AIG doivent être déboutées de toutes leurs demandes en infirmant le jugement déféré sur ce point ; considérant qu'au vu de l'issue du litige, la demande en dommages et intérêts des intimées qui s'avère infondée, sera rejetée ; considérant que la société SCHENKER qui démontre avoir réglé la somme de 51.816,26 euros par l'effet de l'exécution provisoire est en droit d'en obtenir la restitution ; considérant qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties leurs frais non compris dans les dépens ; considérant que les intimées qui succombent en leurs prétentions, supporteront les dépens des deux instances. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions hormis celle concernant la recevabilité de l'action de la SA AIG EUROPE, Et statuant à nouveau des autres chefs, DEBOUTE la SNC L'OREAL PRODUITS DE LUXE INTERNATIONAL et la SA AIG EUROPE de toutes leurs prétentions, ORDONNE la restitution à la SA SCHENKER de la somme de 51.816,26 euros versée au titre de l'exécution provisoire, DIT n'y avoir lieu à application en la cause de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, CONDAMNE in solidum les intimées aux dépens des deux instances et AUTORISE les SCP
KEIME-GUTTIN et JUPIN-ALGRIN, avoués, à recouvrer ceux d'appel conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. Arrêt prononcé par Madame Françoise LAPORTE, Président, et signé par Madame Françoise LAPORTE, Président et par Mme Marie-Thérèse GENISSEL, greffier présent lors du prononcé Le GREFFIER,
Le PRESIDENT,