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12/05/2004 | FRANCE | N°02/12176

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12 mai 2004, 02/12176


TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NANTERRE 1ère Chambre A JUGEMENT RENDU LE 12 Mai 2004 Nä R.G. : 02/12176 AFFAIRE L'UNION DES ETUDIANTS JUIFS DE FRANCE "UEJF", L'ASSOCIATION AVOCATS SANS FRONTIÈRES "AASF", L'ASSOCIATION FRANCE ISRA L "AFI" C/ Jean Marie X..., Edgar Y..., Sami NAZ..., Danièle A..., SOCIETE EDITRICE DU MONDE COMPOSITION DU TRIBUNAL Francine LEVON-GUERIN, Premier vice-président Marie-Christine COURBOULAY, Vice-président Marie-Claude HERVÉ, Vice- président

Assistées de Emmanuelle MALPIECE, Greffier

DEMANDERESSES UNION DES ETUDIANTS JUIFS DE FRANCE "UEJF" A

ssociation de la loi de 1901 dont le siège social est 27 ter avenue ...

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NANTERRE 1ère Chambre A JUGEMENT RENDU LE 12 Mai 2004 Nä R.G. : 02/12176 AFFAIRE L'UNION DES ETUDIANTS JUIFS DE FRANCE "UEJF", L'ASSOCIATION AVOCATS SANS FRONTIÈRES "AASF", L'ASSOCIATION FRANCE ISRA L "AFI" C/ Jean Marie X..., Edgar Y..., Sami NAZ..., Danièle A..., SOCIETE EDITRICE DU MONDE COMPOSITION DU TRIBUNAL Francine LEVON-GUERIN, Premier vice-président Marie-Christine COURBOULAY, Vice-président Marie-Claude HERVÉ, Vice- président

Assistées de Emmanuelle MALPIECE, Greffier

DEMANDERESSES UNION DES ETUDIANTS JUIFS DE FRANCE "UEJF" Association de la loi de 1901 dont le siège social est 27 ter avenue de Loewendal 75015 PARIS prise en la personne de son représentant légal, M. Patrick B... représentée par la SCP SINGER-TURON, avocats postulants au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : PN726 et la SCP CHAMPAGNER KATZ & C..., avocats plaidants au barreau de PARIS, vestiaire : P217 ASSOCIATION AVOCATS SANS FRONTIÈRES "AASF" Association régie selon la loi du 1er juillet 1901 dont le siège social est Maison du Barreau, Ordre des Avocats à la Cour d'Appel de Paris, 11 Place Dauphine 75053 PARIS LOUVRE prise en la personne de son représentant légal M. Gilles William C... représentée par la SCP SINGER-TURON, avocats postulants au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : PN726 et Me Aude WEILL-RAYNAL, avocat plaidant au barreau de PARIS, vestiaire : C 430 ASSOCIATION FRANCE ISRA L "AFI", Alliance Général Koùnig Association loi 1901 dont le siège social est 64 avenue Marceau 75008 PARIS représentée par son Président représentée par la SCP SINGER-TURON, avocats postulants au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : PN726 et Me Karine ROZENBLUM, avocat plaidant au barreau de PARIS, vestiaire : E 402 DEFENDEURS Monsieur Edgar D... dit Edgar Y... demeurant 7 rue Saint-Claude 75003 PARIS représenté par Me Georges KIEJMAN de la SCP KIEJMAN & MAREMBERT,

avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P 200 Monsieur Jean-Marie X...
E... de publication du journal LE MONDE demeurant en cette qualité 21 bis rue Claude Bernard 75005 PARIS SOCIETE EDITRICE DU MONDE SAS dont le siège social est 21 bis rue Claude Bernard 75005 PARIS Monsieur Sami NAZ...
... par Me Yves BAUDELOT, exerçant au sein de la SELARL LYSIAS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P113 Madame Danièle A...
... par Me William BOURDON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : Z... 143 DEBATS A l'audience du 17 Mars 2004 tenue publiquement ; JUGEMENT prononcé en audience publique par décision Contradictoire et en premier ressort 5 Dans la parution datée du 4 juin 2002 du journal Le Monde qu'elle édite, la société éditrice LE MONDE a publié en page 18 dans la rubrique Horizons Débats un article intitulé : "Israùl-Palestine : le cancer", co -signé par Edgar Y..., Sami NAZ... et Danièle A... Cet article procède à une analyse des causes et conséquences du conflit opposant Israéliens et Palestiniens après la seconde Intifada. Estimant qu'il contient des propos constitutifs pour les uns de diffamation à caractère racial d'une exceptionnelle gravité, pour les autres d'apologie d'actes de terrorisme, l'Union des Etudiants juifs de France, l'Association Avocat Sans Frontière et l'Association France Israùl ont fait assigner l'éditeur du journal, les auteurs de l'article et Jean-Marie X..., en sa qualité de directeur de la publication du journal, par actes des 3 septembre 2002 et 15 octobre 2002 dénoncés le 6, 12 septembre et 17 octobre suivants au procureur de la République de Nanterre, aux fins de les voir condamner, au visa des articles 29 alinéa 1, 32 alinéa 2, 24 alinéa 4 et 42 de la loi de 1881, à verser à chacune d'elles la somme de 15 000 euros à titre indemnitaire et à procéder à la publication forcée du jugement à intervenir, avec le

bénéfice de l'exécution provisoire et de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Après avoir notifié leurs conclusions les 29 novembre 2002, 18 février, 28 avril, 24 juillet, 10 et 29 septembre, 30 octobre, 24 novembre 2003, 22 janvier et 16 février 2004, les associations demanderesses développent dans leurs dernières écritures les moyens suivants. L'Association France Israùl écarte l'exception de nullité de l'assignation et la fin de non recevoir qui lui sont opposées à titre liminaire, celle-ci étant déclarée depuis plus de cinq ans et agissant par son représentant conformément à son objet social par la voie civile qui lui est ouverte même sur le terrain de l'apologie d'actes de terrorisme. Elle estime avoir régularisé la procédure engagée à l'encontre de Sami NAZ... Sur le fond, sans contester que la liberté d'expression autorise les défendeurs à émettre leur opinion sur le conflit proche-oriental, elle fait valoir que son exercice devient abusif lorsqu'il conduit, comme en l'espèce, les auteurs de l'article litigieux à émettre sans nuance ni réserve des propos qui, par un jeu de glissements et de généralisation, sont constitutifs de diffamation à caractère racial à l'encontre des juifs et d'apologie d'acte de terrorisme, alimentant ainsi les dérives antisémites qu'ils prétendent dénoncer. L'Association Avocat Sans Frontière écarte les fins de non recevoir et nullité soulevées en arguant du respect des conditions requises par l'article 48-1 de la loi sur la presse et de son pouvoir d'agir en justice. Faisant siens les développements de l'Association France Israùl, la concluante conteste à l'article incriminé la valeur de critique politique que lui donnent les défendeurs, alors que les auteurs ont, selon elle, choisi de s'en prendre soit au peuple juif dans son ensemble, soit à la quasi totalité des juifs d'Israùl. Elle relève les expressions : "la nation de fugitifs du peuple le plus longtemps persécuté dans l'histoire de l'humanité", "peuple

dominateur et sûr de lui", "peuple méprisant ayant satisfaction à humilier", "les juifs victimes de l'inhumanité", " les juifs d'Israùl, descendants des victimes d'un apartheid nommé ghetto", " les juifs qui furent victimes d'un ordre impitoyable", " les juifs boucs émissaires de tous les maux", qui désignent clairement, d'après elle, un groupe de personnes à raison de leur appartenance à une nation, à une religion et non le gouvernement de l'Etat d'Israùl ou l'état -major de son armée. Elle estime que les imputations qui leur sont accolées, aggravées par la comparaison réalisée avec les nazis, tendent à une généralisation inacceptable et constituent une critique acerbe des actes et des sentiments que l'on prête à un peuple, argument de base de la nouvelle vulgate antisémite. Elle écarte toute excuse absolutoire tirée de la personnalité d'Edgar Y..., réfute l'argumentaire des défendeurs qui s'appuie sur le contexte politique actuel ainsi que sur la pluralité du débat démocratique, et dénonce le dénigrement dont elle est l'objet en ce qu'il lui est imputé un pouvoir d'intimidation à l'encontre de la presse alors que les propos litigieux ont été tenus à une époque où il était observé en France une recrudescence des exactions à caractère antisémite. Elle soutient qu'il est indispensable d'exprimer un rappel à la loi. Danièle A... soulève liminairement la nullité de l'assignation délivrée par l'Association France Israùl pour défaut d'identification de son représentant ainsi que l'irrecevabilité des demanderesses en leur action pour défaut de qualité à agir en l'absence de mandat régulier pour engager la présente instance et de droit à agir au titre de l'apologie d'actes de terrorisme. Subsidiairement, elle conclut au rejet des demandes en réfutant toute intention raciste ainsi que toute volonté de plaider en faveur d'actes de terrorisme, et qualifie de fallacieuse la démonstration des associations qui procèdent par sophismes et affirmations d'autorité pour instaurer une véritable

censure et appliquer un véritable système de pensée unique inconciliables avec le droit à la liberté d'expression nécessaire dans le contexte de crispation des positions dans le conflit israélo-arabe. Faisant valoir que l'action des associations est abusive en raison de son caractère militant, elle sollicite l'allocation de dommages et intérêts et le bénéfice de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Edgar D... dit Edgar Y... oppose la nullité de l'action de l'Association Avocats Sans Frontières pour défaut de capacité à agir de son président, Monsieur C..., et soulève l'irrecevabilité des demanderesses pour défaut de qualité à agir du chef de l'apologie de terrorisme. Il conclut au rejet des demandes en contestant le caractère diffamatoire et apologétique que donnent les plaignantes aux passages critiqués et se prévaut du bénéfice des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Il objecte en effet que ses propos traduisent une prise de position personnelle et mesurée dans un débat public sur une question de politique internationale, et illustrent le paradoxe du passage de l'opprimé à l'oppresseur, paradoxe par lequel il entend viser la politique de l'Etat d'Israùl et non le peuple israélien dans son identité ethnique, et qu'il justifie, d'après lui, par une analyse historique et non par des considérations à caractère racial. Il fait enfin valoir que les propos poursuivis sont licites au regard de la loi sur la presse et n'outrepassent pas les limites de la libre critique, et que reprocher à l'article un système de pensée raciste au travers des passages querellés, tend à en déformer le contenu et constitue une attitude dangereuse qui évacue toute parole divergente en l'assimilant à des propos répréhensibles. Le directeur de publication du journal Le Monde, la société éditrice du quotidien et Sami NAZ... soulèvent la nullité de l'assignation délivrée le 3 septembre 2002 à ce dernier ainsi que les exceptions et fin de non

recevoir également invoquées par Danièle A... Sur le fond, ils écartent les faits de diffamation raciale et d'apologie d'actes de terrorisme qui leur sont imputés en s'appuyant sur les moyens développés par Edgard Y... et, arguant de la bonne foi du directeur de publication, concluent au rejet des demandes et au remboursement de leurs frais. Il a été procédé à l'audition des témoins cités à la requête respectivement des défendeurs :

Jean-Jacques SALOMON, Edwy PLÉNEL, Théo KLEIN et des associations : Barbara LEFEBVRE, Jacques TARNERO. Les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries développant leurs écritures.

[*********] Sur le désistement Attendu que par conclusions du 15 Attendu que par conclusions du 15 octobre 2002 l'Union des Etudiants Juifs de France déclare se désister avant toute défense de l'instance engagée le 3 septembre 2002 ;

Que ce désistement est parfait, qu'il entraîne l'extinction de cette demande dont le tribunal se trouve dessaisi; Sur les nullités et fins de non recevoir Attendu que l'assignation délivrée le 3 septembre 2002 à l'égard de Sami NAZ..., au siège du journal, selon les modalités de l'article 659 du nouveau Code de procédure civile, est irrégulière ; que toutefois la nullité de cet acte n'affecte pas la poursuite exercée à son encontre en vertu de la citation délivrée régulièrement à l'intéressé le 15 octobre 2002 dès lors que les actes de poursuite effectués antérieurement à l'encontre des autres défendeurs ont interrompu la prescription à son égard ; Attendu que la société LE MONDE et ses co-défendeurs opposent également la nullité de l'assignation délivrée par l'Association France Israùl en l'absence d'identification de son représentant ; Attendu que la mention dans l'assignation du nom de la personne physique - organe représentant la personne morale - n'est exigée par aucun texte et son absence ne peut entraîner sa nullité que dans la mesure où est démontré un grief que

cette absence cause au destinataire de l'acte qui doit identifier la difficulté qu'il rencontre à ce titre ; Qu'en l'espèce le plaignant invoque la privation de la possibilité de vérifier la réalité de l'existence de la personne désignée ; Que cependant ce grief constitue un motif général inopérant dès lors qu'il n'est pas précisé la nature précise du grief que causerait cette irrégularité ; Attendu qu'il résulte des pièces mises au débat - statuts de l'Association France Israùl désignant le président pour agir indistinctement en justice, statuts modifiés de l'Association Avocat Sans Frontière déposés à la préfecture de police et procès-verbal du conseil d'administration qui s'est tenu le 5 juillet 2002 donnant tout pouvoir à son président, Monsieur C..., pour engager les poursuites en l'espèce - que les deux associations demanderesses justifient suffisamment de leur capacité à agir en justice; Qu'aucune nullité ne saurait dès lors affecter les actions des demanderesses ; Attendu qu'aux termes de l'article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881, les associations régulièrement déclarées depuis au moins 5 ans, dont les statuts ont pour objet de combattre le racisme, ont qualité pour exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions prévues par les articles 24 in fine, 32 aliéna 2 et 33 alinéa 3 de la loi précitée ; Mais attendu qu'à la différence de l'incitation à la haine, à la discrimination ou à la violence raciales, prévues au dernier alinéa de l'article 24, l'apologie d'actes de terrorisme, régie par le quatrième alinéa de ce même article ne figure pas dans l'énumération de l'article 48-1 précité ; Que l'apologie du terrorisme ne figure pas plus au second alinéa de l'article 48 ; Que les deux associations demanderesses ne peuvent donc trouver dans ces dispositions limitatives de la loi de 1881 leur qualité à agir du chef de l'apologie d'actes de terrorisme, même par la voie d'une action civile qui est régie par la loi sur la presse ;

que la fin de non recevoir qui leur est opposée de ce chef est dès lors pertinente ; Sur la diffamation raciale Attendu qu'en l'espèce les demandeurs incriminent les deux passages suivants : "On a peine à imaginer qu'une nation de fugitifs, issue du peuple le plus longtemps persécuté dans l'histoire de l'humanité, ayant subi les pires humiliations et le pire mépris, soit capable de se transformer en deux générations en peuple dominateur et sûr de lui et, à l'exception d'une admirable minorité, en peuple méprisant ayant satisfaction à humilier." et "Les juifs d'Israùl, descendants des victimes d'un apartheid nommé ghetto, ghetto'sent les Palestiniens. Les juifs qui furent humiliés, méprisés, persécutés, humilient, méprisent, persécutent les Palestiniens. Les juifs qui furent victimes d'un ordre impitoyable imposent leur ordre impitoyable aux Palestiniens. Les juifs victimes de l'inhumanité montrent une terrible inhumanité. Les juifs, boucs émissaires de tous les maux, "boucs émissarisent" Arafat et l'autorité palestinienne, rendus responsables d'attentats qu'on les empêche d'empêcher." Qu'elles estiment d'une part que la première assertion qui vise toute une nation ou un groupe religieux dans sa quasi globalité pour les qualifier de "peuple méprisant ayant satisfaction à humilier", impute un fait précis attentatoire à la dignité d'un groupe et d'autre part que le second passage porte également atteinte à la dignité d'un groupe de personnes, les "juifs d'Israùl" et les "juifs" à raison de leur appartenance à une nation ou à une religion, et que par conséquent ils constituent une diffamation à caractère racial, ce que contestent les défendeurs au nom de la liberté d'expression en l'absence d'imputation de fait précis contraire à la dignité ; Attendu que la loi du 29 juillet 1881, modifiée par la loi du 1er juillet 1972, réprime en son article 32 alinéa 2 les diffamations à raison de l'origine ou de l'appartenance ou non appartenance à une ethnie, une nation, une race

ou une religion déterminée ; Que la notion de diffamation enferme la répression dans des conditions précises ; Qu'en effet le droit positif ne réprime pas tout message à caractère raciste ou assimilé, aussi détestable soit-il, mais sanctionne les débordements expressément prévus par la loi ; Qu'il s'ensuit que conformément au régime juridique de l'article 29 alinéa 1 de la loi sur la presse, la diffamation de nature raciste suppose que les propos poursuivis imputent au groupe visé un fait précis, attentatoire à son honneur et à sa considération ; Que dès lors, lorsque l'attaque repose sur une autre considération que la diffamation de nature raciste, le délit reproché n'est pas constitué quand bien même l'auteur de l'écrit aurait relevé le caractère particulier du groupe visé ; Attendu qu'en l'espèce le sens, la portée des propos dénoncés et l'identification de ceux qu'ils visent ne peuvent être appréciés isolément de la réflexion globale à laquelle procèdent les auteurs dans le texte publié dans la rubrique " Horizons débats" sous le titre "Israùl-Palestine, le cancer", dans lequel ils s'inscrivent ; Attendu que dans cet article les auteurs prennent position sur le conflit israélo-palestinien qui constitue l'un des débats les plus sensibles au sein de la communauté internationale ; Qu'ils dénoncent une radicalisation des positions répressives d'Israùl dans un conflit compromettant, d'après eux, ses chances de survie et entendent tracer les perspectives d'une solution de paix globale en mobilisant l'idée française de citoyenneté comme pouvoir de fraternisation entre musulmans et juifs, ainsi que celle d'un accord comportant une garantie internationale ; Que, réagissant à la politique militaire du gouvernement israélien qu'ils qualifient de suicidaire, et considérant que dans la "dialectique du dominant sur le colonisé" Israùl est dans une impasse, les trois auteurs s'interrogent sur le lien entre les fondements historiques de cet Etat et la politique du

gouvernement actuel d'Israùl; Qu'en termes particulièrement incisifs et virulents, l'article au titre métaphorique "Israùl-Palestine, le cancer", décrit ainsi le "cercle vicieux infernal qui favorise le pire dans les deux camps" et la "dialectique de deux haines" qui catalyserait des attitudes de rupture et d'intolérance ainsi que les risques de généralisation planétaire du conflit ; Attendu que c'est en s'appuyant sur une citation de Victor Hugo -"dans l'opprimé d'hier, l'oppresseur de demain"- que l'article critique précisément la politique conduite par Ariel Sharon à l'égard du peuple palestinien à partir de la vision unilatérale que donne, selon les auteurs, "la conscience d'avoir été victime" ; Que ce paradoxe est repris dans les deux passages incriminés ; Que dans le premier de ces paragraphes articulé autour d'une citation de Charles de Gaulle -"peuple dominateur et sûr de lui"-, les auteurs, qui exceptent "une admirable minorité", visent la politique d'Israùl, sans stigmatiser pour autant la communauté juive dans son ensemble à raison de son appartenance à une nation ou à une religion, ni lui imputer un fait diffamatoire précis ; Que le second paragraphe attaqué utilise une figure de réduplication pour établir une comparaison historique, et se situe ainsi dans le domaine de l'argumentaire polémique que développe l'article dans son entier pour dénoncer l'attitude politique du gouvernement israélien, et non dans celui d'une diffamation à l'égard du peuple juif ou des juifs d'Israùl dans leur globalité auxquels aucun fait diffamatoire précis n'est imputé ; Attendu qu'il s'ensuit que ces deux brefs passages qui s'insèrent dans un texte porteur d'un message politique, livrant les analyses et réactions propres des auteurs devant une situation qui suscite légitimement de vifs débats comme en attestent les nombreux extraits de presse et d'ouvrages produits, ainsi que les témoignages circonstanciés recueillis par le tribunal au cours de son audience,

ne peuvent être tenus pour diffamatoires ; Que les propos poursuivis ne peuvent être perçus autrement que comme une polémique portant sur la politique menée par le gouvernement actuel d'Israùl contre les Palestiniens, et n'imputent aucun fait précis attentatoire à l'honneur et à la considération de la communauté juive dans sa globalité à raison de son appartenance à une nation ou à une religion ; Attendu que dès lors les associations demanderesses doivent être déboutées de leurs prétentions du chef de diffamation raciale ; Attendu que Danièle A... ne démontre pas que l'action des demanderesses a dégénéré en abus, celles-ci ayant pu se méprendre sur l'étendue de leurs droits ; qu'elle doit être déboutée de son action indemnitaire ; Attendu que les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile bénéficieront aux défendeurs dans les termes du dispositif; PAR CES MOTIFS Le tribunal statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort, Constate l'extinction de l'instance engagée par l'Union des Etudiants Juifs de France dont il se trouve dessaisi, Déclare nulle l'assignation délivrée le 3 septembre 2002 à Sami NAZ... selon les modalités de l'article 659 du nouveau Code de procédure civile, Rejette toutes autres exceptions de nullité, Déclare les associations demanderesses irrecevables à agir au titre de l'apologie d' actes de terrorisme, Les reçoit au titre de l'action exercée sur le fondement de la diffamation raciale, Les en déboute, Déboute Danièle A... de sa demande indemnitaire, Condamne in solidum les demanderesses à payer au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile la somme de 2000 euros à Danièle A..., la même somme à Edgar D... dit Edgar Y..., et une somme de 2000 euros conjointement à Jean-Marie X..., la société éditrice du Monde et Sami NAZ..., Les condamne in solidum aux dépens et admet maître BAUDELOT au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure

civile. Fait et jugé à Nanterre, le 12 MAI 2004. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 02/12176
Date de la décision : 12/05/2004
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2004-05-12;02.12176 ?
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