COUR D'APPEL DE VERSAILLES 12ème chambre section 2 J.F.F./P.G. ARRET Nä Code nac : 55B contradictoire DU 08 AVRIL 2004 R.G. Nä 02/04968 AFFAIRE : S.A. AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCES VENANT AUX DROITS DE AXA GLOBAL RISKS S.A. AXA CARAIBES venant aux droits de UAP CARAIBES S.A. Y... FRANCE ASSURANCES venant aux droits de GIE Y... TRANSPORTS Société MUTUELLE DU MANS ASSURANCES S.A. GAN INCENDIE ACCIDENTS S.A.CONTINENT C/ S.A. CGM ANTILLES Sté CGM SUD Décision déférée à la cour : d'un jugement rendu rendu le 18 Juin 2002 par le Tribunal de Commerce NANTERRE Nä de chambre : 7ème chambre RG nä : 2000F00220 Expéditions exécutoires Expéditions délivrées le : à : représentée par la SCP BOMMART MINAULT représentée par Me Farid SEBA E.D. REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE HUIT AVRIL DEUX MILLE QUATRE, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : APPELANTES S.A. AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCES venant aux droits de AXA GLOBAL RISKS ayant son siège ..., prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. S.A. AXA CARAIBES venant aux droits de UAP CARAIBES ayant son siège ... DE FRANCE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. S.A. Y... FRANCE ASSURANCES venant aux droits de GIE Y... TRANSPORTS ayant son siège ..., prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. Société MUTUELLE DU MANS ASSURANCES ayant son siège ..., prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. S.A. GAN INCENDIE ACCIDENTS ayant son siège ..., prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. S.A. CONTINENT IARD ayant son siège ..., prise en la personne
de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. représentées par la SCP BOMMART MINAULT assistées de Me Hervé Z..., avocat au barreau de PARIS (P.276). ** ** ** ** ** ** ** ** INTIMEES S.A. CGM ANTILLES ayant son siège ..., prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. Société CGM SUD ayant son siège ..., prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. représentées par Me Farid SEBA assistées de la SCP BOULOY GRELLET etamp; ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS. ** ** ** ** ** ** ** ** Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 Février 2004 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-François FEDOU, conseiller chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé de : Madame Françoise LAPORTE, Président, Monsieur Jean-François FEDOU, conseiller, Monsieur Denis COUPIN, conseiller, Greffier, lors des débats : Mme Marie-Thérèse GENISSEL, FAITS ET PROCEDURE : 5Selon connaissements du 28 novembre au 06 décembre 1998, les Sociétés CGM ANTILLES et CGM SUD ont pris en charge sur le navire "FORT ROYAL" des conteneurs chargés de marchandises diverses à destination de FORT DE FRANCE (Martinique). En raison de l'ampleur prise par le mouvement de grève des ouvriers agricoles de la banane, la Chambre de Commerce et d'Industrie de la Martinique a décidé d'interdire, à compter du 09 décembre 1998, l'accès des navires au port de FORT DE FRANCE. A l'arrivée en Martinique, la CGM a donc été contrainte de dérouter son navire dans les ports voisins de LA BARBADE et de POINTE A PITRE; à la fin de la grève, le 13 janvier 1999, les marchandises ont été ré-acheminées vers FORT DE FRANCE. Les Compagnies d'assurances
MUTUELLES DU MANS, GAN INCENDIE ACCIDENTS, Y... FRANCE, AXA GLOBAL RISKS, CONTINENT et UAP CARABES, assurant les destinataires des marchandises transportées, ont réclamé à CGM la somme de 549.250,34 F (83.732,67 euros), en remboursement des frais supplémentaires et au titre des avaries causées aux marchandises par suite de l'impossibilité de les décharger en Martinique. Leurs démarches amiables étant restées infructueuses, ces compagnies d'assurances ont, par acte du 17 décembre 1999, assigné les Sociétés CGM SUD et CGM ANTILLES en paiement de la somme de 549.250,34 F ( 83.732,67 ), augmentée des intérêts légaux et d'une indemnité de procédure. Par jugement du 18 juin 2002, le Tribunal de Commerce de NANTERRE : - a dit recevable l'action intentée par les compagnies d'assurances demanderesses ; - a débouté ces dernières de toutes leurs prétentions à l'encontre de CGM ; - les a condamnées solidairement au paiement de la somme de 4.573,47 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Les Sociétés AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCES, venant aux droits de AXA GLOBAL RISKS, AXA CARABES, venant aux droits de UAP CARABES, Y... FRANCE ASSURANCES, venant aux droits du GIE Y... TRANSPORTS, la Compagnie MUTUELLES DU MANS, la Société GAN INCENDIE ACCIDENTS et la Société CONTINENT IARD, ont interjeté appel de cette décision. En premier lieu en ce qui concerne leur demande de prise en charge du remboursement des frais de ré-acheminement, elles font valoir que le blocage survenu plusieurs jours avant le départ du navire a constitué, à ce stade du mouvement collectif sur le territoire de FORT DE FRANCE, un événement à la fois prévisible et évitable, ne remplissant pas les conditions imposées par la loi du 18 juin 1966 pour pouvoir valablement exonérer le transporteur. Elles expliquent que tous les voyages litigieux ont débuté postérieurement au 27 novembre 1998, date du début du blocage du port, de telle sorte
qu'il incombait à CGM, professionnel du transport, d'attirer l'attention des expéditeurs et des destinataires de la marchandise sur la situation créée par le déclenchement de ces mouvements de grève. Elles estiment qu'ayant accepté sans réserve de transporter la marchandise jusqu'à FORT DE FRANCE, en dépit du risque connu de congestion du port avant l'émission des connaissements, la partie adverse doit prendre en charge les frais de ré-acheminement, conformément aux articles 40 et 47 du décret du 31 décembre 1966. Elles soulignent que CGM ne saurait valablement invoquer la clause 10 de ses connaissements, lui permettant d'obtenir le paiement du "sur-fret" sur un fondement contractuel, dans la mesure où une telle clause est inopposable aux assureurs subrogés dans les droits des destinataires, et non des chargeurs. En second lieu en ce qui concerne la demande relative à la prise en charge des dommages, pertes et avaries ou branchement frigo, les compagnies appelantes font valoir que CGM n'a émis aucune réserve lors de la prise en charge des marchandises et de l'émission des connaissements litigieux, et que des réserves ont été généralement émises par les destinataires. Elles objectent que, même en l'absence de réserves, ou lorsque celles-ci ont été émises tardivement, la présomption de livraison conforme se trouve détruite, dès lors que les avaries constatées, non susceptibles d'être imputées à la présence des marchandises dans les entrepôts du destinataire, n'ont pu se produire en dehors de la période de responsabilité du transporteur. Spécialement en ce qui concerne l'avarie ayant trait au connaissement nä 1632006 du 6 décembre 1998, elles précisent que CGM doit être tenue pour responsable de la rupture de la chaîne du froid, laquelle est intervenue, non pas chez le réceptionnaire à FORT DE FRANCE, mais sur le terminal de POINTE A PITRE. Par voie de conséquence, elles demandent à la Cour d'infirmer le jugement entrepris, de condamner
CGM ANTILLES et CGM SUD solidairement, "in solidum", ou l'une à défaut de l'autre, à leur payer la somme globale de 83.732,67 euros (549.250,34 F), majorée des intérêts de droit à compter de l'assignation, et d'ordonner la capitalisation des intérêts légaux par application de l'article 1154 du Code civil. Elles réclament en outre la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Les Sociétés CGM ANTILLES et CGM SUD concluent à la confirmation du jugement. Elles exposent qu'au moment où le transporteur maritime a pris en charge les marchandises, il ignorait qu'il serait empêché d'accéder à FORT DE FRANCE, et qu'il serait obligé de dérouter ses navires vers des ports de substitution. Elles considèrent que la décision de la Chambre de Commerce et d'Industrie interdisant l'accès au port à compter du 9 décembre 1998, totalement imprévisible pour CGM, a constitué un événement non imputable au transporteur au sens de l'article 27 d) de la loi du 18 juin 1966, devant donc exonérer entièrement ce dernier de la prise en charge des frais de ré-acheminement en application de l'article 47 du décret du 31 décembre 1966. Elles observent qu'en dépit de leur parfaite connaissance de la grève et du risque de déroutement des navires, les co-contractants de la CGM lui ont confié leurs marchandises afin qu'elle les achemine vers FORT DE FRANCE. Elles allèguent qu'en agissant de la sorte, ils ont, au même titre que la CGM, pris le risque et accepté que les marchandises ne puissent être débarquées en Martinique et soient dirigées vers différents ports de substitution. Elles estiment que cette acceptation exonère le transporteur de l'obligation de résultat pesant sur lui, d'avoir à livrer les marchandises au seul port de déchargement figurant au connaissement. Elles font valoir que le réceptionnaire, dans les droits duquel les assureurs sont subrogés, est complètement lié par les termes du contrat de transport conclu entre la CGM et les
chargeurs. Elles en déduisent qu'en application de la "Liberty Clause" (clause 10 des Conditions Générales du Transport), et plus généralement des articles 1134 et 1135 du Code civil, les ayants droit de la marchandise doivent prendre en charge les frais de ré-acheminement, sans pouvoir utilement rechercher la responsabilité du transporteur. Elles soutiennent qu'elles ne sauraient être tenues d'indemniser les compagnies d'assurances appelantes au titre des dommages occasionnés aux marchandises. A cet égard, elles invoquent la circonstance que les avaries ont résulté du blocage du port de FORT DE FRANCE par les ouvriers bananiers en grève, et de l'impossibilité pour le navire d'accéder à ce port, ce qui a constitué un fait exonératoire de responsabilité pour le transporteur (connaissement nä 16322018). Elles relèvent que le destinataire n'a pas émis la moindre réserve sur l'état de la marchandise au moment de la livraison, ni dans les jours qui l'ont suivie (connaissement nä 0332005), ou que les réserves ont été émises tardivement (connaissements nä 0232807 et nä 0332412), de telle sorte que le transporteur maritime bénéficie de la présomption de livraison conforme, laquelle n'a pas été renversée par des éléments probants. Elles précisent que la preuve de l'impossibilité de commercialiser les denrées, objet du connaissement nä 0332410, n'est nullement rapportée, le réceptionnaire ayant fait don de ces produits à la Fédération Française des Banques Alimentaires. Elles ajoutent que la cause de l'avarie concernant la marchandise ayant donné lieu au connaissement nä 1632006 réside dans le non branchement du conteneur après sa livraison, et, partant, après l'accomplissement par le transporteur maritime de toutes ses obligations. Elles réclament une indemnité complémentaire de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. L'ordonnance de clôture a été prononcée le 29 janvier 2004. MOTIFS DE LA DECISION : I. SUR LA
RECLAMATION RELATIVE A LA PRISE EN CHARGE DES FRAIS DE RE-ACHEMINEMENT : Considérant que, s'agissant d'un transport maritime effectué entre deux ports relevant de l'Etat français, les règles applicables au présent litige sont celles édictées par la loi du 18 juin 1966 et par le décret du 31 décembre 1966; Considérant qu'aux termes de l'article 40 du décret du 31 décembre 1966 : "En cas d'interruption de voyage, le transporteur ou son représentant doit, à peine de dommages-intérêts, faire diligence pour assurer le transbordement de la marchandise et son déplacement jusqu'au port de destination prévu"; Considérant qu'en vertu de l'article 47 de ce décret, lorsque l'interruption est due à des cas d'exonération de responsabilité énumérés à l'article 27 de la loi du 18 juin 1966, "les frais du transbordement et le fret dû pour achever le déplacement de la marchandise sont à la charge de la marchandise"; "les mêmes frais sont à la charge du transporteur dans les autres cas"; Considérant qu'en application de l'article 27 e) de cette loi, il y a lieu à exonération de responsabilité dans l'hypothèse de grèves ou lock-out ou d'arrêts ou entraves apportés au travail pour quelque cause que ce soit, partiellement ou complètement; Considérant que, dès lors, en l'occurrence, le transporteur maritime ne peut être déchargé des frais de ré-acheminement de la marchandise litigieuse qu'à la condition que la preuve soit rapportée que le blocage du port de FORT DE FRANCE consécutivement au mouvement de grève des ouvriers de l'industrie bananière a constitué pour lui un événement imprévisible et insurmontable lorsque cette marchandise lui a été confiée pour être expédiée jusqu'à ce port; Or considérant qu'il doit être observé que les connaissements ont été émis entre le 29 novembre et le 21 décembre 1998, donc postérieurement au 27 novembre 1998, date du début du blocage du port; Considérant que les Sociétés CGM SUD et CGM ANTILLES, en leur qualité de professionnelles du transport
maritime, étaient nécessairement informées de la situation à destination, à l'époque où elles ont accepté de prendre en charge la marchandise; Considérant qu'elles ont délibérément choisi de l'acheminer jusqu'à FORT DE FRANCE, alors qu'elles ne pouvaient ignorer que la poursuite du mouvement de grève, dont la durée était inconnue, était susceptible d'entraîner l'engorgement du port et le déroutement du navire vers un port de substitution; Considérant qu'elles ne peuvent donc utilement invoquer la circonstance que la décision prise par la Chambre de Commerce et d'Industrie de la Martinique d'interdire à compter du 09 décembre 1998 l'accès des navires au port de FORT DE FRANCE a revêtu le caractère d'imprévisibilité de nature à les exonérer de la prise en charge des frais de ré-acheminement; Considérant qu'ayant accepté sans réserve de transporter la marchandise jusqu'à ce port, elles doivent assumer les conséquences financières du risque qu'elles ont pris de ne pouvoir mener à bien leur mission par suite de la persistance d'un conflit social dont elles avaient connaissance avant même l'établissement des connaissements; Considérant qu'au demeurant, il n'est pas contredit par les éléments de la cause que CGM ANTILLES a tardivement informé ses cocontractants de l'impossibilité pour elle, par suite de la décision des autorités locales, de décharger la marchandise au port de FORT DE FRANCE; Considérant que la circonstance que les destinataires, installés en Martinique, aient été nécessairement informés de l'évolution de la grève et des conséquences dommageables susceptibles d'en résulter pour les denrées transportées, n'autorise pas à conclure qu'ils ont accepté le risque d'un déroutement du navire vers un port de substitution en raison de la grève; Considérant qu'à supposer même que, ainsi que le soutiennent les sociétés intimées, leurs cocontractants aient été eux-mêmes de grands spécialistes de la distribution et de
l'expédition de marchandises en Martinique et en Guadeloupe, il n'apparaît pas pour autant que les destinataires auxquels devaient être livrés les produits litigieux disposaient, à l'époque où ceux-ci ont été confiés au transporteur maritime, d'éléments d'information dispensant ce dernier de son obligation de renseignement et de conseil; Considérant qu'au surplus, la CGM ne démontre pas avoir, dès le départ du navire, et compte tenu de sa connaissance du risque de blocage du port de FORT DE FRANCE, envisagé toute autre solution qu'un déchargement dans ce port, afin que soient sauvegardés les intérêts financiers des destinataires; Considérant que le transporteur maritime ne saurait davantage se prévaloir de la "Liberty Clause" insérée à l'article 10 de certains connaissements, selon laquelle, en cas d'interruption du voyage, pour quelque cause que ce soit, le cocontractant, ayant droit à la marchandise, doit payer toutes les dépenses supplémentaires occasionnées par cette interruption ; Considérant qu'en effet, en matière de transports maritimes, les clauses exonératoires de responsabilité ne peuvent être valablement opposées aux ayants droit à la marchandise qu'à la condition que ceux-ci en aient eu connaissance au moment de la conclusion du contrat; Considérant qu'en l'espèce, une telle clause, qui n'a pas été expressément acceptée par les destinataires, doit être déclarée inopposable aux assureurs subrogés dans les droits de ces derniers; Considérant que, dès lors qu'en fonction de ce qui précède, les sociétés intimées ne sont pas fondées à invoquer un événement imprévisible au sens de l'article 27 e) de la loi du 18 juin 1966, et de nature à les décharger de leurs obligations édictées par les articles 40 et 47 du décret du 31 décembre 1966, il convient, en infirmant la décision entreprise, de les condamner à indemniser les sociétés appelantes, en leur qualité de subrogées dans les droits des destinataires, à due concurrence des frais de ré-acheminement
vers le port de destination primitive. II. SUR LA RECLAMATION RELATIVE AUX DOMMAGES OCCASIONNES AUX MARCHANDISES : 1. CONNAISSEMENTS Nä 1632018 ET Nä 0332005 DU 29 NOVEMBRE 1998 :
Considérant que les marchandises (1.150 cartons de pommes) se trouvaient à l'intérieur du conteneur 488111/4, objet du connaissement nä 1632018, lorsqu'elles ont été livrées à leur destinataire, la Société MARTINIQUE VIANDES; Considérant que les avaries affectant des marchandises conteneurisées constituent des dommages non apparents, pour lesquels, en application de l'article 57 du décret du 31 décembre 1966, des réserves peuvent être émises par le destinataire dans les trois jours de la livraison ; Considérant qu'en l'occurrence, il est acquis aux débats que la Société MARTINIQUE VIANDES a émis des réserves écrites le 18 janvier 1999 ; Considérant qu'il ne s'infère nullement des informations résultant du rapport du X... en date du 22 février 1999 que la livraison serait intervenue à une date antérieure au 15 janvier 1999 ; Considérant qu'il s'ensuit que des réserves ont été régulièrement formulées dans le délai de trois jours susvisé ; Considérant que, dès lors, il incombe au transporteur maritime de rapporter la preuve que le dommage ne lui est pas imputable ; Or considérant qu'il résulte du rapport précité du Commissaire d'Avaries que la dépréciation de la marchandise, estimée à 100 %, est due au blocage du port de FORT DE FRANCE par les ouvriers de la banane en grève ; Considérant qu'à cet égard, il a déjà été relevé que le déroutement du navire consécutif à ce mouvement de grève n'a pas constitué un événement imprévisible de nature à exonérer le transporteur de sa responsabilité; Considérant que, de surcroît, les Sociétés CGM SUD et CGM ANTILLES n'établissent nullement que les avaries se seraient produites à une époque où elles n'étaient plus en charge du conteneur litigieux ; Considérant que, s'agissant des marchandises (2.300 cartons de frites et légumes
divers) chargées dans le conteneur 177144/2, objet du connaissement nä 0332005, celui-ci comporte la mention que : "En cas de grève, blocage du port ou autres événements sociaux, le port de déchargement et de livraison sera POINTE A PITRE" ; Mais considérant que les compagnies d'assurances appelantes exposent que ce conteneur n'est pas concerné par les avaries; Considérant qu'au demeurant, il n'est ni démontré, ni même allégué, que la réclamation formulée à l'encontre du transporteur maritime à hauteur de la somme de 46.587 F (7.102,14 euros) inclurait l'indemnisation du dommage susceptible d'avoir affecté les marchandises chargées dans le conteneur 177144/2, objet de ce connaissement; Considérant qu'il y a donc lieu d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté les compagnies d'assurances appelantes de leur demande de remboursement de la somme de 46.587 F (7.102,14 euros); 2. CONNAISSEMENT Nä 0332602 DU 1ER DECEMBRE 1998 : Considérant qu'en ce qui concerne les marchandises, objet de ce connaissement, les compagnies d'assurances, subrogées dans les droits du destinataire, limitent leur réclamation aux seuls frais de ré-acheminement et de branchement frigo ; Considérant que, dans la mesure où il a déjà été relevé que ces frais doivent être supportés par le transporteur maritime, faute par lui de justifier d'une cause exonératoire de nature à le décharger de son obligation de ce chef, il convient d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté les compagnies appelantes de leur demande en paiement de la somme de 10.250 F (1.562,60 euros) ; 3. CONNAISSEMENT Nä 0232807 DU 02 DECEMBRE 1998 : Considérant que les marchandises transportées sous couvert de ce connaissement ont fait l'objet de réserves de la part du destinataire, la Société JOSEPH COTTRELL, par écrit en date du 22 janvier 1999, régulièrement adressé au transporteur maritime CGM, ainsi que le confirme le rapport du commissaire d'avaries en date du 16 avril 1999 ; Considérant qu'il
existe une incertitude sur la date de la livraison, puisque, si l'expert du X... fait état d'une livraison intervenue dès le 12 janvier 1999, cette indication est contredite par la lettre de réserves du 22 janvier 1999, aux termes de laquelle le destinataire indique que : "à réception du container, le 22/01/99 en nos dépôts, nous remarquons que certains fardeaux de ces tubes présentent des traces de rouille blanche et vous demandons de constater les dommages en nos établissements..." ; Considérant qu'en l'état de ces indications contradictoires, lesquelles interdisent de conclure de manière certaine que la livraison est intervenue dès le 12 janvier 1999, il convient de déclarer régulières les réserves motivées notifiées au transporteur maritime le 22 janvier 1999 ; Considérant que, dès lors, il incombe au transporteur maritime de rapporter la preuve que le dommage ne lui est pas imputable ; Or considérant qu'il résulte du rapport susvisé du commissaire d'avaries que les traces de rouille affectant les fardeaux de fers et aciers transportés sont dues à la grève du port de FORT DE FRANCE, dans la mesure où : "le container a été déchargé à BARBADE où il est resté en stationnement sans protection" ; Considérant qu'il doit être observé que le déroutement du navire sur LA BARBADE est la conséquence du blocage du port de FORT DE FRANCE, ayant lui-même fait suite au mouvement de grève des ouvriers bananiers, lequel, ainsi qu'il résulte des précédents développements, n'a pas constitué un événement imprévisible de nature à décharger le transporteur maritime de sa responsabilité ; Considérant qu'au surplus, les Sociétés CGM SUD et CGM ANTILLES n'établissent nullement que les avaries se seraient produites alors qu'elles n'étaient plus en charge du conteneur litigieux ; Considérant qu'il y a donc lieu d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté les compagnies d'assurances appelantes de leur demande en paiement de la somme de 12.076,42 F
(1.841,04 euros); 4. CONNAISSEMENT Nä 0332412 DU 02 DECEMBRE 1998 :
Considérant qu'il est constant que des réserves ont été émises par le destinataire, la Société SOGEDIAL MARTINIQUE, le 29 janvier 1999, soit plus de trois jours après la livraison intervenue le 22 janvier 1999 ; Considérant que, dès lors que l'absence de réserves régulières entraîne une présomption de livraison conforme, il incombe au réceptionnaire d'établir que les dommages existaient au moment même de la livraison, et qu'ils sont survenus au cours du transport maritime ; Or considérant qu'il ne peut se déduire des constatations non contradictoires résultant du rapport du commissaire d'avaries en date du 28 juin 1999, décrivant un phénomène de condensation à l'intérieur du conteneur, et excluant toute anomalie au niveau du toit et des joints des portes, que l'avarie ayant affecté les cartons chargés dans ce conteneur se serait produite alors même que les marchandises se trouvaient encore sous la responsabilité de la CGM ; Considérant qu'il y a donc lieu, en confirmant de ce chef le jugement déféré, de débouter les compagnies d'assurances appelantes de leur demande en paiement de la somme de 6.449 F (983,14 euros) ; 5. CONNAISSEMENT Nä 0332410 DU 02 DECEMBRE 1998 : Considérant que ce connaissement est relatif au conteneur 277842/6 renfermant des légumes secs transportés, lesquels ont été donnés à la Fédération Française des Banques Alimentaires, au motif, selon les compagnies d'assurances appelantes, que leur aspect extérieur interdisait leur commercialisation ; Considérant que, toutefois, ces dernières se contentent de produire aux débats une attestation de dons émanant de cet organisme, laquelle, à défaut d'être étayée par un certificat d'avaries, ne peut suffire à démontrer que les produits en cause ne pouvaient être commercialisés ; Considérant qu'en l'absence de preuve d'un préjudice subi de ce chef par le destinataire, le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté les assureurs
marchandises de leur demande en paiement de la somme de 1.332 F (203,06 euros) ; 6. CONNAISSEMENT Nä 1632006 DU 06 DECEMBRE 1998 :
Considérant que la réclamation présentée au titre de ce connaissement à hauteur de la somme de 279.317 F (42.581,60 euros) tend à l'indemnisation des dégâts occasionnés aux marchandises par suite d'une rupture de la chaîne du froid intervenue après leur déchargement au port de POINTE A PITRE ; Considérant qu'à cet égard, contrairement à ce qui est soutenu par les sociétés intimées, le rapport du commissaire d'avaries en date du 07 avril 1999 ne met nullement hors de cause le transporteur maritime, puisqu'il mentionne que le conteneur : "est resté non branché depuis son arrivée à POINTE A PITRE, et après livraison à CONTINENT...; conteneur débarqué à POINTE A PITRE à cause de la grève des ouvriers de la banane bloquant le port de FORT DE FRANCE. Ce conteneur n'a pas été branché, faute de place" ; Considérant qu'il doit être observé que le déchargement à POINTE A PITRE a été effectué le 20 décembre 1998, que les constatations de l'expert ont été diligentées le 31 décembre 1998, et que la preuve n'est pas rapportée d'une livraison des denrées litigieuses au destinataire dès leur arrivée dans ce port ; Considérant que, lorsqu'elle a pris en charge le conteneur frigo le 06 décembre 1998, CGM ANTILLES, qui avait connaissance du conflit social qui affectait les installations portuaires de FORT DE FRANCE depuis le 27 novembre 1998, a pris un risque dont elle doit assumer les conséquences dommageables en acceptant l'acheminement de ce conteneur, dont elle pouvait craindre de ne pouvoir assurer le maintien à froid en cas de déroutement du navire à son arrivée en Martinique ; Considérant que le transporteur maritime qui, pour les raisons précédemment exposées, ne peut se prévaloir d'une cause exonératoire au sens de l'article 27 e) de la loi duConsidérant que le transporteur maritime qui, pour les raisons précédemment exposées,
ne peut se prévaloir d'une cause exonératoire au sens de l'article 27 e) de la loi du 18 juin 1966, a en outre commis une faute commerciale en maintenant à quai sans branchement un conteneur renfermant des denrées périssables, dans l'attente de leur livraison au destinataire ; Considérant que, toutefois, il convient de relever que, par lettre circulaire adressée aux chargeurs postérieurement à la fermeture du port de FORT DE FRANCE décidée le 09 décembre 1998, la CGM les a informés que les moyens techniques existant au port de POINTE A PITRE ne lui permettraient pas d'assurer le maintien à froid de la marchandise; Considérant qu'il n'est pas contesté que ce courrier n'a donné lieu à aucune réponse ou instruction écrite de la part tant du chargeur que du destinataire figurant au connaissement; Considérant que, dès lors, ces derniers, qui, bien que dûment informés, n'ont donné au transporteur maritime aucune instruction qui eût été de nature à réduire le préjudice subi par le destinataire, et ne justifient pas de leurs diligences pour éviter un stationnement prolongé du conteneur sur ce terminal, ont concouru pour moitié au dommage consécutif à la rupture de la chaîne du froid ; Considérant qu'il y a donc lieu, en infirmant de ce chef la décision entreprise, d'accueillir la réclamation des compagnies d'assurances appelantes, subrogées dans les droits de la Société SADECO EUROMARCHE, à concurrence de la somme de 279.317 F (42.581,60 euros) : 2 =
139.658,50 F (21.290,80 euros). III. SUR LE MONTANT DE LA CREANCE DES COMPAGNIES D'ASSURANCES APPELANTES ET SUR LES DEMANDES ANNEXES :
Considérant qu'en définitive, il convient, en infirmant le jugement déféré, de condamner in solidum les Sociétés CGM ANTILLES et CGM SUD à payer aux compagnies d'assurances, subrogées dans les droits des destinataires, la somme de 549.250,34 (83.732,67 euros), sous déduction d'un montant égal à : (139.658,50 F + 6.449 F + 1.332 F =) 147.439,50 F (22.477,01 euros) = 401.810,84 F (61.255,67 euros);
Considérant que cette condamnation doit être assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 1999, date de l'assignation introductive d'instance, eux-mêmes capitalisés, par application de l'article 1154 du Code civil, à compter de la demande formulée pour la première fois par conclusions du 12 juin 2001 ; Considérant que l'équité commande en outre d'allouer aux compagnies d'assurances appelantes une indemnité égale à 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Considérant qu'il n'est cependant pas inéquitable que les sociétés intimées conservent la charge des frais non compris dans les dépens exposés par elles dans le cadre de la présente instance ; Considérant qu'il y a donc lieu d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné les Compagnies d'assurances MUTUELLES DU MANS et autres au versement d'une indemnité de procédure ; Considérant que les Sociétés CGM ANTILLES et CGM SUD doivent être condamnées aux entiers dépens de première instance et d'appel. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, DONNE ACTE à la Société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCES de ce qu'elle vient aux droits de la Société AXA GLOBAL RISKS, à la Société Y... FRANCE ASSURANCES de ce qu'elle vient aux droits du GIE Y... TRANSPORTS, et à la Société AXA CARABES de ce qu'elle vient aux droits de la Société UAP CARABES; INFIRME partiellement le jugement déféré, et statuant à nouveau : CONDAMNE in solidum les Sociétés CGM ANTILLES et CGM SUD à payer aux Sociétés AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCES, AXA CARABES, Y... FRANCE ASSURANCES, COMPAGNIE MUTUELLES DU MANS, GAN INCENDIE ACCIDENTS et CONTINENT IARD, la somme de 61.255,67 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 1999; ORDONNE la capitalisation des intérêts à compter du 12 juin 2001; CONDAMNE in solidum les Sociétés CGM ANTILLES et CGM SUD à payer aux compagnies d'assurances appelantes la somme de 1.500 euros
sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; DEBOUTE les compagnies d'assurances appelantes de leurs plus amples demandes; REJETTE la demande d'indemnité de procédure présentée par les sociétés intimées; CONDAMNE in solidum les Sociétés CGM ANTILLES et CGM SUD aux dépens de première instance et d'appel, et AUTORISE la SCP BOMMART-MINAULT, Société d'Avoués, à recouvrer directement la part la concernant, conformément à ce qui est prescrit par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. Arrêt prononcé par Madame Françoise LAPORTE, Président, et signé par Madame Françoise LAPORTE, Président et par Mme Marie-Thérèse GENISSEL, greffier présent lors du prononcé Le GREFFIER,
Le PRESIDENT,