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16/03/2004 | FRANCE | N°2003-00311

France | France, Cour d'appel de Versailles, 16 mars 2004, 2003-00311


COUR D'APPEL DE VERSAILLES JD 12ème chambre section 1 ARRET Nä CONTRADICTOIRE DU 16 MARS 2004 R.G. Nä 03/00311 AFFAIRE : Société E.MANITOO COMPANY C/ 1 -S.A. PATRIMOINE MANAGEMENT ET TECHNOLOGIES, 2 -AFNIC Décision déférée à la cour : jugement rendu le 18 Novembre 2002 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE Nä de chambre :

RG nä : Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées à : SCP MERLE etamp; CARENA-DORON, SCP LISSARRAGUE- DUPUIS etamp; BOCCON- GIBOD REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE SEIZE MARS DEUX MILLE QUATRE, La cour d'appel de VE

RSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : APPELANTE Soci...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES JD 12ème chambre section 1 ARRET Nä CONTRADICTOIRE DU 16 MARS 2004 R.G. Nä 03/00311 AFFAIRE : Société E.MANITOO COMPANY C/ 1 -S.A. PATRIMOINE MANAGEMENT ET TECHNOLOGIES, 2 -AFNIC Décision déférée à la cour : jugement rendu le 18 Novembre 2002 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE Nä de chambre :

RG nä : Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées à : SCP MERLE etamp; CARENA-DORON, SCP LISSARRAGUE- DUPUIS etamp; BOCCON- GIBOD REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE SEIZE MARS DEUX MILLE QUATRE, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : APPELANTE Société E. MANITOO COMPANY, dont le siège est situé : Route des Lucioles - 06560 VALBONNE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. Concluant par la SCP FIEVET-ROCHETTE-LAFON, avoués près la Cour d'Appel de VERSAILLES, Plaidant par Me Gérard Y..., avocat au barreau de NICE. ** ** ** ** ** ** ** ** INTIMEES 1 - S.A. PATRIMOINE MANAGEMENT ET TECHNOLOGIES, dont le siège est situé : ..., prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. Concluant par la SCP MERLE etamp; CARENA-DORON, avoués près la Cour d'Appel de VERSAILLES, Plaidant par Me C..., avocat au barreau de PARIS. 2 -AFNIC "Association Française pour le Nommage Internet en Coopération", dont le siège est situé : Immeuble International - ..., 78181 SAINT QUENTIN EN YVELINES, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. Concluant par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD, avoués près la Cour d'Appel de VERSAILLES, Plaidant par le Cabinet BENSOUSSAN, avocat au barreau de PARIS ** ** ** ** ** ** ** ** Composition de la cour : L'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Février 2004 devant la cour composée de : Monsieur Alain RAFFEJEAUD, conseiller faisant fonction de président, Monsieur

Jacques DRAGNE, conseiller, Monsieur X... CHAPELLE, conseiller, qui en ont délibéré, Greffier, lors des débats : Catherine CLAUDE A... ET PROCEDURE 5 La société anonyme PATRIMOINE MANAGEMENT etamp; TECHNOLOGIES, qui se présente comme "spécialiste de la relation entre les particuliers et les établissements financiers", réalise et vend des logiciels intéressant le secteur de la banque et de l'assurance. Elle est propriétaire de divers enregistrements de marques, issus de dépôt remontant à 1981, pour des services relevant des classes 35, 36, 38 et 41, ou de certaines de ces classes seulement, portant sur les dénominations "PATRIMOINE DOCUMENTATION", "GROUPE PATRIMOINE", "PATRIMOINE ASSISTANCE", PATRIMOINE ACTUALITES" et "PATRIMOINE FORMATION". Figure au registre du commerce et des sociétés, parmi les mentions la concernant à la date du 12 août 1998, une enseigne constituée de la dénomination "PATRIMOINE" ou "PM etamp; T". Elle est par ailleurs présente sur le réseau internet au travers d'un site etlt;www.patrimoine.cometgt;. Elle s'est en revanche vu refuser en 1998 le nom de domaine etlt;patrimoine.fretgt; dont elle avait sollicité l'attribution, de l'ASSOCIATION FRANCAISE POUR LE NOMMAGE INTERNET EN COOPERATION (A.F.N.I.C.). Cette dernière lui a en effet opposé sa "charte de nommage", dans son texte alors d'application, excluant les termes trop génériques. Elle a saisi l'A.F.N.I.C. d'une nouvelle demande portant sur le même nom, après que celle-ci ait modifié la charte précitée à compter du 10 avril 2000. Elle n'a pu obtenir satisfaction, motif pris que le nom avait été entre-temps attribué à la société par actions simplifiée E MANITOO COMPANY. Excipant des droits antérieurs qu'elle tenait de ses marques, dénomination sociale et enseigne, elle a vainement tenté d'obtenir que la société PATRIMOINE MANAGEMENT etamp; TECHNOLOGIES renonce au nom de domaine litigieux. Puis, elle l'a fait assigner, en même temps que l'A.F.N.I.C.. * * * C'est dans ces conditions que, par jugement du 18

novembre 2002, le tribunal de grande instance de NANTERRE a notamment : - écarté la contrefaçon de marque, car "la reprise du terme générique et banal PATRIMOINE dans le nom de domaine ... ne peut générer aucune confusion avec les marques composées" ("PATRIMOINE DOCUMENTATION", "GROUPE PATRIMOINE", "PATRIMOINE ASSISTANCE", PATRIMOINE ACTUALITES" et "PATRIMOINE FORMATION") ; écarté de même l'usurpation de la dénomination sociale constituée de l'ensemble "PATRIMOINE MANAGEMENT etamp; TECHNOLOGIES", et non du terme isolé PATRIMOINE ; - admis le droit de la demanderesse sur l'enseigne "PATRIMOINE" (dûment mentionnée au registre du commerce et des sociétés, apposée sur la façade de son siège social, ayant un rayonnement national et exploitée au travers de son site etlt;patrimoine.cometgt;), et estimé fautive sa reprise par la société E MANITOO COMPANY, alors qu'elle était sans rapport avec son activité (y inclus la fourniture de sites internet clés en mains), n'avait fait l'objet d'aucun usage public et comptait au nombre de plusieurs autres noms de domaine obtenus par l'intéressée, mais laissés sans utilisation ; - implicitement retenu un artifice, car "il est de notoriété publique que l'A.F.N.I.C. accepte d'attribuer un nom de domaine à une société s'il y a une corrélation entre son extrait Kbis et le nom demandé" ; or, "on ne voit ... pas pourquoi la société E MANITOO COMPANY a fait figurer le mot patrimoine comme enseigne dans sa déclaration au registre du commerce, si ce n'est pour se faire attribuer le nom de domaine correspondant et pouvoir sans doute ensuite le monnayer auprès de ses clients ou de tout intéressé" - dit en conséquence : fondée la demande de transfert du nom de domaine etlt;patrimoine.fretgt; à la société PATRIMOINE MANAGEMENT etamp; TECHNOLOGIES, ce transfert et la publication du jugement constituant une réparation suffisante du préjudice subi par l'intéressée ; exempt de toute faute le comportement de l'A.F.N.I.C., que ce soit lors de

la modification de sa "charte de nommage" (conçue comme évolutive), dont le public avait été informé, ou lors de l'acceptation de la demande d'attribution de la société E MANITOO COMPANY formulée puis re-formulée avant celle de la société PATRIMOINE MANAGEMENT etamp; TECHNOLOGIES. En conséquence, le tribunal a ordonné sous astreinte à la société E MANITOO COMPANY de faire procéder au transfert du nom de domaine litigieux à la société PATRIMOINE MANAGEMENT etamp; TECHNOLOGIES, ainsi que la publication du jugement dans trois journaux au choix de cette dernière. * * * Appelante de ce jugement, la société E MANITOO COMPANY (conclusions du 6 janvier 2004 - 38 pages) approuve les premiers juges en ce qu'ils ont écarté la contrefaçon de marque et l'atteinte à la dénomination sociale. Mais, elle leur fait grief d'avoir estimé que le nom de domaine litigieux constitue une atteinte à l'enseigne de la société PATRIMOINE MANAGEMENT etamp; TECHNOLOGIES. Elle insiste plus particulièrement sur : la banalité du terme "patrimoine" employé pour de nombreuses marques et dénominations sociales ; la protection territoriale limitée de l'enseigne ; la légitimité de la modification apportée par l'A.F.N.I.C. à sa "charte de nommage" ; l'exacte application, en l'espèce faite, de la règle dite du "premier arrivé, premier servi". Il ne saurait lui être reproché - est-il ajouté - d'avoir préalablement fait inscrire la dénomination litigieuse au registre du commerce en tant qu'enseigne. En effet, "la seule possibilité pour obtenir un nom de domaine est justement de justifier de l'inscription du terme dont il est demandé l'enregistrement comme nom de domaine sur le K bis". En outre, un nom de domaine désignant un établissement virtuel répondrait bien à la définition de l'enseigne. L'action engagée à son encontre lui aurait causé un important préjudice en la privant de la possibilité d'exploiter son site. La Cour devrait donc confirmer le jugement entrepris, sauf : - "en ce qu'il a jugé que la

société PATRIMOINE MANAGEMENT etamp; TECHNOLOGIES peut prétendre à la protection de son enseigne, avec toutes les conséquences que cela entraîne quant à la réattribution du nom de domaine etlt;patrimoine.fretgt;" ; - à faire subsidiairement droit à la demande de déchéance totale des marques invoquées, pour défaut d'exploitation pendant une période ininterrompue de cinq ans du 15 mai 1995 au 10 mai 2000 ; - ordonner la publication de l'arrêt à intervenir aux frais avancés de la société PATRIMOINE MANAGEMENT etamp; TECHNOLOGIES ; - condamner cette dernière à payer la somme de 38 112,25 euros sur le fondement de l'article 1382 du code civil et de 10 000 euros au titre de l'article 700 du NCPC. * * * Pour la société PATRIMOINE MANAGEMENT etamp; TECHNOLOGIES (conclusions du 16 décembre 2003 - 42 pages), la contrefaçon de marque serait d'évidence constituée dès lors que "la dénomination PATRIMOINE qui constitue le dénominateur commun et essentiel de ses marques ... doit être protégé isolément" et se trouve en l'espèce repris dans des conditions prêtant à confusion. La contrefaçon serait d'ailleurs constituée du seul fait de son enregistrement auprès de l'A.F.N.I.C.. "Juger le contraire laisserait place au cybersquatting puisqu'il suffirait de ne pas exploiter le nom déposé pour échapper aux poursuites". Il y aurait également atteinte : - à la dénomination sociale de la société PATRIMOINE MANAGEMENT etamp; TECHNOLOGIES, le terme PATRIMOINE en étant l'élément essentiel "puisque c'est sous cette dénomination qu'elle communique et est connue des tiers" ; - à son enseigne qui aurait une "envergure nationale" : vente d'abonnements dans toute la FRANCE ; conseils en matière fiscale et immobilière intéressant l'ensemble du territoire national ... - à son nom de domaine etlt;www.patrimoine.cometgt; dont l'exploitation lui conférerait "un droit sur la dénomination déposée". "L'enseigne inscrite par la société E-MANITOO sur son Kbis, parmi tant d'autres, ne désignerait

en rien l'entreprise commerciale de la société E-MANITOO COMPANY". Il y aurait lieu de surcroît d'appliquer la règle selon laquelle "l'enseigne se perd par défaut d'usage, ce qui est le cas en l'espèce". L'AFNIC aurait en l'espèce engagé sa responsabilité et ne pourrait s'en dégager en excipant de conditions potestatives dans les engagements qu'elle fait signer à ses adhérents. Suit une critique des conditions dans lesquelles l'A.F.N.I.C. aurait notamment :

modifié sa "charte de nommage", sans publicité préalable, et refusé en avril 2000 le nom de domaine litigieux à la société PATRIMOINE MANAGEMENT etamp; TECHNOLOGIES, nonobstant ses droits antérieurs, sur la base d'une réservation effectuée par une société sans personnalité morale et qui n'avait fourni aucune pièce justificative. Il appartiendrait en conséquence à la Cour de confirmer le jugement entrepris, sauf à : - retenir la contrefaçon de marque et l'usurpation de dénomination sociale, et ordonner leur cessation sous astreinte ; - enjoindre à la société E-MANITOO COMPANY de procéder aux formalités de transfert ou subsidiairement d'annulation du nom de domaine sous astreinte de 7 500 euros par jour de retard "à compter du prononcé du jugement ä à intervenir" ; dire que l'A.F.N.I.C. devra y procéder sous la même astreinte ; - condamner la société E-MANITOO COMPANY à payer une somme de 38 112,254 euros en ce qui concerne la contrefaçon et de 38 112,254 euros en ce qui concerne l'atteinte à la dénomination sociale et à l'enseigne, le parasitisme commercial et la concurrence déloyale ; condamner l'A.F.N.I.C. solidairement ; - condamner les mêmes au paiement d'une indemnité de 10 000 euros au titre de l'article 700 du NCPC. * * * Pour l'A.F.N.I.C. (conclusions du 30 décembre 2003 - 42 pages), aucune faute ne pourrait lui être reprochée. Elle aurait parfaitement respecté les règles en vigueur en matière de "nommage", en répondant favorablement à la demande d'attribution du nom de domaine litigieux.

Elle n'aurait commis aucune négligence, comme exactement retenu par le tribunal. Suivent de longs développements portant notamment sur :

- la "charte de nommage" et la procédure d'attribution des noms de domaine : règles d'attribution ; caractère évolutif ; application normale qui en aurait été en l'espèce faite, au regard notamment de la priorité de la demande de la société E MANITOO CORPORATION, de sa conformité à l'extrait Kbis présenté, de l'incompétence de l'A.F.N.I.C. pour se prononcer sur les litiges ; - l'impossibilité, de toute manière, de rechercher l'A.F.N.I.C. du chef d'une prétendue contrefaçon et concurrence déloyale, en l'état : de la déchéance devant être prononcée des droits attachés aux marques invoquées ; de l'absence d'atteinte à ces droits, comme d'usurpation de dénomination sociale ou d'enseigne. S'agissant de la déchéance, la Cour devrait se prononcer "préalablement à l'examen même du grief de contrefaçon invoqué par PATRIMOINE MANAGEMENT etamp; TECHNOLOGIES dans la mesure où si la Cour faisait droit à la demande de déchéance, le grief de contrefaçon invoqué par PATRIMOINE MANAGEMENT etamp; TECHNOLOGIES serait ipso facto écarté sans avoir à être examiné". La Cour ne pourrait donc que : confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté toutes les demandes formées contre l'A.F.N.I.C., écarté la contrefaçon de marque et l'usurpation de dénomination sociale ; à titre reconventionnel, prononcer la déchéance totale des marques invoquées ; subsidiairement, écarter toute condamnation solidaire de l'A.F.N.I.C. ; en tout état de cause, condamner la société PATRIMOINE MANAGEMENT etamp; TECHNOLOGIES au paiement d'une indemnité de 10 000 euros au titre de l'article 700 du NCPC. SUR CE, LA COUR Sur l'atteinte alléguée aux signes distinctifs Considérant qu'au soutien de leur appel, principal pour la société E MANITOO COMPANY, incident pour la société PATRIMOINE MANAGEMENT etamp; TECHNOLOGIES et l'A.F.N.I.C., les parties reprennent largement - sans d'ailleurs plus

d'effort de concision et de synthèse - leurs moyens, arguments et prétentions de première instance ; Que l'observation vaut tout d'abord pour la contrefaçon des marques rappelées en tête présent arrêt, que la société PATRIMOINE MANAGEMENT etamp; TECHNOLOGIES reproche à la société E MANITOO COMPANY pour avoir sollicité et obtenu de l'A.F.N.I.C. l'enregistrement du nom de domaine etlt;patrimoine.fretgt; ; Que tout au plus, en cause d'appel, l'intéressée insiste-t-elle sur la protection due à ses marques en ce qu'elles couvrent les services de la classe 38 (télécommunications, communications par ordinateur ; communications radiophoniques, télégraphiques, téléscription et transmission de messages) visés dans leur acte d'enregistrement), avant de tardivement déclarer (cf.: p. 16 de ses conclusions) qu'elle n'entend s'en prévaloir que pour lesdits services ; Considérant que les premiers juges ont à bon droit écarté la contrefaçon ; qu'en effet, le site correspondant au nom de domaine a toujours été inactif ; que restait indéterminé l'usage qui en serait fait, puisqu'il était destiné à être loué ou cédé ; qu'à le tenir pour identique ou similaire aux services précités, la reprise du seul terme "patrimoine" n'est pas une reproduction des marques, au sens de l'article L 713-2 du code de la propriété intellectuelle ; Qu'elle n'en est pas plus une imitation au sens de l'article L 713-3, en l'absence de risque de confusion ; que le terme repris est en effet banal et nécessaire pour un site de professionnels de la gestion de patrimoine (notaires, banques, assurances ...) ; qu'il ne se confond, ni visuellement, ni phonétiquement, ni intellectuellement, avec les marques invoquées portant sur les signes complexes "PATRIMOINE DOCUMENTATION", "GROUPE PATRIMOINE", "PATRIMOINE ASSISTANCE", PATRIMOINE ACTUALITES" et "PATRIMOINE FORMATION" ; Qu'il importe peu qu'il en soit le "dénominateur commun", alors surtout qu'à raison de sa banalité la même observation

pourrait être faite pour de multiples signes distinctifs (732 marques nationales ; 3151 dénominations sociales ou noms commerciaux recensés au registre du commerce et des sociétés) ; qu'en tout cas, c'est marque par marque et non en combinant deux ou plusieurs marques, que doit s'apprécier la contrefaçon ; Considérant que n'est pas plus établie l'atteinte aux droits que la société PATRIMOINE MANAGEMENT etamp; TECHNOLOGIES tient de sa dénomination sociale, comme de l'enseigne PATRIMOINE apposée à l'extérieur de l'établissement abritant son siège social, mentionnée au registre du commerce et des sociétés et dont elle fait usage au travers d'un site etlt;www.patrimoine.cometgt; accessible sur le réseau internet : - dénomination sociale : la Cour ne peut que faire siens les motifs des premiers juges écartant tout risque de confusion, eu égard notamment à sa composition et à la banalité du terme "patrimoine" (d'ailleurs usité pour nombre d'autres sites, tels que : etlt;patrimoine.infoetgt;, etlt;patrimoine.netetgt;, etlt;patrimoine.orgetgt;) ; l'intéressée en est d'autant plus consciente qu'elle n'hésite pas à fallacieusement se présenter, dans ses écritures, comme étant la "société PATRIMOINE" ; - enseigne : sans doute cette dernière se limite-t-elle au seul terme PATRIMOINE et est-elle susceptible d'être connue d'une clientèle autre que locale ; mais, il n'est justifié d'aucune notoriété allant au delà du domaine d'activité de l'établissement désigné, seule susceptible de faire obstacle à son adoption pour d'autres activités ; Sur l'enregistrement du nom de domaine litigieux Considérant qu'il ne ressort pas moins des pièces du dossier que, dans son texte applicable aux faits de la cause, la "Charte de nommage" mise en place par l'A.F.N.I.C., pour déterminer les conditions d'enregistrement direct sous ".fr" des noms de domaine de sociétés, stipulait : "il faut fournir un extrait du Kbis et le numéro SIREN/SIRET (l'identifiant au répertoire INSEE). En vue de résoudre

les problèmes d'homonymie, le nom de domaine doit être strictement conforme à la raison sociale ou au sigle mentionné sur le Kbis (1 Kbis = 1 nom de domaine)" ; Que les parties se rejoignent pour admettre que l'application faite de ces stipulations conduisait l'A.F.N.I.C. à également accepter un nom de domaine correspondant à l'enseigne utilisée par une société, bien qu'un tel signe (dont la fonction est d'identifier un établissement et sur lequel le droit s'acquiert exclusivement par l'usage), doive être juridiquement distingué de la raison sociale, dénomination sociale ou sigle de société, identifiant cette dernière en tant que personne morale, conformément à son acte constitutif ; Qu'en l'espèce, la société E MANITOO COMPANY a obtenu l'enregistrement du nom de domaine litigieux etlt;patrimoine.fretgt;, au vu d'une demande devançant de peu celle formulée par la société PATRIMOINE MANAGEMENT etamp; TECHNOLOGIES, notamment assortie d'un extrait de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés intervenue le 25 avril 2000, avec mention - sur sa déclaration - d'une "enseigne : crédit.fr - patrimoine.fr - patrimoines.fr" ; Considérant qu'à la date de l'immatriculation de la société E MANITOO COMPANY, cette enseigne ne correspondait à aucune réalité, présente ou d'un futur immédiat ; que l'intéressée n'en a fait la déclaration au registre que pour y avoir vu "la seule possibilité pour obtenir un nom de domaine" ; qu'est inopérante l'évocation de l'enseigne d'un établissement virtuel, alors qu'elle n'avait d'autre intention que de mettre en place un site inactif, dans la perspective de sa vente ou de sa location ; que seule l'exploitation effective d'un site marchand peut faire accéder son identifiant à la qualification de nom commercial ou d'enseigne ; Que c'est donc à bon droit et par une exacte appréciation des faits de l'espèce qu'après avoir implicitement retenu l'artifice auquel la société E MANITOO COMPANY a eu recours, les premiers juges l'ont

condamnée aux mesures réparatrices qui s'imposaient, à savoir : le transfert, à ses frais, du nom de domaine à la société PATRIMOINE MANAGEMENT etamp; TECHNOLOGIES ; la publication de leur décision dans trois journaux ou revues au choix de l'intéressée, dans la limite d'un montant global de 18 000 euros HT ; Qu'il n'y a lieu, ni à dommages-intérêts supplémentaires, ni à augmentation de l'astreinte, ni à condamnation solidaire de l'A.F.N.I.C. qui s'est bornée à faire application de sa "charte de nommage" organisant l'attribution des noms de domaine dans des conditions assurant une opportune conciliation entre contraintes techniques inhérentes à la matière et éventuels droits des tiers auxquels elle ne peut que rester étrangère, même si apparaît peu sérieuse sa comparaison avec l'I.N.P.I., créé par la loi et doté de prérogatives de puissance publique ; Considérant qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la déchéance des marques invoquées, sollicitée par la société E MANITOO COMPANY à titre simplement subsidiaire, pour le cas où le jugement entrepris ne serait pas confirmé, en ce qu'il a écarté la contrefaçon ; qu'il importe peu que, de son côté, l'A.F.N.I.C. forme une même demande en invitant la Cour à se prononcer "préalablement à l'examen même du grief de contrefaçon" ; Que cette invitation, formulée après trente deux pages d'explications sur les conditions dans lesquelles elle a normalement fait application des règles régissant l'attribution des noms de domaine et ne peut que rester étrangère aux conflits opposant leurs attributaires aux titulaires de droits antérieurs, est purement gratuite ; Qu'en tout cas, l'A.F.N.I.C. doit être déclarée irrecevable en sa demande, faute d'intérêt, alors surtout que l'action en contrefaçon de la société PATRIMOINE MANAGEMENT etamp; TECHNOLOGIES était dirigée contre la seule société E MANITOO COMPANY ; Sur les frais et dépens Considérant que la société E MANITOO COMPANY sera donc déboutée de son appel, sauf en ce que le

jugement a retenu une atteinte aux droits de la société PATRIMOINE MANAGEMENT etamp; TECHNOLOGIES sur son enseigne PATRIMOINE, là où doit être seule retenue sa faute ayant consisté à se prévaloir d'une déclaration au registre du commerce et des sociétés ne correspondant à aucune réalité pour se faire indûment attribuer le nom de domaine etlt;patrimoine.fretgt; auquel son adversaire pouvait légitimement prétendre ; Que la société E MANITOO COMPANY, qui succombe pour l'essentiel, doit supporter les dépens; que ni l'équité, ni la situation économique des parties ne justifient qu'il soit fait exception à l'application de l'article 700 du NCPC, afférent à la charge des frais non compris dans les dépens; PAR CES MOTIFS, LA COUR CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a dit que "la société E MANITOO COMPANY a commis une atteinte aux droits de la société PATRIMOINE MANAGEMENT etamp; TECHNOLOGIES sur son enseigne PATRIMOINE", REFORMANT de ce chef, DIT qu'en se prévalant de l'enseigne PATRIMOINE dont la déclaration au registre du commerce et des sociétés ne correspondait à aucun établissement effectivement exploité ou devant l'être dans un futur immédiat, pour se faire attribuer par l'A.F.N.I.C. le nom de domaine etlt;patrimoine.fretgt;, la société E MANITOO COMPANY a commis une faute à l'égard de la société PATRIMOINE MANAGEMENT etamp; TECHNOLOGIES, justifiant d'un usage antérieur de cette enseigne, régulièrement publié audit registre, DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes, CONDAMNE la société E MANITOO COMPANY à payer à la société PATRIMOINE MANAGEMENT etamp; TECHNOLOGIES une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du NCPC, LA CONDAMNE aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par les SCP MERLE-CARENA-DORON et LISSARRAGUE-DUPUIS etamp; BOCCON-GIBOD, avoués, dans les conditions prévues à l'article 699 du NCPC. ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRÊT: Le Greffier présent au prononcé,

Le Président, C. Z...

A. B... 12A - Délibéré du 16/03/2004 RG Nä311/03 Sté E. MANITOO (Scp Fiévet-Rochette-Lafon) c/ Sa Patrimoine Management et Technologies (Scp Merle-Caréna-Doron) AFNIC (Scp Lissarrague-Dupuis etamp; Boccon-Gibod) PAR CES MOTIFS, LA COUR CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a dit que "la société E MANITOO COMPANY a commis une atteinte aux droits de la société PATRIMOINE MANAGEMENT etamp; TECHNOLOGIES sur son enseigne PATRIMOINE", REFORMANT de ce chef, DIT qu'en se prévalant de l'enseigne PATRIMOINE dont la déclaration au registre du commerce et des sociétés ne correspondait à aucun établissement effectivement exploité ou devant l'être dans un futur immédiat, pour se faire attribuer par l'A.F.N.I.C. le nom de domaine etlt;patrimoine.fretgt;, la société E MANITOO COMPANY a commis une faute à l'égard de la société PATRIMOINE MANAGEMENT etamp; TECHNOLOGIES, justifiant d'un usage antérieur de cette enseigne, régulièrement publié audit registre, DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes, CONDAMNE la société E MANITOO COMPANY à payer à la société PATRIMOINE MANAGEMENT etamp; TECHNOLOGIES une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du NCPC, LA CONDAMNE aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par les SCP MERLE-CARENA-DORON et LISSARRAGUE-DUPUIS etamp; BOCCON-GIBOD, avoués, dans les conditions prévues à l'article 699 du NCPC. ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRÊT: Le

Greffier présent au prononcé,

Le Président, C. Z...

A. B...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 2003-00311
Date de la décision : 16/03/2004

Analyses

PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE

Selon la charte de nommage mise en place par l'AFNIC (Association Française pour le Nommage Internet en Coopération), dans sa rédaction applicable en la cause, l'enregistrement direct dans la catégorie des noms de domaines de sociétés sous ".fr " a lieu au vu d'un extrait Kbis et du numéro de l'identifiant au répertoire INSEE, étant précisé que le nom de domaine doit être strictement conforme à la raison sociale ou au sigle mentionné sur le Kbis afin de résoudre les problèmes d'homonymie.Dans la pratique, l'AFNIC accepte également un nom de domaine correspondant à l'enseigne déclarée au Registre et figurant sur ce même Kbis, bien que celle-ci soit juridiquement distincte de la raison sociale, de la dénomination sociale ou du sigle de société qui identifie cette personne morale conformément à son acte constitutif.Il n'en demeure pas moins que le droit à l'enseigne ne s'acquiert que par l'usage effectif qui en est fait pour désigner un établissement, et que seule l'exploitation d'un site marchand peut faire accéder son identifiant à la qualification d'enseigne. Le fait de se prévaloir d'une enseigne dont la déclaration au registre du commerce et des sociétés ne correspond à aucun établissement effectivement exploité ou devant l'être dans un futur immédiat, pour se faire attribuer par l'AFNIC un nom de domaine en vue de la mise en place d'un site inactif dans la perspective de sa vente ou de sa location, caractérise un artifice préjudiciable constitutif d'une faute à l'égard de la société qui, sollicitant peu après l'attribution du même nom, justifie d'un usage antérieur de cette l'enseigne, régulièrement publié audit registre ; faute dont la juste réparation commande, notamment, de faire droit à la demande de transfert du nom de domaine.


Références :

article L 713-2, L 713-3 du code de la propriété intellectuelle

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2004-03-16;2003.00311 ?
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