COUR D'APPEL DE VERSAILLES 12ème chambre section 2 J.F.F./P.G. ARRET A... Nac : 39X contradictoire DU 11 MARS 2004 R.G. A... 02/00208 AFFAIRE : SAS METRO CASH AND CARRY FRANCE venant aux droits de la SARL METRO CENTRALE D'ACHAT et des Huit Stés METRO LIBRE SERVICE DE GROS C/ THE TIMBERLAND COMPANY S.A.S E... Décision déférée à la cour :
jugement rendu le 10 Décembre 2001 par le Tribunal de Grande Instance NANTERRE A... de chambre : 2ème chambre. RG nä : 99/05934 Expéditions exécutoires Expéditions délivrées le : à : représentée par la SCP DEBRAY-CHEMIN représentée par la SCP BOMMART MINAULT, REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE ONZE MARS DEUX MILLE QUATRE, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : APPELANTE SAS METRO CASH AND CARRY FRANCE venant aux droits de la SARL METRO CENTRALE D'ACHAT et des Huit Stés METRO LIBRE SERVICE DE GROS Z.A. du Petit Nanterre, ..., agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. représentée par la SCP DEBRAY-CHEMIN, avoués. assistée de Me Christophe Y..., avocat au barreau de PARIS (R.188). ** ** ** ** ** ** ** ** INTIMEES THE TIMBERLAND COMPANY 200 Domaine Drive Straham, 03885 NEW HAMPSHIRE, (USA), prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. S.A.S E... ... SUR SEINE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. APPELANTES INCIDEMMENT représentées par la SCP BOMMART MINAULT, avoués. assistées de Me Barbara Z..., avocat au barreau de PARIS (E.260). ** ** ** ** ** ** ** ** Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 Janvier 2004 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-François FEDOU, conseiller chargé du rapport. Ce magistrat a
rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé de : Madame Françoise LAPORTE, Président, Monsieur Jean-François FEDOU, conseiller, Monsieur Gérard POIROTTE, conseiller, Greffier, lors des débats : Mme Marie-Thérèse GENISSEL, FAITS ET PROCEDURE : 5 La Société THE TIMBERLAND COMPANY (ci-après "E... COMPANY"), société de droit américain, est titulaire de : - la marque nominative "E...", enregistrée sous le numéro 1 417 690 pour désigner les chaussures, et sous le numéro 1 275 198 pour désigner les vêtements ; - la marque figurative enregistrée sous le numéro 1 535 955 pour désigner les chaussures et sous le numéro 1 275 199 pour désigner les vêtements. La Société E... SAS (ci-après "E... FRANCE"), société de droit français, commercialise en France les produits revêtus des marques E... COMPANY. Au motif qu'elles avaient été informées en mars 1998 que l'entrepôt METRO, situé ... (92000) NANTERRE, vendait des chaussures revêtues des marques E..., les Sociétés E... ont, dûment autorisées par ordonnance du 19 mars 1998, fait procéder du 20 mars 1998 au 10 avril 1998 à un constat dans cet entrepôt. Ce constat a révélé que deux modèles de chaussures E..., un modèle bateau et un modèle bottillon, ainsi que divers tee-shirts et sweat-shirts portant les marques E..., étaient proposés à la vente. Ayant eu connaissance que cet entrepôt avait pour fournisseur la plate-forme d'achat METRO à LOUVRES (95380), les Sociétés E..., dûment autorisées par ordonnance du 03 juin 1998, ont fait procéder le 25 juin 1998 à un autre constat dans les locaux de cette plate-forme. Il a été constaté que dans ces locaux se trouvaient entreposés 25 cartons contenant 975 sweat-shirts des marques E..., d'autres cartons revêtus de la mention "AMERICA SHOP" contenant 700 tee-shirts, et divers cartons à l'intérieur desquels se trouvaient des chaussures et bottillons. Par lettre du 27 janvier 1999, le
Conseil des Sociétés E... a adressé à chacune des sociétés METRO une mise en demeure de cesser immédiatement la vente de produits revêtus des marques E.... Cette mise en demeure ayant été infructueuse, les Sociétés E..., autorisées par ordonnance du Président du Tribunal de Grande Instance de NANTERRE en date du 15 avril 1999, ont fait procéder à une saisie-contrefaçon dans les locaux de la Société METRO LIBRE SERVICE DE GROS à NANTERRE. Les opérations réalisées le 19 avril 1999 par Maître D..., huissier de justice à NEUILLY, ont permis d'établir la présence de 7 tee-shirts et de 92 paires de chaussures revêtus des marques E.... C'est dans ces circonstances que, par acte du 26 avril 1999, la Société THE TIMBERLAND COMPANY et la Société E... SAS ont assigné la Société METRO CENTRALE D'ACHAT ainsi que les huit sociétés METRO LIBRE SERVICE DE GROS, exploitant les entrepôts METRO, en contrefaçon de marque et en concurrence déloyale. Par jugement du 10 décembre 2001, le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE a : - reçu l'intervention volontaire de la Société METRO CASH etamp; CARRY FRANCE, et constaté qu'elle vient aux droits des Sociétés METRO CENTRALE D'ACHAT et METRO LIBRE SERVICE DE GROS initialement parties à l'instance ; - rejeté les demandes aux fins de nullité des procès-verbaux de constat des 20 mars et 25 juin 1998 ; - dit que la Société THE TIMBERLAND COMPANY justifie de ses droits sur les marques en cause, et rejeté les demandes d'irrecevabilité ; - dit qu'en commercialisant sans autorisation des produits revêtus des marques nominatives et figuratives enregistrées sous les numéros 1 417 690, 1 275 198, 1 535 955 et 1 275 199 dont la Société THE TIMBERLAND COMPANY est titulaire, et en faisant usage de ces marques dans des catalogues publicitaires, la Société METRO CASH etamp; CARRY FRANCE a commis des actes de contrefaçon au préjudice de cette société, en application des articles L 713-2 et L 716-1 du Code de la propriété
intellectuelle ; - condamné la Société METRO CASH etamp; CARRY FRANCE à verser à la Société THE TIMBERLAND COMPANY la somme de 200.000 F (30.489,80 euros), en réparation de ces actes de contrefaçon ; - dit que la Société METRO CASH etamp; CARRY FRANCE a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la Société E... ;- condamné la Société METRO CASH etamp; CARRY FRANCE à verser à la Société E... la somme de 400.000 F (60.979,61 euros), à titre de dommages-intérêts en réparation de ces agissements ; - fait interdiction à la Société METRO CASH etamp; CARRY FRANCE de poursuivre ces agissements, sous astreinte de 5.000 F (762,25 euros) par usage constaté dans un délai de quinze jours après la signification de la présente décision ; - dit n'y avoir lieu à publication de la décision ; - rejeté la demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive ; - ordonné l'exécution provisoire ; - condamné la Société METRO CASH etamp; CARRY FRANCE à verser à chacune des demanderesses la somme de 15.000 F (2.286,74 euros) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; - condamné la Société METRO CASH etamp; CARRY FRANCE aux dépens de l'instance, comprenant les frais d'huissier relatifs à la saisie-contrefaçon. La Société METRO CASH AND CARRY FRANCE, venant aux droits de la SARL METRO CENTRALE D'ACHAT et des huit sociétés METRO LIBRE SERVICE DE GROS, a interjeté appel de ce jugement. Elle fait valoir que l'action des Sociétés E... est une action en prétendue contrefaçon des droits de marques de la Société THE TIMBERLAND COMPANY, et que le droit des marques prévoit une mesure probatoire spéciale, exorbitante des dispositions de droit commun de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile, et régie par l'article L 716-7 du Code de la propriété intellectuelle, sur autorisation du Président du Tribunal de Grande Instance. Elle expose que, sur autorisations de Messieurs les Présidents des Tribunaux de Commerce de PONTOISE et de NANTERRE,
les sociétés intimées ont fait pratiquer, entre le 20 mars et le 10 avril 1998 à NANTERRE, et le 25 juin 1998 à LOUVRES, des procès-verbaux de constat lesquels n'ont donné lieu à aucune suite judiciaire dans le délai de quinze jours, et même ultérieurement. Elle estime que, ce faisant, les Sociétés E... ont réalisé un véritable détournement de procédure, puisqu'elles se sont arrogé les pouvoirs résultant d'une saisie contrefaçon, sans avoir à en assumer les obligations protectrices des droits de la défense. Elle se prévaut de l'article L 713-4 du Code de la propriété intellectuelle, lequel a transposé en droit français l'article 7 de la Directive du 21 décembre 1998, et également de la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes (arrêt TESCO du 20 novembre 2001), pour considérer que, jusqu'au 27 janvier 1999, les Sociétés E... ont, en toute connaissance de cause, implicitement mais sans équivoque, renoncé à s'opposer à la commercialisation par les Sociétés METRO de produits E... acquis sur le marché parallèle. Elle indique justifier, en particulier par les mesures probatoires pratiquées par les sociétés intimées en novembre 1994, puis entre mars 1998 et juin1998, demeurées sans suite, que les Sociétés E... savaient depuis 1994 que les Sociétés METRO commercialisaient des produits E... authentiques. Elle relève que les Sociétés E... ont attendu le 27 janvier 1999 pour demander aux Sociétés METRO de cesser les ventes litigieuses, ce qui implique qu'elles les avaient autorisées pour la période antérieure. Elle allègue que la Société THE TIMBERLAND COMPANY, qui a laissé prescrire l'action qu'elle aurait pu engager en 1994 si elle n'avait pas consenti à ces faits, a, de surcroît, par son absence de réaction et de toute réclamation pendant plus de cinq ans à l'encontre de faits qu'elle connaissait, implicitement mais clairement consenti à l'usage par les Sociétés METRO des marques litigieuses. Elle soutient
que, pour la période postérieure au 27 janvier 1999, les sociétés intimées peuvent tout au plus se prévaloir des faits établis par le procès-verbal de saisie contrefaçon dressé le 19 avril 1999 concernant les chaussures de type E..., et elle objecte qu'en toute hypothèse, les produits E... ont été régulièrement mis sur le marché de l'Union Européenne avec l'assentiment du titulaire de la marque. Elle conteste la réalité des agissements de concurrence déloyale invoqués à son encontre, et, à cet égard, elle souligne que le simple fait de vendre des produits authentiques acquis auprès d'un réseau parallèle ne constitue pas une faute, que les conditions de commercialisation des produits E..., ressortant des constats dressés en 1998, n'ont rien de dégradantes ni d'attentatoires à l'image de la marque, que le procès-verbal de saisie contrefaçon du mois d'avril 1999 ne met pas en évidence une quelconque faute dans les conditions de commercialisation, et que la Société E... SAS est restée passive pendant plus de cinq ans face aux faits dont elle avait parfaite connaissance. Par voie de conséquence, la Société METRO CASH etamp; CARRY FRANCE demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris, et, statuant à nouveau, de : - prononcer la nullité des procès-verbaux de constat des 20 mars et 25 juin 1998 et de tous les actes subséquents ; - constater que la Société THE TIMBERLAND COMPANY a épuisé ses droits sur ses marques, et qu'aucune altération de marques ne peut être reprochée à la société appelante; - débouter la Société THE TIMBERLAND COMPANY de toutes ses réclamations, des chefs tant de contrefaçon que de concurrence déloyale ; - ordonner le remboursement de la somme de 91.469,41 euros, payée par la Société METRO en exécution du jugement entrepris; - à titre subsidiaire, réduire à la somme symbolique de 1 euro l'évaluation du préjudice subi par la Société THE TIMBERLAND COMPANY ;- très subsidiairement, mettre hors de cause les Sociétés METRO
LIBRE SERVICE DE GROS de VILLENEUVE LA GARENNE, de VITRY SUR SEINE, de CHENNEVIERES SUR MARNE, de BOBIGNY, de BORDEAUX, de LOMME et des B... MIRABEAU pour absence de preuves d'un quelconque fait de commercialisation de produits E.... Elle conclut également au rejet de toute demande de publication, et à la condamnation des Sociétés E... au paiement des sommes de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, et de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Les Sociétés THE TIMBERLAND COMPANY et E... SAS concluent à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a reconnu la Société METRO coupable d'actes de contrefaçon des marques de THE TIMBERLAND COMPANY, et coupable de concurrence déloyale au préjudice de E... SAS. Elles expliquent que le délit de contrefaçon peut être établi par tous moyens, la procédure de saisie contrefaçon n'étant nullement un préalable obligatoire à une action en contrefaçon, et qu'en toute hypothèse, seule la saisie réelle non suivie d'une assignation dans le délai de quinzaine est susceptible d'être sanctionnée par la nullité, et non la description et les déclarations mentionnées par l'huissier sur son procès-verbal.
Elles observent que la nullité éventuelle des procès-verbaux n'aurait aucune incidence sur la procédure initiée par THE TIMBERLAND COMPANY, puisque la matérialité des faits est incontestablement établie par les divers catalogues versés aux débats par les sociétés intimées. Elles font valoir que l'épuisement du droit sur la marque doit être strictement limité et constitue une exception à un droit de suite qui est inhérent à la protection de la marque. Elles relèvent qu'il appartient à celui qui se prévaut de la réalisation de l'épuisement des droits du titulaire sur ces marques d'en rapporter la preuve, et non au titulaire du droit sur la marque de prouver que son droit n'est pas épuisé. Elles indiquent, s'agissant de la période
antérieure au 27 janvier 1999, que la circonstance que des opérations de constat diligentées en 1994 n'aient pas été suivies de l'introduction d'une action en justice ne saurait valoir autorisation de la part de la Société THE TIMBERLAND COMPANY, alors surtout que l'épuisement du droit du titulaire de la marque sur le produit protégé par la marque doit être établi pour chaque exemplaire de ce produit. Elles précisent, s'agissant de la période postérieure au 27 janvier 1999, que l'authenticité des produits vendus ne constitue nullement un obstacle à la vérification du consentement du titulaire de la marque, et qu'il n'est pas davantage démontré que ces produits, dont la partie adverse n'est pas en mesure d'établir la provenance, aient été mis sur le marché européen avec le consentement de la Société THE TIMBERLAND COMPANY. Elles constatent qu'aucun des entrepôts METRO n'a la qualité de distributeur agréé, et elles soulignent que, si le fait de commercialiser des produits normalement distribués par l'intermédiaire d'un réseau de distribution sélective n'est pas en soi un acte de concurrence déloyale, il le devient dès lors que le tiers n'est pas soumis aux contraintes habituelles des distributeurs agréés. Elles stigmatisent le caractère déloyal et frauduleux des procédés utilisés par METRO, laquelle a commercialisé les produits E... dans des conditions dégradantes, s'est toujours refusée à communiquer le nom de ses fournisseurs pour lesdits produits, et s'est en outre livrée à une altération systématique des étiquettes portées sur les boîtes E.... Elles invoquent l'ampleur du préjudice subi par la Société E... SAS en raison de la commercialisation des produits E... dans les entrepôts METRO aux conditions ci-dessus décrites, ayant eu pour conséquence de ruiner tous les efforts consentis par la société intimée au prix d'investissements considérables. Elles s'opposent à la demande de mise hors de cause des sept entrepôts METRO visés dans
les écritures de la société appelante, dans la mesure où, si ces entrepôts n'ont pas commercialisé les produits E... pourtant proposés dans les catalogues, ils se sont rendus coupables de concurrence déloyale par marque d'appel. Se portant incidemment appelantes de la décision entreprise, les Sociétés THE TIMBERLAND COMPANY et E... SAS demandent à la Cour de porter respectivement à 138.000 euros le montant des dommages-intérêts devant leur être attribués au titre de la contrefaçon des marques, et à 305.000 euros le quantum des dommages-intérêts auxquelles elles peuvent prétendre du chef de la concurrence déloyale. Elles sollicitent également que soit ordonnée la publication de l'arrêt dans cinq journaux ou revues au choix des sociétés intimées et aux frais de METRO, sans que le coût pour cette dernière ne dépasse 3000 euros par insertion. Elles réclament en outre pour chacune d'entre elles une indemnité complémentaire de 2.300 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. L'ordonnance de clôture a été prononcée le 11 septembre 2003. MOTIFS DE LA DECISION :
SUR LA DEMANDE DE NULLITE DES PROCES-VERBAUX DE CONSTAT : Considérant qu'il est constant que l'article L 716-7 du Code de la propriété intellectuelle organise un régime spécial de mesures probatoires en matière de contrefaçon, faisant obligation au requérant de se pourvoir devant la juridiction compétente dans un délai de quinze jours à compter de la date d'établissement du constat d'huissier, faute de quoi la saisie est nulle de plein droit ; Mais considérant que, la preuve de la contrefaçon pouvant être rapportée par tous moyens, rien n'interdit au requérant de faire procéder à des constatations par voie d'huissier, selon les règles probatoires de droit commun, et en dehors de la procédure spécifique de saisie-contrefaçon ; Considérant que de telles constatations, régulièrement autorisées par application de l'article 145 du nouveau
Code de procédure civile, doivent être déclarées valables, dès lors que l'huissier instrumentaire s'est contenté de décrire la situation qui lui est présentée, et qu'il n'a pas procédé à une saisie réelle des produits ou des services prétendument marqués, offerts à la vente, livrés ou fournis en violation des droits du requérant ; Or considérant que l'examen des procès-verbaux de constats dressés les 20 mars 1998 et 25 juin 1998 met en évidence que les huissiers commis se sont essentiellement livrés à une simple mesure probatoire ayant consisté dans la description détaillée des produits argués de contrefaçon ; Considérant que si, à ces constats ont été annexés un exemplaire du catalogue "METRO PROMOS" du 13 au 26 mars 1998, quelques échantillons de chaussures et tee-shirts prélevés sur place du 20 mars au 10 avril 1998, ainsi que l'état informatique du stock remis le 25 juin 1998, ces documents ne peuvent toutefois s'analyser en des "produits" saisis réellement au sens de l'article L 716-7 susvisé ; Considérant qu'il s'ensuit que la circonstance que ces procès-verbaux n'aient pas emprunté les règles spécifiquement prévues par cette disposition légale, et qu'ils n'aient pas été suivis d'une assignation dans le délai de quinzaine, ne saurait affecter leur validité ; Considérant que le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté la Société METRO CASH etamp; CARRY FRANCE de sa demande de nullité des procès-verbaux de constat en date des 20 mars 1998 et 25 juin 1998. SUR LA CONTREFAOEON : Considérant qu'aux termes de l'article L 713-4 du Code de la propriété intellectuelle, lequel est la transposition en droit national de l'article 7 OE 1 de la première directive 89/104/CEE du Conseil, "le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d'interdire l'usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans l'Espace économique européen sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement" ; Considérant que, si les dispositions susvisées
consacrent le principe de l'épuisement du droit du titulaire d'une marque pour les produits mis dans le commerce par lui ou avec son consentement dans l'espace communautaire européen, ils n'autorisent pas pour autant le libre usage de la marque lorsque les produits en cause ont été importés dans un Etat de l'Union Européenne sans l'autorisation du titulaire de la marque ; Considérant qu'il résulte de la jurisprudence communautaire (arrêt ZINO DAVIDOFF de la Cour de Justice des Communautés Européennes en date du 20 novembre 2001) que "le consentement doit être exprimé positivement et que les éléments pris en compte pour retenir l'existence d'un consentement implicite doivent traduire de façon certaine une renonciation du titulaire de la marque à opposer son droit exclusif" ; Considérant qu'il incombe à l'opérateur qui se prévaut de la réalisation de l'épuisement des droits du titulaire sur la marque de le démontrer, et non au titulaire de la marque d'établir une absence de consentement ; Considérant que, pour qu'il y ait consentement au sens de l'article 7 paragraphe 1 de la directive et de l'article L 713-4 du Code de la propriété intellectuelle, celui-ci doit porter sur chaque exemplaire du produit pour lequel l'épuisement est invoqué (arrêt SEBAGO de la CJCE en date du 1er juillet 1999) ; Considérant que c'est au regard de ces principes qu'il convient de déterminer s'il y a eu épuisement du droit de la Société THE TIMBERLAND COMPANY sur ses marques, de nature à rendre licite la commercialisation des produits E... par les entrepôts METRO ; Or considérant que la circonstance que la Société THE TIMBERLAND COMPANY ait, dès 1994 et à nouveau entre mars et juin 1998, pris l'initiative de constats destinés à établir la commercialisation des produits protégés par ses marques, sans avoir alors fait suivre ces constats d'une procédure judiciaire, ne peut s'interpréter comme valant renonciation de la part du titulaire des marques à s'opposer à leur usage par les Sociétés METRO ; Considérant
qu'à cet égard, il doit être observé que, par courrier recommandé du 31 mars 1998, la SCP NADJAR, huissiers de justice, chargés d'établir le constat dûment autorisé par ordonnance du 19 mars 1998, avait sommé la Société METRO ayant son siège ..., de lui communiquer l'ensemble des bons de commande, des bons de livraison et des factures relatifs aux produits E..., pour les années 1997 et 1998, sans que cette sommation ait été suivie du moindre effet ; Considérant qu'il apparaît également que, par lettre recommandée du 1er juillet 1998, Maître C..., huissier de justice, désigné pour effectuer diverses constatations dans les entrepôts DUBOIS de LOUVRES en vertu d'une ordonnance rendue le 03 juin 1998, a vainement demandé à la Société METRO, Centrale d'Achat de NANTERRE, de lui communiquer les noms et adresses des fournisseurs des produits E... stockés dans ces entrepôts ; Considérant qu'il ne peut davantage se déduire de la mise en demeure adressée le 27 janvier 1999 aux Sociétés METRO d'avoir à "cesser immédiatement de telles ventes" que les Sociétés E... auraient auparavant autorisé la commercialisation de leurs produits, alors que, dans cet écrit, il leur est fait grief de persister, malgré les constats réalisés, à procéder à la vente des produits "E..." et à leur utilisation dans le cadre de campagnes promotionnelles répétées ; Considérant qu'au demeurant, ni l'inaction prolongée du titulaire des marques, ni l'absence de manifestation de son opposition à la commercialisation de ses produits protégés par les marques, ne sauraient créer un droit acquis en faveur de l'utilisateur, auquel il pouvait être enjoint à tout moment de mette fin à l'usage non autorisé de ces marques ; Considérant qu'au surplus, la société appelante ne peut valablement invoquer un épuisement des droits des Sociétés E... sur les produits argués de contrefaçon, en l'absence de preuve du consentement même seulement implicite de ces
dernières à la commercialisation de chaque exemplaire de ces produits ; Considérant que, par ailleurs, un tel consentement ne saurait s'inférer de la circonstance que la Société E... FRANCE ait été titulaire depuis juillet 1997 de la carte d'achat de l'entrepôt METRO de NANTERRE lui attribuant la qualité de client METRO, et ait été ainsi rendue destinataire des catalogues publicitaires "METRO PROMO" assurant la promotion des produits vendus sous la marque E... ; Considérant que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont énoncé qu'au titre de la période antérieure au 27 janvier 1999, la preuve n'est pas rapportée d'une renonciation des sociétés intimées à s'opposer à la commercialisation par les Sociétés METRO de produits E... acquis sur le marché parallèle ; Considérant que, s'agissant de la période postérieure à l'envoi de la mise en demeureuits E... acquis sur le marché parallèle ; Considérant que, s'agissant de la période postérieure à l'envoi de la mise en demeure du 27 janvier 1999, la Société METRO CASH etamp; CARRY FRANCE se prévaut de l'authenticité de l'origine des produits E... commercialisés par elle, en versant aux débats une "lettre de certification", établie par le fournisseur "H.T.D.C.", aux termes de laquelle celui-ci "certifie, sous sa seule, entière et exclusive responsabilité, que les produits ci-après listés ont été régulièrement acquis par lui auprès d'un fournisseur et/ou distributeur non français..." ; Considérant qu'elle communique également une "attestation" de Maître X..., Avocat, certifiant que : "il résulte des documents dont les originaux m'ont été communiqués que les marchandises suivantes : Chaussures E......, qui ont été acquises par la Société META TRADING..., ont été initialement mises en circulation sur le territoire de l'Union Européenne, par un distributeur de la marque E..." ; Mais considérant que, même en la tenant pour acquise, l'authenticité des produits incriminés ne
fait pas obstacle à la protection légale dont bénéficie le titulaire de la marque contre toute utilisation non autorisée par lui ; Or considérant que les documents susvisés n'établissent nullement que les produits en cause ont été mis en circulation dans l'espace économique européen avec le consentement de la Société THE TIMBERLAND COMPANY, sans que la société appelante puisse utilement invoquer sa bonne foi, laquelle est indifférente en matière de contrefaçon ; Considérant que, si les factures d'achat communiquées au titre de l'année 2000 renseignent sur la provenance des produits vendus à METRO, elles portent toutefois sur des transactions largement postérieures aux agissements incriminés, et elles ne renseignent nullement sur l'existence d'un consentement de E... à la diffusion sur le marché européen des produits qui sont l'objet de la présente procédure ; Considérant que, dès lors, la société appelante n'est pas fondée à invoquer un épuisement du droit de marque, seul de nature à rendre licite la commercialisation poursuivie par elle postérieurement au mois de janvier 1999 ; Considérant qu'il s'ensuit qu'en revendant en France des produits revêtus des marques E... sans pouvoir justifier d'une autorisation de son titulaire au sens des dispositions légales susvisées, et en faisant usage de ces marques dans des catalogues publicitaires, la Société METRO CASH etamp; CARRY FRANCE s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon de marque à l'égard des sociétés intimées, en application des articles L 713-2 et L 716-1 du Code de la propriété intellectuelle ; Considérant que la Société E... COMPANY est en droit d'obtenir la réparation de l'atteinte à ses droits privatifs qui a résulté pour elle de la commercialisation de produits revêtus de ses marques sans son autorisation, et de l'usage des mêmes marques dans des documents publicitaires ; Considérant que, toutefois, il apparaît que la société intimée a contribué au moins partiellement au préjudice dont
elle se prévaut dans la présente procédure, en ayant attendu le mois d'avril 1999 pour agir en contrefaçon de marques, alors qu'elle avait connaissance des agissements incriminés des Sociétés METRO depuis plusieurs années, et à tout le moins depuis les mois de mars à juin 1998 ; Considérant qu'en l'état du seul document probant dont dispose la Cour, faisant apparaître que la commercialisation de produits contrefaisants a porté sur un nombre de 2630 pièces, c'est à juste titre que les premiers juges ont évalué à la somme de 200.000 F (30.489,80 euros) le montant des dommages-intérêts auxquels la Société E... COMPANY peut légitimement prétendre, toutes causes confondues, du chef des atteintes portées à la notoriété des marques en cause, et en réparation du coût des investissements complémentaires supportés par elle afin de remédier à ces atteintes ; Considérant qu'il y a donc lieu, tout en écartant l'appel incident de la société intimée, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a fait interdiction à la Société METRO CASH etamp; CARRY FRANCE de poursuivre ses agissements, sous astreinte de 5.000 F (762,25 euros) par usage constaté dans un délai de quinze jours après la signification de la décision de première instance, et en ce qu'il l'a condamnée à verser à la Société THE TIMBERLAND COMPANY la somme de 200.000 F (30.489,80 euros). SUR LA CONCURRENCE DELOYALE :
Considérant qu'à titre préalable, la Société METRO CASH etamp; CARRY FRANCE n'est pas fondée à prétendre que c'est à tort que sept entrepôts METRO ont été attraits dans la cause, en l'absence de preuve d'un quelconque fait de commercialisation des produits E... par ces entrepôts ; Considérant qu'en effet, il apparaît que les catalogues METRO communiqués dans le cadre de la présente instance comportent la liste des huit entrepôts METRO auprès desquels étaient disponibles les articles dont la promotion était assurée, parmi lesquels figurent ceux des marques E... ; Considérant
que, s'agissant du grief de concurrence déloyale émis à l'encontre de la Société METRO, il s'infère suffisamment des documents produits aux débats que E... commercialise en France les chaussures revêtues des marques E... exclusivement par l'intermédiaire d'un réseau de distributeurs agréés ; Considérant qu'à l'article 4 des contrats de distributeur agréé, il est prévu que E... s'engage à ne vendre les produits qu'à des distributeurs agréés qui satisfont, ainsi que leurs points de vente, aux conditions définies dans le contrat et dans les conditions générales de vente ; Considérant qu'aucun élément probant ne vient corroborer l'allégation du caractère prétendument non étanche de ce réseau de distribution ; Considérant que la commercialisation par la société appelante de produits relevant d'un réseau de distribution sélective ne caractérise pas en elle-même une pratique anti-concurrentielle ; Mais considérant qu'il convient de rappeler que, au moins jusqu'en 1999 inclus, les Sociétés METRO n'ont pas cru devoir donner suite aux demandes qui leur ont été faites de communiquer le nom des fournisseurs pour les produits E... ; Or considérant que l'achat de marchandises dans des conditions dont l'illicéité ou le caractère frauduleux est révélé par le refus de justifier leur provenance constitue un acte de concurrence déloyale ; Considérant que, de surcroît, en commercialisant les produits E... dans les conditions ci-dessus rappelées, les Sociétés METRO ont ainsi pu bénéficier à moindres frais des investissements réalisés par les sociétés intimées, sans être par ailleurs soumises aux contraintes habituelles des distributeurs agréés ; Considérant qu'elle ont également pu tirer avantage de la valeur publicitaire de la marque pour développer leur propre commercialisation, en particulier grâce aux catalogues publicitaires diffusés par elles et mettant en évidence les produits E... ; Considérant qu'à ce comportement
parasitaire s'ajoutent les conditions dégradantes, dans lesquelles s'est effectuée la commercialisation des produits par les Entrepôts METRO, ainsi qu'il en est justifié par les documents photographiques annexes aux constats d'huissier ; Considérant que les procès-verbaux de constat font en outre apparaître que les conditionnements des produits E... proposés à la vente par les Sociétés METRO étaient parfois supprimés ou altérés, dans des circonstances de nature à nuire à la présentation de ces produits et donc à la réputation de la marque E... ; Considérant que, par ailleurs, il est constant que la Société E... est titulaire de la licence d'exploitation des marques E... en France, et commercialise en France les produits en cause, de telle sorte que les actes de contrefaçon de marques commis au préjudice du titulaire des marques sont à son égard constitutifs de concurrence déloyale ; Considérant qu'il y a donc lieu de confirmer par substitution partielle de motifs le jugement déféré en ce qu'il est entré en voie de condamnation à l'encontre de la Société METRO CASH etamp; CARRY FRANCE du chef de faits distincts de concurrence déloyale; Considérant que la Société E... a justifié de la réalité du préjudice subi par elle par suite des agissements incriminés, en versant aux débats des documents mettant en évidence l'ampleur des investissements financiers entrepris par elle en vue de promouvoir la commercialisation de ses produits ; Considérant que la société intimée ne peut sérieusement se voir reprocher sa propre négligence pour n'avoir pas attrait dans la cause les propres fournisseurs des Sociétés METRO, alors que ces dernières n'ont pas cru devoir donner suite à la sommation les ayant invitées à communiquer l'identité de ces fournisseurs ; Considérant que, toutefois, elle a contribué au moins partiellement à la réalisation du préjudice qu'elle invoque dans la présente instance, en ayant attendu le mois d'avril 1999 pour assigner les Sociétés
METRO en dommages-intérêts pour concurrence déloyale, alors même qu'elle avait connaissance de leurs agissements fautifs depuis fin 1994, et à tout le moins depuis l'établissement des constats établis entre mars et juin 1998 ; Considérant que, par voie de conséquence, il convient, en écartant l'appel incident formé de ce chef par la Société E..., de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la Société METRO CASH etamp; CARRY FRANCE au paiement de la somme de 400.000 F (60.979,61 euros), à titre de dommages-intérêts, et en ce qu'elle a débouté la société intimée du surplus de sa demande. SUR LES DEMANDES COMPLEMENTAIRES ET ANNEXES : Considérant que les premiers juges, relevant l'ancienneté des faits à l'origine de la présente action, ont à bon droit écarté la demande de publication de leur décision ; Considérant qu'il y a lieu, pour la même raison, de débouter les Sociétés E... COMPANY et E... SAS de leur demande de publication du présent arrêt ; Considérant que, dans la mesure où les prétentions formulées par les sociétés intimées des chefs de contrefaçon et de concurrence déloyale sont partiellement accueillies, la décision entreprise doit être confirmée en ce qu'elle a débouté la Société METRO CASH etamp; CARRY FRANCE de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ; Considérant que l'équité commande d'allouer en cause d'appel aux sociétés intimées, pour chacune d'entre elles, une indemnité complémentaire de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Considérant qu'il n'est cependant pas inéquitable que la société appelante conserve la charge des frais non compris dans les dépens exposés par elle dans le cadre de la présente instance ; Considérant que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a condamné la Société METRO CASH etamp; CARRY FRANCE aux dépens de première instance ; Considérant que cette dernière, qui succombe en son recours, doit être condamnée aux dépens
d'appel. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, DECLARE recevable l'appel interjeté par la Société METRO CASH etamp; CARRY FRANCE, le dit mal fondé ; DECLARE mal fondé l'appel incident des Sociétés THE TIMBERLAND COMPANY et E... SAS ; CONFIRME par substitution partielle de motifs le jugement déféré ; Y ajoutant : DIT n'y avoir lieu à publication du présent arrêt ; CONDAMNE la Société METRO CASH etamp; CARRY FRANCE à payer à la Société THE TIMBERLAND COMPANY et à la Société E... SAS, pour chacune d'entre elles, la somme complémentaire de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; DEBOUTE la Société METRO CASH etamp; CARRY FRANCE de ses demandes de dommages-intérêts et d'indemnité de procédure ; CONDAMNE la Société METRO CASH etamp; CARRY FRANCE aux dépens d'appel, et AUTORISE la SCP BOMMART-MINAULT, Société d'Avoués, à recouvrer directement la part la concernant, conformément à ce qui est prescrit par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. Arrêt prononcé par Monsieur Jean-François FEDOU, Conseiller, et signé par Monsieur Jean-François FEDOU, Conseiller et par Mme Marie-Thérèse GENISSEL, greffier présent lors du prononcé LE GREFFIER,
LE CONSEILLER POUR LE PRESIDENT EMPÊCHÉ,