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12/02/2004 | FRANCE | N°2002-08519

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12 février 2004, 2002-08519


COUR D' APPEL DE VERSAILLES 1ère chambre 1ère section ARRET N ? CONTRADICTOIRE DU 12 FEVRIER 2004 R. G. N ? 02 / 08519 AFFAIRE :

ASSOCIATION " DROIT DE NAITRE " C / Christine X...

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 11 Décembre 2002 par le Tribunal de Grande Instance NANTERRE N ? de chambre : (1ère A) RG n ? : 01 / 08497 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : SCP GAS SCP KEIME REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE DOUZE FEVRIER DEUX MILLE QUATRE, La cour d' appel de VERSAILLES, a rendu l' arrêt suivant dans l' affair

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APPELANTE ASSOCIATION " DROIT DE NAITRE " régie par les disposi...

COUR D' APPEL DE VERSAILLES 1ère chambre 1ère section ARRET N ? CONTRADICTOIRE DU 12 FEVRIER 2004 R. G. N ? 02 / 08519 AFFAIRE :

ASSOCIATION " DROIT DE NAITRE " C / Christine X...

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 11 Décembre 2002 par le Tribunal de Grande Instance NANTERRE N ? de chambre : (1ère A) RG n ? : 01 / 08497 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : SCP GAS SCP KEIME REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE DOUZE FEVRIER DEUX MILLE QUATRE, La cour d' appel de VERSAILLES, a rendu l' arrêt suivant dans l' affaire entre :

APPELANTE ASSOCIATION " DROIT DE NAITRE " régie par les dispositions de la loi de 1901 39 avenue Pasteur 92400 COURBEVOIE représentée par la SCP GAS Avoués assistée de Me Gérard DUCREY, avocat au barreau de PARIS

**************** INTIMEE Madame Christine X... née le 6 février 1944 à LEVROUX (36) ... 78610 AUFFARGIS représentée par la SCP KEIME et amp ; GUTTIN Avoués assistée de Me MARAIS BERNARDEAU substituant Me BEAUQUIER Avocat au Barreau de PARIS

****************
Composition de la cour : L' affaire a été débattue à l' audience publique du 15 Janvier 2004 devant la cour composée de : Madame Francine BARDY, Président, Madame Lysiane LIAUZUN, Conseiller, Madame Françoise SIMONNOT, Conseiller, qui en ont délibéré, Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT La présente cause a été communiquée au Ministère Public. 5 L' Association DROIT DE NAITRE a fait parvenir le 19 avril 2001 à 60000 personnes une lettre circulaire, une carte " d' encouragement " et un coupon- réponse invitant au versement de dons, le nom de Christine X... étant associé à cette opération de publipostage. Estimant que cette association avait fait une utilisation abusive de son nom comme produit d' appel à des fins lucratives, Christine X... a fait assigner cette association par acte du 26 juin 2001 devant le tribunal de grande instance de Nanterre aux fins d' obtenir la réparation du préjudice subi et diverses autres mesures. Christine X... a abandonné en cours de procédure ses demandes tendant à la communication par l' association des noms et coordonnées des 60000 personnes destinataires du publipostage et en paiement des frais d' affranchissement du courrier circulaire adressé aux membres de l' association pour ne maintenir que sa demande en paiement d' un euro symbolique à parfaire et aux fins de communications de renseignements fiscaux, comptables et sociaux permettant d' évaluer la rentabilité de l' opération. L' Association DROIT DE NAITRE a opposé diverses irrecevabilités tirées du défaut d' intérêt à agir, du non respect de l' article 13 de la loi sur la presse et la prescription de la demande s' agissant de l' envoi d' un rectificatif assimilé à un droit de réponse, opposant subsidiairement le débouté en invoquant le fait que l' opération litigieuse s' inscrit dans l' exercice du droit à la liberté d' expression, qu' elle n' a aucun caractère lucratif et s' est soldée au contraire par un déficit, que l' utilisation du nom de Christine X... n' a pas été faite dans des conditions déshonorantes, et n' a occasionné aucune préjudice indemnisable. Par le jugement déféré prononcé contradictoirement le 11 décembre 2002, le tribunal de grande instance de Nanterre a rejeté les exceptions d' irrecevabilité, condamné l' Association DROIT DE NAITRE à payer à Christine X... la somme de un euro à titre de dommages et intérêts outre celle de 2200 en application de l' article 700 du nouveau code de procédure civile, enjoint à l' Association DROIT DE NAITRE de justifier de ce qu' elle a adressé aux personnes touchées par l' opération de publipostage un rectificatif précisant que " Christine X..., député, n' a pas cautionné l' opération de publipostage organisée en avril 2001 par l' association DROIT DE NAITRE " auprès de maître B..., huissier de justice, désigné à cette fin en qualité de constatant et ce dans les trente jours de la signification du jugement, sous astreinte de 500 par jour de retard, et fixé à la somme de 800 la provision à valoir sur les frais et honoraires du constatant qui sera directement versée entre ses mains par la demanderesse, avec exécution provisoire. Appelante, l' Association DROIT DE NAITRE conclut aux termes de ses dernières écritures en date du 19 novembre 2003 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, à l' infirmation du jugement, et prie la cour, statuant à nouveau, de déclarer Christine X... irrecevable en ses demandes, de requalifier son action en délits de presse et constater leur prescription, nonobstant le prononcé d' une amende civile au visa de l' article 32- 1 du nouveau code de procédure civile, de condamner reconventionnellement Christine X... à lui payer la somme de 25000 de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, d' ordonner la publication de l' arrêt à intervenir, de condamner Christine X... à lui payer la somme de 3500 au titre de l' article 700 du nouveau code de procédure civile et aux entiers dépens, subsidiairement de la débouter de ses demandes comme mal fondées, encore plus subsidiairement de dire qu' elle n' a vocation à recevoir aucun dommage et intérêt. Intimée, Christine X... conclut aux termes de ses dernières écritures en date du 14 novembre 2003 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, à la confirmation du jugement, subsidiairement et incidemment, de condamner l' appelante à lui payer un euro de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, de produire les documents sociaux, fiscaux et comptables susceptibles de permettre une évaluation de la rentabilité de l' opération litigieuse, de condamner l' appelante à produire le justificatif de l' envoi d' un rectificatif sous astreinte de 762, 25 par jour de retard, de débouter l' appelante de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts, en tout état de cause, de la condamner à lui verser la somme de 2286, 74 en application de l' article 700 du nouveau code de procédure civile et aux dépens. SUR CE Considérant, ainsi qu' énoncé par les premiers juges, que l' opération incriminée qui a donné lieu à perception de dons, avait pour objectif d' encourager le député Christine X... à faire de la lutte contre le tout avortement un thème politique d' avenir que d' autres députés pourraient suivre, le délégué de l' association poursuivant j' ai joint à ce bulletin des cartes d' encouragement que je vous demande de lui envoyer en masse ? signez- les, faites les signer par votre entourage puis adressez- les lui directement à l' Assemblée nationale sans oublier de les affranchir. Je veux qu' elle se sente portée par une vague de soutien moral sans précédent ? s' il vous plait, prenez deux minutes de votre temps et adressez vos cartes d' encouragement à Christine X... pour l' engager à faire de la lutte contre le tout- avortement un enjeu politique majeur lors des législatives de 2002 ? PS : le 17 avril, la loi Aubry- Jospin sur l' avortement a été adoptée en deuxième lecture à l' Assemblée nationale. nous devons faire du respect de la vie le thème politique majeur de 2002. le Député Christine X... peut ouvrir la voie pionnière. Pour l' encourager à faire de la lutte contre le tout avortement le thème dominant de sa campagne législative, adressez- lui les cartes d' encouragement que je vous ai jointes. Elle doit se sentir soutenue pat l' opinion publique car sa tâche sera rude, que la lettre est accompagnée de quatre formulaires de cartes d' encouragement pré- écrites destinées à Christine X... ainsi que d' une enveloppe avec un coupon- réponse invitant à cocher la case soit oui, j' ai adressé mes cartes d' encouragement au député Christine X... pour l' encourager à faire de la lutte contre le tout- avortement le thème principal de sa campagne législative, soit oui, je souhaite aider Droit à Naître à placer le thème du respect de la vie au centre du débat politique 2002, pour cela j' adresse un don Considérant que l' appelante soutient que Christine X... serait irrecevable à agir pour défaut d' intérêt, dès lors qu' elle est une personne publique, femme politique de renom, candidate déclarée à l' époque à l' élection présidentielle, ayant vocation à être interpellée par les électeurs, s' exposant volontairement et étant exposée au public ; Considérant que l' action de Christine X... est recevable et qu' elle justifie d' un intérêt à agir en réparation du préjudice résultant de l' utilisation sans son consentement de son nom lequel bénéficie de la protection accordée aux droits de la personnalité, étant relevé que l' appréciation de l' intérêt à agir n' est pas subordonnée au bien fondé de l' action, qu' il n' est pas allégué que l' utilisation du nom de Christine X... ait été faite avec son consentement préalable, que la qualité de personne publique de Christine X... à raison de son mandat de député et son implication dans la vie politique aux plus hauts échelons n' emporte pas renonciation à la protection de ses droits laquelle ne se présume pas ; Considérant que l' appelante soutient encore que l' action engagée doit être requalifiée en diffamation dès lors qu' elle l' accuse et la présente comme un groupement sectaire, que cette action ainsi requalifiée est régie par la loi de 1881 et est prescrite ; Considérant que l' action engagée par madame X... ne tend qu' à obtenir sur le fondement de l' article 1382 du code civil la réparation du préjudice causé par l' utilisation de son nom de façon abusive et à des fins mercantiles, que l' assignation ne se fonde sur aucun fait susceptible d' être imputé à l' association portant atteinte à l' honneur et la considération de Christine X..., qu' il n' y a pas lieu à quelconque requalification de l' action, l' appelante se prévalant sans pertinence des motifs exposés dans l' assignation au soutien de l' action, relativement à la présentation de l' association et ses relations avec d' autres associations considérées comme de véritables sectes, que l' action, fondée sur les dispositions de l' article 1382 du code civil, n' est donc pas prescrite ; Considérant que l' appelante soutient que les demandes de Christine X... s' analysent en une demande de droit de réponse régie par l' article 13 de la loi sur la presse et prescrite ; Considérant que la nature de l' opération litigieuse l' exclut du champ d' application de la loi sur la presse dans les prévisions de laquelle elle n' entre pas, de telle sorte que la seule demande de justification d' un rectificatif n' est pas assimilable à une demande de droit de réponse ; Considérant que l' action est recevable ; Considérant, ainsi qu' énoncé par les premiers juges, que l' opération litigieuse qui concentre l' action des destinataires de la circulaire sur Christine X... dont le nom est cité à de multiples reprises et associe son nom à la campagne d' appel de fonds, donne aux adhérents une présentation inexacte du député présentée comme ayant donné son consentement à l' exploitation de son nom, que l' association qui s' est ainsi approprié sans son accord, un élément de sa personnalité pour en tirer profit, ne peut se prévaloir du droit à la liberté d' expression, ni se retrancher derrière celui de ses adhérents libres de choisir le renvoi ou non de la carte d' encouragement et de manifester ainsi leur opinion, laquelle est sollicitée en réalité par la référence au nom de Christine X... dans le cadre d' une opération de soutien qu' elle n' a pas suscitée et qui est le prétexte à un appel de fonds au profit de l' association lancé auprès de ses adhérents, qu' il est dès lors inopérant d' invoquer la qualité de personne publique de l' intimée ou les campagnes qu' elle a personnellement diligentées dans le cadre de son action politique dont elle a la maîtrise ; Considérant que le résultat financier de l' opération, présentée comme déficitaire par l' appelante qui ne produit aux débats que l' attestation du gérant de l' imprimeur- routeur et non d' un comptable, importe peu et qu' il suffit, comme en l' espèce que l' opération qui s' approprie le nom de Christine X... s' accompagne d' une campagne de collecte de fonds pour que la preuve de l' utilisation du nom dans un but lucratif soit établie, une telle utilisation étant abusive et fautive ; Considérant que l' utilisation dans ce contexte, du nom de Christine X... est fautive, peu important qu' elle ne soit pas déshonorante ; Considérant que Christine X... a subi de ce chef un préjudice moral lequel a été justement réparé par l' allocation d' un euro symbolique, sans que l' appelante puisse arguer d' une contradiction dans la motivation du tribunal qui a seulement énoncé que seul le préjudice moral était établi ; Considérant que c' est par une juste appréciation du préjudice et sa nature, que les premiers juges ont enjoint à l' appelante de justifier auprès de ses adhérents de l' envoi d' un rectificatif selon des modalités déterminées et sous astreinte dont les premiers juges se sont réservés la faculté de la liquider, que cette injonction de faire à titre de réparation complémentaire du préjudice moral qui a le mérite de rétablir la vérité des faits auprès des destinataires de l' opération, est parfaitement justifiée ; Considérant que l' association DROIT DE NAITRE doit être en conséquence déboutée de son appel et le jugement confirmé en toutes ses dispositions ; Considérant que la demande reconventionnelle de l' appelante se trouve dès lors sans fondement ; Considérant que l' appelante qui succombe dans ses prétentions, doit être condamnée à indemniser l' intimée des frais irrépétibles qu' elle a été contrainte d' exposer en appel, qu' elle supportera de même la charge des dépens ; PAR CES MOTIFS LA COUR, statant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, REÇOIT l' appel mais le déclare mal fondé, CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions, CONDAMNE l' appelante à payer à l' intimée la somme de 2286 en application de l' article 700 du nouveau code de procédure civile, CONDAMNE l' appelante aux dépens avec faculté de recouvrement direct conformément aux dispositions de l' article 699 du nouveau code de procédure civile. Arrêt prononcé par Madame Francine BARDY Président, et signé par Madame Francine BARDY, Président et par Madame Sylvie RENOULT Greffier présent lors du prononcé Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 2002-08519
Date de la décision : 12/02/2004

Analyses

NOM - Droits du titulaire - Protection du nom - / JDF

La qualité de personne publique qui s'attache à un mandat de député et l'implication d'un élu dans la vie politique, même aux plus hauts échelons, n'emporte aucune renonciation du titulaire à la protection de ses droits, laquelle ne se présume pas. Un député est fondé et a intérêt à agir sur le fondement de l'article 1382 du Code civil en réparation de l'utilisation de son nom sans son consentement, dès lors que la campagne d'appel de fonds litigieuse tendait par les multiples citations de son nom à laisser accroire qu'il s'associait à ce projet, le présentant ainsi de manière inexacte comme ayant donné son consentement à l'exploitation de son nom. Cette appropriation d'un élément de la personnalité dans le but d'en tirer profit, indépendamment de son résultat financier, caractérise une utilisation abusive et fautive.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2004-02-12;2002.08519 ?
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