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29/01/2004 | FRANCE | N°2002-02475

France | France, Cour d'appel de Versailles, 29 janvier 2004, 2002-02475


COUR D'APPEL DE VERSAILLES 12ème chambre section 2 J.F.F./P.G. ARRET Nä DU 29 Janvier 2004 R.G. Nä 02/02475 AFFAIRE : - S.A. MEDINT C/ - Sté BAUSCH etamp; Y... FRANCE Copie certifiée conforme Expédition exécutoire délivrées le : à : ä SCP LEFEVRE TARDY etamp; HONGRE-BOYELDIEU ä SCP KEIME etamp; GUTTIN E.D. REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS ------- LE VINGT NEUF JANVIER DEUX MILLE QUATRE, La cour d'appel de VERSAILLES, 12ème chambre section 2, a rendu l'arrêt CONTRADICTOIRE suivant, prononcé en audience publique, La cause ayant été débattue à l'audience publique

du PREMIER DECEMBRE DEUX MILLE TROIS DEVANT : MONSIEUR JEAN-FRANOE...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES 12ème chambre section 2 J.F.F./P.G. ARRET Nä DU 29 Janvier 2004 R.G. Nä 02/02475 AFFAIRE : - S.A. MEDINT C/ - Sté BAUSCH etamp; Y... FRANCE Copie certifiée conforme Expédition exécutoire délivrées le : à : ä SCP LEFEVRE TARDY etamp; HONGRE-BOYELDIEU ä SCP KEIME etamp; GUTTIN E.D. REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS ------- LE VINGT NEUF JANVIER DEUX MILLE QUATRE, La cour d'appel de VERSAILLES, 12ème chambre section 2, a rendu l'arrêt CONTRADICTOIRE suivant, prononcé en audience publique, La cause ayant été débattue à l'audience publique du PREMIER DECEMBRE DEUX MILLE TROIS DEVANT : MONSIEUR JEAN-FRANOEOIS FEDOU, CONSEILLER chargé du rapport, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés, en application de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, assisté pendant les débats de Mme Marie-Thérèse GENISSEL, greffier, Le magistrat rapporteur en a rendu compte à la cour, dans son délibéré, celle-ci étant composée de : MADAME FRANOEOISE LAPORTE, PRESIDENT MONSIEUR JEAN-FRANOEOIS FEDOU, CONSEILLER MONSIEUR DENIS COUPIN, CONSEILLER et ces mêmes magistrats en ayant délibéré conformément à la loi, DANS L'AFFAIRE ENTRE : - S.A. MEDINT ayant son siège ..., représentée par son Président Directeur Général en exercice domicilié en cette qualité audit siège. APPELANTE d'un jugement rendu le 01 Mars 2002 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES, 4ème chambre. CONCLUANT par la SCP LEFEVRE TARDY etamp; HONGRE BOYELDIEU, Avoués près la Cour d'Appel de VERSAILLES. PLAIDANT par Yann BOURMAUD, avocat du barreau de PARIS (K.89). ET - SAS BAUSCH etamp; Y... FRANCE ayant son siège ... ST DENIS et actuellement ..., BP 1174, "Le Millénaire" 34009 MONTPELLIER, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. INTIMEE CONCLUANT par la SCP KEIME etamp; GUTTIN, Avoués près la Cour d'Appel de VERSAILLES.

PLAIDANT par Maître Constantin ACHILLAS, Avocat du Barreau de PARIS. ** ** ** FAITS ET PROCEDURE : 5 La Société BAUSCH etamp; Y... (B etamp; L) fabrique notamment des produits d'entretien pour lentilles de contact. La Société L.P.O. (Laboratoire de Prothèses Oculaires) était distributeur de longue date des produits fabriqués par la Société B etamp; L auprès des laboratoires ou officines pharmaceutiques et auprès des opticiens; la société holding MEDING a ultérieurement poursuivi la distribution de ces produits aux lieu et place de sa filiale L.P.O. Le 1er janvier 1997, la Société B etamp; L a confié la distribution exclusive de ses produits auprès des pharmacies au LABORATOIRE CHAUVIN. Par lettre recommandée du 07 janvier 2000, la Société B etamp; L a fait savoir à la Société MEDINT qu'elle refuserait d'honorer ses commandes tant que cette dernière ne prendrait pas l'engagement ferme et écrit de cesser de vendre les produits de contactologie B etamp; L aux officines pharmaceutiques. Selon protestation à sommation en date du 04 février 2000, elle a réitéré son refus de livraison, en relevant d'une part que la Société MEDINT, qui n'a pas le statut de laboratoire pharmaceutique, n'est pas habilitée à commercialiser des produits ophtalmologiques auprès des pharmacies, d'autre part que la livraison sollicitée par sa cocontractante porterait directement et gravement atteinte à l'exclusivité dont bénéficie le LABORATOIRE CHAUVIN. C'est dans ces circonstances que, par acte du 11 mai 2000, la Société MEDINT a assigné la Société BAUSCH etamp; Y... en dommages-intérêts, à titre de réparation du préjudice subi par elle en raison de la brusque rupture des relations commerciales et des pratiques anti-concurrentielles exercées par la défenderesse. Par jugement du 1er mars 2002, le Tribunal de Commerce de VERSAILLES a : - dit que c'est à bon droit que la Société BAUSCH etamp; Y... FRANCE n'a pas renouvelé le contrat passé avec la Société MEDINT ; - condamné la Société BAUSCH etamp;

Y... FRANCE à verser à la Société MEDINT la somme de 15.000 euros, à titre de dommages-intérêts, en contrepartie des efforts commerciaux de cette dernière pour la pénétration des officines pharmaceutiques au moins pour la période antérieure à 1997 ; - dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; - condamné les Sociétés MEDINT et BAUSCH etamp; Y... FRANCE aux dépens par moitié. La Société MEDINT a interjeté appel de cette décision. Elle expose qu'il résulte de l'article L 442-6-5ä du Code de commerce, même dans sa rédaction antérieure à la loi du 15 mai 2001, que toute rupture de relations commerciales établies doit faire l'objet d'un préavis suffisant. Elle fait valoir que, compte tenu de la longueur de la relation d'affaires (vingt ans), de la notoriété importante des produits distribués, du volume important d'affaires échangées, et des investissements conséquents réalisés par elle pour développer la marque B etamp; L en particulier auprès des officines pharmaceutiques, le préavis dont elle aurait dû bénéficier ne pouvait être inférieur à douze mois. Elle conteste avoir souscrit, pour l'année 1999 ayant immédiatement précédé la rupture des relations commerciales, le moindre engagement restrictif de concurrence. Elle relève que la clause insérée à partir de 1995 par la Société B etamp; L dans ses conditions commerciales, stipulant que tous les produits d'entretien vendus aux groupements et centrales ne pourront faire l'objet d'une vente qu'à des magasins spécialisés en optique, est contraire aux dispositions de l'article L 420-1 du Code de commerce et doit donc être déclarée nulle, dans la mesure où elle a pour effet d'exclure sans aucune raison objective la vente aux officines de pharmacie, de réduire les débouchés et de répartir le marché de façon purement artificielle. Elle soutient que l'accord d'exclusivité conclu entre les Sociétés B etamp; L et CHAUVIN est illicite au regard des règles de la concurrence, dès lors qu'il a pour conséquence

d'imposer à la société appelante de cesser son activité commerciale sur un marché donné, aux fins de protéger un autre distributeur bénéficiant d'un contrat d'exclusivité contraire aux dispositions de l'article L 420-1 du Code de commerce. Elle stigmatise le comportement discriminatoire de la société intimée, laquelle a traité différemment des revendeurs présentant des caractéristiques identiques, et, en particulier, n'a pas soumis certains de ses distributeurs aux mêmes conditions que celles qui étaient imposées à la Société MEDINT. Elle constate que la Société CHAUVIN est, en juillet 2000, devenue une filiale de la Société B etamp; L, ce qui permet de mieux comprendre la rigueur soudainement montrée par cette dernière, dans le but de protéger les intérêts du Laboratoire CHAUVIN, et donc à terme les siens, en éliminant sans scrupule un concurrent qui avait fait preuve de sa valeur en défrichant et développant le secteur des officines. Elle en déduit que l'accord de distribution conclu entre les Sociétés CHAUVIN et B etamp; L, manifestement illicite, ne saurait justifier la rupture brutale des relations commerciales qu'entretenaient les parties. Elle observe que, si cet accord contrevient aux règles françaises de la concurrence, elle n'affecte nullement le commerce entre Etats membres, et n'est donc pas soumis à l'application des règles communautaires. Elle allègue que la partie adverse ne peut se prévaloir du règlement européen 2790/1999, lequel ne s'applique qu'aux accords entrés en vigueur après le 31 mai 2000, de telle sorte qu'à défaut d'avoir été "validé" par un règlement, et en l'absence d'exemption individuelle, la convention liant les Sociétés B etamp; L et CHAUVIN est illicite comme étant restrictive de la concurrence. Elle précise qu'en tout état de cause, cet accord ne répond pas aux conditions d'exemption, puisque la part de marché détenue par le fournisseur B etamp; L dépasse 30 % du marché pertinent sur lequel il

vend les biens et services contractuels. Elle souligne qu'un tel accord ne pourrait se trouver exempté par le règlement susvisé, dès lors qu'en vertu des considérants 10 et 13 de ce règlement, le bénéfice de l'exemption ne peut s'appliquer à des accords dont l'effet restrictif sur la concurrence est, comme c'est le cas en l'espèce, sans rapport avec le bénéfice qui en est retiré par les consommateurs. Elle réfute l'argument de la société intimée, suivant lequel elle n'aurait pas la qualité juridique pour vendre des produits B etamp; L aux officines de pharmacie, dans la mesure où la distribution intermédiaire des produits d'entretien pour lentilles de contact, devenus "dispositifs médicaux", n'a fait l'objet d'aucune réglementation ni par la Directive Européenne 93.42 du 14 juin 1993 ni par le décret du 13 juin 1995 relatifs aux seuls médicaments. Elle conteste que sa demande, formulée pour la première fois devant la Cour, tendant à voir enjoindre à la Société B etamp; L de reprendre ses livraisons sous astreinte de 10.000 euros par commande refusée, puisse s'analyser en une prétention nouvelle à ce titre irrecevable, compte tenu de la révélation ultérieure de l'attitude discriminatoire de la partie adverse. Elle s'estime fondée à solliciter l'indemnisation du préjudice qui a résulté pour elle, d'une part de la rupture des relations contractuelles, d'autre part des pratiques discriminatoires dont elle a été l'objet, lesquelles se sont traduites par une perte substantielle de son chiffre d'affaires et par un important discrédit commercial, et lui ont imposé la prise en charge du coût de la réorganisation de ses activités. Par voie de conséquence, la Société MEDINT demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris, et, statuant à nouveau, de : - condamner la Société BAUSCH etamp; Y... à lui verser la somme de 162.897 euros, à titre d'indemnité de brusque rupture des relations commerciales ayant lié les parties durant vingt ans, sur le fondement des dispositions

de l'article L 442-6-5ä du Code de commerce ; - enjoindre à la Société BAUSCH etamp; Y..., sous astreinte de 10.000 euros par commande refusée, de reprendre ses livraisons auprès de la société appelante, selon les conditions commerciales en usage auprès de ses autres distributeurs ; - condamner la Société BAUSCH etamp; Y... à lui régler la somme de 278.931,84 euros, en réparation du préjudice causé par les pratiques anti-concurrentielles de cette société, contraires aux dispositions de l'article L 420-1 du Code de commerce ; - condamner la Société BAUSCH etamp; Y... à lui verser la somme de 76.500 euros, à titre indemnitaire, en raison du discrédit commercial dont elle a souffert en raison de cette rupture. Elle conclut également à la publication de l'arrêt à intervenir aux frais de la partie adverse, dans la limite de 5.500 euros, dans les quotidiens "LE MONDE" et "LES ECHOS". Elle réclame en outre la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. La Société BAUSCH etamp; LOMB FRANCE SAS soulève l'irrecevabilité de la demande de la Société MEDINT, tendant à ce qu'il lui soit fait injonction de reprendre les relations commerciales avec cette dernière, en tant qu'elle constitue une prétention nouvelle formulée pour la première fois en cause d'appel. Elle soutient que cette demande est au surplus mal fondée, dès lors que les accords de distribution conclus entre elle-même et ses partenaires (dont la société appelante), non renouvelables par tacite reconduction, sont renégociés chaque année sous la forme d'un document intitulé "conditions commerciales", de telle sorte qu'elle était parfaitement en droit de cesser la vente de ses produits à la Société MEDINT, laquelle avait refusé de signer les conditions commerciales pour l'année 1999. Elle conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a énoncé que c'est à bon droit qu'elle n'a pas renouvelé le contrat passé avec la Société MEDINT. Elle fait valoir que le

comportement de sa cocontractante rendait impossible la poursuite des relations commerciales entre les parties, et justifiait le non renouvellement de leurs accords pour l'année 2000, qui lui a été notifié par lettre du 07 janvier 2000. A cet égard, elle relève que, alors que la société appelante était liée à elle-même par un engagement de non-concurrence au profit du Laboratoire CHAUVIN, cet engagement a été délibérément violé par la Société MEDINT, qui a distribué chaque année davantage de produits B etamp; L aux pharmaciens en accentuant son offensive sur ce marché. Elle précise que le non renouvellement de leur partenariat était d'autant plus justifié que la partie adverse n'était pas habilitée à distribuer les produits en cause auprès des pharmaciens, faute d'avoir le statut de laboratoire pharmaceutique, et qu'elle ne s'est pas non plus conformée aux conditions de paiement qui lui avaient été consenties. Elle se prévaut des dispositions de l'article 36-5 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, seules applicables à la date de la rupture, pour conclure qu'elle était en droit de résilier le contrat sans préavis à partir du moment où la société appelante n'avait pas respecté ses obligations contractuelles. Elle invoque la validité de l'accord conclu avec le Laboratoire CHAUVIN au regard du droit communautaire, et, à cet égard, elle allègue qu'il résulte de l'article 2 4b) du Règlement nä 2790/1999 qu'un tel accord, par nature restrictif de concurrence, demeure licite et bénéficie de l'exemption, dans la mesure où il vise l'interdiction faite par le fournisseur au revendeur de vendre activement les produits à une clientèle réservée soit au fournisseur, soit à un ou plusieurs autres distributeurs. Elle conteste l'argumentation adverse suivant laquelle le règlement européen susvisé serait inapplicable, alors que ce texte, qui consacre la primauté du droit communautaire, a un caractère rétroactif. Elle souligne que la partie adverse fait une mauvaise

interprétation de l'article 3 du Règlement en prétendant que, pour que l'exemption s'applique, la part du fournisseur sur le marché pertinent ne doit pas excéder 30 % des parts de marché, alors que ce pourcentage doit s'apprécier, non chez le fournisseur, mais auprès de l'acheteur CHAUVIN, bénéficiaire de l'obligation de fourniture exclusive.

Elle constate qu'en toute hypothèse, la solution en droit national serait identique à celle résultant du droit communautaire, conduisant à admettre la validité de l'accord conclu avec le Laboratoire CHAUVIN au regard de la législation française. Elle observe que c'est également à tort que la société appelante fait état d'un comportement discriminatoire dont elle aurait été victime, dans la mesure où aucun distributeur BAUSCH etamp; Y... ne peut effectuer de ventes directes auprès des pharmacies, l'exclusivité de telles ventes ayant été concédée, à ce titre, au Laboratoire CHAUVIN. Se portant pour le surplus incidemment appelante, la Société BAUSCH etamp; Y... FRANCE demande à la Cour d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle l'a condamnée à verser à la Société MEDINT la somme de 15.000 euros, à titre de dédommagement pour les efforts commerciaux accomplis par cette dernière en vue de la pénétration des produits B etamp; L auprès des officines pharmaceutiques. Elle réclame en outre les sommes de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, et de 40.000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. L'ordonnance de clôture a été prononcée le 06 novembre 2003. MOTIFS DE LA DECISION : SUR LA VALIDITE DE L'EXCLUSIVITE CONCEDEE A LA SOCIETE CHAUVIN : Considérant qu'aux termes de l'article 1er du contrat de distribution exclusive en date du 1er janvier 1997, la Société BAUSCH etamp; Y... a accordé à la Société LABORATOIRE CHAUVIN : "le droit exclusif de distribuer, vendre et promouvoir ses produits sous toutes leurs présentations

(Renu, Boston Simplicity, Boston Advance, Efficlean, Solution Saline A... Eyes) auprès des grossistes répartiteurs et des pharmacies. BAUSCH etamp; Y... se réserve la commercialisation de ces produits auprès des opticiens et la promotion auprès des ophtalmologistes" ; Considérant que la Société MEDINT fait valoir que le commerce entre les Etats membres ne se trouve pas affecté par le comportement anti-concurrentiel reproché à la Société BAUSCH etamp; Y..., de telle sorte, s'agissant d'un litige intéressant deux sociétés françaises en vue de la distribution de produits en France, le droit communautaire n'a pas vocation à s'appliquer ; Mais considérant qu'il résulte de l'article 1er 3ème paragraphe du contrat de distribution exclusive susvisé que, pendant la durée du contrat, la Société CHAUVIN s'est engagée : "à ne pas distribuer de solution de nettoyage et de décontamination des lentilles de contact directement concurrents de celle de BAUSCH etamp; Y..." ; Considérant qu'il s'ensuit qu'en vertu de cet accord, le distributeur exclusif a l'interdiction d'acheter d'autres produits, similaires ou concurrents, à d'autres fournisseurs français ou étrangers, lesquels sont contraints de rechercher d'autres voies de distribution pour leurs propres produits ; Considérant que, dès lors, un tel accord est susceptible de rendre plus difficile la diffusion des produits des autres Etats membres sur le territoire français, et d'entraver l'interpénétration économique voulue par le Traité CEE ; Considérant que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont énoncé que cet accord, en tant qu'il risque d'affecter le commerce entre les Etats membres, est soumis au droit communautaire ; Considérant que le règlement communautaire nä 2790/1999 du 22 décembre 1999, relatif à l'application de l'article 81 paragraphe 3 du Traité de Rome à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées, prévoit (article 4) que :

"l'exemption prévue à l'article 2 de ce règlement ne s'applique pas

aux accords verticaux qui, directement ou indirectement, ont pour objet ... : b) la restriction concernant le territoire dans lequel, ou la clientèle à laquelle l'acheteur peut vendre les biens ou services contractuels, sauf la restriction des ventes actives vers un territoire exclusif ou à une clientèle exclusive réservés au fournisseur ou concédés par le fournisseur à un autre acheteur, lorsqu'une telle restriction ne limite pas les ventes de la part des clients de l'acheteur";

Considérant qu'en l'occurrence, il résulte de l'article 1er du contrat de distribution du 1er janvier 1997 que l'exclusivité de vente concédée au Laboratoire CHAUVIN ne peut s'exercer qu'auprès des officines pharmaceutiques, la Société BAUSCH etamp; Y... se réservant la commercialisation de ses produits auprès des opticiens ; Considérant qu'il s'ensuit que ce contrat répond aux exigences du règlement d'exemption nä 2790/1999 relatif aux accords verticaux, lequel doit être reconnu applicable à des faits antérieurs à la date de son entrée en vigueur ; Considérant qu'au surplus, il s'infère de l'article 3 du règlement d'exemption du 22 décembre 1999 que : "Dans le cas d'accords verticaux contenant des obligations de fourniture exclusive, l'exemption prévue à l'article 2 s'applique à condition que la part du marché détenue par l'acheteur ne dépasse pas 30 % du marché pertinent sur lequel il achète les biens ou les services contractuels" ; Considérant que, selon l'article 1er de ce règlement, l' "obligation de fourniture exclusive" signifie : "toute obligation directe ou indirecte imposant au fournisseur de ne vendre les biens ou les services désignés dans l'accord qu'à un acheteur à l'intérieur de la Communauté en vue d'un usage déterminé ou de la revente" ; Considérant que tel est le cas de l'obligation édictée par la clause litigieuse du contrat de distribution précité, laquelle impose au fournisseur de ne vendre les biens désignés dans cet accord qu'à un

seul acheteur en vue d'un usage déterminé, en l'occurrence la revente aux seules officines pharmaceutiques; Considérant qu'à cet égard, le considérant (8) du Règlement nä 2790/1999 confirme que : "dans le cas d'accords verticaux qui contiennent des obligations de fourniture exclusive, c'est la part de marché de l'acheteur qu'il y a lieu de prendre en considération afin de déterminer l'effet global de ces accords sur le marché" ; Or considérant que nul ne conteste que la part détenue par la Société CHAUVIN sur le marché pertinent où elle achète ses produits est inférieure au seuil de 30 % édicté par l'article 3 susvisé ; Considérant que, par ailleurs, dans la mesure où cette part ne dépasse pas 30 %, il convient, conformément aux énonciations du considérant susvisé, de présumer que les accords verticaux litigieux ont pour effet d'améliorer la production ou la distribution et de réserver aux consommateurs une partie équitable du profit qui en résulte ; Considérant que, par voie de conséquence, il convient, en confirmant le jugement déféré, de dire que le contrat de distribution exclusive conclu entre les Sociétés BAUSCH etamp; Y... et CHAUVIN, conforme au règlement d'exemption du 22 décembre 1999, doit être déclaré licite au regard du droit communautaire lequel prime sur les règles du droit français qui lui seraient contraires. SUR LA VALIDITE DU NON RENOUVELLEMENT DU CONTRAT : Considérant qu'aux termes de l'article L 442-6 I. 4ä du Code de commerce, dans sa rédaction applicable à l'époque de la cessation de la collaboration entre les parties, "Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou artisan..., de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte des relations commerciales antérieures ou des usages reconnus par des accords interprofessionnels. Les dispositions précédentes ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas

d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou de force majeure" ; Considérant qu'il est constant que le non renouvellement d'un contrat de distribution venu à expiration est un droit pour le fournisseur, qui n'engage sa responsabilité qu'en cas d'abus dans son exercice, dont la preuve incombe à celui qui se prétend victime de cet abus ; Considérant qu'en l'occurrence, il doit être observé que les relations contractuelles entre les parties étaient régies par des conditions commerciales établies par écrit chaque année à partir de 1995, et non renouvelables par tacite reconduction ; Considérant que ces conditions commerciales, régulièrement renouvelées au cours des années 1995 à 1998 incluses, prévoyaient que : "tous les produits d'entretien vendus aux groupements/centrales ne pourront faire l'objet d'une vente qu'à des magasins spécialisés en optique. En conséquence, les groupements/centrales s'engagent à ne pas distribuer lesdits produits dans tous autres circuits de distribution" ; Considérant que, si elle a, en avril 1999, fait savoir qu'elle refusait de signer les conditions commerciales assorties d'une clause de non-concurrence rédigée dans des termes identiques à celle figurant dans les accords antérieurs, la Société MEDINT n'en a pas moins adressé le 22 janvier 1999 à la Société BAUSCH etamp; Y... de nouvelles commandes, sans alors remettre en cause l'interdiction de concurrence à laquelle elle avait régulièrement souscrit au cours des années précédentes ; Considérant qu'en toute hypothèse, la société intimée ne pouvait être tenue de renouveler pour l'année 2000 les conditions commerciales négociées antérieurement, après avoir fait le constat du refus de la société appelante de se soumettre à ces conditions, particulièrement en ce qu'elles lui faisaient interdiction de distribuer les produits B etamp; L auprès des officines de pharmacie ; Considérant que tel était précisément l'objet du courrier recommandé du 07 janvier 2000 par lequel la

Société BAUSCH etamp; Y... FRANCE a motivé sa décision de ne pas poursuivre les relations commerciales entre les parties, en informant la Société MEDINT que, tant que cette dernière continuera, directement ou indirectement, de vendre les produits B etamp; L à des pharmacies, en totale violation des accords conclus entre les parties, et ce au préjudice du distributeur CHAUVIN, elle refusera d'honorer les commandes qui lui seront adressées, et en particulier la dernière en date du 15 novembre 1999 ; Considérant qu'au demeurant, cette clause restrictive de concurrence ne saurait être annulée sur le fondement des dispositions de l'article L 420-1 du Code de commerce, lequel prohibe les actions concertées ou ententes ayant pour effet de limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises ; Considérant qu'en effet, elle est justifiée par l'exclusivité dont la Société Laboratoire CHAUVIN bénéficiait, en vertu du contrat de distribution en date du 1er janvier 1997, pour la diffusion, la vente et la promotion des produits B etamp; L auprès des pharmacies, et qui a été jugée valable au regard du droit communautaire ; Considérant que c'est donc sans abus de droit que la Société BAUSCH etamp; Y... a décidé de ne pas renouveler pour l'année 2000 les accords commerciaux conclus antérieurement entre les parties, et assortis d'une obligation de non-concurrence parfaitement licite à laquelle sa cocontractante refusait de se soumettre ; Considérant qu'au surplus, dès lors que le non renouvellement dont elle a pris l'initiative est légitimé par l'intention clairement exprimée par la société appelante de ne pas se conformer à cette interdiction contractuelle de concurrence, la société intimée pouvait valablement mettre fin aux relations commerciales entre les parties avec effet immédiat, sans être tenue au respect d'un préavis d'usage ; Considérant que le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté la Société MEDINT de sa

demande d'indemnité de brusque rupture de ces relations commerciales. SUR LA DEMANDE DE DOMMAGES-INTERETS POUR PRATIQUES ANTI-CONCURRENTIELLES : Considérant qu'en application de l'article L 442-6-I. 1ä du Code de commerce, "Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, pour tout producteur, commerçant, industriel ou artisan, de pratiquer, à l'égard d'un partenaire économique, ou d'obtenir de lui... des conditions de vente ou des modalités de vente ou d'achat discriminatoires et non justifiées par des contreparties réelles, et créant, de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage ou un avantage dans la concurrence" ; Considérant qu'au soutien de sa prétention de ce chef, la Société MEDINT fait valoir que la Société BAUSCH etamp; Y... a adopté à son égard une attitude discriminatoire, puisque cette dernière, qui lui a refusé la possibilité de livrer les pharmacies, s'est comportée différemment avec d'autres partenaires, tels que la Société EUROCONTACT, auxquels elle n'a pas imposé le respect de la clause d'exclusivité consentie au Laboratoire CHAUVIN ; Mais considérant que les allégations de la société appelante sont démenties par des correspondances versées aux débats, aux termes desquelles la société intimée confirme aux Sociétés EUROCONTACT et BT OPTHALMIC qu'il ne leur est pas possible de livrer, auprès des pharmacies ou plates-formes de stockage de réseaux pharmaceutiques, les solutions d'entretien BAUSCH etamp; Y... ; Considérant que, d'ailleurs, les conditions commerciales conclues ces dernières années entre la Société BAUSCH etamp; Y... et les Sociétés GUILDE et OPHTALMIC comportent la stipulation que ces dernières s'engagent à ne distribuer les produits B etamp; L qu'à des magasins spécialisés en optique, et à ne pas distribuer lesdits produits dans tout autre circuit de distribution ; Considérant qu'en toute hypothèse, il ne s'infère nullement des éléments detique, et à ne pas distribuer

lesdits produits dans tout autre circuit de distribution ; Considérant qu'en toute hypothèse, il ne s'infère nullement des éléments de la cause que, nonobstant la clause d'exclusivité concédée au Laboratoire CHAUVIN, la société intimée ne se serait pas opposée à ce que d'autres distributeurs procèdent à la vente de ses produits aux officines de pharmacie ; Considérant que, dès lors que n'est pas démontrée l'existence des pratiques discriminatoires dont la société appelante prétend avoir été victime de la part de son fournisseur, il convient, en confirmant également de ce chef la décision entreprise, de débouter la Société MEDINT de sa demande de dommages-intérêts pour comportement anti-concurrentiel prohibé par les articles L 420-1 et suivants et L 442-6 du Code de commerce. SUR LES AUTRES DEMANDES PRESENTEES PAR LA SOCIETE APPELANTE : Considérant qu'il doit être observé que les différentes demandes indemnitaires présentées par la Société MEDINT sont toutes motivées par la rupture prétendument brutale et abusive des relations commerciales dont la Société BAUSCH etamp; Y... a pris l'initiative, ainsi que par les pratiques anti-concurrentielles reprochées à cette dernière ; Considérant que, toutefois, dans la mesure où, au regard de ce qui précède, la décision de non renouvellement prise par la société intimée ne revêt aucun caractère fautif et les pratiques discriminatoires alléguées ne sont nullement démontrées, les réclamations indemnitaires formulées par la société appelante ne peuvent qu'être écartées dans leur intégralité ; Considérant qu'il y a donc lieu de confirmer la décision entreprise également en ce qu'elle a débouté la Société MEDINT de sa demande de dommages-intérêts du chef du discrédit commercial dont elle indique avoir souffert par suite de la cessation du partenariat entre les parties ; Considérant qu'au surplus, dès lors que c'est la résistance opposée par elle à l'obligation de non concurrence régulièrement stipulée dans les accords commerciaux

successifs qui est à l'origine de la non reconduction de ces accords à partir de l'année 2000, la société appelante ne saurait être indemnisée au titre de la privation des investissements qu'elle a assumés afin de promouvoir la marque de son fournisseur, et dont elle n'aurait pas manqué de retirer le bénéfice si la collaboration entre les parties s'était ultérieurement poursuivie ; Considérant qu'un tel dédommagement ne peut davantage se justifier par les efforts commerciaux consentis par la Société MEDINT en vue de favoriser la pénétration des produits B etamp; L auprès des officines pharmaceutiques, puisque les accords commerciaux souscrits chaque année à partir de 1995 lui interdisaient de distribuer ces produits dans des circuits de distribution autres que ceux des opticiens; Considérant qu'il s'ensuit que la décision entreprise doit être infirmée en ce qu'elle a condamné la Société BAUSCH etamp; Y... à verser de ce dernier chef une indemnité de 15.000 euros à la Société MEDINT ; Considérant que, par ailleurs, il n'entre pas dans les pouvoirs de la juridiction saisie de contraindre la société intimée au rétablissement des relations commerciales, auxquelles cette dernière a régulièrement mis fin par courrier recommandé du 07 janvier 2000 ; Considérant que, par voie de conséquence, la demande, présentée en cause d'appel par la Société MEDINT, tendant à voir enjoindre sous astreinte à la Société BAUSCH etamp; Y... de reprendre ses livraisons, selon les conditions commerciales en usage auprès de ses autres distributeurs, ne peut qu'être rejetée. SUR LES DEMANDES COMPLEMENTAIRES ET ANNEXES : Considérant que, dès lors que l'action dont la Société MEDINT a pris l'initiative ne revêt pas le caractère d'un abus de droit d'ester en justice de nature à justifier l'indemnisation sollicitée de ce chef par la société intimée, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts formulée par la Société BAUSCH etamp;

Y... pour procédure abusive ; Considérant que l'équité commande d'allouer en cause d'appel à la Société BAUSCH etamp; Y... une indemnité de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Considérant que la société appelante, dont les prétentions sont entièrement écartées, ne peut qu'être déboutée de ses réclamations, des chefs tant de publication de la présente décision que d'indemnité de procédure ; Considérant que la décision entreprise doit être infirmée en ce qu'elle a partagé les dépens de première instance par moitié entre les parties ; Considérant que la Société MEDINT, qui succombe dans ses réclamations, doit être condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel. PAR CES MOTIFS La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, DECLARE recevable l'appel interjeté par la Société MEDINT, le dit mal fondé ; DECLARE partiellement fondé l'appel incident de la Société BAUSCH etamp; Y... FRANCE ; CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions, excepté en ce qu'il a condamné la Société BAUSCH etamp; Y... FRANCE au paiement de la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts, et en ce qu'il a statué sur les dépens ; DEBOUTE la Société MEDINT de l'intégralité de ses demandes; CONDAMNE la Société MEDINT à payer à la Société BAUSCH etamp; Y... FRANCE la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; CONDAMNE la Société MEDINT aux entiers dépens de première instance et d'appel, et AUTORISE la SCP KEIME etamp; GUTTIN, Société d'Avoués, à recouvrer directement la part la concernant, conformément à ce qui est prescrit par l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET REDIGE PAR MONSIEUR FEDOU, CONSEILLER, PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER EN CHEF QUI A ASSISTE

LE PRESIDENT AU PRONONCE MARIE Z...

FRANOEOISE X...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 2002-02475
Date de la décision : 29/01/2004

Analyses

COMMUNAUTE EUROPEENNE - Concurrence.

Un accord de distribution qui, conclu pour la France entre deux sociétés françaises, fait interdiction au distributeur exclusif d'acheter des produits similaires ou concurrents à tous autres fournisseurs, français ou étrangers, lesquels sont contraints de rechercher d'autres voies de distribution pour leurs propres produits, affecte nécessairement l'interpénétration économique voulue par le Traité de la Communauté Economique Européenne (CEE) en ce qu'il a pour effet de rendre plus difficile la diffusion des produits des autres Etats membres; à ce titre un tel accord est soumis au droit communautaire

CONTRATS DE DISTRIBUTION - Distribution.

Le non-renouvellement d'un contrat de distribution venu à expiration est un droit du fournisseur dont l'exercice n'engage sa responsabilité qu'en cas d'abus établi par le distributeur qui l'invoque. Le non-renouvellement de relations commerciales établies depuis de nombreuses années qui survient po- stérieurement à la décision du distributeur de ne plus accepter de signer une clause de non concurrence à laquelle il avait souscrit au cours des années précédentes, tout en poursuivant ses commandes sans remettre en cause la clause litigieuse, et le constat fait par le fournisseur du refus de son distributeur de se soumettre aux conditions de cette même clause, ne caracté- rise aucun abus dès lors que la clause restrictive de concurrence est justifiée par un contrat d'exclusivité régulièrement établi, notamment au regard du droit communautaire


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2004-01-29;2002.02475 ?
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