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16/01/2004 | FRANCE | N°2001-06298

France | France, Cour d'appel de Versailles, 16 janvier 2004, 2001-06298


COUR D'APPEL DE VERSAILLES 3ème chambre ARRET Nä DU 16 JANVIER 2004 R.G. Nä 01/06298 AFFAIRE : Gilles X... C/ 1/ Y... Z... A... B... 2/ Maria C... DE D... princesse d'Italie 3/ Antoine E... Appel d'un jugement rendu le 19 Juillet 2001 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES (1ère chambre) Expédition exécutoire Expédition Copie délivrées le : à : SCP KEIME etamp; GUTTIN SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD SCP JUPIN etamp; ALGRIN REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE SEIZE JANVIER DEUX MILLE QUATRE, La cour d'appel de VERSAILLES, 3ème chambre, a rendu l'arrêt REP

UTE CONTRADICTOIRE suivant, prononcé en audience publique, ...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES 3ème chambre ARRET Nä DU 16 JANVIER 2004 R.G. Nä 01/06298 AFFAIRE : Gilles X... C/ 1/ Y... Z... A... B... 2/ Maria C... DE D... princesse d'Italie 3/ Antoine E... Appel d'un jugement rendu le 19 Juillet 2001 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES (1ère chambre) Expédition exécutoire Expédition Copie délivrées le : à : SCP KEIME etamp; GUTTIN SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD SCP JUPIN etamp; ALGRIN REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE SEIZE JANVIER DEUX MILLE QUATRE, La cour d'appel de VERSAILLES, 3ème chambre, a rendu l'arrêt REPUTE CONTRADICTOIRE suivant, prononcé en audience publique, La cause ayant été débattue, à l'audience publique du 27 Juin 2003 DEVANT : Madame Marguerite PELIER, conseiller chargé du rapport, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés, en application de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, assisté de Madame Marie-Claire THEODOSE, Greffier, Le magistrat rapporteur en a rendu compte à la cour, dans son délibéré, celle-ci étant composée de :

Madame Dominique GUIRIMAND, Président

Monsieur François GRANDPIERRE, Conseiller

Madame Marguerite PELIER, Conseiller et ces mêmes magistrats en ayant délibéré conformément à la loi, DANS L'AFFAIRE ENTRE : Monsieur Gilles X... 4 rue de la Paix 75002 PARIS CONCLUANT par la SCP KEIME etamp; GUTTIN, avoués près la cour d'appel de VERSAILLES PLAIDANT par maître FOUCHET, avocat au barreau de PONTOISE APPELANT ET 1/ Monsieur Y... Z... A... B... 716 South Fifth Street MEBANE 27302 NORTH CAROLINA (U.S.A.) CONCLUANT par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD, avoués près la cour d'appel de VERSAILLES PLAIDANT par maître BITTON du cabinet RACINE, avocat au barreau de PARIS INTIME 2/ Madame Maria C... DE D... princesse d'Italie 61 boulevard Saint Antoine 78000 VERSAILLES CONCLUANT par la SCP JUPIN etamp; ALGRIN, avoués près la cour d'appel de VERSAILLES PLAIDANT par

maître CHARTIER, avocat au barreau de PARIS INTIMEE - APPEL INCIDENT 3/ Monsieur Antoine E... ayant fait l'objet d'un procès-verbal de recherches infructueuses 18, rue du Général Buret 75015 PARIS INTIME DEFAILLANT

FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES 5 Les faits constants se résument ainsi : Courant septembre 1999, monsieur Y... Z..., dit "Bob", A... B..., se disant collectionneur d'objets anciens, a rencontré monsieur Gilles X..., spécialisé dans la restauration, l'acquisition d'oeuvres d'art et dans le dépistage des faux et contrefaçons artistiques, expert judiciaire inscrit sur les listes de la Cour de Cassation, de la cour d'appel de VERSAILLES et des Douanes. Dans ce cadre, monsieur Gilles X... montrait à monsieur Y... Z... A... diverses photographies d'objets rares ou précieux dont certains étaient à vendre. Parmi les objets présentés se trouvait un tableau représentant une "Vierge à l'enfant", avec Saint Joseph en arrière-plan, intitulée "La Sainte Famille" et dont le cartel porte la mention : "BATONI POMPEO (1702/1782)", se trouvant à VERSAILLES au domicile de S.A.R. LA PRINCESSE F... de D..., à une période où elle organisait son futur déménagement à NEUILLY-SUR-SEINE. Interrogé sur son prix, monsieur Gilles X... indiquait qu'il n'était pas encore en vente, sa propriétaire, Madame F... de D... , hésitant à s'en dessaisir, lui précisant cependant que, si cette dernière s'y décidait, monsieur Y... Z... A... en serait avisé. Compte tenu de l'intérêt porté par monsieur Y... Z... A... à ce tableau, monsieur Gilles X... lui proposa de le conduire, et de fait le conduisit dans la propriété de Madame F... de D... , absente, mais dont il détenait les clefs, et ce afin de lui présenter les nombreux objets d'art que cette dernière l'avait chargé de vendre. A l'issue de la visite qui eut lieu en présence de monsieur Antoine E..., présenté comme l'ami

et le conseiller de monsieur Y... Z... A..., ce dernier confirma son espoir d'acquérir "le BATONI". Le 10 février 2000, alors qu'il venait de rentrer d'un voyage aux ETATS-UNIS où il avait rencontré monsieur Y... Z... A..., monsieur Gilles X... a adressé à ce dernier une télécopie par laquelle il indiquait avoir "revu la Princesse avant son départ et réussi à négocier le tableau à 55.000,00 francs", soit 8.384,70 euros, sa commission comprise, et ajoutant : "la Princesse est partie aujourd'hui pour Palme Bêche et, pour plus de sécurité, j'ai pris le tableau pour ne pas qu'elle change d'avis", précisant que le tableau était "superbe", mais qu'il avait besoin d'une restauration dont le devis serait chiffré dans les jours suivants, et ajoutant : "je suis content d'avoir pu obtenir ce tableau mais cela n'a pas été facile surtout à ce prix". Dès le lendemain, 11 février 2000, monsieur Y... Z... A... faisait virer la somme de 8.384,70 euros directement sur le compte de monsieur Gilles X..., et confirmait par courrier électronique du même jour son accord pour acquérir l'oeuvre à ces conditions. Le 12 février 2000, monsieur Gilles X... a adressé à monsieur Y... Z... A... une télécopie lui indiquant en substance qu'il ne pouvait plus acquérir le tableau, s'agissant d'une oeuvre originale de BATONI, et, le même jour, établissait un "certificat de reprise" avant de rapporter ledit tableau au domicile versaillais de Madame F... de D... , alors absente de FRANCE. En effet, lors de l'examen du tableau dans ses ateliers, monsieur Gilles X... avait acquis la certitude qu'il s'agissait d'un véritable "BATONI" et non de l'oeuvre d'un de ses disciples ou suiveurs comme il l'avait cru lors de sa présentation et de son estimation première. Le 21 février 2000, monsieur Gilles X... s'adressait à nouveau à monsieur Y... Z... A... pour lui préciser qu'il ne s'agissait que d'un "retard momentané d'achat", et l'informait de ce que le coût de la

restauration s'élèverait à 29.000,00 francs, soit 4.421,02 euros. De son côté, Madame F... de D..., informée par monsieur Gilles X..., de l'authenticité de l'oeuvre, lui écrivait le 27 février 2000 sa satisfaction "d'apprendre que le BATONI est de bonne qualité", et lui demandait en conséquence de le "nettoyer en entier", ayant l'intention de le "mettre dans (sa) chambre à Neuilly". Le 10 avril 2000, monsieur Gilles X... annonçait à monsieur Y... Z... A... qu'il venait de revoir sa cliente qui "désirait garder son tableau" et offrait de restituer à l'acquéreur évincé la somme versée. Par la suite, monsieur Gilles X... s'est opposé à la remise du tableau réclamé par monsieur Y... Z... A... qui s'en considère comme le propriétaire légitime. * C'est dans ces conditions que, par acte du 28 avril 2000, monsieur Y... Z... A... a saisi le tribunal de grande instance de VERSAILLES qui, aux termes du jugement déféré, rendu le 19 juillet 2001, et alors que Madame F... de D... avait été instituée séquestre du tableau au cours de l'instruction de l'affaire, a retenu que monsieur Gilles X... avait agi vis-à-vis de monsieur Y... Z... A... en qualité de mandataire apparent de Madame F... de D... , pour déclarer parfaite la vente du tableau en faveur de monsieur Y... Z... A..., et ordonner sa délivrance, en refusant toutefois d'assortir cette injonction du soutien d'une astreinte et du bénéfice de l'exécution provisoire, l'un et l'autre sollicités, et en rejetant enfin les demandes formulées par les parties au titre de leurs frais irrépétibles. Appelant de cette décision par déclaration enregistrée au greffe le 2 août 2001, monsieur Gilles X... a conclu le 30 novembre 2001, pour requérir l'infirmation partielle du jugement entrepris, priant la cour de dire et juger que la vente projetée entre les parties n'a pu se réaliser, les "éléments constitutifs" n'en étant pas réunis, et de condamner monsieur Y... Z... A...

à lui payer la somme de 7.622,45 euros (50.000,00 francs) à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire, outre celle de 3.048,98 euros (20.000,00 francs) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Par conclusions signifiées le 21 novembre 2001 et formant appel incident, Madame F... de D... - qui précise que le tableau litigieux lui a été offert à l'occasion de son mariage avec le PRINCE Alexandre de YOUGOSLAVIE en février 1955, par monsieur Achille G..., maire de NAPLES - souligne que les premiers juges ont écarté à bon escient l'existence d'un quelconque mandat dont elle serait tenue, et proteste de celle d'un prétendu mandat apparent qui l'aurait engagée à l'égard de monsieur Y... Z... A..., alors que ce dernier ne pouvait avoir une croyance légitime dans l'étendue des pouvoirs qu'il prête à monsieur Gilles X..., priant en conséquence la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré parfaite la vente du tableau litigieux, et de condamner tous contestants au paiement d'une somme de 7.622,45 euros (50.000,00 francs) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Aux termes de ses conclusions récapitulatives, signifiées le 3 décembre 2002, monsieur Y... Z... A... requiert la cour de : - dire irrecevables les demandes de monsieur X... visant à voir la cour dire et juger que la vente du tableau n'a pu se réaliser, ou que les éléments consécutifs de cette vente ne sont pas réunis, - dire irrecevable l'appel incident de Madame Maria C... de D..., - à défaut, dire irrecevables les demandes au fond de Madame Maria C... de D..., notamment visant à voir infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré parfaite la vente du tableau ainsi qu'en toutes ses autres dispositions ; . subsidiairement, au fond : - débouter monsieur Gille X... et Madame Maria C... de D... de tous leurs fins, moyens et prétentions, . en conséquence, -

le déclarer recevable et bien fondé en son action à l'encontre de Madame Maria C... de D..., Princesse d'Italie, - dire parfaite la vente intervenue entre monsieur A... et Madame Maria C... de D... et portant sur une huile sur toile représentant "LA SAINTE FAMILLE", et attribuée par son cartel à BATONI POMPEO (1702/1782), - lui ordonner la délivrance de cette oeuvre ou à toute personne qu'il constituera à cette fin, et ce au jour de la signification de l'arrêt à intervenir, - y ajoutant : - assortir l'arrêt à intervenir d'une astreinte de 1.524,49 euros par jour de retard apporté à la délivrance de l'oeuvre, à compter de la signification de l'arrêt, - déclarer monsieur Gilles X... responsable de ses préjudices subis, - condamner le susnommé à lui payer la somme de 7.622,45 euros (50.000,00 francs) à titre de dommages et intérêts, - condamner monsieur X... à lui payer la somme de 8.000,00 euros pour procédure abusive et dilatoire, . à titre subsidiaire, au cas où la délivrance du tableau ne serait pas ordonnée : - condamner monsieur X... à lui verser la somme de 152.449,01 euros (1.000.000,00 francs) à titre de dommages et intérêts, - condamner monsieur X... à lui restituer la somme de 8.384,70 euros (55.000,00 francs), augmentée des intérêts légaux à compter du 25 juillet 2000, . dans tous les cas : - condamner madame Maria C... de D... et monsieur Gilles X... in solidum à lui verser la somme de 10.000,00 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, - les condamner en outre en tous les dépens. Par actes d'huissier de justice en dates des 10 et 12 mars, délivrés à mairie, et du 26 mai 2003, délivré selon procès-verbal de recherches infructueuses, monsieur Gilles X... a fait assigner et réassigner monsieur Antoine E... en intervention forcée et pour la première fois devant la cour en vue de l'entendre appelé à préciser "les conditions de la transaction se rapportant au projet de vente entre

Madame F... de D... et monsieur Y... Z... A..., concernant une huile sur toile représentant une vierge à l'enfant avec Saint Joseph en arrière plan, intitulée "LA SAINTE FAMILLE" et attribuée par son cartel à BATONI POMPEO". Monsieur Antoine E... n'a pas constitué avoué sur ces assignations. La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 26 juin 2003. SUR CE LA COUR - SUR LES FINS DE NON-RECEVOIR OPPOSEES PAR MONSIEUR Y... Z... A... AUX DEMANDES DE MONSIEUR GILLES X..., A L'APPEL INCIDENT, AUX DEMANDES NOUVELLES FORMULEES PAR MADAME F... DE D... ET AUX CONCLUSIONS ELLES-MEMES PORTANT APPEL INCIDENT Considérant, en premier lieu, que, si effectivement les demandes de monsieur Gilles X... tendant à l'annulation de la vente pour erreur sur les qualités substantielles ne peuvent prospérer dès lors que seule Madame F... de D... aurait qualité pour le faire, nul ne plaidant par procureur, il apparaît toutefois que l'irrecevabilité manifeste des demandes initiales et réitérées de monsieur Gilles X..., quant à la valeur du consentement prétendu de sa mandante, est sans influence sur la recevabilité de son appel dès lors que cet acte tend à remettre aussi en cause le rejet de sa propre demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire ; Considérant, en second lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article 550 du nouveau code de procédure civile, l'appel incident peut être formé en tout état de cause sans que puisse lui être opposé la forclusion, et qu'il ne pourrait être déclaré irrecevable que dans l'hypothèse où l'appel principal serait lui-même irrecevable, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; Considérant, en troisième lieu, que, pour imprécises et maladroites que soient les écritures de Madame F... de D... en première instance, il est manifeste que sa demande tendait à voir constater qu'il n'existe aucun contrat direct entre elle et monsieur Y...

Z... A... et qu'elle n'a confié à quiconque aucun mandat de procéder à quelque vente que ce soit, en sorte que ses prétentions devant la cour - qui tendent aux mêmes fins - ne se heurtent pas à l'interdiction édictée par l'article 564 du nouveau code de procédure civile ; Considérant enfin qu'il est vainement fait grief aux conclusions d'appel incident signifiées dans l'intérêt de Madame F... de D... d'avoir repris l'indication, figurant sur le jugement, quant à l'adresse de Madame F... de D... , alors que, par conclusions spécifiques signifiées en première instance, Madame F... de D... avait pris soin de donner sa nouvelle adresse à NEUILLY ; Qu'il n'est pas allégué que cette adresse serait inexacte, alors même que le déménagement de Madame F... de D... à NEUILLY est au centre du présent litige et que, si monsieur Y... Z... A... devait être amené à exercer des voies d'exécution forcée contre la susnommée, il n'aurait aucune difficulté à déterminer son domicile, et ce d'autant moins que, constituée séquestre du tableau litigieux, sa détentrice a ainsi accepté de le représenter, sous peine d'engager sa responsabilité de gardien au sens de l'article 1962 du code civil ; qu'au demeurant, l'appelant ne conteste pas connaître l'adresse actuelle et véritable de Madame F... de D... , non plus que le lieu où se trouve réellement le tableau, pour se borner à exiger un rappel purement formel, mais dilatoire, des mentions visées à l'article 960 du nouveau code de procédure civile dans les conclusions d'appel ; Que pas davantage l'indication figurant dans ses conclusions d'appel incident de ce que Madame F... de D... aurait la nationalité française, au lieu de la nationalité belge indiquée dans lesdites conclusions spécifiques, n'est susceptible d'être la source d'une quelconque difficulté d'exécution ; Considérant dès lors que chacune des fins de non-recevoir soulevées par monsieur Y... Z... A... mérite

d'être rejetée ; - SUR LE FOND Considérant que la cour se réfère ici expressément aux motifs retenus par les premiers juges qui ont exactement constaté que la preuve n'était pas rapportée en l'espèce de l'existence d'un mandat quelconque, même tacite, donné par Madame F... de D... à monsieur Gilles X... de vendre le tableau litigieux de BATONI, sans estimation préalable ; Qu'il sera donc tenu pour établi que monsieur Gilles X... n'avait pas reçu de Madame F... de D... le mandat de vendre le "LE BATONI"au prix net de 7.622,45 euros (50.000,00 francs) ; Que pas davantage la vente, prétendument parfaite revendiquée par monsieur Y... Z... A... à son bénéfice, n'a été ratifiée par Madame F... de D..., mais qu'elle est, au contraire, contredite par l'attachement d'ordre affectif qu'elle porte à cette oeuvre, doublé de la satisfaction de la savoir authentique ; * Considérant qu'il y a donc lieu de ne reprendre que la discussion relative à l'existence d'un éventuel mandat apparent de monsieur Gilles X... dont pourrait légitimement se prévaloir monsieur Y... Z... A... ; Considérant, certes, qu'en laissant à monsieur Gilles X... un libre accès à sa maison, Madame F... de D... a pu contribuer à créer, dans les prémisses de la négociation, une apparence de mandat donné à monsieur Gilles X... ; Que toutefois cette apparence ne saurait s'étendre au-delà d'elle-même, c'est à dire au-delà d'un mandat de présentation, purement provisoire, d'oeuvres d'art non limitativement énumérées, parmi lesquelles se trouvait "LE BATONI" ; que le mandat apparent de monsieur Gilles X... ne pouvait que trouver sa limite dans cette seule présentation, à l'issue de laquelle la vente elle-même ne pouvait être conclue, dans son principe comme dans son prix, par le mandataire sans qu'il en ait préalablement référé à Madame F... de D... ; Considérant que, dès lors, la constatation exactement faite par les premiers juges

d'une apparence créée et consentie par Madame F... de D..., ne saurait pour autant justifier à elle seule l'extension au bénéfice de monsieur Y... Z... A... de la théorie du mandat apparent, allant de la présentation de l'oeuvre à sa vente ; Qu'en effet, l'apparence créée ne saurait aboutir à sanctionner la négligence de Madame F... de D... dans les modalités d'accès à son ancien domicile versaillais, en faisant peser sur elle le fardeau d'une vente négociée en dehors d'elle et contre sa volonté qui ne pouvait se manifester avant qu'elle ait été éclairée sur l'authenticité de l'oeuvre ; Considérant que, pour emporter la légitimité de la croyance de monsieur Y... Z... A... dans un pouvoir de vendre qu'aurait eu monsieur Gilles X..., l'attitude de Madame F... de D... eut dû être assortie et accompagnée d'autres éléments de nature à légitimer la prétendue erreur de monsieur Y... Z... A... sur l'étendue du mandat apparent ; Que loin d'avoir été le cas, il appert, au contraire, de l'ensemble des circonstances de l'espèce, que monsieur Y... Z... A..., informé de la fragilité de la détention par monsieur Gilles X... de l'oeuvre ("pour plus de sécurité, j'ai pris le tableau") et de l'absence d'accord réel de Madame F... de D... sur le principe-même de la vente ("pour ne pas qu'elle change d'avis") et du montant de la contrepartie financière ("surtout à ce prix"), s'est néanmoins empressé d'adresser un virement bancaire pour sceller proprio motu, sans délai et à son seul bénéfice la transaction envisagée ; Que la cour observe en outre que ce paiement n'a pas été adressé par monsieur Y... Z... A... à Madame F... de D..., la prétendue venderesse, mais à monsieur Gilles X..., montrant ainsi que l'acheteur tenait ce dernier, non pas pour le mandataire de Madame F... de D..., mais pour son propre mandataire qu'il lui appartenait de rémunérer lui-même conformément aux prévisions de l'article 1999 du code civil

; Que cette qualité prêtée à monsieur Gilles X... d'être le mandataire de monsieur Y... Z... A... est, s'il en était besoin, confirmée par les termes de la lettre recommandée avec accusé de réception, en date du 10 mars 2000, adressée directement par maître Brun Neuve, conseil de monsieur Y... Z... A..., dans laquelle il prétend que monsieur Gilles X... n'est "détenteur du tableau qu'en qualité de mandataire de monsieur A... en vue de sa restauration", lui faisant plus loin grief d'être "intervenu en qualité de mandataire tant de la partie venderesse que de monsieur A... " ; Qu'enfin, le même conseil et mandataire de monsieur Y... Z... A... a, par lettres "officielles" en dates des 4 août et 1er septembre 2000, réclamé à l'avocat de monsieur Gilles X... la restitution du prix, avouant ainsi, sans ambigu'té, sa parfaite conscience de l'absence de perfection de la vente prétendue ; Considérant que, dans ces circonstances qui excluent sa bonne foi, monsieur Y... Z... A... ne peut se prévaloir de l'apparence d'un mandat qui aurait été donné par Madame F... de D... en vue de vendre un tableau dont elle entendait manifestement subordonner la destination au résultat de l'expertise demandée à monsieur Gilles X..., étant établi que sa connaissance ultérieure de ce que "le BATONI est de bonne qualité" l'a conduite, non pas à s'en défaire, mais au contraire, à vouloir "le mettre dans (sa) chambre à Neuilly" ; Qu'il suit de ce qui précède que, faute d'accord des parties sur la chose et sur le prix, la vente n'est pas parfaite ; que, par voie de conséquence, monsieur Gilles X... doit être condamné à restituer à monsieur Y... Z... A... la somme de 8.384,70 euros ; que, par application des dispositions de l'article 1153 du code civil et conformément à la demande, cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 25 juillet 2000, date d'une réclamation postérieure à l'assignation ; Considérant qu'en laissant

monsieur Y... Z... A... croire que le tableau lui était définitivement acquis pour le prix de 8.384,70 euros, monsieur Gilles X..., dans les circonstances ci-avant rappelées a commis une faute ; qu'en réparation du préjudice qui est caractérisé par la perte de l'espoir d'acquérir l'oeuvre dont il s'agit ; Qu'il convient, en conséquence, de condamner monsieur Gilles X... à payer à monsieur Y... Z... A... la somme de 5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts ; Considérant que, compte tenu de la solution donnée au litige, monsieur Gilles X... sera débouté de sa demande indemnitaire ; Considérant qu'il est en outre équitable de condamner monsieur Y... Z... A... à rembourser à Madame F... de D... les frais irrépétibles exposés, tant en première instance qu'en cause d'appel, à hauteur de 2.500,00 euros ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort, EN LA FORME Rejette chacune des fins de non-recevoir opposées par monsieur Y... Z... A..., En conséquence, Reçoit monsieur Y... Z... A... en son appel principal, Reçoit Madame F... de D... en son appel incident, AU FOND :

Infirme le jugement déféré, Et statuant à nouveau : Déboute monsieur Y... Z... A... de ses demandes dirigées contre Madame F... de D..., Condamne monsieur Gilles X... à restituer à monsieur Y... Z... A... la somme de 8.384,70 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2000 et à lui payer la somme de 5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts, Condamne monsieur Y... Z... A... à payer à Madame F... de D... la somme de 2.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, Fait masse des dépens de première instance et d'appel ; dit qu'ils seront supportés par moitié par monsieur Y... Z... A... et par monsieur Gilles X... et autorise, pour ceux exposés en cause d'appel, leur recouvrement

direct par la SCP JUPIN etamp; ALGRIN, société titulaire d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Arrêt prononcé par madame GUIRIMAND, président, Assisté de madame THEODOSE, greffier, Et ont signé le présent arrêt, Madame GUIRIMAND, président, Madame THEODOSE, greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 2001-06298
Date de la décision : 16/01/2004

Analyses

MANDAT - Mandat apparent - Engagement du mandant - Conditions - Croyance légitime du tiers

Le mandant n'est pas obligé envers les tiers pour ce que le mandataire a fait au-delà du pouvoir qui lui a été donné, sauf à ce qu'il résulte des circonstances que le tiers ait pu légitimement croire que le mandataire agissait en vertu d'un mandat et dans les limites de celui-ci. Le fait qu'un expert disposant des clefs de l'appartement d'un client saisisse cette opportunité pour présenter un tableau à un acquéreur potentiel si elle peut être de nature à contribuer à créer dans les prémisses de la négociation une apparence de mandat donné à l'expert de vendre ce tableau, cette seule apparence ne saurait s'étendre au-delà d'elle-même - un simple mandat de présentation d'oeuvres d'art non limitativement énumérées - pour justifier la légitime croyance de l'acquéreur en un mandat allant jusqu'à la vente dès lors qu'il résulte des circonstances de l'espèce que l'acquéreur était informé de la fragilité de la détention de l'oeuvre par l'expert, de l'absence d'accord réel du propriétaire sur le principe même de la vente et du montant de la contrepartie financière


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2004-01-16;2001.06298 ?
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