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27/11/2003 | FRANCE | N°2002-00274

France | France, Cour d'appel de Versailles, 27 novembre 2003, 2002-00274


COUR D'APPEL DE VERSAILLES 12ème chambre section 2 J.F.F./P.G. ARRET Nä DU 20 Novembre 2003 R.G. Nä 02/00274 AFFAIRE : - S.A.R.L. BEE FLY SHOES C/ - Société COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE - Société CHARMY SHOES LTD Copie certifiée conforme Expédition exécutoire délivrées le : à : ä Me Claire Z... ä SCP LISSARRAGUE-DUPUIS etamp; BOCCON-GIBOD ä SCP KEIME etamp; GUTTIN E.D. REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS ----------- LE VINGT NOVEMBRE DEUX MILLE TROIS, La cour d'appel de VERSAILLES, 12ème chambre section 2, a rendu l'arrêt CONTRADICTOIRE suivant, prononcé e

n audience publique, La cause ayant été débattue à l'audience publ...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES 12ème chambre section 2 J.F.F./P.G. ARRET Nä DU 20 Novembre 2003 R.G. Nä 02/00274 AFFAIRE : - S.A.R.L. BEE FLY SHOES C/ - Société COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE - Société CHARMY SHOES LTD Copie certifiée conforme Expédition exécutoire délivrées le : à : ä Me Claire Z... ä SCP LISSARRAGUE-DUPUIS etamp; BOCCON-GIBOD ä SCP KEIME etamp; GUTTIN E.D. REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS ----------- LE VINGT NOVEMBRE DEUX MILLE TROIS, La cour d'appel de VERSAILLES, 12ème chambre section 2, a rendu l'arrêt CONTRADICTOIRE suivant, prononcé en audience publique, La cause ayant été débattue à l'audience publique du SIX OCTOBRE DEUX MILLE TROIS DEVANT : MONSIEUR JEAN-FRANOEOIS FEDOU, CONSEILLER, chargé du rapport, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés, en application de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, assisté de Mme Marie-Thérèse GENISSEL, greffier, Le magistrat rapporteur en a rendu compte à la cour, dans son délibéré, celle-ci étant composée de :

MADAME FRANOEOISE LAPORTE, PRESIDENT

MONSIEUR JEAN-FRANOEOIS FEDOU, CONSEILLER

MONSIEUR DENIS COUPIN, CONSEILLER et ces mêmes magistrats en ayant délibéré conformément à la loi, DANS L'AFFAIRE ENTRE : - S.A.R.L. BEE FLY SHOES ayant son siège ..., représentée par son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège. APPELANTE d'un jugement rendu le 22 Novembre 2001 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE, 8ème chambre. CONCLUANT par Maître Claire Z..., Avoué près la Cour d'Appel de VERSAILLES. PLAIDANT par la SCP SMILEVITCH, MILCHIOR, avocats du barreau de PARIS. ET - Société COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE ayant son siège ..., prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. INTIMEE CONCLUANT par la SCP LISSARRAGUE-DUPUIS etamp; BOCCON-GIBOD, Avoués près la Cour

d'Appel de VERSAILLES. PLAIDANT par Maître Dominique X..., avocat u barreau de PARIS (M.440). - Société CHARMY SHOES LTD ayant son siège 4 F 3 Hang Yang Entreprise Bldg, Nä5 An Ho Road Section 2 TAIPEI, TAIWAN, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. INTIMEE CONCLUANT par la SCP KEIME etamp; GUTTIN, Avoués près la Cour d'Appel de VERSAILLES. PLAIDANT par Maître Thomas BEDOISEAU, avocat du barreau de PARIS (M.1867). ** ** ** FAITS ET PROCEDURE : 5 La Société BEE FLY est propriétaire d'un modèle de chaussure enregistré sous le numéro 980689, déposé à l'I.N.P.I. le 05 février 1998 et publié le 26 juin 1998 ; ce modèle protège notamment une sandale d'été ayant fait l'objet d'une publication sous les numéros 506586 et 506587. Ayant appris que la COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE (C.E.C.) avait mis en vente dans ses magasins à l'enseigne "La Halle aux chaussures" un produit qu'elle estimait contrefaisant de son modèle commercialisé sous la référence BUBBLE, la Société BEE FLY, dûment autorisée par ordonnance sur requête en date du 12 mai 1999, a procédé le 19 mai 1999 à une saisie contrefaçon dans les locaux de la Société C.E.C. Le procès-verbal de saisie-contrefaçon a mis en évidence que 7.000 paires de chaussures de l'article litigieux, de couleur noire, portant la dénomination "Wamea Beach" et le numéro de référence 2384 170 688, avaient été commandées le 05 novembre 1998, pour le compte de la Société C.E.C., par le Bureau d'Achat ANDRE à HONG KONG à la Société CHARMY SHOES LTD à TAPE au prix fob de 4,5 US dollars par paire, et que la Société C.E.C. disposait encore de 3.816 paires au jour de la saisie. C'est dans ces circonstances que, par acte du 03 juin 1999, la Société BEE FLY a assigné la Société C.E.C. en contrefaçon du modèle BUBBLE déposé par elle, ainsi qu'en dommages-intérêts pour contrefaçon et concurrence déloyale. Par acte du 09 décembre 1999, la COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE a

assigné en garantie la Société CHARMY SHOES LTD afin de la voir relever de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre. Par jugement du 22 novembre 2001, le Tribunal de Commerce de NANTERRE a : - débouté la Société BEE FLY de l'ensemble de ses demandes ; - débouté la COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE (C.E.C.) de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive ; - condamné la Société BEE FLY à payer à la Société C.E.C. la somme de 30.000 F (4.573,47 ) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et à prendre en charge les dépens de l'instance principale ; - condamné la Société C.E.C. à payer à la Société CHARMY SHOES LTD la somme de 20.000 F (3.048,98 ) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et à prendre en charge les dépens de l'appel en garantie. La Société BEE FLY SHOES a interjeté appel de cette décision. Elle fait valoir que c'est à tort que, pour conclure que son modèle BUBBLE ne peut bénéficier d'aucune protection, les premiers juges se sont fondés d'une part sur une "attestation" émanant d'une société de TAWAN qui indiquait avoir commercialisé depuis "deux ou trois saisons" le modèle argué de contrefaçon, d'autre part sur un "bon de commande" d'une autre société ta'wanaise illustré par un croquis correspondant au modèle commercialisé par la Société C.E.C. et daté du 04 septembre 1997. Elle relève que l'attestation de la Société SUAN KUAN en date du 23 juin 1999, outre qu'elle n'est pas conforme aux dispositions de l'article 202 du Nouveau Code de Procédure Civile, est imprécise, dépourvue de date certaine, n'est corroborée par aucun document établissant que la chaussure en cause aurait été vendue à de nombreux clients européens, et ne peut donc constituer une antériorité au sens des dispositions des articles L 511-2 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 25 juillet 2001 d'application immédiate. Elle allègue que le bon de

commande dont se prévalent les sociétés intimées, portant sur un échantillon sans date certaine relatif à un modèle référencé B 265, illustré par une planche de croquis du 04 septembre 1997, est également dépourvu de valeur probante, dès lors que cette planche de croquis constitue un montage de la reproduction d'une chaussure collée sur le bon de commande d'échantillon émanant de la Société WELL MIGHT LTD. Elle précise que le modèle dont fait état la Société C.E.C., et qui a été commandé à cette dernière par la Société PROVECO le 08 décembre 1997, donc antérieurement au dépôt du modèle de la société appelante, ne présente pas les mêmes caractéristiques que celui invoqué dans le cadre de la présente affaire, et ne peut davantage constituer une antériorité susceptible de lui être opposée. Elle souligne que la combinaison jamais réalisée des caractéristiques, pour certaines isolément connues, de son modèle BUBBLE caractérise son originalité, au demeurant retenue par arrêt prononcé le 02 avril 2003 par la Cour d'Appel de PARIS. Elle estime que la Société C.E.C. a engagé sa responsabilité en commercialisant massivement, à travers toute la France, dans les magasins à l'enseigne "La Halle aux chaussures", le modèle litigieux à vil prix, et en profitant indûment de ses investissements. Elle ajoute que, ne pouvant plus lutter contre les agissements de la société intimée, elle a décidé d'arrêter la commercialisation de son modèle BUBBLE, ce qui a constitué pour elle un important manque à gagner dont elle s'estime fondée à obtenir la réparation. Par voie de conséquence, tout en concluant à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a constaté l'identité existant entre le modèle BUBBLE et celui argué de contrefaçon, la Société BEE FLY demande à la Cour de le réformer pour le surplus, de dire que la Société C.E.C. s'est rendue coupable à son détriment d'actes de contrefaçon et d'actes de concurrence déloyale, et, en conséquence, de condamner cette dernière à lui

verser, à titre de dommages-intérêts, la somme de 91.469,41 euros (600.000 F) pour contrefaçon, et celle de 60.979,61 euros (400.000 F) du chef de concurrence déloyale. Elle sollicite également la remise des articles contrefaisants encore en possession de la Société C.E.C., en quelque lieu où ils se trouvent, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard après un délai de quinze jours à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, ainsi que la publication de celui-ci dans cinq journaux ou magazines au choix de la société appelante, aux frais de la partie adverse, sans que le coût global de ces insertions n'excède la somme de 15.244,90 euros (100.000 F). Elle réclame en outre 9.147 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a énoncé que le modèle de la Société BEE FLY ne présente aucun caractère de nouveauté et d'originalité. Elle expose que les nouvelles dispositions issues de l'ordonnance du 25 juillet 2001 n'ont pas lieu de s'appliquer au présent litige, lequel est régi par les règles antérieures. Elle fait valoir qu'en toute hypothèse, il s'infère de l'article L 511-6 du Code de la Propriété Intellectuelle que demeurent opposables les antériorités d'un pays tiers à la Communauté Européenne, si elles sont connues des professionnels agissant au sein de cette dernière. Elle relève que la Société PROVECO a commandé le modèle litigieux le 08 décembre 1997, bien avant que la société appelante ne procède à son dépôt, et elle précise que la Société SUN KUAN ENTREPRISE COMPANY LTD a réalisé pour la Société WELL MIGHT LTD, à partir de juin 1997, soit antérieurement à la Société BEE FLY, le même article que celui dont se prévaut cette dernière. Elle déduit de ces éléments, reposant sur des documents ou attestations ayant une valeur probante incontestable, que le modèle de la société appelante est dépourvu de nouveauté. Elle soutient que

la semelle épaisse compensée revendiquée par la Société BEE FLY n'est nullement originale, de nombreux fabricants de chaussures ayant auparavant créé des modèles de chaussures avec semelles identiques. Elle affirme qu'il est sans incidence sur le présent litige que la Cour d'Appel de PARIS ait, par arrêt du 02 avril 2003, reconnu la validité du modèle BUBBLE déposé par la société appelante, dans la mesure où, devant cette juridiction, les intimées ne détenaient aucune pièce de nature à détruire la nouveauté de ce modèle. Elle conteste également le grief de concurrence déloyale, et, à cet égard, elle expose qu'il n'est nullement établi qu'elle a commercialisé le modèle litigieux à vil prix, et elle précise que le risque de confusion entre les produits en cause n'est ni démontré ni même allégué. Elle ajoute que la société appelante, qui prétend avoir vendu plus de 20.000 paires de chaussures BUBBLE sur la seule année 1998 sans toutefois en rapporter la preuve, ne justifie aucunement de son préjudice. Tout en se portant incidemment appelante de la décision entreprise en ce qu'elle l'a condamnée à verser à la Société CHARMY SHOES LTD une indemnité de 20.000 F (3.048,98 euros) par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, la COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE sollicite en outre la condamnation de la Société BEE FLY à lui payer la somme de 30.000 euros, à titre de dommages-intérêts, pour appel manifestement abusif et injustifié, et celle de 9.000 eurossur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. A titre subsidiaire, elle demande que la Société CHARMY SHOES LTD la garantisse de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre. La Société CHARMY SHOES LTD conclut à la confirmation du jugement déféré. Elle réitère qu'il résulte d'une attestation de la Société SUN KUAN que celle-ci a commercialisé, dès le mois de juin 1997, un modèle de chaussure B 265, lequel a exactement les mêmes

caractéristiques que le modèle BUBBLE, tout en lui étant largement antérieur. Elle souligne que cette attestation, laquelle présente une valeur probante suffisante, est corroborée par une commande de la Société WELL MIGHT, laquelle a date certaine au 21 juin 1997. Elle précise que l'absence de nouveauté du modèle BUBBLE est encore confortée par sa propre antériorité, puisqu'elle a fourni à la Société PROVECO, suite à une commande de cette dernière en date du 08 décembre 1997, un modèle de sandales très proche de celui revendiqué par la société appelante.

Elle observe que la Société BEE FLY a admis avoir diffusé son modèle BUBBLE en Asie avant le dépôt de février 1998, créant ainsi une antériorité qu'elle est mal venue de reprocher à la Société C.E.C. Elle relève que la société appelante s'est cantonnée à reproduire une semelle épaisse en hévéa très à la mode depuis plusieurs années et exploitée par de multiples sociétés sur divers types de chaussures. Elle déduit de ce défaut de nouveauté et d'originalité que le dépôt du modèle litigieux doit être annulé et que les prétentions de la société appelante doivent être rejetées. Elle réfute les divers éléments invoqués par la Société BEE FLY au soutien de son prétendu préjudice, et elle conclut au rejet de la demande subsidiaire d'appel en garantie formée à son encontre par la Société C.E.C. Elle réclame en outre à l'une ou l'autre des sociétés en cause la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. L'ordonnance de clôture a été prononcée le 11 septembre 2003. Aux termes de ses écritures en date du 15 septembre 2003, la Société CHARMY SHOES LTD conclut au rejet des débats des conclusions signifiées par la Société BEE FLY le 09 septembre 2003, soit deux jours avant la clôture. La Société BEE FLY s'oppose à cet incident de rejet des débats, au motif que ses dernières écritures constituent la réponse à celles déposées seulement le 03 septembre 2003 par la

COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE. A titre subsidiaire, elle demande qu'au cas où ses conclusions du 09 septembre 2003 seraient écartées, la Cour rejette à l'identique celles de la Société C.E.C. en date du 03 septembre 2003. La COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE conclut également au débouté de la Société CHARMY SHOES LTD de son incident; subsidiairement, dans l'hypothèse où ses conclusions du 03 septembre 2003 devraient être écartées, elle demande que les écritures de la Société BEE FLY en date du 09 septembre 2003 subissent le même sort. La Cour a ordonné la jonction de l'incident au fond. MOTIFS DE LA DECISION : SUR L'INCIDENT DE REJET DES DEBATS :

Considérant que l'examen de la présente procédure fait apparaître que les écritures déposées le 09 septembre 2003 par la Société BEE FLY reprennent pour l'essentiel l'argumentation développée par elle dans ses conclusions du 13 mars 2003, et pour le surplus, constituent uniquement une réponse aux écritures de la Société COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE en date du 03 septembre 2003 ; Considérant que ces dernières écritures n'encourent pas davantage le grief de tardiveté, puisqu'avant de pouvoir utilement conclure, la Société C.E.C. se trouvait alors elle-même dans l'attente de la restitution d'une pièce détenue en original par la société appelante ; Considérant qu'il s'ensuit que les parties ont pu s'expliquer en temps utile sur les divers moyens et arguments soulevés par elles au soutien de leurs prétentions respectives, sans qu'il ait été porté atteinte au principe du contradictoire ; Considérant que, par voie de conséquence, les Sociétés CHARMY SHOES LTD et BEE FLY doivent être déboutées de leurs demandes de rejet des débats. SUR LA VALIDITE ALLEGUEE DU MODELE DEPOSE PAR LA SOCIETE APPELANTE : Considérant qu'il résulte des écritures de la Société BEE FLY que le modèle de sandale d'été dont elle se prévaut, déposé par elle le 05 février 1998 à l'I.N.P.I. sous le nä 980689, se caractérise par : - une

semelle épaisse compensée d'une hauteur de 8 centimètres dans sa partie la plus haute, de forme incurvée en son milieu et crantée sur son profil ; - une tige comprenant une bride arrière et deux séries de fermeture, l'une sur le devant au niveau du dessus du pied constituée d'une double languette avec bande "velcro", la partie basse des deux côtés de cette languette double est ajourée, l'autre fermeture est placée au niveau de la cheville qu'elle entoure avec une languette de fermeture équipée également d'une bande "velcro" sur le devant, la semelle d'usure étant ajourée ; Considérant que, dès lors que la validité du modèle doit s'apprécier à la date de son dépôt, soit en l'espèce le 05 février 1998, c'est en fonction des dispositions alors applicables qu'il convient d'apprécier le caractère protégeable du modèle BUBBLE revendiqué par la société appelante ; Considérant qu'aux termes de l'article L 511-3 du Code de la Propriété Intellectuelle, dans sa rédaction alors en vigueur, bénéficient d'une protection : "tout dessin nouveau, toute forme plastique nouvelle, tout objet industriel qui se différencie de ses similaires, soit par une configuration distincte et reconnaissable lui conférant un caractère de nouveauté, soit par un ou plusieurs effets extérieurs lui donnant une physionomie propre et nouvelle" ; Considérant que, pour être destructrice de la nouveauté, l'antériorité doit avoir une date certaine et être de toute pièce, c'est-à-dire qu'elle doit présenter toutes les caractéristiques du dessin ou du modèle ; Considérant qu'en l'occurrence, aux termes de deux attestations en date des 21 février et 23 février 2000, la Société SUN KUAN LTD certifie avoir commercialisé depuis le mois de juin 1997 un modèle de chaussure B 265 présentant les mêmes caractéristiques que le modèle BUBBLE en cause dans le présent litige ; Considérant que ces attestations se trouvent corroborées d'une part par une commande d'échantillon adressée par la Société WELL MIGHT

INTERNATIONAL LTD à la Société SUN KUAN, d'autre part par l'offre de prix portant sur le même modèle transmise en retour par cette dernière ; Considérant qu'est produit aux débats l'original du bon de commande de la Société WELL MIGHT, sur lequel figure le cachet avec la date "86.6.21", selon le calendrier ta'wanais ; Considérant que, dans la mesure où il est démontré que ce calendrier débute en l'an 1911, année au cours de laquelle a été proclamée la République en Chine, la correspondance avec le calendrier occidental s'obtient en ajoutant 86 à 1911, soit 1997 ; Considérant qu'il s'ensuit que la commande de WELL MIGHT a bien date certaine au 21 juin 1997 ; Considérant qu'est également versé aux débats l'original du fax, daté du "THU, O4-SEP-97 9:53", et comportant l'offre de prix adressé à WELL MIGHT par SUN KUAN pour différents modèles de chaussures (en particulier le modèle B 265) représentés sous la forme de croquis ; Considérant que la circonstance que l'indication de la date du 04 septembre 1997 apparaisse en caractères de type machine à écrire n'est pas en soi de nature à mettre en doute la sincérité de cette mention ; Considérant que, si la photographie du modèle B 265 semble avoir été collée sur le bon de commande d'échantillon émanant de la Société WELL MIGHT, rien n'autorise cependant à conclure que la planche de croquis représentés sur le fax daté du 04 septembre 1997 constituerait un montage de la reproduction du même modèle collé sur ce fax ; Considérant qu'au demeurant, dans une autre attestation en date du 23 juin 1999, la Société SUAN KUAN indique que le modèle B 265 a été vendu par elle à plusieurs clients européens "depuis 2 ou 3 saisons" ; Considérant que, le produit en cause étant un article d'été, la référence faite dans ce document à une antériorité de deux ou trois saisons vient confirmer que la commercialisation de ce produit a débuté au moins durant l'année 1997, donc antérieurement au dépôt du modèle BUBBLE par la Société BEE FLY ; Considérant que cette

déclaration écrite de la Société SUAN KUAN, tout comme les certificats établis par elle les 21 et 23 février 2000, ne saurait être dénuée de valeur probante au seul motif qu'elle n'est pas conforme aux dispositions de l'article 202 du Nouveau Code de Procédure Civile, dans la mesure où elle corrobore l'antériorité revendiquée par les sociétés intimées sur la base de la commande d'échantillons du 21 juin 1997 et de l'offre de prix du 04 septembre 1997 ; Considérant qu'au surplus, la société appelante ne conteste pas qu'avant de déposer son modèle en février 1998, elle a fait procéder à la fabrication des chaussures correspondant à ce modèle, en s'adressant à ses fournisseurs du sud-est asiatique, lesquels, ainsi que le relève à juste titre le Tribunal, se sont trouvés en mesure, dès 1997, de créer l'antériorité qui lui est opposée dans le cadre de la présente procédure ; Considérant que, dès lors qu'au regard de ce qui précède, l'authenticité des pièces communiquées en original doit être tenue pour acquise, la preuve est suffisamment rapportée que, dès le mois de juin 1997, était divulgué un modèle de chaussures correspondant à celui commercialisé par la Société COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE sous le numéro 2384 170 688 ; Considérant qu'il apparaît en outre que ce modèle, identique à celui ayant fait l'objet de la saisie en date du 19 mai 1999, présente toutes les caractéristiques du modèle BUBBLE déposé le 05 février 1998 par la Société BEE FLY ; Considérant qu'en effet, il comporte le talon à semelle compensée, les bandes à attache velcro et le profil cranté sur les parties gauche et droite de la chaussure avec un arc en ciel en son milieu, lesquels sont reproduits dans le modèle déposé par la société appelante ; Considérant que, par voie de conséquence, sans même qu'il y ait lieu de s'attarder sur les autres antériorités invoquées par les sociétés intimées, celles-ci sont bien fondées à opposer à la société appelante une antériorité de toute pièce,

certaine dans sa date et dans sa consistance, ayant pour effet de détruire la nouveauté du modèle litigieux ; Considérant qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la Société BEE FLY de l'ensemble de ses demandes du chef de contrefaçon. SUR LA DEMANDE DE DOMMAGES-INTERETS POUR CONCURRENCE DELOYALE :

Considérant qu'au soutien de sa demande en paiement de la somme de 60.979,61 euros (400.000 F) du chef de concurrence déloyale, la Société BEE FLY fait valoir que la Société C.E.C., professionnel de la chaussure, a cherché à se placer dans son sillage, en portant atteinte au pouvoir attractif du modèle BUBBLE, et en profitant indûment de ses efforts de création et de promotion publicitaire ; Mais considérant qu'elle ne rapporte pas la preuve d'agissements fautifs susceptibles d'être imputés à la société intimée, indépendamment de ceux invoqués par elle à l'appui de son action en contrefaçon dont elle est déboutée; Considérant que la seule diffusion par la Société C.E.C. des marchandises litigieuses à un prix inférieur à celui du produit commercialisé par la société appelante ne constitue pas en soi un acte constitutif de concurrence déloyale, dès lors qu'il n'est nullement établi que cette diffusion s'est accompagnée de pratiques illicites de dénigrement ou de détournement de la clientèle au détriment de la Société BEE FLY ; Considérant qu'il n'est pas davantage démontré que la société intimée aurait, pour commercialiser ses propres articles argués à tort de contrefaçon, profité indûment des investissements, publicitaires ou autres, réalisés par sa concurrente en vue de la promotion de son modèle BUBBLE ; Considérant qu'il y a donc lieu de confirmer la décision entreprise également en ce qu'elle a débouté la Société BEE FLY de sa demande de dommages-intérêts du chef de concurrence déloyale. SUR LES DEMANDES ANNEXES : Considérant que, dans la mesure où les demandes principales de la Société BEE FLY à l'encontre de la

Société C.E.C. sont rejetées, il convient, en confirmant le jugement déféré, de déclarer sans objet l'appel en garantie diligenté par cette dernière à l'encontre de son fournisseur ; Considérant que la Société BEE FLY n'a pas agi abusivement en exerçant dans des conditions régulières une voie de recours qui lui ouvrait droit à un nouvel examen par la juridiction d'appel des prétentions formulées par elle en première instance ; Considérant qu'il y a donc lieu de débouter la Société C.E.C. de sa demande de dommages-intérêts pour procédure et appel abusifs ; Considérant que, dès lors qu'elle a été assignée à titre principal en contrefaçon, la Société C.E.C. a légitimement attrait dans la cause la Société CHARMY SHOES LTD, laquelle lui a vendu les marchandises litigieuses prétendument contrefaisantes ; Considérant que la décision entreprise doit donc être infirmée en ce qu'elle a statué sur les dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et en ce qu'elle a condamné la Société C.E.C. à payer une indemnité de procédure à la Société CHARMY SHOES LTD ; Considérant que l'équité commande de mettre à la charge de la Société BEE FLY, et en faveur de chacune des sociétés intimées, une indemnité globale de 2.500 euros en remboursement des frais non compris dans les dépens exposés par elles tant en première instance qu'en appel ; Considérant qu'il n'est en revanche pas inéquitable que la société appelante supporte les frais non compris dans les dépens qu'elle a engagés dans le cadre de la présente instance ; Considérant qu'il convient, par voie d'infirmation partielle, de condamner la Société BEE FLY aux dépens de première instance, en ce compris ceux de l'appel en garantie ; Considérant que cette dernière, qui succombe en son recours, doit être condamnée aux dépens d'appel. PAR CES MOTIFS La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

DECLARE recevable l'appel interjeté par la Société BEE FLY, le dit

mal fondé; CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions, hormis en ce qu'il a statué sur les dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et sur les dépens ; Statuant à nouveau de ces derniers chefs : CONDAMNE la Société BEE FLY à payer à la Société COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE (C.E.C.) et à la Société CHARMY SHOES LTD, pour chacune d'entre elles, la somme globale de 2.500 euros en remboursement des frais non compris dans les dépens exposés par elles tant en première instance qu'en appel ; DIT n'y avoir lieu à condamnation de la Société COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE (C.E.C.) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; DEBOUTE la Société COMPAGNIE EUROPEENNE DE LA CHAUSSURE (C.E.C.) de sa demande de dommages-intérêts pour procédure et appel abusifs; CONDAMNE la Société BEE FLY aux dépens de première instance, en ce compris ceux de l'assignation en garantie, et d'appel, et AUTORISE la SCP LISSARRAGUE-DUPUIS etamp; BOCCON-GIBOD, et la SCP KEIME etamp; GUTTIN, Sociétés d'Avoués, à recouvrer directement la part les concernant, conformément à ce qui est prescrit par l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET REDIGE PAR MONSIEUR FEDOU, CONSEILLER ecouvrer directement la part les concernant, conformément à ce qui est prescrit par l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET REDIGE PAR MONSIEUR FEDOU, CONSEILLER, PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE PRESIDENT M. THERESE GENISSEL

FRANOEOISE Y...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 2002-00274
Date de la décision : 27/11/2003

Analyses

DESSINS ET MODELES - Protection - Conditions - Caractère de nouveauté - Antériorité

La validité d'un modèle s'apprécie à la date de son dépôt et si l'antériorité est de nature à détruire la nouveauté, c'est à condition d'avoir date certaine et d'être de toute pièce, c'est-à-dire présenter toutes les caractéristiques du dessin ou du modèle. La preuve de la date peut être rapportée par tous moyens, notamment par attestation, sans qu'à cet égard importe la circonstance que celle-ci ne serait pas conforme à l'article 202 du code de procédure civile, dès lors que la production d'éléments extrinsèques en corrobore le contenu, permettant d'en garantir l'authenticité


Références :

code de procédure civile, article 202

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2003-11-27;2002.00274 ?
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