La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/10/2003 | FRANCE | N°03/00340

France | France, Cour d'appel de Versailles, 30 octobre 2003, 03/00340




L/B du 30 OCTOBRE 2003 RG : 03/00340 X... COUR D'APPEL DE VERSAILLES Arrêt prononcé publiquement le TRENTE OCTOBRE DEUX MILLE TROIS, par Monsieur RIOLACCI, Président de la 8ème chambre des appels correctionnels, en présence du ministère public, Nature de l'arrêt : CONTRADICTOIRE Sur appel d'un jugement du tribunal correctionnel de Nanterre,12ème chambre, du 24 octobre 2002. POURVOI : COMPOSITION DE LA COUR lors des débats, du délibéré, et au prononcé de l'arrêt Président



:


:




Monsieur Y..., Monsieur BOIFFIN, DÉCISI

ON : voir dispositif MINISTÈRE PUBLIC :

Madame BRASIER DE Z..., GREFFIER



:




Madame A... lor...

L/B du 30 OCTOBRE 2003 RG : 03/00340 X... COUR D'APPEL DE VERSAILLES Arrêt prononcé publiquement le TRENTE OCTOBRE DEUX MILLE TROIS, par Monsieur RIOLACCI, Président de la 8ème chambre des appels correctionnels, en présence du ministère public, Nature de l'arrêt : CONTRADICTOIRE Sur appel d'un jugement du tribunal correctionnel de Nanterre,12ème chambre, du 24 octobre 2002. POURVOI : COMPOSITION DE LA COUR lors des débats, du délibéré, et au prononcé de l'arrêt Président

:

:

Monsieur Y..., Monsieur BOIFFIN, DÉCISION : voir dispositif MINISTÈRE PUBLIC :

Madame BRASIER DE Z..., GREFFIER

:

Madame A... lors des débats Madame B... lors du prononcé de l'arrêt PARTIES EN CAUSE Bordereau Nä du X... né le .......... à .................. de Lucien X... et de Raymonde G de nationalité française, marié demeurant............78 Jamais condamné, libre, comparant, assisté de Maître DUBOIS Jean, avocat au barreau de PARIS (conclusions) PARTIES CIVILES C... Nathalie Demeurant 22, rue de l'Atre Périlleux - 95350 SAINT BRICESOUS FORET Comparante, assistée de Maître DELMAS Jean François, avocat au barreau de NANTERRE (conclusions) D... Nadir Demeurant 22, rue de l'Atre Périlleux - 95350 SAINT BRICE SOUS FORET Comparant, assisté de Maître DELMAS Jean François, avocat au barreau de NANTERRE (conclusions) CIVILEMENT RESPONSABLE HOPITAL DU NORD 92 75 avenue de Verdun - 92390 VILLENEUVE LA GARENNE Représenté par Maître Valérie Flore DUBOIS substituant Maître BESSIS-HELLMANN, avocat au barreau de PARIS (conclusions) RAPPEL DE LA PROCÉDURE : LE JUGEMENT : Par jugement contradictoire en date du 24 octobre 2002, le tribunal correctionnel de Nanterre a déclaré X... coupable de :

HOMICIDE INVOLONTAIRE, le 19 octobre 1996 , à VILLENEUVE LA GARENNE, infraction prévue par l'article 221-6 AL.1 du Code pénal et réprimée par les articles 221-6 AL.1, 221-8, 221-10 du Code pénal SUR L'ACTION PUBLIQUE : L'a condamné à 1 an d'emprisonnement avec sursis, a mis l'Hôpital Nord 92 hors de cause. SUR L'ACTION CIVILE: a déclaré recevable, en la forme, la constitution de partie civile de Nathalie C..., a déclaré recevable, en la forme, la constitution de partie civile de Nadir D..., a déclaré X... entièrement responsable des conséquences dommageables de l'infraction subies par les parties civiles, a condamné X... à payer à Nathalie C..., partie civile, la somme de 15 000 au titre du pretium doloris (jugement rectificatif d'erreur matérielle du 5 mai 2003) a condamné Xà payer à Nadir D..., partie civile, la somme de 15 000 ä au titre du préjudice doloris, a condamné X... à payer à Nathalie C... et Nadir D... la somme de 1 500 ä au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, a condamné X... aux dépens de l'action civile. LES APPELS : Appel a été interjeté par : X... le 24 octobre 2002, M. le Procureur de la République le 24 octobre 2002. DÉROULEMENT DES DÉBATS : A l'audience publique du 18 Septembre 2003, Monsieur le Président a constaté l'identité du prévenu qui comparaît assisté de son conseil ;

Ont été entendus : Monsieur BOIFFIN, conseiller, en son rapport, Monsieur RIOLACCI, le président en son interrogatoire, Le prévenu en ses explications, Madame C..., en ses observations, Monsieur D..., en ses observations, Maître DELMAS, avocat en ses plaidoirie et conclusions, Madame BRASIER DE Z..., substitut général en ses réquisitions, Maître DUBOIS avocat en ses plaidoirie et conclusions, Le prévenu a eu la parole en dernier. MONSIEUR LE PRÉSIDENT A ENSUITE AVERTI LES PARTIES QUE L'ARRÊT SERAIT PRONONCÉ À L'AUDIENCE DU 30 OCTOBRE 2003 CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 462 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE. DÉCISION La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, jugeant publiquement, a rendu l'arrêt suivant : LE RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE Le 22 mai 1997, Nadir D... et Nathalie C... déposaient plainte contre X... des chefs d'homicide involontaire et actes de barbarie sur personne vulnérable auprès du doyen des juges d'instruction du Tribunal de Grande Instance de NANTERRE. Ils mettaient en cause les conditions dans lesquelles Nathalie C..., alors âgée de 27 ans, avait accouché le 19 octobre 1996 à 17h16 dans le service de gynécologie obstétrique de l'Hôpital Nord 92 de VILLENEUVE LA GARENNE de leur premier enfant, Léa, laquelle était décédée 4 jours après sa naissance, le 23 octobre 1996. L'information ouverte à la suite du dépôt de plainte permettait d'établir la chronologie des faits ainsi qu'il suit. Nathalie C... dont la grossesse avait été à l'origine suivie à l'hôpital BEAUJON mais qui, en raison d'un risque d'accouchement prématuré, avait été déjà hôspitalisée à l'hôpital NORD 92 du 19 septembre au 10 octobre 1996, était admise le samedi 19 octobre 1996 vers 10h30 à la maternité de cet hôpital pour y accoucher. Elle était prise en charge par la sage-femme de garde, Mme E... qui constatait le début des contractions utérines avec une dilatation du col à 04 - 05 cms ainsi qu'une tension normale, un bilan sanguin étant pratiqué à 10h45 en

vue d'une éventuelle péridurale. Françoise BONIFACE, sage-femme ayant relevé Mme E... à 11h00, notait vers 12h00 une dilatation du col à 07 - 08 cms, avec une présentation céphalique mal fléchie en droite postérieure, le travail se déroulant normalement, puis, à 12h10, la rupture des membranes et, vers 12h30, la dilatation complète du col ; elle décidait à ce moment de faire pousser la patiente pour commencer la dernière phase d'expulsion de l'enfant, étant observé qu'à l'arrivée, vers 12h15, du bilan biologique qui était normal, il était trop tard pour effectuer une péri-durale compte-tenu de la dilatation du col presque complète. Les efforts expulsifs de la mètre s'étant avérés inefficaces, même accompagnés d'expressions (poussées sur le fond utérin) pratiquées par la sage-femme, celle-ci prenait l'initiative, vers 13h45, soit après environ 1h15 de travail, d'appeler le gynécologue de garde ;après avoir pris connaissance, a-t-elle déclaré, du tableau de permanence affiché en salle de travail, Françoise BONIFACE téléphonait ainsi au Docteur X..., chef de service de la maternité, alors en consultation dans le cadre de l'exercice de son activité libérale. Ce dernier lui adressait le Docteur F..., interne en spécialité, qui, aux dires de Françoise BONIFACE, aurait indiqué qu'il fallait attendre. Vers 14h00, Françoise BONIFACE rappelait le Docteur X... qui se déplaçait pour examiner lui-même Nathalie C.... Il prévoyait un accouchement naturel rapide, estimait que la patiente devait continuer à pousser et prescrivait la prise de SYNTOCINON par perfusion pour améliorer la qualité des contractions utérines après avoir transformé en 2 poussées une présentation céphalique postérieure de l'enfant en position antérieure pour faciliter l'accouchement. A 14h30, Françoise BONIFACE qui constatait que la situation n'évoluait toujours pas après 2 heures de travail, demandait à l'auxiliaire de puériculture présente sur les lieux, Marie-Christine CHANDELIER, de rappeler au

téléphone le Docteur X..., lequel répondait qu'il n'était pas nécessaire d'avoir recours aux forceps tant que le bébé allait bien, le monitoring étant bon pendant cette période selon la feuille de suivi de grossesse, et qu'il fallait laisser celui-ci descendre "le temps qu'il faudrait". G... Françoise BONIFACE et Marie-Christine CHANDELIER, le Docteur X... qui conteste quant à lui avoir tenu de tels propos, leur aurait demandé "si c'était pour leur confort ou celui de la patiente qu'elles voulaient un forceps" et aurait ajouté qu'il était inutile de le rappeler pour le lui demander à nouveau. La situation restait inchangée jusqu'à 16h30, heure à laquelle le Docteur X... rappelait Françoise BONIFACE avant de quitter l'hôpital. Apprenant que l'accouchement n'était toujours pas terminé, il lui indiquait à ce moment qu'il n'était pas de garde et qu'il convenait qu'elle fasse appel à l'interne, le Docteur F..., pour pratiquer un forceps. Françoise BONIFACE préférait cependant avoir recours au Docteur Christian H..., obstétricien de garde à son domicile, lequel arrivait à 16h50 et demandait de faire venir l'anesthésiste. Devant l'accélération du rythme cardiaque foetal, le Docteur H... décidait toutefois de poser un forceps sans attendre l'arrivée de l'anesthésiste. C'est dans ces conditions que naissait à 17h16 l'enfant Léa qui présentait un état très hypotonique, avec un AGPAR à 5, et une importante bosse séro-sanguine. Aucun pédiatre n'étant de garde à l'hôpital et le Docteur H... ainsi que l'anesthésiste arrivé vers 17h15 devant s'occuper d'un autre accouchement difficile, l'enfant était confié à l'auxiliaire puéricultrice, Marie-Christine CHANDELIER, qui pratiquait les soins habituels puis, à 17h30, le plaçait en couveuse sous oxygène. Constatant vers 18h30 une pâleur et une aggravation de son état de santé, le Docteur Christian H... faisait intervenir le SMUR pédiatrique qui arrivait à 18h55 et pratiquait une réanimation intensive sur place avant de transférer

l'enfant dans le service de cardiologie de l'hôpital NECKER Enfants Malades où celui-ci décédait le 23 octobre 1996 à 23h30 "des suites d'une souffrance majeure sur collapsus hémorragique secondaire à un céphalématome volumineux" suivant le rapport du Docteur I...
G... l'expert LASFARGUES, commis par le magistrat instructeur, la cause de la mort de l'enfant Léa était "une anémie aiguù sur une très volumineuse bosse séro-sanguine réalisant une véritable dissection du scalp, descendant dans le cou et le thorax, compliquée de troubles neurologiques et hématologiques....", l'expert précisant que "plus l'accouchement traîne en longueur, plus la bosse séro-sanguine avait des chances d'être volumineuse par un processus mécanique de traumatisme répété" et ajoutant qu'il est tout à fait exceptionnel qu'elle puisse atteindre le volume dont fut victime la petite Léa avec une déperdition sanguine aussi marquée et sans trouble de la coagulation". Ce même expert concluait à l'existence d'une faute d'imprudence, d'inattention, de négligence ou de manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imputable au Docteur X... et ayant un lien de causalité avec la mort de l'enfant Léa dès lors que "les efforts de poussée insuffisants complétés par une expression inefficace au bout d'une heure devaient faire envisager l'extraction de l'enfant par forceps vers 13h45 - 14h00, l'examen pratiqué à ce moment par le Docteur X... rendant la chose tout à fait possible et sans difficulté majeure" et que "la prolongation anormale et longue de l'accouchement n'avait pu que favoriser le développement de la bosse séro-sanguine....". L'expert LASFARGUES maintenait ces conclusions dans un complément d'expertise sollicité par le Docteur X... même s'il relevait le comportement de la sage-femme qui était "restée silencieuse pendant 2 heures sans informer le médecin de garde alors que la situation lui paraissait préoccupante" ainsi que l'insuffisance des moyens du service de gynécologie-obstétrique de

l'hôpital NORD 92 dont l'organisation et la structure ne permettaient pas de faire face dans des conditions de sécurité satisfaisante à la situation consécutive à la naissance de l'enfant Léa (absence de pédiatre de garde à l'hôpital, nécessité pour l'équipe médicale de prendre en charge un autre accouchement difficile dès après cette naissance). Mis en examen le 16 mars 2000, le Docteur X... réfûtait sa responsabilité dans le décès de l'enfant en faisant principalement valoir que : - le recours aux forceps ne s'imposait pas encore à 14h30 dès lors que le rythme cardiaque foetal tel que constaté au monitoring était normal et qu'il était persuadé que l'enfant sortirait spontanément vers 15h00 en raison de la prise de SYNTOCINON vers 14h15, médicament dont les effets devaient se faire sentir au bout de 30 à 45 minutes, - la sage-femme Françoise BONIFACE ne l'avait pas rappelé entre 14h30 et 16h30 pour l'informer de la situation et, en particulier, du fait que l'accouchement n'avait pas eu lieu à 15h00, alors que si tel avait été le cas, il aurait sans doute pris dès ce moment là, la décision de prescrire un forceps, - il ne saurait être tenu pour responsable de l'insuffisance des moyens du service relevée par l'expert, ni de ses dysfonctionnements (mauvaise appréciation de l'état de l'enfant à la naissance, dont la surveillance a été confiée à une simple auxiliaire puéricultrice, appel tardif au SAMU) après qu'il ait quitté l'hôpital vers 16h50 en s'étant au préalable assuré de l'arrivée du Docteur Christian H..., gynécologue de garde. Sur réquisitions conformes du Ministère Public, il était néanmoins renvoyé devant le Tribunal Correctionnel de NANTERRE pour avoir, à VILLENEUVE LA GARENNE, le 19 octobre 1996, par maladresse, imprudence, inattention ou négligence, involontairement causé la mort de l'enfant Léa D... décédé à PARIS le 23 octobre 1996. Devant la Cour, X..., appelant principal des dispositions pénales et civiles du jugement entrepris, a sollicité, à

titre principal, l'infirmation de toutes ces dispositions et sa relaxe des fins de la poursuite. A titre "très subsidiaire", dans le cas où sa culpabilité serait cependant retenue, il a demandé à la Cour : - sur le plan pénal, de lui faire une application "plus bienveillante" de la loi, en l'état, notamment, de la désorganisation des services de l'hôpital NORD 92, - sur le plan civil, de déclarer l'hôpital NORD 92 civilement responsable de son préposé et, en conséquence, de le condamner "conjointement et solidairement" avec lui à verser à Nathalie C... la somme de 15 000 ä en réparation de son préjudice moral ou "telle somme qu'il lui plairait de décider, avec cette circonstance que cette somme ne saurait être supérieure eu égard à l'absence d'appel" de la partie civile, - d'infirmer le jugement du Tribunal en ce qu'il avait attribué, à tort, par erreur matérielle, à Nadir D... la somme de 15 000 ä au titre du pretium doloris, somme qui n'avait pas été réclamée, - lui donner acte de ce qu'il s'en rapportait quant au montant des sommes allouées aux parties civiles au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale. Au soutien de sa demande de relaxe, il fait valoir des moyens identiques à ceux qu'il avait développés devant le juge d'instruction et qui ont été précédemment exposés. Il soutient que le reproche, formulé par l'expert LASFARGUES et retenu par le Tribunal pour fonder sa décision de culpabilité, de ne pas avoir pratiqué ou fait pratiquer un accouchement par forceps dès 14h00 ne pouvait caractériser une négligence inadmissible mais seulement, à le supposer justifié, ce qu'il contestait, une erreur de diagnostic insusceptible d'entraîner sa condamnation pénale, faisant en outre observer que ni lui-même, lors de l'examen réalisé à 14h00, ni, par la suite et avant la naissance, la sage-femme et le Docteur H... n'avaient noté l'existence d'une bosse séro-sanguine. Le Ministère Public, appelant incident, relevait que la responsabilité pénale du

prévenu devait désormais s'apprécier au regard des dispositions nouvelles de l'article 121-3 du Code pénal issues de la loi du 10 juillet 2000 relative aux délits d'homicide ou de blessures non intentionnels. Estimant que seul serait susceptible de constituer la faute caractérisée exigée par ces nouvelles dispositions, le fait pour le Docteur X... de n'être pas intervenu entre 16h30, heure à laquelle il avait appris, à la suite de son appel, que l'accouchement n'avait toujours pas eu lieu, et 16h50, heure d'arrivée du Docteur Christian H..., pour pratiquer cet accouchement en ayant recours aux forceps, l'Avocat Général s'en est cependant remis à la sagesse de la Cour en notant qu'à ce moment, le monitoring foetal était toujours bon et que la présence d'une bosse séro-sanguine n'avait pas encore été notée. Nathalie C... et Nadir D... parties civiles non appelantes, ont sollicité la confirmation du jugement entrepris et ont demandé à la Cour de : - condamner X... à leur verser à l'un et à l'autre la somme de 15 000 ä en réparation de leur préjudice moral, outre 3 000 ä au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, ainsi qu'à Nathalie C... la somme de 15 000 ä au titre de son pretium doloris, - subsidiairement, faire application de l'article 470-1 du Code de procédure pénale, - dire que l'arrêt à intervenir serait opposable à l'hôpital NORD 92. L'hôpital NORD 92, cité devant le Tribunal à la requête de Xen qualité de civilement responsable a demandé à la Cour de : - lui donner acte de ce qu'il ne conteste pas sa qualité de civilement responsable du Docteur X..., - prononcer la relaxe de ce dernier des fins de la poursuite et, en conséquence, de débouter les parties civiles de toutes leurs demandes, en ce comprises celles fondées sur l'article 470-1 du Code de procédure pénale, "la faute civile n'existant pas" en cas de relaxe, - très subsidiairement, en cas de condamnation, dire n'y avoir lieu à indemnité au titre du pretium doloris invoqué par

Nathalie C...," non plus qu'au titre du préjudice moral non retenu par le Tribunal et vu l'absence d'appel des parties civiles, - "encore plus subsidiairement, évaluer le préjudice moral à la somme de 11 000 ä sous réserves de ce que les parties civiles établissent leur situation familiale actuelle", - rejeter les demandes des parties civiles fondées sur l'article 475-1 du Code de procédure pénale. SUR CE, LA COUR Considérant que les appels interjetés dans les délais et formes légaux, sont recevables; Sur l'action publique : Considérant que depuis l'entrée en vigueur de la loi nä2000-647 du 10 juillet 2000 modifiant l'article 121-3 du Code pénal, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elle ne pouvait ignorer ; que ces dispositions nouvelles, moins sévères que les anciennes, doivent recevoir application en l'espèce, s'agissant d'une infraction commise avant leur entrée en vigueur mais qui n'a donné lieu à aucune condamnation passée en force de chose jugée ; Considérant que selon les conclusions de l'expert LASFARGUES, la mort de l'enfant Léa a pour origine "une anémie aiguù sur une très volumineuse bosse séro-sanguine....compliquée de troubles neurologiques et hématologiques (syndrome de coagulation intra-vasculaire disséminée)", le développement de cette bosse étant lui-même en relation avec "la prolongation anormale et longue de l'accouchement" ; Considérant que ses conclusions qui sont identiques à celles figurant dans le rapport du Docteur I..., médecin inspecteur de

la DDASS, n'ont pas fait l'objet de contestations précises et circinstanciées de la part du Docteur X...; qu'il ressort également des explications de l'expert qu'une durée de 2 heures environ après la dilatation complète du col est, en règle générale et sauf élément contraire (souffrance foetale en particulier) qui n'existait pas dans le cas présent, le temps autorisé pour patienter avant d'extraire l'enfant par forceps si celui-ci est déjà engagé ; Considérant qu'il est constant que bien que s'étant déplacé vers 14h00 pour examiner Nathalie C... et ayant été informé du déroulement de l'accouchement, le Docteur X... a, lors de l'appel téléphonique de Marie-Christine CHANDELIER, vers 14h30, rejeté l'idée d'avoir recours aux forceps alors qu'ainsi que l'a relevé l'expert LASFARGUES, plus de 2 heures s'étaient écoulées depuis la dilatation complète du col, que les efforts de poussée de la patiente, complétés par des expressions de la sage-femme, restaient sans résultats en dépit de la prise de SYNTOCINON une demi-heure environ auparavant et que cette absence d'efficacité devait faire craindre que l'enfant ne puisse sortir spontanément ; Considérant qu'étant chef de service de la maternité, il n'en ignorait pas l'insuffisance des moyens et qu'il se devait donc d'éviter toute complication ultérieure à laquelle ce service ne pourrait efficacement faire face ; Considérant qu'il était également souhaitable de mettre un terme aux douleurs de la mère qui n'avait pas bénéficié de péridurale ; Considérant que, s'agissant de la prise de SYNTOCINON dont le Docteur X... indique qu'elle ne devait produire tous ses effets que vers 15h00, il apparaît que ce dernier n'a pas pris le soin de s'en assurer alors qu'il avait pourtant prescrit son administration ; qu'il admet, en effet, n'être pas resté sur place après cette prescription et ne s'être pas plus informé de la poursuite de l'accouchement entre 14h30 et 16h30, ni, avoir donné aucune consigne particulière à ce sujet ; que bien qu'ayant pris en

charge cet accouchement en sachant qu'il n'était pas de garde, il n'a donc pas surveillé son bon déroulement entre 14h30 ou, à tout le moins, 15h00 et 16h30 ; Considérant qu'à cet égard, il ne saurait s'exonérer de sa propre responsabilité en invoquant la faute de la sage-femme, Françoise BONIFACE, qui ne l'a pas rappelé pendant ce laps de temps, étant ici observé que tant celle-ci que Marie Christine CHANDELIER ont déclaré qu'il avait exclu le recours aux forceps "tant que le bébé allait bien" ; Considérant qu'en ayant, dans ces conditions, omis de pratiquer ou de faire pratiquer un accouchement par forceps entre 14h30 et 16h30 alors qu'il disposait de la compétence et des moyens nécessaires à un tel acte, le Docteur X... a commis des négligences et imprudences qui ne sauraient se réduire à une simple erreur de diagnostic comme il le soutient mais ont, au contraire, constitué une faute caractérisée ; Considérant qu'en outre, il a renouvelé ce comportement fautif entre 16h30 et 16h50, heure à laquelle le Docteur Christian H... a lui-même pris en charge Nathalie C..., puisqu'informé du fait que l'accouchement n'avait pas encore eu lieu malgré ses prévisions, il ne s'est pas davantage déplacé pour examiner celle-ci, ni pour pratiquer lui-même la pose des forceps, s'étant contenté de dire à la sage-femme de faire appel à l'interne alors qu'il savait que l'enfant avait la tête engagée depuis plus de 2 heures ; Considérant que même si l'enfant ne présentait pas, à ce moment, de signe de souffrance, il ne pouvait donc ignorer la nécessité de procéder à son extraction le plus rapidement possible ; qu'au demeurant, il a lui même soutenu, pour sa défense que s'il avait su que l'accouchement n'avait pas eu lieu vers 15h00 comme il l'avait prévu, il aurait alors sans doute pris la décision d'avoir recours aux forceps dès cet instant ; Considérant que cette faute caractérisée n'a pas causé directement le dommage, soit la mort de l'enfant Léa, survenue 4 jours plus tard et à

laquelle d'autres facteurs ont pu ultérieurement concourir, tels que la mauvaise appréciation de son état de santé à sa naissance ou l'intervention tardive du SAMU, mais qu'elle a créé ou contribué à créer de façon certaine la situation à l'origine de sa survenance puisqu'il n'est pas contesté que le développement de la bosse séro-sanguine constatée à la naissance est lié à la prolongation anormale et longue de l'accouchement ; Considérant que le Docteur X... ne pouvait davantage ignorer le risque pour l'enfant d'une telle prolongation, risque que l'insuffisance des moyens et les difficultés de fonctionnement de la maternité aggravaient encore ; Considérant que les éléments constitutifs de l'infraction d'homicide involontaire qui lui est reprochée sont donc réunis et que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a retenu sa culpabilité ; Considérant, sur la peine, qu'il convient de tenir compte du fait que comme cela a déjà été dit, d'autres facteurs non imputables au Docteur X... ont pu concourir au décès de l'enfant Léa ; qu'il convient ainsi de réduire à six mois d'emprisonnement avec sursis à la peine décidée par le Tribunal ; Sur les intérêts civils : Considérant que Nathalie C... et Nadir D..., respectivement mère et père de l'enfant Léa, sont recevables et fondés à demander réparation du préjudice moral que leur a causé le décès de leur premier enfant et qui résulte directement du délit d'homicide involontaire dont a été reconnu coupable X...; Considérant que le Tribunal, s'il a justement évalué ce préjudice à la somme de 15 000 ä pour chacun des parents, a, en revanche, dans le dispositif de sa décision, inexactement alloué cette somme au titre de la réparation du prétium doloris alors que Nadir D... n'avait sollicité aucune indemnité à ce titre et que la demande formée par Nathalie C... sur ce fondement ne pouvait être accueillie, le Docteur X... n'étant pas poursuivi pour avoir commis des blessures involontaires sur sa personne ; qu'il convient en

conséquence de réformer en ce sens la décision déférée ; Considérant qu'il n'est pas discuté que le Docteur X... a commis l'infraction qui lui est reprochée dans le cadre de l'exercice de ses fonctions d'employé de l'hôpital NORD 92 de VILLENEUVE LA GARENNE dont il était le préposé ; Considérant que cet établissement privé qui ne conteste d'ailleurs pas sa qualité de civilement responsable doit donc, en cette qualité, être condamné solidairement avec le Docteur X... à réparer le dommage subi par les parties civiles ; qu'enfin, l'équité commande d'élever à 2 000 ä la somme allouée aux parties civiles par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale pour l'ensemble de la procédure de première instance et d'appel ; PAR CES MOTIFS LA COUR, après en avoir délibéré , Statuant publiquement, et contradictoirement, Sur l'action publique : Confirme le jugement entrepris sur la culpabilité, Le réformant sur la peine, condamne X... à six mois d'emprisonnement avec sursis, Dit que l'avertissement prévu par l'article 132-29 du Code de procédure pénale a été donné au condamné. Sur les intérêts civils :

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a reçu la constitution de partie civile de Nathalie C... et de Nadir D..., Le réformant pour le surplus, Déclare l'hôpital NORD 92 de VILLENEUVE LA GARENNE civilement responsable de son préposé X..., Condamne solidairement X... et l'hôpital NORD 92 à verser à Nathalie C... et à Nadir D..., pour chacun d'eux, la somme de 15 000 ä à titre de dommages et intérêts, en réparation de leur préjudice moral, Condamne solidairement X... et l'hôpital NORD 92 à verser à Nathalie C... et à Nadir D... la somme de 2 000 ä par application des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale , Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, Condamne solidairement X... et l'hôpital NORD 92 aux dépens de l'action civile. Et ont signé le présent arrêt, le président et leépens de l'action civile. Et ont signé le présent

arrêt, le président et le greffier.

LE GREFFIER,

LE PRÉSIDENT. Décision soumise à un droit fixe de procédure (article 1018A du code des impôts) :120,00 ä


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 03/00340
Date de la décision : 30/10/2003
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2003-10-30;03.00340 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award