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25/09/2003 | FRANCE | N°2001-06911

France | France, Cour d'appel de Versailles, 25 septembre 2003, 2001-06911


FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES : 5 Dans le cadre de la réalisation, au QATAR, d'un important programme industriel pétrolier, le "joint venture" sociétés KTI, TECHNIP et CORPORATION DES PETROLES DU QATAR a confié à la société JULES ROY, aujourd'hui dénommée SCHENKER BTL, par un contrat signé en janvier 1995, l'organisation d'un transport international par voie maritime, depuis l'Italie jusqu'au Qatar, de 14 colis représentant un poids total de 185.557 kilos. L'exécution de l'opération de transport a rencontré des difficultés, la cargaison a subi des avaries et certaines

des marchandises étaient manquantes après l'arrivée. Le chargem...

FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES : 5 Dans le cadre de la réalisation, au QATAR, d'un important programme industriel pétrolier, le "joint venture" sociétés KTI, TECHNIP et CORPORATION DES PETROLES DU QATAR a confié à la société JULES ROY, aujourd'hui dénommée SCHENKER BTL, par un contrat signé en janvier 1995, l'organisation d'un transport international par voie maritime, depuis l'Italie jusqu'au Qatar, de 14 colis représentant un poids total de 185.557 kilos. L'exécution de l'opération de transport a rencontré des difficultés, la cargaison a subi des avaries et certaines des marchandises étaient manquantes après l'arrivée. Le chargement était assuré par vingt-quatre compagnies, la société néerlandaise HANNOVER INTERNATIONAL INSURANCE NETHERLAND NV étant l'apéritrice. Les sociétés KTI et TECHNIP ont reçu, en tant que propriétaire de la cargaison, une indemnisation de leur préjudice à concurrence d'une somme de 739.931 DFL. Se déclarant subrogés, les assureurs ont assigné la société JULES ROY devant le tribunal de commerce de Nanterre pour obtenir le remboursement des sommes payées à leurs assurées. Celle-ci a appelé en garantie les sociétés SAVING SHIPPING etamp; FORWARDING SRL dont le siège social est à Opera (Italie) et LUBERON SHIPPING Cä installée à Chypre. Cette dernière a elle-même appelé en garantie les sociétés AGESTAR SRL, SAVING SHIPPING etamp; FORWARDING SRL et MULTI SERVICE SRL. Par un premier jugement rendu le 11 septembre 1998, cette juridiction a rejeté le moyen de prescription qu'avait opposé la société JULES ROY aux demandes et a renvoyé l'affaire pour statuer sur le fond. Par un second jugement rendu le 07 septembre 2001, le tribunal a : - dit recevable l'action des sociétés KTI, TECHNIP et des assureurs, - condamné la société JULES ROY à leur payer 606.093 DFL représentant 80% du préjudice global avec intérêts légaux calculés à compter du jugement et capitalisés, - dit prescrit l'appel en garantie de la société JULES

ROY contre la société SAVING SHIPPING etamp; FORWARDING SRL, - déclaré non fondé l'appel en garantie de la société JULES ROY contre la société LUBERON SHIPPING Cä qu'il a mise hors de cause, - dit non fondé l'appel en garantie de la société LUBERON SHIPPING Cä à l'encontre de la société AGESTAR SRL, la société SAVING SHIPPING etamp; FORWARDING SRL et la société MULTI SERVICE SRL, - ordonné l'exécution provisoire, - condamné la société JULES ROY à payer, sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile 70.000 francs (10.671,43 euros) aux sociétés KTI, TECHNIP et aux vingt-quatre assureurs, 30.000 francs (4.573,47 euros) à la société LUBERON SHIPPING Cä, 25.000 francs (3.811,23 euros) à la société SAVING SHIPPING etamp; FORWARDING SRL et 10.000 francs (1.524,49 euros) à chacune des sociétés AGESTAR SRL et MULTI SERVICE SRL. Pour statuer ainsi, les premiers juges ont retenu que les assureurs justifiaient du contrat d'assurance et d'une subrogation régulière, que la responsabilité de KTI TECHNIP était partiellement engagée en raison des réserves portées sur le connaissement, que la société JULES ROY avait manqué à ses obligations contractuelles en informant trop tardivement l'expéditeur des réserves au chargement du navire et en ne veillant pas au respect des instructions de chargement en cale. Ils ont fait droit à l'exception d'irrecevabilité soulevée par la société SAVING SHIPPING etamp; FORWARDING SRL à raison de la tardiveté de l'appel en garantie au regard du droit italien. Ils ont rejeté l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société LUBERON SHIPPING Cä qu'ils ont mise hors de cause en considérant que ne pouvait être retenue sa responsabilité puisque la société JULES ROY avait accepté le chargement en ponté. La société SCHENKER BTL a interjeté appel de ces deux décisions et par ordonnance du 28 février 2002, le conseiller de la mise en état a prononcé la jonction des procédures. Elle expose que le contrat de commission de transport est

soumis au droit français, explique que les sociétés KTI, TECHNIP et les assureurs l'ont assignée par acte du 17 avril 1996 à comparaître devant le tribunal de commerce de Nanterre pour une audience du 16 mai suivant, laquelle était inexistante puisque cette date était celle du jour de la fête de l'Ascension. Elle en déduit que l'assignation était nulle en observant qu'elle n'a pas été placée. Elle soutient que l'assignation litigieuse n'est pas atteinte d'une nullité de forme mais est un acte inexistant dès lors qu'elle est privée d'un élément essentiel et sans qu'il soit besoin d'un grief. Subsidiairement, si l'acte n'était atteint que d'une nullité de forme, elle prétend que l'article 114 du nouveau code de procédure civile n'est pas applicable dans le cas de mention d'une date d'audience non valable et qu'en outre et subsidiairement elle l'a empêchée de défendre correctement ses droits, notamment dans l'exercice des actions récursoires. Elle fait valoir que, dans ces circonstances, la sanction de l'article 2247 du code civil est applicable et que l'interruption de la prescription est regardée comme non avenue. Elle observe que les demanderesses ont alors délivré une seconde assignation le 10 mai 1996 alors que la prescription de l'article 108 (en réalité L.133-6) du code de commerce était acquise. Elle affirme que la mention "sur et aux fins" ne peut constituer régularisation de la nullité de la précédente assignation. Ainsi conclut-elle à l'infirmation du jugement rendu le 11 septembre 1998 et demande de déclarer les demanderesses irrecevables comme prescrites en leurs demandes et de les en débouter. Subsidiairement elle conclut à l'infirmation du jugement du 07 septembre 2001. Elle fait valoir que la lettre de subrogation est postérieure de huit mois à l'assignation de telle sorte qu'à la date de celle-ci, les compagnies n'étaient pas recevables à agir. Elle observe que la concomitance entre le paiement et l'acte de

subrogation n'est pas établie. Elle en infère que la demande des assureurs est irrecevable. Elle observe que la police d'assurance est intervenue entre une société de droit hollandais et une coassurance ne comportant à l'origine aucune société française. Elle en déduit que le droit français est inapplicable aux relations entre l'assuré et les assureurs, que les premiers juges ne pouvaient faire application de l'article 172-29 du code français des assurances et que l'article 126 du nouveau code de procédure civile est inapplicable en l'espèce. Aussi soutient-elle que les assureurs qui ne rapportent pas la preuve de l'existence de leurs droits d'action, ne peuvent qu'être déclarés irrecevables. Elle ajoute subsidiairement que les sociétés KTI et TECHNIP qui ont été indemnisées par leurs assureurs ont perdu tout intérêt à agir. Relativement à sa responsabilité de commissionnaire, elle approuve les premiers juges d'avoir considéré qu'elle commençait à la partie du transport "FOB Porto Marghera", selon la "notification of shipping" du 23 février 1993 et en déduit que ne sauraient lui incomber les avaries ayant fait l'objet de réserves au connaissement et ayant été acceptées par l'expéditeur. A cet égard, elle expose avoir mandaté son correspondant SAVING SHIPPING etamp; FORWARDING SRL au port d'embarquement et souligne que le commettant était averti des avaries. Elle expose qu'aux termes du contrat sa prestation se terminait au port d'arrivée de Doha avant déchargement, que cette opération est intervenue le 17 avril 1993 en qu'en l'absence de réserves dans le délai prévu par la Convention de Bruxelles applicable, le commissionnaire comme le navire bénéficient d'une présomption de livraison conforme. Affirmant que les expertises sont sans portée, elle soutient que les intimées ne rapportent pas la preuve que le sinistre s'est produit pendant que la marchandise était sous son contrôle ou celui de ses substitués. Subsidiairement elle

dénie avoir enfreint les instructions de son commettant, ni autorisé le chargement sur le pont, dont elle-même ou son représentant sur place n'ont pas été informés avant le départ du navire. Elle ajoute que la preuve n'est pas rapportée du lien de causalité entre le prétendu gros temps rencontré en cours de traversée et les dommages qui ont pu se produire aussi bien avant l'embarquement qu'au cours du déchargement. Elle considère que le rapport d'expertise à laquelle elle n'a pas participé lui est inopposable et observe que l'expert est intervenu un mois après le déchargement et ne donne aucune indication sur le moment où les dommages sont survenus, ni aucune explication des manquants. Elle fait enfin observer que la décision entreprise ne discute pas le montant du dommage réclamé alors que les demandeurs n'en apportent pas la preuve et que les équipements litigieux étaient vendus. Elle prétend que, si dommage il y a, c'est l'acheteur quatarien qui les a subis. Dans le cas où la cour confirmerait tout ou partie de la décision, elle soutient que la société SAVING SHIPPING etamp; FORWARDING SRL n'est qu'un simple mandataire et non pas un commissionnaire et ne peut donc bénéficier de la prescription annale prévue par l'article 4 OE4 de la Convention de Rome qui ne concerne que le contrat de transport. Elle réfute les arguments de la société SAVING SHIPPING etamp; FORWARDING SRL et considère que, pour autant que la loi applicable serait celle italienne, ce qui n'est pas selon elle établi, le délai de prescription serait de dix-huit mois aux termes de l'article 2951 du code civil italien. Elle ajoute qu'elle ne pouvait, pour interrompre la prescription, assigner la société SAVING SHIPPING etamp; FORWARDING SRL alors qu'elle ignorait elle-même qu'elle allait l'être par ses commettants. Sur le fond, elle fait valoir qu'en ne sollicitant pas de son mandant l'autorisation de charger en pontée sur le navire LUBER, la société SAVING SHIPPING etamp; FORWARDING SRL a commis une

faute grave dont il lui appartient de répondre. Elle estime que, dans l'hypothèse où il serait retenu que le sinistre s'est produit pendant la partie maritime du transport, il en résulterait que la société LUBERON SHIPPING Cä doit en répondre car elle a commis, en chargeant en pontée sans son accord et alors que le connaissement n'est pas signé du chargeur, une faute inexcusable. Elle approuve les premiers juges d'avoir écarté l'application de la clause attributive de juridiction figurant au connaissement et réfute le moyen de prescription soulevé. Elle demande en conséquence à la cour d'infirmer le jugement rendu le 07 septembre 2001, de déclarer les demanderesses irrecevables et au moins mal fondées en toutes leur demandes, de les en débouter, subsidiairement de condamner conjointement et solidairement les sociétés SAVING SHIPPING etamp; FORWARDING SRL et LUBERON SHIPPING Cä à la garantir de toute condamnation, en toute hypothèse de condamner sous la même solidarité les sociétés KTI, TECHNIP, HANNOVER INTERNATIONAL INSURANCE NETHERLAND NV et ses 23 co-assureurs, SAVING SHIPPING etamp; FORWARDING SRL et LUBERON SHIPPING Cä à lui payer 15.300 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La société TECHNIP, par conclusions signifiées le 12 mars 2003, et les vingt quatre compagnies d'assurance, par conclusions du 15 mai suivant, admettent le vice affectant l'assignation primitivement délivrée pour le 16 mai 1994, jour de l'Ascension mais soutiennent qu'il a été régularisé au moyen d'une assignation "sûr et aux fins" de la précédente. Elles approuvent les premiers juges d'avoir considéré que l'irrégularité n'était que de forme et que n'était pas rapportée l'existence d'un grief, et d'avoir en conséquence écarté la nullité de l'assignation. Rappelant les dispositions de l'article 117 du nouveau code de procédure civile, elles prétendent que l'insertion d'une date d'audience non utile ne peut être qualifiée d'irrégularité

de fond. Elles contestent le prétendu caractère inexistant de l'acte. Invoquant les articles 855 et 114 du nouveau code de procédure civile, elles soutiennent que la preuve d'un grief réel et persistant, conséquence de l'irrégularité, n'est pas rapportée, que la société SCHENKER BTL a pris en temps et en heure toutes les mesures nécessaires pour assurer sa défense et préserver ses droits et a pu exercer les actions récursoires dans le délai de trois mois prévu par l'article 32 de la loi du 18 juin 1966. Elles ajoutent que l'acte a été régularisé par un deuxième, qu'aucune forclusion n'est intervenue entre les deux dates de signification et que cette régularisation n'a laissé subsisté aucun grief. Au vu des dispositions de l'article 2246 du code civil, elles considèrent que la nullité de la première assignation ne peut être prononcée, et en déduisent que la prescription a bien été interrompue du seul fait de la signification de cet acte nonobstant la non remise au greffe de la juridiction commerciale. Aussi concluent-elles à la confirmation du jugement rendu le 11 septembre 1998 qui a rejeté l'exception soulevée par la société SCHENKER BTL. Elles exposent qu'elles sont valablement subrogées dans les droits et actions des société KTI et TECHNIP en précisant qu'elles se prévalent de la subrogation légale telle qu'elle est prévue par l'article L.172-29 du code des assurances, et non d'une subrogation conventionnelle ou de cession de droits. Elles précisent que, comme en droit français, la loi néerlandaise, notamment par l'article 284 du code de commerce, édicte que l'assureur qui a réglé l'indemnité d'assurance est légalement subrogé dans les droits et actions de l'assuré sans autres conditions. Elles invoquent les dispositions de l'article 126 du nouveau code de procédure civile pour écarter l'argument tiré du caractère postérieur à l'assignation de la date de subrogation. Sur le fond du litige, elles exposent que la société JULES ROY a manqué à son obligation

contractuelle d'information dès lors qu'elle était astreinte avant et pendant le chargement de la cargaison sur le navire à en vérifier l'état et les conditions de chargement, qu'elle a laissé placer en pontée les marchandises qui lui avaient été confiées en dépit des instructions de ses commettants et bien qu'informée par son représentant au port de départ, ce qui constitue, selon elle, une faute inexcusable engageant sa responsabilité personnelle. Elles ajoutent que la société SCHENKER BTL ne peut s'en exonérer en invoquant les fautes commises par ses substitués dont elle est garante. Elles soutiennent que c'est à la société JULES ROY qu'il appartenait de prendre des réserves au port d'arrivée en application de l'article 14.2 du contrat et que cette dernière ne peut prétendre tirer de leur absence le bénéfice d'une présomption de livraison conforme. Elles affirment que les pertes et avaries se sont produites au cours de l'expédition maritime et étaient déjà apparentes lorsque le navire est arrivé à destination. Elles rappellent au surplus que les obligations du commissionnaire de transport ne prennent fin qu'au moment où la marchandise a été livrée au destinataire. Elles critiquent le jugement de n'avoir condamné la société JULES ROY qu'à les indemniser à concurrence de 80% du préjudice subi et soutiennent que la mission du commissionnaire commençait, non pas au port de chargement, mais depuis le site de fabrication des marchandises pour se terminer au port de déchargement. Elles considèrent que le placement en pontée, eu égard à la vulnérabilité des marchandises, accrédite l'hypothèse d'une origine maritime des avaries par corrosion constatée, confirmée par les communications du navire et l'expertise des marchandises à destination. Elles rappellent à cet égard que les rapports d'expertise, même non contradictoires, peuvent faire preuve des dommages. Elles réfutent l'argument de la société SCHENKER BTL relatif à l'acceptation des réserves portées sur le

connaissement en faisant observer que cette acceptation est intervenue onze jours après le départ du navire alors qu'aucun choix n'était plus possible et que sa tardiveté confirme les manquements de la société JULES ROY à son obligation d'information. Elles ajoutent que cette acceptation n'a pas été accordée pour l'intégralité des réserves puisque limitée à la présence de rouille sur certains tuyaux. Rappelant qu'une vente CIF ne fait pas perdre à l'expéditeur le droit d'agir contre les intervenants au transport, elles confirment que c'est bien les sociétés KTI et TECHNIP qui ont supporté le préjudice et ont été indemnisées. Elles concluent à la réformation partielle du jugement et demandent que la condamnation de la société SCHENKER BTL soit portée à la somme de 720.115 DFL ou sa contre-valeur en euros au jour du jugement avec intérêts légaux capitalisés à compter de la date d'assignation, outre 20.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La société SAVING SHIPPING etamp; FORWARDING SRL soutient, comme la société SCHENKER BTL, que l'acte d'assignation du 17 avril 1996 est nul et n'a pu interrompre la prescription à l'égard de cette dernière. Elle en déduit que la demande principale des sociétés KTI et TECHNIP et des assureurs est prescrite. Elle demande en conséquence à la cour d'infirmer le jugement rendu le 11 septembre 1998. Elle observe que la preuve du prétendu paiement de l'indemnité d'assurance par les compagnies n'est pas rapportée et invoque les dispositions de l'article 1250-1 du code civil et la nécessaire concomitance du règlement. Elle ajoute que les assureurs prétendent tenir leurs droits d'une cession faite par KTI dont il n'est pas justifiée qu'elle en serait titulaire puisque la venderesse de la marchandise était la société TECHNIP. Aussi conclut-elle à l'irrecevabilité des demandes des compagnies d'assurance. Elle fait, au fond, valoir que la constatation des avaries a été tardive et non

contradictoire, que la société SCHENKER BTL n'a pas participé aux opérations d'expertise dont les conclusions sont inopposables aux parties défenderesses, que la réalité des pertes des marchandises au cours du voyage n'est pas établie. Elle invoque les dispositions de l'article 4-2 de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour se prévaloir d'une présomption de livraison conforme en raison de l'absence de réserves au déchargement du navire ou émises dans les trois jours. Elle ajoute que la marchandise présentait, à son chargement, des avaries qui ont donné lieu à l'émission de réserves sur le connaissement qui ont été acceptées par TECHNIP et soutient que la rouille préexistante constitue un vice propre de la marchandise dont le transporteur ne peut être tenu responsable. Elle observe que les demanderesses n'apportent pas la preuve que les avaries prétendument constatées à l'arrivée seraient survenues pendant le transport maritime. Elle en infère la nécessaire mise hors de cause de la société SCHENKER BTL. Approuvant les motifs des premiers juges, elle explique qu'elle a agi en qualité de commissionnaire intermédiaire et non pas en celle de simple mandataire. Elle fait valoir que ses relations avec la société SCHENKER BTL sont régies par le droit italien en application de l'article 4 de la Convention de Rome du 19 juin 1980. Invoquant les articles 10 de ladite convention et 438-2 du code civil italien, elle oppose à l'appel en garantie formé à son encontre par la société SCHENKER BTL, la prescription d'une année. Elle soutient subsidiairement que cet appel en garantie est mal fondé en observant que le chargement en pontée à été autorisé par la société SCHENKER BTL elle-même pour le navire CHRISTIAN auquel le LUBER a été substitué. Rappelant qu'un tel chargement a été décidé par l'armateur du navire LUBERON SHIPPING Cä ou son agent AGESTAR SRL et sous leur responsabilité, elle conclut au rejet de l'appel en garantie formée à

son encontre par la société LUBERON SHIPPING Cä. Elle invoque très subsidiairement, la limitation de responsabilité de l'article 423 du code civil italien, à raison de 200.000 lires italiennes par colis, soit pour les 14 colis 1.219,59 euros. Elle réclame enfin la condamnation de la société SCHENKER BTL à lui payer 8.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La société LUBERON SHIPPING Cä oppose à la demande faite à son encontre par la société SCHENKER BTL une exception d'incompétence sur le fondement de la clause attributive de juridiction portée sur le connaissement. Elle revendique la seule compétence des tribunaux de Limassol à Chypre. S'associant à l'argumentation de la société SCHENKER BTL, elle affirme que la demande principale se trouve prescrite. Elle la considère de plus irrecevable pour défaut de droit à agir, la date du paiement par les assureurs n'étant pas connue et la preuve de sa concomitance avec la subrogation pas rapportée. Elle souligne à cet égard que c'est sur le fondement de la subrogation conventionnelle que les demanderesses ont agi en première instance et qu'il est impossible de changer en cours de procédure le fondement de la cession de droits intervenue. Elle ajoute que, le matériel ayant été vendu par TECHNIP, les assureurs ne peuvent prétendre tenir leurs droits d'une cession faite par KTI qui n'a pas subi le préjudice et qui était irrecevable à agir contre le transporteur maritime. Au fond, elle fait valoir que des réserves ont été prises au chargement et soutient que l'absence de réserve à l'arrivée rend vaine les demandes contre le transporteur maritime. Elle en conclut que les sociétés KTI, TECHNIP et les assureurs sont irrecevables et mal fondées en leur demande. Elle oppose à l'appel en garantie de la société SCHENKER BTL l'exception d'incompétence résultant de la clause attributive de juridiction portée au connaissement ainsi que la prescription. Invoquant la présomption de livraison conforme en

raison de l'absence de réserve à la livraison, elle affirme que la rouille ne lui est pas imputable et que la constatation des manquants a été faite, non contradictoirement, près d'un mois après le déchargement. Elle ajoute qu'elle avait reçu l'autorisation d'un chargement de la marchandise en pontée. Elle oppose très subsidiairement les limitations de responsabilité prévues par la Convention de Bruxelles amendée et réclame à la partie qui succombe 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile La société AGESTAR SRL expose qu'elle a une activité d'agent maritime en Italie et qu'elle est intervenue pour le compte de la société LUBERON SHIPPING en qualité de mandataire salarié. Elle explique que le chargement a été établi par le capitaine du navire seul, qu'elle ne disposait d'aucun pouvoir pour empêcher le placement en pontée et que le représentant de la société SCHENKER BTL, qui était présent au moment des opérations de chargement, ne s'y est pas opposé. Elle en conclut que sa responsabilité ne saurait être en aucun cas engagée et demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter la société LUBERON SHIPPING Cä de son appel en garantie et de la condamner à lui payer 4.500 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La société MULTI SERVICE, à l'encontre de laquelle aucune demande n'est articulée par les autres parties au procès, a été assignée selon acte de transmission dressé le 20 novembre 2002 par la SCP d'huissier de justice BARIANI-BOBIN-CHARDON et signifié selon compte-rendu dressé le 17 janvier 2003 par l'officier judiciaire près la Cour d'appel de Venise. Elle n'a pas constitué avoué. La présente décision sera réputée contradictoire en application de l'article 474 du nouveau code de procédure civile. La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 15 mai 2003 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 10 juin 2003. MOTIFS DE LA

DECISION : SUR L'ACTE D'ASSIGNATION DELIVRE LE 17 AVRIL 1996 :

Considérant qu'il n'est pas discuté que, par exploit délivré le 17 avril 1996, les sociétés KTI, TECHNIP et leurs assureurs ont assigné la société SCHENKER BTL à comparaître devant le tribunal de commerce de Nanterre à une audience du 16 mai suivant, alors qu'en considération de la célébration de la fête de l'Ascension, la juridiction n'en tenait aucune ce jour là ; Considérant qu'un acte d'assignation a pour objet essentiel d'introduire l'instance devant la juridiction que l'auteur de l'acte entend saisir ; qu'une assignation visant à saisir un tribunal de commerce doit indiquer, en vertu des dispositions de l'article 855 du nouveau code de procédure civile, les lieu, jour et heure de l'audience à laquelle l'affaire sera appelée ; Considérant qu'a été portée sur l'acte d'assignation délivré le 17 avril 1996 la mention d'une date correspondant à un jour férié où, par conséquent, la juridiction ne siégeait pas ; que l'acte délivré était ainsi privé d'une mention substantielle et était impuissant à saisir les premiers juges; qu'il ne pouvait remplir son objet et a perdu sa raison d'être ; qu'il doit en conséquence être tenu pour inexistant ; Considérant qu'un tel acte inexistant est non avenu et se trouve frappé d'une inefficience absolue sans qu'il soit besoin d'en prononcer la nullité ; qu'il n'est pas susceptible de confirmation ou de régularisation ; qu'il ne saurait avoir un quelconque effet interruptif de prescription ; SUR L'EXCEPTION DE PRESCRIPTION : Considérant que la convention conclue en janvier 1995 entre les sociétés KTI TECHNIP et la société SCHENKER BTL mentionne explicitement qu'il constitue un contrat de commission de transport et que ce dernier est soumis à la loi française, ce qu'au demeurant les parties ne discutent pas ; que la société SCHENKER BTL était chargée d'organiser le transport des matériels depuis leur site de fabrication jusqu'au port de Doha au Qatar, lieu de destination ;

Considérant que l'article L.133-6 du code de commerce édicte en son alinéa 2 que les actions contre le commissionnaire sont prescrites dans le délai d'un an du jour où la marchandise a été remise à son destinataire ; Considérant que c'est sans être contredite que la société SCHENKER BTL expose que le navire est parvenu au port de destination le 17 avril 1995 et que le déchargement en a été terminé le surlendemain 19 avril, la marchandise n'étant plus alors sous sa responsabilité ; Considérant qu'il en découle que la date de remise de la marchandise au destinataire est le 19 avril 1995 et qu'il en est de même de celle à laquelle auraient dû être remises les marchandises prétendument manquantes ; Qu'il suit de là que c'est avant le 19 avril 1996 que les sociétés KTI et TECHNIP ou leurs assureurs subrogés devaient engager une action judiciaire pour échapper à la prescription annale édictée par l'article L.133-6 du code de commerce ; Considérant que la prescription n'a pu être interrompue par l'acte inexistant 17 avril 1996 ; que ce n'est que par celui délivré le 10 mai suivant que l'instance a été introduite ; Que dès lors le jugement rendu le 11 septembre 1998 doit être infirmé et les sociétés KTI, TECHNIP et leurs assureurs déclarés irrecevables car prescrits en leurs demandes ; Considérant que l'irrecevabilité de l'action entraîne nécessairement l'infirmation du jugement, rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 07 septembre 2001, condamnant la société SCHENKER BTL à payer aux demanderesses une partie de l'indemnisation des pertes subies par les marchandises ; qu'elle rend sans objet les divers appels en garantie dirigés contre les autres intervenants à l'opération de transport ; SUR LES AUTRES DEMANDES :

Considérant que l'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Considérant que les sociétés KTI, TECHNIP et leurs assureurs qui succombent doivent supporter, in solidum, la charge des dépens de première instance et

d'appel ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort, INFIRME en toutes leurs dispositions les jugements rendus par le tribunal de commerce de Nanterre les 11 septembre 1998 et 07 septembre 2001, et statuant à nouveau, DECLARE les sociétés KTI, TECHNIP et leurs assureurs irrecevables en leurs demandes car prescrits, DIT sans objet les divers appels en garantie dirigés contre les autres intervenants à l'opération de transport, DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, CONDAMNE in solidum, les sociétés HOLLANDAIS KINETICS TECNOLOGIY INTERNATIONAL BV, TECHNIP HANOVER INSURANCE, HANOVER INTERNATIONAL INSURANCE NETHERLAND, ALPINA VERSICHERUNGS AG, DAI TOKYO FIRE AND MARINE INSURANCE COMPANY LTD, GARDIAN ROYAL EXCHANGE INSURANCE LTD, PHILIPPIN MALAYAN INSURANCE COMPANY LTD, NATIONAL NEDERLANDEN SCHADEVERZEKERING MAATSHAPPIJ NV, NURNBERGER ALLGEMEINE VERSICHERUNG SAKTIENGESELLSHAFT, ITALIANA ASSICURAZIONI TRANSPORTI SPA, NV MAATSHAPPIJ VAN ASSURANTIE, NIEUW ROTTERDAM SCHADE NV, INTERLLOYDS SCHADEVERZEKZRINGSMAAT SCHAPPIJ NV, CIGNA INSURANCE COMPANY OF EUROPE NV, SCHADEVERZEKZRINGSMAAT SCHAPPIJ ERASMUS NV, AEGON SCHADEVERZKERING NV, EAGLE STAR (RE) INSURANCE COMPANY LTD, ROYAL NEDERLAND SCHADEVERZEKERING MAATSCHAPPIJ NV, DELTA LLOYD SCHADEVERZEKERING NV, ALLIANZ NEDERLAND NV, CHUBBS INSURANCE COMPANY OF EUROPE NV, NV SCHADEVERZEKERING MAATSCHAPPIJ UAP NEDERLAND, NIEUWE HOLLANDE LLYOD, GENERALI SCHADERVERZEKERING MAATSCHAPPIJ NV, CAMAT et AGF BELGIUM aux dépens des deux instances , DIT que ceux d'appel pourront être recouvrés directement par les SCP BOMMART-MINAULT, KEIME-GUTTIN, Daniel et Benoît GAS et maître BINOCHE, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. ARRET REDIGE PAR MONSIEUR COUPIN, CONSEILLER, PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET

LE GREFFIER

LE PRESIDENT M. THERESE X...

FRANOEOISE LAPORTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 2001-06911
Date de la décision : 25/09/2003

Analyses

PROCEDURE CIVILE - Assignation - Mentions obligatoires

L'acte d'assignation a pour objet d'introduire l'instance devant la juridiction que le demandeur entend saisir. En vertu des dispositions de l'article 855 du nouveau Code de procédure civile, l'assignation doit, à peine de nullité indiquer, notamment, les lieu, jour et heure de l'audience à laquelle l'affaire sera appelée. Il s'ensuit que la délivrance d'une assignation à comparaître à une date correspondant à un jour férié - le jour de l'Ascension -, c'est à dire à une date où la juridiction ne tenait pas audience, prive cet acte d'objet et le rend inopérant.Sans même qu'il soit besoin de le dire nul, l'inexistence qui atteint un tel acte, le rend insusceptible de confirmation ou de régularisation, il ne peut, pas davantage, produire un effet interruptif de prescription


Références :

nouveau Code de procédure civile, article 855

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2003-09-25;2001.06911 ?
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