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25/09/2003 | FRANCE | N°2001-04672

France | France, Cour d'appel de Versailles, 25 septembre 2003, 2001-04672


COUR D'APPEL DE VERSAILLES 12ème chambre section 2 ä DC/DR ARRET Nä DU 25 SEPTEMBRE 2003 R.G. Nä 01/04672 AFFAIRE : . S.A. CLL PHARMA C/ . S.A. LABORATOIRES SERVIER COPIE CERTIFIEE CONFORME EXPEDITION EXECUTOIRE DELIVREES LE : A : SCP BOMMART MINAULT SCP FIEVET-ROCHETTE-LAFON E.D. RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS ---------------------------------- LE VINGT CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE TROIS, La cour d'appel de VERSAILLES, 12ème chambre section 2, a rendu l'arrêt CONTRADICTOIRE suivant, prononcé en audience publique, La cause ayant été débattue à l'audience publique du

DIX JUIN DEUX MILLE TROIS DEVANT : Monsieur Denis COUPIN, c...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES 12ème chambre section 2 ä DC/DR ARRET Nä DU 25 SEPTEMBRE 2003 R.G. Nä 01/04672 AFFAIRE : . S.A. CLL PHARMA C/ . S.A. LABORATOIRES SERVIER COPIE CERTIFIEE CONFORME EXPEDITION EXECUTOIRE DELIVREES LE : A : SCP BOMMART MINAULT SCP FIEVET-ROCHETTE-LAFON E.D. RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS ---------------------------------- LE VINGT CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE TROIS, La cour d'appel de VERSAILLES, 12ème chambre section 2, a rendu l'arrêt CONTRADICTOIRE suivant, prononcé en audience publique, La cause ayant été débattue à l'audience publique du DIX JUIN DEUX MILLE TROIS DEVANT : Monsieur Denis COUPIN, conseiller chargé du rapport, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés, en application de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, assisté de Mme Marie-Thérèse GENISSEL, greffier, Le magistrat rapporteur en a rendu compte à la cour, dans son délibéré, celle-ci étant composée de : * Madame Françoise LAPORTE, Président * Monsieur Jean-François FEDOU, conseiller * Monsieur Denis COUPIN, conseiller et ces mêmes magistrats en ayant délibéré conformément à la loi, DANS L'AFFAIRE ENTRE : . S.A. CLL PHARMA, dont le siège est 455 Promenade des Anglais 06200 NICE, représentée par son Président Directeur Général en exercice domicilié en cette qualité audit siège APPELANTE d'un jugement rendu le 06 Juin 2001 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE, 4ème chambre. CONCLUANT par la SCP BOMMART MINAULT, Avoués près la Cour d'Appel de VERSAILLES PLAIDANT par Maître Bernard SCHAMING, Avocat du Barreau de PARIS ET : . S.A.S LABORATOIRES SERVIER, Société Anonyme par actions simplifiées, dont le siège est 22 rue Garnier 92200 NEUILLY SUR SEINE, représentée par son Président Directeur Général en exercice domicilié en cette qualité audit siège INTIMEE CONCLUANT par la SCP FIEVET-ROCHETTE-LAFON, Avoués près la Cour d'Appel de VERSAILLES PLAIDANT par Maître Christophe PECNARD, Avocat au Barreau de PARIS

FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES : 5 Se prévalant de l'existence d'un double contrat régulièrement formé aux termes duquel la société LES LABORATOIRES SERVIER lui aurait confié l'étude et le lancement de médicaments génériques la société CLL PHARMA a saisi le tribunal de commerce de PARIS qui s'est déclaré incompétent au profit de celui de NANTERRE. Elle a réclamé devant cette juridiction la condamnation de la société LABORATOIRES SERVIER à lui payer 13.000.000 francs (1.981.837,22 euros) de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture unilatérale des contrats et, subsidiairement, de la rupture fautive des pourparlers comme du dol tenant à la réticence et au refus de la société SERVIER de l'informer. Par jugement rendu le 06 juin 2001, cette juridiction, après avoir observé que la décision du tribunal de commerce de PARIS statuant sur la compétence n'avait pas tranché la question de fond dont celle-ci dépendait, a considéré que les contrats avaient été formés par la rencontre des volontés des parties, en a prononcé la résiliation aux torts partagés et a alloué à la société CLL PHARMA une somme de 200.000 francs (30.489,80 euros) à titre de dommages et intérêts pour la perte de chance qui ouvrait seule droit à réparation, outre 25.000 francs (3.811,23 euros) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La société CLL PHARMA, qui a interjeté appel de cette décision, fait un long rappel du déroulement de ses contacts avec la société LABORATOIRES SERVIER et explique que cette dernière a tiré frauduleusement profit d'une liste de médicaments "candidats génériques" qu'elle lui avait communiquée, en faisant développer et commercialiser par sa filiale BIOGARAN les deux tiers des produits présentés après l'avoir fait patienter par de vaines promesses. Elle approuve les premiers juges d'avoir considéré que le contrat cadre et le contrat de recherche étaient formés dès lors que, destinataire le 26 février 1996 de

l'offre de contracter, elle l'a acceptée sans réserve le lendemain. Elle ajoute que les écritures de la société LABORATOIRES SERVIER relatives à une prétendue résiliation des contrats le 26 juin 1996 constituent un aveu de leur existence et révèlent le caractère brutal et unilatéral d'une telle résiliation. Elle explique que l'exécution du contrat cadre supposait que la société LABORATOIRES SERVIER veuille bien pré-définir les critères de recherche et souligne à cet égard la carence et l'inaction de celle-ci. Elle allègue des manouvres frauduleuses pour lui laisser croire à la mise à exécution imminente du développement des produits pharmaceutiques et fait grief à la société SERVIER de ne l'avoir pas informée par écrit de sa décision de procéder unilatéralement à la résiliation. Elle considère que cette dernière est seule à l'origine de la rupture unilatérale et soudaine des conventions et demande à la cour de réformer le jugement en prononçant la résiliation des contrats aux torts et griefs de la société LABORATOIRES SERVIER. Elle souligne le caractère, selon elle, manifestement inopérant de l'ensemble des justifications présentées a posteriori par SERVIER en analysant et réfutant point par point la pertinence des pièces produites et des arguments présentés. Subsidiairement, elle fait valoir que les parties avaient mené des pourparlers très avancés et soutient que la société SERVIER a engagé sa responsabilité par la nature brusque et soudaine de leur rupture, le dol temporaire et permanent sur la création et les activités de la filiale BIOGARAN, le retrait sans motif d'une promesse de contracter et la violation de son obligation d'information pré-contractuelle. Rappelant que le contrat était à durée déterminée de trois ans et qu'aucun élément du dossier ne permet d'établir qu'il aurait pu ne pas être exécuté de son fait, la société CLL PHARMA critique les premiers juges d'avoir limité l'indemnisation de son préjudice qu'elle chiffre proportionnellement aux profits réalisés par SERVIER

au travers de sa filiale BIOGARAN qui, entre avril 2000 et avril 2001 a réalisé un chiffre d'affaires de 443.847.000 francs (67.664.038,95 euros) dont un quart en exploitant les produits visés dans la liste initialement proposée. Appliquant les conditions financières des deux contrats et en retenant une marge brute de 33 % sur les prix de huit produits lancés chaque année pendant trois ans, elle calcule son préjudice à raison de 1.984.428,63 euros et demande la condamnation de la société LABORATOIRES SERVIER à lui payer cette somme avec intérêts calculés au taux légal à compter du 23 décembre 1997 et capitalisés. Elle réclame en outre 11.433,68 euros au titre de ses frais irrépétibles. La société LES LABORATOIRES SERVIER réplique qu'elle est entrée en contact avec CLL PHARMA en novembre 1994 et que les négociations n'ont débuté que le 07 décembre 1995. Elle souligne le caractère notoirement connu des listes de médicaments candidats à figurer dans une gamme générique et dénie qu'elles puissent faire l'objet d'une quelconque appropriation. Elle précise les évènements qui l'ont conduite à la perte de confiance, à la fin des négociations le 26 juin 1996 et à la création de la filiale BIOGRAN. Elle soutient l'absence de conclusion des contrats litigieux en invoquant d'une part les circonstances dans lesquelles les projets ont été échangés qui démontrent qu'elle n'a jamais eu l'intention de formuler une offre ferme et irrévocable et d'autre part l'attitude, après l'échange des projets, de la société CLL PHARMA qui est restée inerte entre le 26 juin 1996 et le 12 juin 1997. Elle demande à la cour d'écarter, comme l'ont fait les premiers juges, la pièces nä13 qui est affectée d'une suspicion. Elle soutient le caractère légitime et non abusif de la rupture des pourparlers en observant que les négociations ne se sont déroulées que pendant sept mois, que la société CLL PHARMA ne lui a transmis aucun savoir-faire spécifique et que celle-ci fonde son argumentation sur des assertions dont la

preuve n'est pas rapportée. Elle fait au surplus valoir que la société CLL PHARMA ne démontre en rien la réalité des investissements allégués et elle conteste l'existence d'un préjudice. Elle conclut à l'infirmation du jugement et demande à la cour de débouter la société CLL PHARMA de toutes ses demandes. Subsidiairement, elle considère que l'inexécution des contrats par la société CLL PHARMA nécessite que soit prononcée leur résiliation aux torts exclusifs de cette dernière. Elle dénie les prétendues manouvres frauduleuses dont l'appelante est, selon elle, incapable de démontrer l'existence en soulignant le total désintérêt de cette dernière pour les contrats qu'elle prétend avoir conclus. Elle explique que le contrat de recherche et d'assistance avait un objet bien défini et déterminait les critères de recherche des spécialités génériques. Elle observe que les obligations principales du contrat cadre étaient à la seule charge de la société CLL PHARMA. Elle en déduit que celle-ci, qui était parfaitement en mesure d'exécuter les deux contrats, est seule responsable de leur inexécution et doit être déboutée de ses demandes d'indemnisations. Plus subsidiairement encore, elle demande à la cour d'infirmer le jugement du tribunal qui l'a condamnée à payer des dommages et intérêts sur le fondement d'une perte de chance alors que la résiliation des contrats était prononcée aux torts partagés, ainsi que de rejeter toute demande de dommages et intérêts de la société CLL PHARMA en raison de l'absence de préjudice, ou, à tout le moins, ne pas lui allouer une indemnité supérieure à celle retenue en première instance. Affirmant le caractère abusif de la procédure de la société CLL PHARMA, elle sollicite 45.734,71 euros de dommages et intérêts de ce chef, outre 15.244,90 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 24 avril 2003 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 10 juin

2003. MOTIFS DE LA DECISION : Considérant que les premiers juges ont écarté des débats une pièce produite par la société CLL PHARMA et numérotée 8 en première instance, au motif notamment de la tardiveté de sa communication ; considérant que cette pièce a, en revanche, été régulièrement communiquée, en procédure d'appel, sous le numéro 13 ; que la seule raison qu'une mention manuscrite a été portée sur un texte dactylographié et se trouve discutée par la société LABORATOIRES SERVIER est insuffisante à voir, comme cette dernière le demande, cette pièce écartée des débats. ä Sur la conclusion des contrats : Considérant qu'il est établi par les pièces produites aux débats que le 15 novembre 1994, la société CLL PHARMA a adressé à la société LABORATOIRES SERVIER une lettre circulaire de proposition commerciale d'une collaboration pour la création d'une gamme de médicaments génériques ; considérant que divers contacts ont eu lieu à la fin de l'année 1994 notamment avec le docteur X... de SERVIER ; qu'il n'est toutefois pas établi que les relations aient dépassé le stade de simples rencontres ; qu'à cet égard, par lettre du 16 octobre 1995, la société CLL PHARMA relançait son prospect en sollicitant un entretien pour étudier le rôle qu'elle pourrait tenir dans une structure opérationnelle à la création de laquelle réfléchissait la société SERVIER ; considérant que les parties s'accordent à confirmer que s'est tenue le 07 décembre 1995 une réunion ; que par lettre du 15 du même mois, la société CLL PHARMA écrivait à la société SERVIER :

"J'ai eu plaisir à vous rencontrer à nouveau, le mercredi 7 décembre, pour reprendre nos échanges à propos des génériques" ; considérant que par ce même courrier, elle faisait parvenir à la société SERVIER le projet d'un contrat cadre de collaboration d'une durée de trois ans pour se voir confier la réalisation des travaux et lots expérimentaux nécessaires à la constitution des dossiers d'enregistrement en vue du dépôt des A.M.M

(autorisations de mise sur le marché), ainsi qu'un projet des avenants à souscrire pour chacun des médicaments considérés ; qu'elle joignait à cet envoi une liste de 21 spécialités pharmaceutiques susceptibles de constituer des "candidats génériques" ; considérant que, par télécopie non datée dont il n'est pas discuté qu'elle a été envoyée le 26 février 1996, la société SERVIER a adressé, à titre confidentiel, à la société CLL PHARMA "les contrats en projet entre nos deux sociétés pour commentaires éventuels avant édition des originaux" ; qu'outre le contrat cadre et son avenant pour les spécialités à réaliser, cet envoi comportait un projet d'un contrat par lequel la société SERVIER confiait à CLL PHARMA une mission d'assistance et de recherche de spécialités génériques, pour une durée d'une année et moyennant une rémunération mensuelle de 21.120 francs (3.219,72 euros) T.T.C. ; considérant que, par télécopie du lendemain, la société CLL PHARMA transmettait "le contrat cadre ainsi que le contrat d'assistance et de recherche entre nos sociétés, approuvés" paraphés et signés par Monsieur Y... son gérant ; considérant que la télécopie envoyée par SERVIER le 26 février 1996 l'a été sous la signature de Madame Marie-Christine Z... dont la position hiérarchique au sein de cette société n'est pas précisée ; que cette lettre ne comporte aucune offre de contracter mais se borne à adresser, pour commentaires éventuels, des projets de contrats dont le texte avait été sensiblement remanié en comparaison de ceux qu'avait proposés la société CLL PHARMA deux mois plus tôt ; que la mention "confidentiel" portée sur la télécopie indique que les sociétés étaient encore en phase de négociation ; considérant que cette réalité est confirmée par la télécopie de retour du document signé par Monsieur Y... sous la même mention "Confidentielle" et adressée, non pas au président de la société LABORATOIRES SERVIER, mais à l'attention de cette même Madame Z... ; considérant que la

portée financière de ces projets de conventions était très importante ainsi qu'en atteste le montant élevé des dommages et intérêts que réclame la société CLL PHARMA à raison de leur inexécution ; considérant que ces circonstances ainsi que la constatation d'un envoi par télécopie d'un exemplaire unique, comme la mention "pour commentaire avant édition des originaux", montrent que l'intention de cette dernière était, après que fut mis au point définitivement le texte des accords, de les signer en original ; considérant que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, cet envoi par une télécopie dont il n'est ni allégué ni démontré qu'elle ait été signée par un dirigeant de la société SERVIER ne constituait pas une offre ferme mais était une étape dans la négociation visant à la conclusion des contrats ; que la société CLL PHARMA n'est dès lors pas fondée à tirer des paraphes et signatures que son dirigeant a portés sur le seul exemplaire adressé en télécopie et retourné à la société SERVIER par le même moyen la conclusion qu'elle a accepté une offre avant sa rétractation et la conséquence que la société SERVIER se trouverait contractuellement engagée ; considérant de surcroît que, comme cette dernière le fait observer, chacun des deux contrats, cadre et de mission, stipulent explicitement qu'ils sont conclus à compter de leur signature ; considérant d'ailleurs que la société CLL PHARMA, qui fait à la société SERVIER le grief de n'avoir pas protesté à la réception de son envoi, ne fait état d'aucune relance pour l'obtention, en retour, d'un exemplaire des contrats, signés par SERVIER ; considérant que la non conclusion des contrats se trouve corroborée par l'absence de toute émission par la société CLL PHARMA de facturations relatives à la rémunération mensuelle prévue pour la mission d'assistance et de recherche alors pourtant que le texte du projet stipule que le contrat prend effet à compter de sa signature ; considérant que les parties s'accordent à exposer qu'hormis la

constitution de la filiale BIOGARAN, rien ne s'est passé jusqu'à la date du 26 juin 1996, à laquelle s'est tenue une réunion sur le contenu de laquelle elles s'opposent ; considérant que si, comme elle le soutient, les contrats avaient été conclus à la date du 26 février 1996, la société CLL PHARMA n'aurait pas attendu quatre mois pour les exécuter ou réclamer à la société SERVIER les informations et les instructions nécessaires à cet effet ; qu'il suit de là que doit être infirmé le jugement qui a dit que le contrat cadre et le contrat de recherche et d'assistance ont été conclus et en a prononcé la résiliation.

ä Sur la rupture des pourparlers : Considérant que la société LABORATOIRES SERVIER explique que, lors de la réunion du 26 juin 1996, elle a fait part à Monsieur Y..., ès-qualités de gérant de la société CLL PHARMA, de sa décision de créer une filiale et de mettre ainsi définitivement fin aux pourparlers engagés ; qu'elle précise à cet égard qu'elle avait opéré un choix stratégique entre deux options non cumulatives ; considérant que, de son coté, la société CLL PHARMA affirme qu'à cette occasion, SERVIER l'a confortée dans la poursuite des relations contractuelles, soit directement soit par sa filiale BIOGARAN dont elle l'a informée de la création, sous réserve d'un délai de transition pour rendre cette dernière opérationnelle ; considérant que, quel que soit le contenu exact des propos échangés lors de cette réunion, les explications que fournissent les parties, à défaut de tout compte rendu ou courrier confirmatif, démontrent que les pourparlers étaient, dès cette date, soient rompus soit suspendus sine die ; considérant que les parties ne font en effet plus état d'aucun échange de correspondance ou télécopie jusqu'à la date du 12 juin 1997 où, par lettre recommandée avec accusé de réception, la société CLL PHARMA, se prévalant des contrats, a demandé à la société SERVIER ses intentions concernant

leur exécution ; que SERVIER a répondu par le même moyen le 25 du même mois que, selon elle, les deux propositions de contrats, négociés fin 95/début 96, étaient demeurées sans suite ;

considérant que la société LABORATOIRES SERVIER a engagé avec la société CLL PHARMA des contacts préliminaires à compter du 20 décembre 1994 et sérieusement des négociations à partir du 7 décembre 1995 ; qu'elle a procédé à l'analyse des projets de contrats établis par CLL PHARMA et a renvoyé à cette dernière, le 26 février 1996, des projets amendés ; considérant qu'à la suite, elle n'a donné aucune information à la société CLL PHARMA sur l'évolution de son projet ; qu'elle a constitué au début du mois de mai 1996 sa filiale BIOGARAN dont elle admet qu'elle constituait une des branches, exclusive du recours aux services de la société CLL PHARMA, de son alternative de choix stratégique relativement aux médicaments génériques ; qu'elle a attendu le 26 juin suivant pour informer la société CLL PHARMA de cette création et, selon elle, de la fin des négociations ; considérant que cette attitude a eu pour conséquence de laisser pendant plusieurs mois la société CLL PHARMA dans l'incertitude d'une suite aux projets de contrats qui avaient été échangés, la contraignant à prolonger inutilement des efforts commerciaux et techniques alors que la société LABORATOIRES SERVIER explique que sa décision de rupture tient à sa perte de confiance qui a résulté d'une lettre qu'elle avait reçue de monsieur A..., des Laboratoires du même nom, le 26 février 1996 ; qu'à cet égard il ne convient pas d'écarter des débats cette lettre, même manuscrite et signée illisible, dès lors qu'elle est produite par la société SERVIER et a pour effet de montrer que la rupture des pourparlers trouve pour partie sa cause dans un événement survenu dès le mois de février 1996 ; que le silence de la société SERVIER qui affirme voir signifié la rupture lors de la réunion du 26 juin 1996 sans pourtant en apporter

la preuve, sans avoir confirmé à la société CLL PHARMA sa décision et qui a attendu la mise en demeure du 12 juin 1997 pour le faire, constitue un manquement grave à l'obligation de loyauté qui doit présider dans des négociations entre des entreprises de cette importance et aux intérêts financiers aussi conséquents ; considérant qu'en opposant un silence total sur la stratégie qu'elle avait mise en ouvre dès la fin du mois d'avril 1996 par la constitution de sa filiale spécialisée et en laissant la société CLL PHARMA, pendant de nombreux mois, dans l'incertitude et dans l'espoir que les projets de contrats pouvaient connaître un aboutissement favorable, la société SERVIER a adopté un comportement fautif et a causé à celle-ci un préjudice certain constitué d'une part des efforts déployés inutilement et d'autre part de la perte d'une chance de conclure ces contrats ; considérant que la société CLL PHARMA produit aux débats deux lettres d'embauches, en date du 26 février 1996, d'un ingénieur et d'un pharmacien en recherche et développement, aux rémunérations brutes respectives de 190.000 et 200.000 francs (28.965,31 et 30.489,80 euros) ; considérant que la rémunération du contrat de mission et d'étude s'élevait à 240.000 francs (36.587,76 euros) hors taxe par an ; que le prix de base pour la formulation d'un médicament générique standard était de 1.500.000 francs (228.673,53 euros) ; que dans ces circonstances les préjudices subis par la société CLL PHARMA seront justement réparés par l'octroi d'une somme de 75.000 euros que la société LES LABORATOIRES SERVIER sera condamnée à lui payer ; ä Sur les autres demandes : Considérant qu'au vu des dispositions de l'article 1153-1 alinéa 2 du code civil, il ne convient pas de faire droit à la demande de la société CLL PHARMA d'allocation d'intérêts à compter d'une date antérieure au présent arrêt sur la condamnation qu'il prononce ; considérant que la société LABORATOIRES SERVIER ne démontre pas le caractère abusif du comportement de la société CLL

PHARMA qui n'a fait qu'utiliser, au demeurant avec succès, une voie de recours que lui réserve la loi, ni ne justifie du préjudice qu'elle allègue ; que sa demande en paiement de dommages et intérêts doit être rejetée ; considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la société CLL PHARMA la charge des frais qu'elle a été contrainte d'engager en première instance et en cause d'appel ; que la société LES LABORATOIRES SERVIER sera condamnée à lui payer une indemnité de 2.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; considérant que la société LES LABORATOIRES SERVIER qui succombe doit supporter la charge des dépens. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, INFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris, Et statuant à nouveau, CONDAMNE la société LES LABORATOIRES SERVIER à payer à la société CLL PHARMA la somme de 75.000 euros à titre de dommages et intérêts ainsi que celle de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, LA CONDAMNE aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par la SCP BOMMART-MINAULT, société titulaire d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. ARRET REDIGE PAR MONSIEUR COUPIN, CONSEILLER PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE PRESIDENT M. THERESE GENISSEL

FRANOEOISE LAPORTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 2001-04672
Date de la décision : 25/09/2003

Analyses

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Dommage - Préjudice certain - Perte d'une chance

Dans des négociations commerciales, l'attitude d'une partie qui tend à laisser l'autre dans l'incertitude pendant plusieurs mois, la contraignant à poursuivre des efforts techniques et commerciaux du fait du silence gardé sur la décision de rompre, caractérise un comportement fautif qui a causé au partenaire écarté un préjudice certain constitué, d'une part, de la poursuite d'efforts commerciaux inutiles, d'autre part, de la perte d'une chance de conclure des contrats


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2003-09-25;2001.04672 ?
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