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18/09/2003 | FRANCE | N°2001-3797

France | France, Cour d'appel de Versailles, 18 septembre 2003, 2001-3797


COUR D'APPEL DE VERSAILLES 12ème chambre section 2 J.F.F./P.G. ARRET Nä DU 18 Septembre 2003 R.G. Nä 01/03797 AFFAIRE : - Société ALLIANZ MARINE etamp; AVIATION (France) venant aux droits de la société AGF MAT - S.A. ROYAL etamp; SUN ALLIANCE C/ - S.A. TRANSPORTS STIO - S.A. SUISSE D'ASSURANCES WINTERTHUR venant aux droits de LA NEUCHATELOISE - S.A.R.L. EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS FERON - Me Daniel BLERY commissaire à l'éxecution du plan de continuation de la SARL D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS FERON - Me Daniel LEMOINE représentant des créanciers au redressement judiciaire d

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COUR D'APPEL DE VERSAILLES 12ème chambre section 2 J.F.F./P.G. ARRET Nä DU 18 Septembre 2003 R.G. Nä 01/03797 AFFAIRE : - Société ALLIANZ MARINE etamp; AVIATION (France) venant aux droits de la société AGF MAT - S.A. ROYAL etamp; SUN ALLIANCE C/ - S.A. TRANSPORTS STIO - S.A. SUISSE D'ASSURANCES WINTERTHUR venant aux droits de LA NEUCHATELOISE - S.A.R.L. EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS FERON - Me Daniel BLERY commissaire à l'éxecution du plan de continuation de la SARL D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS FERON - Me Daniel LEMOINE représentant des créanciers au redressement judiciaire de la SARL D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS FERON Copie certifiée conforme Expédition exécutoire délivrées le : à : ä SCP BOMMART MINAULT ä Me Jean-Pierre BINOCHE ä SCP KEIME etamp; GUTTIN E.D. REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS ------------ LE DIX HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE TROIS, La cour d'appel de VERSAILLES, 12ème chambre section 2, a rendu l'arrêt CONTRADICTOIRE suivant, prononcé en audience publique, La cause ayant été débattue à l'audience publique du DEUX JUIN DEUX MILLE TROIS DEVANT : MONSIEUR JEAN-FRANOEOIS FEDOU, CONSEILLER chargé du rapport, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés, en application de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, assisté pendant les débats de Catherine CLAUDE greffier, Le magistrat rapporteur en a rendu compte à la cour, dans son délibéré, celle-ci étant composée de :

MADAME FRANOEOISE LAPORTE, PRESIDENT MONSIEUR JEAN-FRANOEOIS FEDOU, CONSEILLER

MONSIEUR DENIS COUPIN, CONSEILLER et ces mêmes magistrats en ayant délibéré conformément à la loi, DANS L'AFFAIRE ENTRE : - Société ALLIANZ MARINE etamp; AVIATION (France) INTERVENANTE VOLONTAIRE venant aux droits de la société AGF MAT ayant son siège 23 rue Notre Dame des Victoires 75311 PARIS, agissant poursuites et diligences de son Président du Conseil d'Administration domicilié en cette qualité

audit siège. - S.A. ROYAL etamp; SUN ALLIANCE ayant son siège 12 bis rue de la Victoire 75018 PARIS, agissant poursuites et diligences de son Président du Conseil d'Administration domicilié en cette qualité audit siège. APPELANTES d'un jugement rendu le 09 Mai 2001 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE, 4ème chambre. CONCLUANT par la SCP BOMMART MINAULT, Avoués près la Cour d'Appel de VERSAILLES ET - S.A. TRANSPORTS STIO AYANT SON SIEGE 9 AVENUE LOUIS BRAILLE, ZI MORANGIS, 91420 MORANGIS, PRISE EN LA PERSONNE DE SES REPRESENTANTS LEGAUX DOMICILIES EN CETTE QUALITE AUDIT SIEGE. INTIMEE CONCLUANT par Maître Jean-Pierre BINOCHE, Avoué près la Cour d'Appel de VERSAILLES PLAIDANT par Maître Philippe GODIN, avocat du barreau de PARIS. - S.A. SUISSE D'ASSURANCES WINTERTHUR venant aux droits de LA NEUCHATELOISE ayant son siège Tour Winterthur, Terrasse Boieldieu 92800 PUTEAUX, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. - S.A.R.L. EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS FERON ayant son siège 15 rue des Champs 76193 YVETOT, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, faisant l'objet d'une procédure de redressement judiciaire et bénéficiant d'un plan de continuation. - Maître Daniel BLERY PRIS EN SA QUALITE DE COMMISSAIRE A L'EXECUTION DU PLAN DE CONTINUATION DE LA SARL D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS FERON, demeurant 47 avenue Flaubert 76000 ROUEN. - Maître Daniel LEMOINE PRIS EN SA QUALITE DE REPRESENTANT DES CREANCIERS AU REDRESSEMENT JUDICIAIRE DE LA SARL D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS FERON demeurant 51 rue aux Ours 76000 ROUEN. INTIMES CONCLUANT par la SCP KEIME etamp; GUTTIN, Avoués près la Cour d'Appel de VERSAILLES PLAIDANT par Maître Patrice REMBAUVILLE-NICOLLE, avocat au barreau de PARIS. FAITS ET PROCEDURE : 5 La Société DEVANLAY LACOSTE a acquis aux conditions FOB HONG KONG à la société britannique MATCH CONCEPT INTERNATIONAL LTD un lot de 3441 survêtements féminins

conditionnés en 316 cartons. La marchandise a été chargée le 11 avril 1998 à HONG KONG à bord d'un conteneur nä MISU 111457/8 muni d'un plomb nä 416003 à bord du navire " NEDLLOYD NORMANDIE " sous couvert d'un connaissement MISC, pour être transportée à destination du HAVRE. Après son déchargement au HAVRE, la Société STIO a reçu pour instruction de procéder au post-acheminement terrestre de la marchandise à destination des Etablissements DEVANLAY à TROYES. La Société STIO a chargé la Société SMART de la réception du conteneur au HAVRE ; cette dernière a confié le transport à la Société FERON, laquelle a pris en charge le conteneur plombé le jeudi 07 mai 1998 à 17h 45 au terminal EUROPE du port du HAVRE sous couvert d'une lettre de voiture CNR nä 16171754 émise par la Société SMART. En raison du long week-end du 8 mai, le chauffeur de la Société FERON a garé le véhicule chargé du conteneur sur le site de l'entreprise ; le 11 mai 1998 à 3 heures du matin, en venant récupérer son véhicule pour aller livrer la marchandise chez DEVANLAY à TROYES, il a constaté que les portes du conteneur étaient ouvertes et qu'une partie du chargement (145 colis manquants) avait été dérobée. Consécutivement à une expertise amiable diligentée à la requête des assureurs de la Société DEVANLAY, celle-ci a été indemnisée à hauteur de 637.270 F (97.151,19 euros). Par jugement du 23 mars 1999, le Tribunal de Commerce de ROUEN a prononcé le redressement judiciaire de la Société FERON, et a désigné Maître BLERY en tant qu'administrateur judiciaire et Maître LEMOINE en qualité de représentant des créanciers ; par jugement du 19 décembre 2000, le Tribunal de Grande Instance de ROUEN, statuant en lieu et place du Tribunal de Commerce de ROUEN, a arrêté le plan de continuation et a désigné Maître BLERY en qualité de commissaire à l'exécution du plan. Au motif que les circonstances du vol étaient constitutives d'une faute lourde, les Compagnies d'assurances PFA et ROYAL SUN ALLIANCE ont, par acte du 06 mai 1999, assigné la Société

STIO, Maître BLERY, en qualité d'administrateur judiciaire de la Société d'Exploitation des Etablissements FERON, Maître LEMOINE, en qualité de représentant des créanciers de cette société, et la Compagnie WINTERTHUR, assureur de la Société FERON, en vue d'obtenir leur condamnation solidaire, ou l'une à défaut de l'autre, au paiement de la somme de 637.270 F (97.151,19 euros). Par acte du 04 juin 1999, la Société STIO a assigné Maître BLERY, Maître LEMOINE, ès-qualités, ainsi que la Compagnie WINTERTHUR, pour, sans approbation de la demande principale des assureurs de la Société DEVANLAY, voir condamner la Compagnie WINTERTHUR à la relever et garantir des éventuelles condamnations prononcées à son encontre. Par jugement 9 mai 2001, le Tribunal de Commerce de NANTERRE a : - condamné in solidum les TRANSPORTS STIO et WINTERTHUR à verser à AGF et ROYAL SUN ALLIANCE la somme de 61.484,40 F (9.373,24 euros), et les TRANSPORTS STIO à leur payer la somme complémentaire de 6.831,60 F (1.041,47 euros), et ce avec intérêts au taux légal à compter du 06 mai 1999 ; - condamné in solidum les Sociétés STIO et WINTERTHUR à verser aux Compagnies AGF et ROYAL SUN ALLIANCE la somme de 15.000 F (2.286,74 euros) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; - débouté les parties du surplus de leurs demandes. Les Sociétés AGF MAT et ROYAL etamp; SUN ALLIANCE ont interjeté appel de cette décision. A titre principal, la Société ALLIANZ MARINE ET AVIATION (France), venant aux droits de la Société AGF MAT, et la Société ROYAL etamp; SUN ALLIANCE soutiennent que les limitations d'indemnisation résultant des dispositions du contrat type des envois de plus de trois tonnes ne sont pas applicables, en raison de la convention particulière intervenue entre les Sociétés SMART et FERON, et dès lors que la police couvrant le dommage lié à ce transport prévoit un plafond de responsabilité contractuelle de 1.000.000 F (152.449,02 euros) pour les " marchandises en conteneurs

transportées pour le compte des Sociétés LOGITAINER et SMART ". A titre subsidiaire, elles font valoir que le parking de la Société FERON, sur lequel était stationné le véhicule chargé du conteneur, n'était protégé par aucun gardiennage ni par aucune surveillance électronique, seul étant présent un chien qui aurait été laissé en liberté mais aurait été retiré dans la soirée ayant précédé le vol. Elles précisent que l'aire de stationnement de la Société FERON est isolée et avait déjà fait l'objet de deux vols quelques semaines auparavant. Elles estiment qu'il ne peut être valablement soutenu que le chauffeur aurait ignoré la nature des marchandises transportées, alors que, dans sa déclaration aux autorités de police, la Société FERON avait indiqué que dans le conteneur se trouvaient 316 cartons de survêtements de marque LACOSTE. Elles en déduisent que le voiturier a commis une faute lourde dans l'accomplissement de sa mission, et que celle-ci rejaillit sur son commettant, la Société STIO. Elles ajoutent que, compte tenu de l'existence de cette faute lourde, elles sont fondées à réclamer la valeur des marchandises au prix de revient ainsi que le bénéfice manqué correspondant au prix de vente des articles de la Société DEVANLAY à ses détaillants. Subsidiairement, elles allèguent que l'indemnité due ne saurait être inférieure à la valeur du prix de revient dans les entrepôts de TROYES. En conséquence, elles demandent à la Cour d'infirmer le jugement entrepris, de dire que la Société FERON est responsable, pour cause de faute lourde, de la perte des marchandises dont le transport lui avait été confié, et de condamner in solidum la Société STIO et la Compagnie WINTERTHUR, en sa qualité d'assureur de la Société FERON, à leur payer la somme de 97.151,19 euros, avec intérêts capitalisés au taux légal à dater du jour de l'assignation. Elles réclament en outre 4.500 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La Compagnie WINTERTHUR, la

Société d'Exploitation des TRANSPORTS FERON et Maître Daniel BLERY, en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de cette société, concluent à la confirmation du jugement. Ils exposent que la limitation à 1.000.000 F (152.449,02 euros) pour les transports effectués pour le compte de la Société SMART correspond à un engagement souscrit, non par le transporteur envers son co-contractant, mais à un engagement de l'assureur vis-à-vis de son propre assuré. Ils précisent qu'il n'apparaît pas que les compagnies appelantes soient subrogées dans les droits de la Société SMART, et donc qu'elles puissent bénéficier d'un prétendu avantage consenti à cette dernière. Ils font valoir que les conditions de la faute lourde ne sont en l'occurrence nullement réunies, l'enlèvement de la marchandise dès le 07 mai 1998 ayant été rendu inévitable, et le chauffeur de l'entreprise FERON ayant pris toutes les précautions pour que le conteneur soit entreposé dans les meilleures conditions de sécurité possibles, dans l'attente de la fin du week-end prolongé du 08 mai. Ils relèvent qu'il n'est nullement établi que le chauffeur avait été avisé que son chargement avait une valeur particulière, et ils soulignent que les mesures prises pour la sécurité du chargement sont également de nature à exclure toute gravité à la faute éventuelle du transporteur. Se prévalant des dispositions du contrat type applicables en l'absence de faute lourde, ils concluent que le montant de la condamnation prononcée à l'encontre de la Compagnie WINTERTHUR ne saurait excéder la somme de 68.316 F (10.414,71 euros). A titre subsidiaire, ils estiment que le montant réel du préjudice subi par la Société DEVANLAY et ses ayants-droits s'élève, ainsi qu'il résulte du rapport LECLERC du 18 mai 1998, à la somme de 38.861,40 $ (soit environ 245.000 F ou 37.350,01 euros), et ne saurait inclure les frais de commercialisation non exposés en l'espèce. A titre infiniment subsidiaire, ils observent que la

Compagnie WINTERTHUR ne doit sa garantie que dans les limites de sa police, c'est-à-dire 500.000 F (76.224,51 euros), et après déduction de la franchise contractuelle de 10 %. Ils sollicitent en outre la condamnation de tout succombant à verser à la Compagnie WINTERTHUR la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La Société STIO, qui est intervenue en qualité de commissionnaire de transport, faisant sienne l'argumentation de la Compagnie WINTERTHUR, réplique que la clause figurant dans la police invoquée par les sociétés appelantes n'a aucune incidence sur la limitation de responsabilité édictée par le contrat type dont bénéficie le transporteur, et ne se substitue pas à elle. Elle soutient que la faute lourde revendiquée par les assureurs de la Société DEVANLAY n'est nullement démontrée, et se trouve même contredite par les circonstances de l'espèce, le transporteur ayant pris des dispositions suffisantes pour protéger l'accès au lieu de stationnement et pour assurer la sécurité du véhicule, et ayant même renforcé les mesures de protection consécutivement aux deux vols survenus quelques semaines auparavant. Aussi elle conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a écarté la faute lourde et retenu que la limitation d'indemnisation résultant du contrat type doit recevoir application. Elle demande à la Cour, en réparant l'omission de statuer, de compléter la décision entreprise en condamnant la Compagnie WINTERTHUR à la relever et garantir de toutes condamnations qui ont été mises à sa charge par le Tribunal, ou qui pourraient être prononcées à son encontre en cause d'appel. Elle sollicite en outre la condamnation des compagnies appelantes au paiement de la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. L'ordonnance de clôture a été prononcée le 27 mars 2003. MOTIFS DE LA DECISION : SUR LA LIMITATION D'INDEMNITE APPLICABLE : Considérant que les sociétés appelantes

exposent qu'il ressort des conclusions du rapport déposé par Madame X..., pour le compte des assureurs de la Société FERON, que la limitation édictée par le contrat type pour les envois de plus de trois tonnes avait été écartée par les parties, aux termes du contrat qui liait la Société FERON à son donneur d'ordre, la Société SMART, le contrat " prévoyant une limitation pour les transports effectués pour le compte de SMART à 1.000.000 F " ; Considérant qu'elles soutiennent que, leur réclamation étant inférieure au plafond de responsabilité contractuelle de la Société FERON, la Compagnie WINTERTHUR ne peut invoquer la limitation du contrat type pour les envois de plus de trois tonnes, puisqu'il existe une convention contraire ; Mais considérant que, pour étayer leur argumentation, elles produisent aux débats uniquement la police d'assurance souscrite auprès de la NEUCH TELOISE ASSURANCES, couvrant la responsabilité contractuelle de la Société FERON en sa qualité de voiturier et de loueur de véhicules avec chauffeur, et prévoyant, à l'article 4 - " Engagement maximal de la Compagnie ", que la garantie de la Compagnie s'exerce au maximum à concurrence ä " 4.1. En ce qui concerne la responsabilité contractuelle à l'égard des marchandises transportées : d) par véhicule et/ou attelage : - Marchandises en conteneurs transportées pour le compte des Sociétés LOGITAINER et SMART : Trafic national :

1.000.000 Fä " ; Considérant qu'en revanche n'est pas communiquée la convention particulière qui serait intervenue entre les Sociétés FERON et SMART, et qui prévoirait, en faveur de cette dernière, des stipulations dérogeant aux dispositions du contrat type ayant trait aux envois de plus de trois tonnes ; Considérant que, dès lors, la clause susvisée de la police, qui doit s'analyser comme un plafond de garantie applicable dans les seuls rapports entre la compagnie d'assurances et son assurée, la Société FERON, ne saurait priver cette dernière et son assureur du droit

d'invoquer les limitations d'indemnité édictées par ce contrat type ; Considérant qu'à titre surabondant, les sociétés appelantes ne justifient pas de leur droit à se prévaloir du bénéfice d'une convention particulière qui, à la supposer existante, n'a été apparemment conclue qu'entre la Société FERON et les Sociétés LOGITAINER et SMART ; Considérant qu'il y a donc lieu de les débouter de leur demande tendant à être indemnisées sur la base d'un plafond de responsabilité contractuelle fixé à 1.000.000 F (152.449,02 euros). SUR L'EXISTENCE ALLEGUEE D'UNE FAUTE LOURDE : Considérant que le transporteur, tenu d'une obligation de résultat, est responsable de la marchandise qu'il a sous sa garde et doit s'efforcer d'en assurer la protection la plus efficace ; Considérant que sa faute lourde ne peut être retenue que si la preuve est rapportée d'une négligence d'une extrême gravité, confinant au dol et dénotant l'inaptitude du transporteur, maître de son action, à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'il a acceptée ; Considérant qu'en l'occurrence, d'une part, il ne peut être fait grief à la Société FERON d'avoir pris un risque en stationnant le conteneur litigieux sur son site durant tout le week-end du 08 mai 1998 ; Considérant qu'en effet, il est constant que le chauffeur de l'entreprise n'a pu retirer le chargement au HAVRE que le 07 mai 1998 vers 18 h 30, de telle sorte qu'il n'était pas en mesure de le livrer le même jour à TROYES avant la fermeture des entrepôts DEVANLAY ; Considérant qu'au surplus, il apparaît que, pouvoir procéder à la livraison à la date prévue du 11 mai 1998, il lui fallait partir aux premières heures de la journée, ce qui ne lui aurait pas été possible si les marchandises étaient restées entreposées durant tout le week-end sur le terminal du HAVRE ; Considérant que, d'autre part, il résulte des renseignements tirés des rapports d'expertise produits aux débats que le véhicule a été garé dans un lieu clos, entièrement

grillagé, auquel il n'était possible d'accéder que par l'un des deux portails en fer, eux-mêmes bloqués par des cadenas ; Considérant qu'il apparaît que, si ce parking privé n'était muni d'aucun système d'alarme ou de gardiennage particulier, du moins circulait librement dans l'enceinte un chien de race beauceron qui n'a été enfermé que le dimanche 10 mai en fin de soirée, de manière à permettre aux préposés de l'entreprise de reprendre possession de leur véhicule tôt le lendemain matin ; Considérant qu'il a également pu être vérifié par les experts mandatés par les assureurs que le conteneur était muni d'un système " Navelok " destiné à bloquer l'ouverture des portes, et que le chauffeur avait pris soin de stationner le camion de telle façon que les portes du conteneur soient bloquées contre les rails de sécurité fixés sur des plots en bois enfoncés dans le sol, toujours afin d'empêcher l'ouverture des portes ; Considérant qu'il doit se déduire de ces constatations que le vol a été commis après effraction de la grille cadenassée de l'enceinte, puis démontage des rails et des plots, enfin ouverture du conteneur par fracture du système " Navelok " ; Considérant que, de surcroît, s'il est admis qu'avant de constater la disparition des marchandises, le chauffeur avait normalement connaissance que le chargement était constitué par des survêtements fabriqués à HONG KONG, rien ne permet toutefois de conclure que son attention avait été spécialement attirée sur la valeur particulière de ce chargement ; Considérant qu'en fonction de ces circonstances, il ne peut être imputé à la Société FERON, dans le soin apporté aux conditions du stationnement et à la sécurité des marchandises, un manque de diligence de nature à caractériser de sa part une inaptitude à l'accomplissement de la mission qui lui avait été confiée ; Considérant que, dès lors, c'est à bon droit que le Tribunal a écarté la faute lourde reprochée au transporteur et déclaré applicables les limitations de garanties édictées par

l'article 19 du contrat type général, sur la base de 12.000 F (1.829,39 euros) la tonne d'envoi, soit : 12.000 F (1.829,39 euros) x 5,693 tonnes = 68.316 F (10.414,71 euros) ; Considérant que le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a condamné in solidum la Société TRANSPORTS STIO, prise en sa qualité de commissionnaire de transport, et la Compagnie WINTERTHUR, assureur de la Société d'Exploitation des Etablissements FERON, à payer aux compagnies appelantes la somme de 61.484,40 F (9.373,24 euros), et en ce qu'il a condamné seule la Société TRANSPORTS STIO à leur payer la somme de 6.831,60 F (1.041,47 euros), assorties des intérêts au taux légal à compter du 06 mai 1999, date de l'assignation. SUR L'APPEL EN GARANTIE ET SUR LES DEMANDES ANNEXES : Considérant que, dès lors que la Compagnie WINTERTHUR ne conteste ni sa qualité d'assureur de la Société FERON, ni l'application de sa garantie, il convient de compléter la décision entreprise qui a omis de statuer sur l'appel en garantie formé par la Société STIO, en condamnant cette compagnie à relever le commissionnaire de transport de la condamnation principale prononcée à l'encontre de ce dernier à hauteur de 61.484,40 F (9.373,24 euros), outre intérêts, indemnité de procédure et dépens de première instance ; Considérant que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a condamné in solidum la Société STIO et la Compagnie WINTERTHUR à payer aux assureurs marchandises la somme de 15.000 F (2.286,74 euros) en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Considérant que l'équité commande d'allouer en cause d'appel à la Compagnie WINTERTHUR et à la société STIO, pour chacune d'entre elles, une indemnité de procédure d'un montant égal à 1.500 euros ; Considérant qu'il n'est en revanche pas inéquitable que les compagnies d'assurances appelantes conservent la charge des frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés devant la Cour ; Considérant qu'il y a lieu de confirmer la décision

entreprise en ce qu'elle a condamné in solidum la Société STIO et la Compagnie WINTERTHUR aux dépens de première instance ; Considérant que les Sociétés ALLIANZ MARINE etamp; AVIATION et ROYAL etamp; SUN ALLIANCE, qui succombent en leur recours, doivent être condamnées aux dépens d'appel. PAR CES MOTIFS La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, DÉCLARE recevable l'appel interjeté par les Sociétés AGF MAT et ROYAL etamp; SUN ALLIANCE, le dit mal fondé ; CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré ; Le complétant : CONDAMNE la Compagnie WINTERTHUR à relever et garantir la Société STIO des condamnations en principal à hauteur de 9.373,24 euros, outre intérêts, indemnité de procédure et dépens de première instance, prononcées à son encontre et en faveur des sociétés appelantes ; Y ajoutant : CONDAMNE in solidum les Sociétés ALLIANZ MARINE etamp; AVIATION, venant aux droits d'AGF MAT, et ROYAL etamp; SUN ALLIANCE à payer en cause d'appel à la Compagnie WINTERTHUR et la Société STIO, pour chacune d'entre elles, la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; CONDAMNE in solidum les Sociétés ALLIANZ MARINE etamp; AVIATION et ROYAL etamp; SUN ALLIANCE aux dépens d'appel, et AUTORISE d'une part la SCP KEIME etamp; GUTTIN, Société d'Avoués, d'autre part Maître BINOCHE, Avoué, à recouvrer directement la part les concernant, conformément à ce qui est prescrit par l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRÊT RÉDIGÉ PAR MONSIEUR FÉDOU, CONSEILLER, PRONONCÉ PAR MADAME LAPORTE, PRÉSIDENT ET ONT SIGNÉ LE PRÉSENT ARRÊT LE GREFFIER QUI A ASSISTÉ

LE PRÉSIDENT AU PRONONCÉ M. THÉRÈSE Y...

FRANOEOISE LAPORTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 2001-3797
Date de la décision : 18/09/2003

Analyses

TRANSPORTS TERRESTRES - Marchandises - Responsabilité - Clause limitative - Exclusion - Dol ou faute lourde

Si la faute lourde du transporteur rend inopposable toute clause limitative de sa responsabilité, elle suppose que soit rapportée la preuve d'une négligence d'une extrême gravité, confinant au dol et dénotant l'inaptitude du transporteur, maître de son action, à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'il a acceptée. S'agissant d'un conteneur mis à disposition en fin de journée à la veille d'un " pont " de trois jours (8 mai suivi du week-end) pour une livraison à effectuer dans la journée du lundi suivant, étant établi que le chauffeur ne pouvait procéder à la livraison le jour même avant la fermeture des entrepôts du destinataire situés à plusieurs heures de route, alors que ces mêmes délais de route impliquaient un départ aux premières heures du jour qu'un maintien sur le terminal portuaire durant le week-end aurait interdit, il ne peut être reproché au transporteur d'avoir pris un risque en prenant immédiatement en charge le conteneur pour le laisser stationner sur son site pendant le week-end considéré.Par ailleurs, dès lors qu'il résulte des éléments versés au dossier que le véhicule avait été garé dans un lieu clos, entièrement grillagé, munis de portails fermés par des cadenas, enceinte gardée par un chien jusqu'en fin de soirée du dimanche, que le véhicule avait été stationné contre des rails de sécurité de manière à interdire l'ouverture des portes du conteneur, lesquelles étaient équipées d'une fermeture de sécurité (Navilock), et qu'en conséquence, le vol d'une partie de la marchandise a été commis par effraction du portail d'enceinte, d'un démontage des rails de sécurité et enfin de la fracture du système de fermeture des portes du conteneur, les circonstances du sinistre n'établissent aucun manque de diligence du transporteur caractérisant une inaptitude de sa part à accomplir sa mission et aucune faute lourde ne peut lui être imputée.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2003-09-18;2001.3797 ?
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