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04/09/2003 | FRANCE | N°2003-04666

France | France, Cour d'appel de Versailles, 04 septembre 2003, 2003-04666


FAITS ET PROCÉDURE, : 5 La SA TECHNOFI spécialisée dans le conseil de gestion et les études relatives aux projets de développement d'entreprise a déposé le 7 juin 1993, la marque "NICE PEOPLE" à l'Institut National de la Propriété Industrielle (INPI), enregistrée sous le numéro 99795947 dans les classes 35, 38 et 42. Le 04 avril 2003, la SAS ENDEMOL DÉVELOPPEMENT a procédé à une demande d'enregistrement de la marque dénominative "NICE PEOPLE" sous le numéro 3219062 notamment dans les classes 35, 38, 41, 42 et 43. Le 09 avril 2003, la société TECHNOFI a reçu une télécopie

émanant du cabinet BREESE et MAJEROWICZ, conseils en propriété indust...

FAITS ET PROCÉDURE, : 5 La SA TECHNOFI spécialisée dans le conseil de gestion et les études relatives aux projets de développement d'entreprise a déposé le 7 juin 1993, la marque "NICE PEOPLE" à l'Institut National de la Propriété Industrielle (INPI), enregistrée sous le numéro 99795947 dans les classes 35, 38 et 42. Le 04 avril 2003, la SAS ENDEMOL DÉVELOPPEMENT a procédé à une demande d'enregistrement de la marque dénominative "NICE PEOPLE" sous le numéro 3219062 notamment dans les classes 35, 38, 41, 42 et 43. Le 09 avril 2003, la société TECHNOFI a reçu une télécopie émanant du cabinet BREESE et MAJEROWICZ, conseils en propriété industrielle "d'une société intéressée par l'usage en FRANCE d'une dénomination "NICE PEOPLE" en relation notamment avec des services de télécommunications et de logiciels" pour lui demander si elle serait disposée à consentir au dépôt et à l'usage de ladite marque pour ces services ou à céder totalement ou partiellement la sienne. La société TECHNOFI, par l'intermédiaire de son propre conseil en propriété industrielle, a mis en demeure, le 22 avril 2003, la société ENDEMOL DÉVELOPPEMENT de cesser l'usage de la marque NICE PEOPLE. Le 25 avril 2003, la SAS ENDEMOL DÉVELOPPEMENT a formé une demande d'enregistrement d'une seconde marque figurative NICE PEOPLE notamment dans les classes 35, 38, 41 et 42 représentant en couleur une paire de lunettes de soleil, à l'intérieur desquelles sont mentionnées comme dans un miroir les termes "NICE PEOPLE". La SAS ENDEMOL DÉVELOPPEMENT a produit une émission de télé-réalité intitulée "NICE PEOPLE" qui a été diffusée sur TF1 à partir du 26 avril 2003. La SA TECHNOFI a, par ailleurs, appris l'existence d'un site internet "NICE PEOPLE" exploité par la SAS ENDEMOL DÉVELOPPEMENT et effectué plusieurs constats par huissier les 13 et 23 mai 2003. C'est dans ces circonstances, que la SA TECHNOFI a assigné la SAS ENDEMOL DÉVELOPPEMENT et la SA TÉLÉVISION FRANOEAISE 1 (TF1) en

contrefaçon devant le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE et saisi son Président d'une action en interdiction provisoire des actes argués de contrefaçon sur le fondement de l'article L.716-6 du code de la propriété intellectuelle. Par ordonnance rendue le 02 juin 2003, ce magistrat a débouté la SA TECHNOFI de ses prétentions, rejeté les demandes au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et condamné la demanderesses aux dépens. La SA TECHNOFI a relevé appel de cette décision et l'affaire a été suivie selon la procédure à jour fixe. Elle affirme que sa procédure ne présente aucun caractère irrégulier et qu'elle pouvait normalement produire les pièces 18 à 29. Elle souligne que si la diffusion de l'émission NICE PEOPLE est désormais achevée, les communications par internet sous la même dénomination continuent tout comme subsiste le risque de programmation ou de vente et d'un nouveau cycle d'émissions NICE PEOPLE. Elle approuve le premier juge d'avoir estimé remplies les conditions prescrites par l'article L.716-6 du code de la propriété intellectuelle quant à la saisine préalable du juge du fond et à l'introduction de l'action en interdiction provisoire dans un bref délai comme l'atteste selon elle, la chronologie des faits, dont elle rappelle le déroulement en soulignant que la SAS ENDEMOL DÉVELOPPEMENT a pris l'initiative d'un dialogue certainement destiné à gagner du temps dans le dessein de retarder sa réaction judiciaire en lui proposant le rachat de ses droits. Elle fait, en revanche, grief au premier juge d'avoir considéré que son action au fond ne présentait pas un caractère sérieux alors que la contrefaçon étant indiscutable, celle-ci doit nécessairement aboutir à l'analyse comparée des dépôts concurrents, permettant de constater l'identité des signes et des produits entre les marques déposées par la SAS ENDEMOL DÉVELOPPEMENT et celle lui appartenant sur laquelle elle est titulaire d'un droit absolu par l'effet de son seul enregistrement.

Elle observe que la SAS ENDEMOL DÉVELOPPEMENT ne peut se prévaloir d'une déclaration de retrait partiel de la marque NICE PEOPLE du 22 mai 2003 puisqu'elle n'a été suivi d'aucun effet. Elle affirme la réalité d'un site internet NICE PEOPLE en se fondant sur de nouveaux courriers et constat d'huissier en date du 15 juillet 2003. Elle ajoute qu'il est, au surcroît, établi que la SAS ENDEMOL DÉVELOPPEMENT a réservé le nom de domaine NICE PEOPLE et commis ainsi un usage illicite et frauduleux puisqu'un tel nom était indisponible en vertu de son droit antérieur. Elle fait valoir que l'ordonnance attaquée a retenu, à tort, l'inopportunité de la mesure d'interdiction requise en raison de la fin alors prochaine de l'émission de télévision en ignorant qu'un produit audiovisuel est commercial et que le refus d'une telle mesure conduirait à autoriser tout acte de contrefaçon dès lors qu'il ne durerait pas longtemps. Elle affirme que les arguments développés au soutien de l'appel incident ne sont pas pertinents. Elle réitère donc, ainsi que précisé dans l'extrait de plumitif du 16 juillet 2003, sa demande en interdiction provisoire de tout usage de la dénomination NICE PEOPLE sur les réseaux internet et hertzien sous astreinte provisoire de 5.000 par infraction constatée à compter de la signification de l'arrêt à intervenir en application des articles L.713-2, L.713-3 et L.716-6 du code de la propriété intellectuelle. Elle sollicite de la Cour qu'elle retienne l'exécution de son arrêt et en conséquence la liquidation de son astreinte conformément à l'article 35 de la loi 09 juillet 1991 dont elle sera saisie par simple requête. Elle réclame une indemnité de 6.000 au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La SAS ENDEMOL DÉVELOPPEMENT prétend en premier lieu que la SA TECHNOFI ne pouvait communiquer le 10 juillet 2003 de nouvelles pièces (18 à 29) non visées dans sa requête à jour fixe en violation de l'article 918 du Nouveau Code de Procédure Civile. Elle

prétend que dans le cadre d'un référé sur le fondement de l'article L.716-6 du code de la propriété intellectuelle, le juge est saisi par la présentation de la requête et qu'en la cause, le Tribunal de Grande Instance était saisi en la forme des référés le 14 mai et le 19 mai au fond pour en déduire que la seconde action n'a pas été initiée préalablement à la première. Elle affirme que la SA TECHNOFI a bien eu connaissance de l'existence de l'usage qu'elle a effectué de la marque NICE PEOPLE avant la diffusion de l'émission le 25 avril 2003 et estime qu'eu égard à sa médiatisation celle-ci aurait du engager son action dès la diffusion ou immédiatement après la première diffusion pour agir à bref délai. Elle argue de l'absence de débat sur la prétendue contrefaçon constituée par le dépôt par ses soins des marques NICE PEOPLE en soutenant qu'il n'existe pas de reproduction des dites marques à l'identique pour des services identiques compte tenu du retrait partiel annoncé dès le 24 avril 2003 et justifié en première instance. Elle objecte que la SA TECHNOFI n'a aucun droit sur le titre d'une émission de télévision qui doit être considérée comme un divertissement culturel relevant de la classe 41, la marque de l'appelante ne désignant aucun service similaire. Elle allègue l'absence de similitude des services en présence en estimant que la SA TECHNOFI confond services rendus sur le réseau internet et le réseau internet lui-même et en précisant que l'enregistrement d'un nom de domaine est en lui-même neutre de même que l'est le support que constitue un site internet. Elle indique qu'il aurait fallu que la SA TECHNOFI rapporte la preuve d'une confusion dans l'esprit du public entre ces services et les siens pour que son action au fond apparaisse sérieuse, mais que celle-ci ne l'invoque pas. Elle souligne que la SA TECHNOFI n'a toujours pas commencé à exploiter sa marque près de 4 ans après son dépôt. Elle fait valoir que la réservation de noms de domaine est libre et que

seuls ceux associant les désignations "NICE PEOPLE" à "TF1" étaient exploités comme vitrine de l'émission du même nom. Elle expose que la SA TECHNOFI ne peut se fonder sur un trouble imaginaire pour faire cesser un prétendu trouble. Elle considère abusive l'attitude de la SA TECHNOFI qui a modifié ses demandes en appel sans les établir, s'est fabriqué une pièce pour justifier une exploitation de sa marque, a sciemment présenté une requête inexacte au premier président de la Cour en cachant la date d'arrêt de l'émission et en faisant croire qu'offrait des prestations de service informatique dans le seul but d'obtenir une autorisation d'assigner à jour fixe et qui a publié un article sur le dossier dans un quotidien régional alors que le premier juge était en train de délibérer dans le seul dessein de l'influencer. Elle demande donc à la Cour de déclarer irrecevables les pièces 18 à 29 de l'appelante, de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté la prétention d'interdiction provisoire formulée par la SA TECHNOFI et, subsidiairement, s'il était prononcé des mesures de restriction d'usage, d'ordonner la consignation par l'appelante d'une somme laissée à son appréciation afin de constituer des garanties suffisantes destinées à assurer l'indemnisation du préjudice subi par elle si l'action en contrefaçon était ultérieurement jugée mal fondée. Elle réclame en outre une amende civile et 8.000 de dommages et intérêts pour appel abusif et vexatoire en vertu de l'article 559 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'une indemnité de 6.000 en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La société TF1 précise en exergue avoir informé, dès le 08 avril 2003, la presse périodique de ce qu'elle proposerait le 26 avril suivant un nouveau programme intitulé "NICE PEOPLE" et que le péril allégué par la SA TECHNOFI est illusoire puisque ce dernier a cessé d'être diffusé le 05 juillet 2003. Elle observe que

si une assignation au fond lui avait été délivrée par la SA TECHNOFI, le tribunal n'en était pas pour autant saisi lorsque celle fondée sur l'article L 716-6 du code de la propriété intellectuelle lui a été signifiée le 19 mai 2003 et encore moins quand la SA TECHNOFI a sollicité l'autorisation d'assigner en référé d'heure à heure. Elle estime, en toute hypothèse, que l'action au fond n'a pas été engagée dans un bref délai dès lors que la SA TECHNOFI a eu connaissance des agissements argués de contrefaçon dès la première quinzaine du mois d'avril 2003. Elle soutient que la contrefaçon, invoquée relativement au dépôt des marques "NICE PEOPLE" ne la concerne pas et que celle alléguée au titre de l'usage de la dénomination NICE PEOPLE ne peut prospérer à défaut de risque de confusion comme d'absence de similitude des produits et services en cause, en soulignant que les prétentions afférentes à cet usage sont aujourd'hui manifestement sans objet. Elle prétend que la SA TECHNOFI fait preuve d'une carence évidente quant à la caractérisation des faits constitutifs de contrefaçon qu'elle impute aux intimées. Elle affirme qu'il n'existe pas de site internet qui soit accessible par les internautes à une adresse utilisant les termes "NICE PEOPLE" et qu'il est seulement possible sur le site internet TF1 d'accéder à des pages spécifiquement consacrées à l'émission NICE PEOPLE. Elle allègue l'absence de risque de confusion et de faute de sa part en remarquant que la SA TECHNOFI n'a jamais exploité sa marque "NICE PEOPLE" déposée depuis le 07 juin 1999, et que même si elle y avait procédé, celle-ci l'aurait effectué dans le cadre de son objet social et pour des services étrangers aux usages audiovisuels des intimées. Elle ajoute qu'elle ignorait, en tout cas, les droits détenus par la SA TECHNOFI en soulignant avoir diffusé l'émission litigieuse en exécution d'un contrat d'achat des droits conclu avec la société SO NICE PRODUCTIONS qui lui a garanti l'exclusivité du concept et en

déduit qu'elle a agi de bonne foi. Elle insiste, par ailleurs, sur le caractère exceptionnel de la mesure d'interdiction réclamée. Elle invoque de la part de la SA TECHNOFI une carence évidente dans la démonstration de ses prétentions, une légèreté manifeste et une véritable intention de nuire aux intimées pour arguer du caractère abusif de la procédure menée par la SA TECHNOFI. Elle soulève l'irrecevabilité des demandes de la SA TECHNOFI à défaut de saisine préalable du juge du fond et de l'exercice de l'action en contrefaçon dans un bref délai. Elle conclut subsidiairement à la confirmation de l'ordonnance attaquée pour le surplus et à l'entier débouté de la SA TECHNOFI. Elle réclame l'octroi de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 32-1 du Nouveau Code de Procédure Civile et une indemnité de 6.000 au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Elle demande enfin acte de ses réserves sur la mise en oeuvre de la garantie conventionnelle de la société SO NICE PRODUCTIONS. MOTIFS DE LA DÉCISION : SUR LA REGULARITE DE LA PROCEDURE DEVANT LA COUR : Considérant que les intimées ne sauraient critiquer l'autorisation conférée par ordonnance du 27 juin 2003 du premier président de la Cour à la SA TECHNOFI de les assigner à jour fixe, laquelle relève de son pouvoir souverain d'appréciation alors même que l'appelante a respecté le délai qui lui était par lui imparti pour y procéder. SUR L'INCIDENT DE COMMUNICATION DE PIECES :

Considérant que les dispositions de l'article 918 du Nouveau Code de Procédure Civile n'interdisent pas à l'auteur d'une assignation à jour fixe de déposer des conclusions en réponse à celles de son adversaire qui peuvent être naturellement assorties de pièces complémentaires au soutien de sa thèse, que ces éléments en réplique sont recevables à la condition que celui-ci n'élève pas de nouvelles prétentions ni de moyens non contenus dans sa requête initiale ; qu'il suit de là que les pièces 18 à 29 communiquées par l'appelante

qui respectent cette exigence n'ont pas lieu d'être exclues des débats. SUR L'ACTION DE LA SA TECHNOFI SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE L 716-6 DU CODE DE PROPRIETE INTELLECTUELLE : Considérant qu'aux termes de ce texte : "Lorsque le tribunal est saisi d'une action en contrefaçon, son président, saisi, en statuant en la forme des référés, peut interdire à titre provisoire, sous astreinte, la poursuite des actes argués de contrefaçon ou subordonner cette poursuite à la constitution de garantie destinée à assurer l'indemnisation du propriétaire de la marque ou du bénéficiaire d'un droit exclusif d'exploitation." La demande d'interdiction ou de constitution de garanties n'est admise que si l'action au fond apparaît sérieuse et a été engagée dans un bref délai à compter du jour où le propriétaire de la marque ou le bénéficiaire d'un droit exclusif d'exploitation a eu connaissance des faits sur lesquels elle est fondée. Le juge peut subordonner l'interdiction à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du préjudice subi par le défendeur si l'action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée". SUR LA SAISINE PREALABLE DU JUGE DU FOND : Considérant que l'action prévue par l'article L 716-6 du code de la propriété intellectuelle est subordonnée à la saisine préalable du juge du fond ; Considérant que l'article précité prescrit, tant pour l'action introduite au fond devant le Tribunal de Grande Instance , que pour celle initiée en la forme des référés devant son président, la saisine de ces juridictions ; Considérant que lorsque, comme dans ces deux cas, la demande en justice prend la forme d'une assignation, la saisine de la juridiction ne résulte pas de la seule délivrance de cet acte mais n'est réalisée qu'à l'issue de l'accomplissement d'une formalité distincte consistant dans la remise au secrétariat greffe d'une copie de l'assignation ; Or, considérant que la SA TECHNOFI justifie que

les exploits introductifs d'instance au fond délivrés le 19 mai 2003 à 10h39 et 11h35 respectivement à la société ENDEMOL et à la société TF1 ont été placés au secrétariat greffe du Tribunal de Grande Instance de NANTERRE le 22 mai 2003à 15h10 tandis que les assignations en référé signifiées à chacune des sociétés intimées le 19 mai 2003 à 10h40 et 11h27 ont été placées au greffe des référés du même tribunal le 22 mai 2003 à 15h15 ; Considérant qu'il apparaît donc que la saisine du Tribunal de Grande Instance au fond a bien été préalable à celle de son président sans que les intimées ne puissent utilement prétendre, en ajoutant aux dispositions de l'article L 716-6 du code de la propriété intellectuelle, que cette condition aurait dû être remplie au jour de la requête alors même que le juge n'est nullement saisi en la matière par la présentation d'une telle requête qui avait pour unique objet de la part de la SA TECHNOFI de solliciter l'autorisation d'assigner d'heure à heure conformément à l'article 485 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile. SUR LE BREF DELAI : Considérant que le bref délai durant lequel l'action en contrefaçon doit avoir été intentée est laissée à l'appréciation souveraine du juge au regard de la connaissance par le demandeur du premier acte de contrefaçon invoqué et des circonstances de l'espèce ; Considérant qu'à cet égard, la société ENDEMOL DÉVELOPPEMENT a déposé une demande d'enregistrement de la marque NICE PEOPLE le 04 avril 2003 à l'INPI dont la SA TECHNOFI ne pouvait avoir connaissance avant sa publication au B.O.P.I. dans le délai prévu à l'article R 712-8 du code de propriété intellectuelle ; Considérant que la SA TECHNOFI n'a été alertée que par le courrier que lui a adressé le 09 avril 2003 le Cabinet BREESE et MAJEROWICZ, conseil de la société ENDEMOL, qu'un de ses clients sollicitait l'autorisation d'utiliser la marque NICE PEOPLE et envisageait éventuellement son acquisition ; Considérant que, par un courrier recommandé avec accusé de réception

en date du 22 avril 2003, le Cabinet GUTTMANN- PLASSEREAUD, conseil de la SA TECHNOFI, après l'échec de pourparlers, a mis en demeure la société ENDEMOL de procéder au retrait de la marque NICE PEOPLE et de prendre l'engagement de ne pas exploiter a quelque titre et sur quelque support que ce soit, dans les 48 heures de sa réception ; Considérant qu'à défaut de réponse favorable sur ce point et après avoir nécessairement effectué les différentes démarches, consultations et vérifications indispensables avant la mise en oeuvre de toute action en justice, la SA TECHNOFI, qui a engagé son action au fond le 22 mai 2003, l'a exercée à bref délai ; SUR LE CARACTERE SERIEUX DE L'ACTION EN CONTREFAOEON ; Considérant que la faculté réservée au juge d'ordonner une interdiction provisoire de la poursuite des actes argués de contrefaçon est aussi soumise à l'appréciation du caractère sérieux de l'action au fond ; Considérant que cette mesure ne doit pas être limitée aux seuls cas où aucun doute n'est permis mais qu'elle peut être prononcée dès lors que les chances de succès du demandeur lui semblent sérieuses au moment où il statue, lesquelles sont cependant toujours sujettes à évolution en fonction de divers aléas potentiels susceptibles de survenir ultérieurement au cours de l'instance au fond de nature à en modifier le résultat final ; Considérant qu'en outre, l'article L 716-6 du code de la propriété intellectuelle n'impose pas de circonscrire l'interdiction provisoire, dans l'hypothèse de pluralité de moyens de contrefaçon invoqués au soutien de la demande, à celle de l'éventualité de leur accueil intégral, les chances de réussite de leur action ne pouvant dépendre que du bien fondé de l'un d'entre eux ; Considérant qu'en l'occurrence, la validité et la distinctivité de la marque NICE PEOPLE pour désigner les produits ou services visés à l'enregistrement issu du dépôt effectué le 07 juin 1999 par la SA TECHNOFI ne sont pas discutées ; Considérant d'ailleurs que la

démarche effectuée auprès de la SA TECHNOFI par son conseil le 09 avril 2003, au demeurant après son propre dépôt du 04 avril 2003, antérieur de cinq jours, en vue de parvenir à un accord de coexistence ou à une cession totale ou partielle de la marque NICE PEOPLE démontre la reconnaissance explicite par la société ENDEMOL des droits de la SA TECHNOFI et de sa conscience d'y porter atteinte ; Considérant que l'enregistrement d'une marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits et services qu'il a désignés selon l'article L713-1 du code de la propriété intellectuelle ; Que sont interdits sauf autorisation du propriétaire et constitutifs de contrefaçon : article L713-2" dans tous les cas, la reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque...pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement"; article L 713-3, "s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public la reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque...pour des produits similaires à ceux désignés dans l'enregistrement". Considérant que la marque dont est titulaire la société TECHNOFI concerne notamment les transmissions d'informations sur réseaux nationaux et internationaux (internet), location de temps d'accès à un centre serveur de bases de données, élaboration, conception de logiciels, mise à jour de logiciels, développement , conception et hébergement de sites par les réseaux nationaux et internationaux, aide et consultation pour la direction des affaires dans les classes 35, 38 et 42 ; Considérant que la société Endemol a revendiqué une demande d'enregistrement de la marque "Nice People" numéro 03 32119062 déposée le 4/04/2003 pour désigner les cartes à mémoire ou à micro processeurs, équipement pour le traitement de l'information et les ordinateurs, logiciels cederoms devederoms, équipements pour le traitement de l'information et les ordinateurs, services de conseil pour la direction des affaires,

messagerie électronique notamment par réseaux internet extranet et internet, transmission d'informations contenues dans des centres de services vocaux , transmission d'informations par le réseau internet, fourniture d'accès à internet télécommunications par réseaux nationaux et internationaux (internet), conception de logiciel, mise à jour de logiciels, services de création et hébergement de sites internet, création et entretien de sites web pour des tiers" ; Considérant que la société Endemol a procédé le 25 avril 2003 à un second dépôt de la marque semi figurative NICE PEOPLE au titre notamment des mêmes services ; Considérant que la comparaison des dépôts concurrents démontrent ainsi la reproduction de la marque antérieure "NICE PEOPLE"appartenant à la société TECHNOFI pour désigner des services identiques au sens de l'article L713-2 du code de la propriété intellectuelle ; Considérant à cet égard que, pour ce dernier, la société ENDEMOL, alors même que le simple dépôt d'une marque contrefaisante constitue en soi un acte de contrefaçon, ne saurait sérieusement alléguer avoir d'ores et déjà procédé au retrait partiel de ses deux marques pour les produits et services identiques à ceux visés par la marque précédemment déposée par la SA TECHNOFI dès lors que ses déclarations de renonciation formées pourtant à deux reprises les 22 mai et 04 juillet 2003 et, au demeurant, à proximité de chacune des audiences de première instance et d'appel, n'ont été suivies d'aucun effet puisqu'il s'infère des copies officielles des marques NICE PEOPLE 03/3219062 et 03/322518 des 4 et 25 avril 2003 délivrées par l'INPI les 2 et 7 juillet 2003 que les deux dépôts n'ont subi, en réalité, aucune inscription modificative ; Considérant que, de surcroît, la contrefaçon imputée au titre de l'usage de la marque NICE PEOPLE par les société ENDEMOL et TF1 tant lors de l'émission de télé réalité que par l'exploitation d'un site internet dont l'intitulé et le nom de domaine sont pareillement dénommés

présente aussi des chances d'être accueillie par le juge du fond, compte tenu de la spécificité de l'espèce et n'impliquant pas l'application automatique de la jurisprudence ZEBANK et se rattachant à des secteurs d'activité nouveaux qui sont en pleine évolution sur le plan matériel comme jurisprudentiel ; Considérant, en effet, que le droit de propriété dont est titulaire la SA TECHNOFI sur sa marque en raison de son enregistrement s'étend sur tous les produits et services énumérés dans le dépôt indépendamment de l'usage qu'elle en a fait ; Qu'en outre, la SA TECHNOFI admet ne pas avoir exploité sa marque en sorte qu'il ne saurait être procédé à la comparaison des services et des messages véhiculés par le "web" par la société appelante et les sociétés intimées, lesquelles ne peuvent donc estimer démontré avec certitude, au vu de l'extrait K bis de la société poursuivante ou de l'analyse de ses sites déjà en exploitation que les réseaux internet et logiciels visés au dépôt de 1999 seraient exclusivement constitués de conseils financiers aux entreprises ; Considérant que, dans cette hypothèse particulière d'absence de comparaison possible, comme de déchéance de marque non encore encourue, la contrefaçon peut être retenue, la marque étant présumée être déposée pour des services informatiques et s'avérant protégée de manière prioritaire parce qu'elle est un droit de propriété ; Qu'ainsi, il a déjà été jugé dans un tel cas que la réservation du nom de domaine constituait un usage de la marque, que cet usage avait eu pour effet de rendre le signe indisponible pour désigner l'un des services de la classe 38 visé par l'enregistrement et décidé qu'il constituait un acte de contrefaçon de cette dernière, l'adoption de ce nom de domaine étant susceptible d'engendrer un risque de confusion dans l'esprit du public qui pense accéder au site du titulaire de la marque ; Considérant enfin que les sociétés intimées ne peuvent utilement prétendre que la mesure sollicitée par

l'appelante serait devenue sans objet et inopportune puisque l'émission de télévision en question est achevée dès lors que les faits argués de contrefaçon se poursuivent sur le site internet NICE PEOPLE qui a vocation à perdurer pour assurer, le cas échéant, la vente de produits accessoires et rentabiliser secondairement les investissements engagés lors de son lancement au delà de sa diffusion, l'existence dudit site NICE PEOPLE étant indiscutablement démontrée par la teneur du procès verbal de constat dressé le 15 juillet 2003 par Maître Z..., huissier de justice ; Considérant, dans ces conditions, qu'il importe de faire droit à la demande de la SA TECHNOFI en prononçant l'interdiction provisoire réclamée sous astreinte de 2.000 par infraction constatée, à compter de la signification du présent arrêt, au titre du réseau hertzien puisqu'il n'est pas contesté que l'émission NICE PEOPLE n'est plus programmée depuis le 05 juillet 2003, sans qu'il ne soit nécessaire que la Cour se réserve le pouvoir de la liquider, ni qu'elle assortisse cette mesure de la prévision d'une quelconque consignation à la charge de la SA TECHNOFI pour le cas où elle serait déboutée de son action au fond, aucun élément de preuve de son impossibilité vraisemblable d'assurer l'indemnisation éventuelle du préjudice en résultant, le cas échéant, pour les intimées n'étant invoqué, ni rapporté par la société ENDEMOL DÉVELOPPEMENT. SUR LES DEMANDES RECONVENTIONNELLES DES INTIMEES : Considérant que les arguments développés par les intimées au soutien de leurs prétentions sur le fondement des articles 321 et 553 du Nouveau Code de Procédure Civile s'avèrent non pertinents au vu de l'issue du litige ; Que les intimées ne peuvent utilement prétendre que l'article, paru dans Nice Matin qui fait état de l'introduction de la procédure devant le premier juge sans présenter d'aspect diffamatoire, ait pu causer un préjudice d'image ni davantage être susceptible de constituer une

pression sur celui-ci ; que les sociétés intimées qui poursuivent encore l'exploitation des sites Nice People et Nice People TFI ne sauraient reprocher à la société Technofi d'avoir agi en justice pour la défense de ses droits expressément reconnus par la société ENDEMOL par l'intermédiaire de son conseil le 03 avril 2003 ; Que ces demandes doivent être rejetées ; SUR LES PRETENTIONS ACCESSOIRES :

Considérant que l'équité commande d'allouer à la société Technofi une indemnité de 5000 en application de l'article l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Considérant que les sociétés intimées qui succombent en leurs demandes et supporteront les dépens des deux instances ne sont pas fondées en leurs prétentions au même titre ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort DECLARE recevable la communication des pièces 18 à 29 par la SA TECHNOFI, INFIRME la décision déférée en toutes ses dispositions, Et statuant à nouveau, Vu l'extrait du plumitif du 16 juillet 2003, INTERDIT à titre provisoire à la SAS ENDEMOL DÉVELOPPEMENT et à la SA TFI tout usage de la dénomination Nice People sur le réseau internet sous astreinte provisoire de 2000 par infraction constatée à compter de la signification du présent arrêt ; DIT n'y avoir lieu de réserver la liquidation de l'astreinte, REJETTE la demande de consignation de la SAS ENDEMOL DÉVELOPPEMENT, DEBOUTE les sociétés intimées de leurs demandes reconventionnelles, LES CONDAMNE in solidum à verser à la SA TECHNOFI une indemnité de 5.000 en vertu de l'article l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, LES CONDAMNE sous la même solidarité aux dépens des deux instances et AUTORISE la SCP BOMMART MINAULT, avoués, à recouvrer ceux d'appel conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. DONNE ACTE à la SA TFI de ses réserves. ARRET REDIGE ET PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER QUI A ASSISTE

LE PRESIDENT AU PRONONCE MARIE-THERESE X...

FRANOEOISE LAPORTEAU PRONONCE MARIE-THERESE X...

FRANOEOISE Y...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 2003-04666
Date de la décision : 04/09/2003

Analyses

MARQUE DE FABRIQUE - Contentieux - Interdiction provisoire - Conditions

Il résulte des dispositions de l'article L. 716-6 du code de la propriété intellectuelle que la demande d'interdiction ou de constitution de garanties n'est admise que si l'action au fond apparaît sérieuse et a été engagée à bref délai. Tel est le cas de l'assignation effectuée dans les deux mois suivant une demande d'autorisation d'utiliser la marque, après échec de pourparlers, puis mise en demeure de procéder au retrait de la marque contrefaisante, dès lors qu'il est établi que le titulaire de la marque arguée de contrefaçon avait connaissance des droits du demandeur et conscience d'y porter atteinte


Références :

code de la propriété intellectuelle, article L. 716-6

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2003-09-04;2003.04666 ?
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