La Cour statue sur l'appel interjeté par la SA NISSAN FRANCE, la Société de droit Hollandais NISSAN EUROPE et la Société de droit japonais NISSAN FIRE AND MARINE INSURANCE CO Ltd (les Sociétés NISSAN) à l'encontre du jugement prononcé le 20 décembre 2001 dans le litige qui les oppose à la SA ATOFINA, venant aux droits de la SA ELF ATOCHEM. Des véhicules importés du Japon et de Grande Bretagne par les Sociétés NISSAN, entreposés dans la zone portuaire du Havre ont présenté des tâches noirâtres sur leurs carrosseries. Les Sociétés NISSAN ont d'abord fait diligenter une mesure d'expertise par ordonnances sur requête des 24 juin et 9 juillet 1993. Ces ordonnances ont été rétractées par arrêt en date du 9 mars 1995 de la Cour d'appel de Rouen. La présente instance a été introduite par les citations que les Sociétés NISSAN ont fait délivrer le 24 août et le 2 septembre 1994 à la SA ATOFINA d'avoir à se présenter à l'audience du Tribunal de commerce de Nanterre, pour qu'il soit statué sur leur demande en paiement de dommages-intérêts, sur le fondement de l'article 1384 du Code civil. Par jugement rendu le 2 février 1996, le Tribunal de commerce de Nanterre a, avant dire droit, désigné Monsieur X... en qualité d'expert. Au cours de l'expertise, les Sociétés NISSAN ont fait une demande de récusation de l'expert par assignation devant le Tribunal de commerce de Nanterre, délivrée le 22 juin 2001 à la SA ATOFINA. Leur demande portait également sur la désignation d'un nouvel expert, sur un complément d'expertise, et sur la communication de pièces, et subsidiairement sur la désignation de deux autres experts en matière de chimie et en matière d'évaluation de dommages, pour constituer avec Monsieur X... un collège de trois coexperts. Statuant sur ces demandes, le Tribunal de commerce de Nanterre, par jugement rendu le 20 décembre 2001, a débouté les Sociétés NISSAN de la demande de récusation et de toutes les autres demandes, et les a condamnées à payer la somme de 3.811,23 EUR sur le
fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Les Sociétés NISSAN ont interjeté appel de ce jugement et demandent à la Cour : - de déclarer leur appel recevable, - de récuser Monsieur X..., et en conséquence de le remplacer, en désignant un expert spécialisé en matière de chimie, - de dire que cet expert ne pourra s'adjoindre l'aide des collaborateurs du Laboratoire Crépin, mais aura la faculté de s'adjoindre tout sapiteur de son choix, et d'ajouter à la mission, celle de procéder à toutes analyses complémentaires à celles déjà faites par le Laboratoire municipal du Havre, par Monsieur Y..., par la D.R.I.R.E., par le C.R.I.T.T., par le Laboratoire Crépin et par Monsieur X..., - de désigner en outre un expert spécialiste de l'évaluation des dommages matériels et commerciaux, - de condamner la SA ATOFINA à leur payer la somme de 10.000 EUR sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Sur la recevabilité de l'appel, les Sociétés NISSAN font notamment valoir qu'il est de jurisprudence que le rejet d'une demande de récusation d'expert constitue une décision au fond susceptible d'appel immédiat, sans qu'il soit nécessaire d'obtenir l'autorisation du premier président, prévue par l'article 272 du Nouveau Code de Procédure Civile, laquelle autorisation n'étant nécessaire que pour faire appel de la décision qui ordonne l'expertise. Sur la demande de récusation, les Sociétés NISSAN font notamment valoir qu'elles ont été alertées par le comportement de l'expert qui ne répondait à aucun des dires qu'elles lui adressaient avec les observations du Professeur Lapluye, et semblait se désintéresser de la mission qui lui avait été confiée depuis de nombreuses années, et qu'elles ont alors demandé au Cabinet d'investigation de Monsieur Z... d'effectuer des recherches sur les raisons qui pouvaient expliquer cette attitude. Elles indiquent que ces recherches ont mis en évidence des liens capitalistiques et
des liens commerciaux entre la SA ATOFINA et Monsieur X..., de nature à faire naître un doute sur l'impartialité et l'indépendance de l'expert, et en déduisent que ce dernier doit être récusé et remplacé. La SA ATOFINA demande à la Cour : - de déclarer les Sociétés NISSAN irrecevables à former appel immédiat, - subsidiairement de confirmer le jugement, - en toute hypothèse de condamner les Sociétés NISSAN à lui payer la somme de 10.000 EUR sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Sur la recevabilité de l'appel, les Sociétés NISSAN font notamment valoir qu'il est de jurisprudence que la décision qui statue sur une demande de récusation d'un expert ne tranche aucune partie du principal et ne met pas fin à l'instance, et qu'en conséquence un appel immédiat n'est pas recevable. Le Ministère Public a conclu à la confirmation du jugement.
DISCUSSION Sur la recevabilité de l'appel Considérant qu'il résulte des dispositions des articles 544 et 545 du Nouveau Code de Procédure Civile que ne peut être frappé d'appel indépendamment du jugement sur le fond, le jugement qui ne tranche pas le fond du litige, en tout ou en partie ; Considérant que plus particulièrement pour l'expertise, il résulte des dispositions de l'article 170 du Nouveau Code de Procédure Civile que les décisions relatives à l'exécution d'une mesure d'instruction ne peuvent être frappées d'appel qu'en même temps que le jugement sur le fond ; Considérant qu'en l'espèce le litige porte sur une demande de dommages-intérêts ; Considérant que le fait que la demande de récusation et de remplacement de l'expert ait été formée par assignation ne change pas sa nature de demande ne concernant pas le fond du droit, mais concernant l'exécution de la mesure d'expertise ; qu'il en est de même de la demande subsidiaire de désignation de deux co-experts ; Considérant que le jugement déféré en date du 20 décembre 2001 n'a pas tranché, même pour partie
le principal, et n'a pas mis fin à l'instance ; qu'il ne peut être frappé d'appel indépendamment du jugement qui sera rendu sur le fond ; Considérant qu'il s'en déduit que l'appel formé par les Sociétés NISSAN est irrecevable ; Considérant qu'il convient en équité, pour tenir compte, au moins partiellement, des frais d'appel, de condamner les Sociétés NISSAN à payer à la SA ATOFINA la somme de 4.000 EUR sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, s'ajoutant à la condamnation des premiers juges ;
PAR CES MOTIFS Statuant publiquement et contradictoirement, Déclare irrecevable l'appel interjeté par les Sociétés NISSAN FRANCE, NISSAN EUROPE et NISSAN FIRE AND MARINE INSURANCE CO Ltd à l'encontre du jugement rendu le 20 décembre 2001 par le Tribunal de commerce de Nanterre, Condamne les Sociétés NISSAN à payer à la SA ATOFINA la somme de 4.000 EUR sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Condamne les Sociétés NISSAN aux dépens d'appel et accorde à la SCP FIEVET- ROCHETTE-LAFON, titulaire d'un office d'Avoué, le droit de recouvrement conforme aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile, Et ont signé le présent arrêt : Monsieur Jean A..., qui l'a prononcé, Madame Michèle B..., qui a assisté à son prononcé, Le GREFFIER,
Le PRESIDENT,