COUR D'APPEL DE VERSAILLES 12ème chambre section 2 D.C./P.G. ARRÊT Nä DU 06 Mai 2003 R.G. Nä 01/01528 AFFAIRE : - SNC FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL FRANCE C/ - S.A. OPHTALMIC-B etamp; T anciennement dénommée société B etamp; T - S.A. CAVALIER INTERNATIONAL - S.A. CONTINENT (LE) en sa qualité d'apéritrice et pour le compte des Stés BRITISH AND FOREIGN, GENERALI FRANCE ASSURANCES, AGF MAT et COMMERCIAL UNION IARD Copie certifiée conforme Expédition exécutoire délivrées le : à : ä SCP FIEVET-ROCHETTE-LAFON ä Me Farid SEBA ä SCP JULLIEN LECHARNY ROL E.D. RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS ---------------- LE SIX MAI DEUX MILLE TROIS, La cour d'appel de VERSAILLES, 12ème chambre section 2, a rendu l'arrêt CONTRADICTOIRE suivant, prononcé en audience publique, La cause ayant été débattue à l'audience publique du SIX MARS DEUX MILLE TROIS DEVANT : MADAME FRANOEOISE LAPORTE, PRESIDENT, chargée du rapport, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés, en application de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, assistée pendant les débats de Melle Christel X..., faisant fonction de greffier, Le magistrat rapporteur en a rendu compte à la cour, dans son délibéré, celle-ci étant composée de :
MADAME FRANOEOISE LAPORTE, PRESIDENT, MONSIEUR JEAN-FRANOEOIS FEDOU, CONSEILLER, MONSIEUR DENIS COUPIN, CONSEILLER, et ces mêmes magistrats en ayant délibéré conformément à la loi, DANS L'AFFAIRE ENTRE : - SNC FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL FRANCE ayant son siège 125/135 avenue Louis Roche 92230 GENNEVILLIERS, représentée par son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège. APPELANTE d'un jugement rendu le 19 Janvier 2001 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE, 6ème chambre. CONCLUANT par la SCP FIEVET-ROCHETTE-LAFON, avoués près la Cour d'Appel de VERSAILLES. ET - S.A. OPHTALMIC-B etamp; T ANCIENNEMENT DENOMMEE SOCIETE B etamp; T AYANT SON SIEGE 22 AVENUE DES NATIONS, ZA PARIS NORD II - IMMEUBLE LE ROUSSEAU - BP 50306, VILLEPINTE 95940
ROISSY CHARLES DE GAULLE, REPRESENTEE PAR SON GERANT EN EXERCICE DOMICILIE EN CETTE QUALITE AUDIT SIEGE. - S.A. CONTINENT (LE) PRISE EN LA PERSONNE DE SON PRESIDENT DU CONSEIL D'ADMINISTRATION DOMICILIE EN CETTE QUALITE AUDIT SIEGE, TANT EN SON NOM PERSONNEL QU'EN SA QUALITE D'APERITRICE ET POUR LE COMPTE DES Sociétés BRITISH AND FOREIGN 2 RUE ROSSINI 75320 PARIS CEDEX 09, GENERALI FRANCE ASSURANCES 5, RUE DE LONDRES 75456 PARIS CEDEX 09, AGF MAT 23-27 RUE NOTRE DAME DES VICTOIRES 75002 PARIS et COMMERCIAL UNION IARD ayant son siège 100 RUE DE COURCELLES 75858 PARIS CEDEX 17. INTIMEES CONCLUANT par Maître Farid SEBA, avoué près la Cour d'Appel de VERSAILLES. PLAIDANT par Maître Michel KESSLER, avocat du barreau de PARIS (E.895). - S.A. CAVALIER INTERNATIONAL ayant son siège 14 rue de la Belle Borne, Frêt nä 5 - Entrepôt nä 1 - Porte N 95725 ROISSY CHARLES DE GAULLE CEDEX, prise en la personne de son Président du Conseil d'Administration domicilié en cette qualité audit siège. INTIMEE CONCLUANT par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL, avoués près la Cour d'Appel de VERSAILLES. PLAIDANT par Maître LE GUEROUX, Avocat du Barreau de ROUEN. ***** FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES :
5La société OPHTALMIC-Betamp;T avait vendu à la société JOSHUA DANIEL ENTREPRISES à Montréal des lentilles de contact d'une valeur de 495.520 dollars US. Le 10 mars 1999, elle en a confié à la société CAVALIER INTERNATIONAL l'expédition, conditionnée sous huit palettes, directement adressée, suivant instructions de sa cliente, à l'utilisateur final, la société LENS EXPRESS en Floride. La société CAVALIER INTERNATIONAL, qui ne discute pas sa qualité de commissionnaire dans cette intervention, a sous-traité cette opération de transport aérien à la société FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL. Cinq palettes ont été livrées le 15 mars 1999. Les trois autres ont été, par erreur, acheminées au Venezuela où elles sont restées bloquées en douane jusqu'à une intervention de
l'ambassade de France. Dès le 29 mars 1999, l'acheteur des marchandises à protesté de la livraison incomplète, n'admettant de régler que la somme de 311.514,50 dollars US en en déduisant une pénalité de 24.926 dollars. Le destinataire final n'étant plus intéressé à recevoir tardivement le solde de l'expédition, les trois palettes récupérées ont été dirigées vers la société JOSHUA DANIEL ENTREPRISES à Montréal. Deux de ces palettes furent livrées les 05 et 06 mai 1999. Les conditions d'acheminement de la troisième, revenue le 11 mai, sont controversées entre les parties. C'est dans ces circonstances que la société OPHTALMIC-Betamp;T a assigné la société CAVALIER INTERNATIONAL et la société FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL devant le tribunal de commerce de Nanterre pour réclamer leur condamnation solidaire, sur le fondement des fautes lourdes commises par la société FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL, au paiement de la somme de 3.396.660,50 francs (498.520 $) (517.817,56 euros) correspondant à la commande annulée, 169.833 francs (24.926 $) (25.890,87 euros) à la pénalité de retard ainsi que 1.500.000 francs (228.673,53 euros) au titre de dommages et intérêts et 30.000 francs (4.573,47 euros) pour ses frais irrépétibles. La société CAVALIER INTERNATIONAL a assigné la société FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL en demandant sa garantie et 30.000 francs (4.573,47 euros) en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La compagnie LE CONTINENT, qui avait réglé à la société OPHTALMIC-Betamp;T une somme de 349.583 francs (53.293,58 euros) à titre d'indemnité d'assurance pour les marchandises manquantes ou endommagées, est intervenue volontairement à l'instance pour réclamer cette somme à la société FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL. Par jugement rendu le 19 janvier 2001, cette juridiction a joint les instances, a condamné la société CAVALIER INTERNATIONAL à payer à la compagnie LE CONTINENT la somme de 349.583 francs (53.293,58 euros) et à la société OPHTALMIC-Betamp;T celle de 63.687 francs (9.709,02
euros), a condamné la société FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL à relever et garantir la société CAVALIER INTERNATIONAL de ces condamnations et a ordonné l'exécution provisoire. Elle a en outre mis à la charge de la société CAVALIER INTERNATIONAL, sous la garantie de la société FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL, le paiement d'une somme de 10.000 francs (1.524,49 euros) à chacune des sociétés OPHTALMIC-Betamp;T et LE CONTINENT en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Pour statuer ainsi, les premiers juges ont considéré que la société CAVALIER INTERNATIONAL n'avait pas commis de faute lourde dans l'exécution de sa mission. Ils ont retenu que la société FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL était intervenue en qualité de commissionnaire substitué et était à ce titre garante de la perte des marchandises et qu'elle avait commis une faute grave lui interdisant de se prévaloir des limitations de responsabilité prévues par la Convention de Varsovie. Ils ont débouté la société OPHTALMIC-Betamp;T de ses demandes de dommages et intérêts en estimant que la preuve n'était pas rapportée ni de la volonté de nuire de la société FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL ni que la huitième palette égarée ait été livrée chez son concurrent. La société FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL, qui a interjeté appel de cette décision, expose qu'elle est intervenue en tant que transporteur aérien et non de commissionnaire de transport. Se prévalant d'un arrêt rendu le 18 janvier 2001 par cette cour dans un litige analogue, elle soutient que sa responsabilité de transporteur aérien doit être appréciée au regard de la Convention de Varsovie. Elle réfute la prétendue irrégularité de la lettre de transport aérien qui porte une signature dactylographiée et ajoute que la question de la validité de la LTA n'est pas de nature à exclure l'application de la Convention de Varsovie. Elle dénie toute confusion d'identité entre elle-même, qui est inscrite en tant que transporteur aérien au registre de la
Direction de l'Aviation Civile, avec la société américaine FEDERAL EXPRESS CORPORATION, en expliquant qu'une telle confusion serait inutile. Se prévalant de l'article 9 de la Convention de Varsovie dans sa rédaction postérieur au protocole de La Haye du 28 octobre 1955, et du respect des dispositions imposées par l'article 8, elle soutient que le contrat de transport a bien été conclu avec elle-même qui bénéficie en conséquence des limitations de responsabilité prévues par cette convention internationale. Elle rappelle les critères qui qualifient le commissionnaire, explique que son rôle était d'assurer directement le transport de la marchandise, qu'elle n'a effectué aucun acte d'organisation dans le cadre de cette expédition, que la LTA a été remplie par l'expéditeur la société CAVALIER INTERNATIONAL et qu'elle fait foi, jusqu'à preuve du contraire, de la conclusion du contrat. Elle en déduit que seule la société CAVALIER INTERNATIONAL avait la qualité de commissionnaire. Elle fait valoir qu'aux termes de la Convention de Varsovie, l'indemnité due par le transporteur, hormis les cas d'une déclaration d'intérêt, d'irrégularité de la lettre de transport aérien ou de faute inexcusable, est limitée à 17 DTS par kilo, soit environ 20 euros. Elle observe que, dans l'espèce, la société CAVALIER INTERNATIONAL n'a pas procédé à une déclaration spéciale d'intérêt à la livraison. Elle critique le jugement d'avoir retenu une faute lourde qui n'est pas assimilable à une faute inexcusable au sens de la Convention de Varsovie. Elle estime que, si elle devait être condamnée, l'indemnité ne saurait excéder 20 euros par kilo à raison des trois huitièmes du poids total de l'envoi, soit 544,87 kg x 20 = 10.897,40 euros. Elle soutient que la société OPHTALMIC-Betamp;T n'établit pas qu'une des trois palettes expédiées vers les Etats Unis aurait été remise à un concurrent et ne justifie pas du préjudice qu'elle prétend avoir subi en raison de l'atteinte à son secret
commercial et à sa réputation. Elle approuve les premiers juges d'avoir observé que la société OPHTALMIC-Betamp;T n'apportait pas la preuve que son client aurait refusé de lui régler la totalité de la marchandise reçue. Elle demande en conséquence à la cour d'infirmer le jugement, de débouter la société OPHTALMIC-Betamp;T, la compagnie LE CONTINENT et la société CAVALIER INTERNATIONAL de toutes leurs demandes, subsidiairement de limiter sa condamnation à la somme de 10.897,40 euros et de condamner la société OPHTALMIC-Betamp;T à lui payer 10.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La société OPHTALMIC-Betamp;T et la compagnie LE CONTINENT répondent ensemble en rappelant les dispositions de l'article 98 (en réalité L.132-5) du code de commerce qui édictent que le commissionnaire est garant de la perte des marchandises qui lui sont confiées. Elle exposent que la société FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL a bien eu, dans l'opération de transport, la qualité de commissionnaire substitué et invoquent à cet égard les péripéties organisationnelles du transport qui n'ont pas été menées par la société CAVALIER INTERNATIONAL laquelle n'a eu, selon elles, qu'un rôle passif de protestataire. Elles soutiennent que la société FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL avait toute liberté dans l'organisation du transport en cause jusqu'à sa destination finale. Elles font observer à cet égard que la lettre de transport aérien est un imprimé du transporteur Fédéral Express Corporation qui, au surplus, n'est pas régulièrement signé par le représentant de la société CAVALIER INTERNATIONAL. Elles en déduisent que ce document n'est pas une LTA impliquant la société CAVALIER INTERNATIONAL mais une "preuve" que la société FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL s'est faite à elle-même pour faire assumer par un autre sa responsabilité de commissionnaire de transport. Elles estiment que ce document ne saurait prétendre à une valeur contractuelle et qu'il ne reste à la société FEDERAL EXPRESS
INTERNATIONAL que la qualification de commissionnaire de transport substitué, puisqu'elle n'a pas mentionné son nom sur la prétendue LTA qu'elle n'a pas signée. Elles indiquent que le transport aérien a été assuré par la maison mère FEDERAL EXPRESS CORPORATION et que le choix d'un transit par Memphis et le rapatriement vers le Canada de la marchandise égarée au Venezuela étaient des décisions organisationnelles de commissionnaire de transport. Elles considèrent que le comportement de la société FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL est fautif car si l'erreur de routage commise à Memphis pouvait être fortuite, la "distraction" d'une palette, lors du retour du Venezuela, égarée chez Johnson et Johnson - Vistakon puis retrouvée, ne pouvait qu'être une initiative du commissionnaire de transport. Elles estiment que la faute personnelle de ce dernier est délibérée et répétée ce qui écarte toute limitation de responsabilité, qu'au niveau du transporteur Fédéral Express Corporation elle n'a pu être commise qu'en violation sciemment de ses procédures relevant de la qualification ISO 9001, avec conscience de la certitude du dommage en résultant pour l'expéditeur. Elles exposent que la société OPHTALMIC-Betamp;T a subi un important dommage constitué de la valeur des marchandises que cette dernière s'est trouvée dans l'obligation de renouveler soit 517.817,50 euros et la pénalité de 25.890,80 euros ainsi que d'un important préjudice commercial pour l'atteinte à sa réputation de fiabilité auprès de sa clientèle ainsi que ses difficultés d'approvisionnement consécutives à la violation de son secret commercial et qui ne saurait être inférieur à 250.000 euros. Elles demandent en conséquence à la cour de condamner solidairement la société FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL et la société CAVALIER INTERNATIONAL à payer à la société OPHTALMIC-Betamp;T ces sommes outre 7.500 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Elles précisent que les marchandises avaient été
assurées tous risques par la société CAVALIER INTERNATIONAL dans le cadre de sa police flottante et qu'il a été payé à la société OPHTALMIC-Betamp;T par la compagnie d'assurance 53.293,50 euros. Elles réclament donc la condamnation de la société FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL à payer à la compagnie LE CONTINENT cette somme outre 7.500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La société CAVALIER INTERNATIONAL explique pour sa part qu'elle est intervenue en qualité de commissionnaire de transport principal et qu'elle a confié cette opération à la société FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL qui organisa le transport aérien litigieux. Elle observe qu'aucune faute personnelle ne lui est reprochée. Laissant le soin à la cour de se prononcer sur la réalité et le montant du préjudice commercial et financier dont se prévaut la société OPHTALMIC-Betamp;T et sur l'application de la limite de responsabilité de la société FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL, elle rappelle que le préjudice matériel a été indemnisé par la compagnie d'assurance. Elle invoque les dispositions des articles L.132-4 et suivant du code de commerce pour demander que la société FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL soit condamnée à la relever et la garantir de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle ainsi qu'à lui payer la somme de 9.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 13 février 2003 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 11 mars 2003. MOTIFS DE LA DECISION : Considérant que, le 10 mars 1999, la société OPHTALMIC-Betamp;T a demandé à la société CAVALIER INTERNATIONAL, qui ne discute pas sa qualité de commissionnaire de transport, d'expédier par la voie aérienne depuis ses entrepôts français, jusqu'à la société LENS EXPRESS à DEERFIELD BEACH en Floride, un lot d'un poids total de 1.453 kg de huit palettes de
cartons contenant des lentilles de contact ; Considérant que cette opération de transport, pour sa partie aérienne internationale, est régie par les dispositions de la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929 et du protocole de La Haye du 03 août 1955 ; Considérant que la société CAVALIER INTERNATIONAL a sous-traité l'exécution de ce transport à la société française FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL ; Considérant qu'il est constant que cinq palettes sont normalement parvenues à leur destinataire dès le 15 mars 1999 ; que les trois autres ont été expédiées par erreur au Venezuela ; que sur la demande de la société CAVALIER INTERNATIONAL, qui transmettait les instructions de son donneur d'ordre, ces trois palettes déroutées ont été réexpédiées au Canada ; Qu'il résulte des constatations non critiquées du rapport des experts d'avaries Hayes Stuart, qu'étaient relevées manquantes 4.650 et endommagés 35 boites de, chacune, six lentilles de contact ; Considérant que la société FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL se prévaut de sa qualité de transporteur aérien pour opposer à la société OPHTALMIC-Betamp;T les limites d'indemnisation pour perte de marchandises prévues par les dispositions de la Convention de Varsovie ; que cette dernière conteste la qualité de transporteur et soutient que la société FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL avait, dans l'opération litigieuse, celle de sous-commissionnaire ; Considérant que la commission de transport, convention par laquelle le commissionnaire s'engage envers le commettant à accomplir pour le compte de celui-ci les actes juridiques nécessaires au déplacement de la marchandise d'un lieu à un autre, se caractérise par la latitude laissée au commissionnaire d'organiser librement le transport par les voies et moyens de son choix, sous son nom et sous sa responsabilité, ainsi que le fait que cette convention porte sur le transport de bout en bout ; Considérant que cette qualité doit être appréciée pour chaque opération distincte ; que la circonstance que la société
FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL soit titulaire d'une autorisation pour l'exploitation de services aériens réguliers internationaux délivrée par la direction générale de l'aviation civile n'est pas de nature à démontrer que, dans l'opération considérée, elle ne pouvait avoir qu'un rôle de transporteur ; qu'il résulte en effet des mentions portées à son immatriculation au registre du commerce qu'elle exerce également l'activité de commissionnaire de transport ; Considérant que, pour démontrer, dans l'opération considérée, sa qualité de transporteur aérien, la société FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL se prévaut d'une lettre de transport aérien dont elle soumet à l'examen de la cour les photocopies de télécopies de mauvaise qualité du recto et, séparément, du verso ; Que ce document daté du 11 mars 1999 comporte une entête FEDEX, sans autre précision ; que les conditions du contrat précisent dans le premier article "DEFINITION" : "Sur la présente Lettre de Transport Aérien, "nous" et "nôtre" désignent Federal Express Corporation, ses filiales et succursales ainsi que ses employés, agents et entrepreneurs indépendants respectifs. "Vous" et "votre" désignent l'expéditeur, ses employés, commettants et agents. Si votre envoi est issu d'un endroit situé hors des Etats Unis, votre contrat de transport est conclu avec la succursale ou l'entrepreneur indépendant de Federal Express ayant initialement accepté l'envoi de votre part. Par l'acceptation de l'envoi, l'entrepreneur indépendant est d'accord n'être (sic) lié par les termes et conditions suivantes" ; Que ce document n'est signé ni par la société FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL, ni par la société FEDERAL EXPRESS CORPORATION dont le nom et l'indication du siège social à Memphis USA sont portées au bas des "CONDITIONS DU CONTRAT" ; Qu'il comporte, en son verso, sous une rubrique illisible, la mention manuscrite "L.GUELLE" qui ne peut être, à l'évidence et par simple comparaison, la signature du représentant de la société CAVALIER
INTERNATIONAL, Laurent GUELLE, laquelle est portée sur différentes correspondances émises par ce dernier ; Qu'il suit de là que ce document, dépourvu de signatures ou de timbres humides des parties ne peut constituer une LTA régulièrement établie et ayant la force probante de la conclusion d'un contrat de transport ; Considérant que la société FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL invoque les dispositions de l'article 5.2 de la Convention de Varsovie qui édictent que l'absence, l'irrégularité ou la perte de la LTA n'affectent ni l'existence, ni la validité du contrat de transport qui n'en est pas moins soumis aux règles de la Convention ; Mais considérant que la société FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL ne peut se prévaloir utilement de ce texte sans établir qu'elle a bien effectué matériellement et directement, comme elle le prétend, le transport litigieux ; que la société OPHTALMIC-Betamp;T affirme en effet que ce n'est pas la société FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL mais sa maison mère FEDERAL EXPRESS CORPORATION qui a physiquement transporté la marchandise ; qu'elle fait observer à cet égard et à juste titre la totale discrétion de la société FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL quant aux conditions de transport ; que cette dernière ne précise pas les numéros des vols et l'identification de son ou de ses appareils à bord desquels ont été embarquées les marchandises ; Considérant à cet égard que, par télécopie du 07 avril 1999, la société FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL a écrit à la société CAVALIER INTERNATIONAL : "Pour faire suite à notre conversation téléphonique de ce jour, nous vous confirmons que les 3 colis sont toujours retenus en douane à Valencia, Venezuela. Cette expédition, lors de son transit dans notre centre international de tri de Memphis, Tennessee, USA, a fait l'objet d'une erreur de routage de nos services opérations. Nous vous assurons que tout est mis en ouvre afin de libérer ces 3 cartons dans les meilleurs délais, et de les faire suivre vers leur destination
finale." Considérant que la ville de Memphis aux Etats Unis est, comme indiqué dans les conditions du transport, le lieu du siège social de FEDERAL EXPRESS CORPORATION ; que le transit de la marchandise par ce centre international démontre que la société FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL a librement organisé les moyens d'acheminement des huit palettes, confiant à sa société mère et à ses "services opérations" le routage, sur le territoire des Etats-Unis, de cette expédition ; que le choix de faire transiter les marchandises par ce centre plutôt que de les acheminer directement de Paris Charles De Gaulle jusqu'à DEERFIELD BEACH en Floride est, comme le souligne la société OPHTALMIC-Betamp;T, une décision organisationnelle de transport ; Que, de surcroît, ce n'est que par les moyens de sa maison mère FEDERAL EXPRESS CORPORATION où ceux d'une autre filiale au Venezuela que la société FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL pouvait mettre tout en ouvre afin de libérer les trois colis dans les meilleurs délais et les faire suivre vers leur destination finale à savoir le Canada ; que la société FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL n'allègue ni ne démontre avoir procédé elle-même au transport aérien depuis Valencia au Venezuela jusqu'à Montréal ; qu'elle ne donne, plus généralement, aucune indication sur les moyens logistiques dont elle serait propriétaire sur le continent nord américain pour réaliser personnellement une opération de transport aussi complexe ; Qu'il suit de là que c'est en qualité de sous-commissionnaire de transport que la société FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL est intervenue à l'opération de transport aérien international ; que, n'étant pas le transporteur de la marchandise, elle ne peut se prévaloir des limitations de responsabilité instaurées par la Convention de Varsovie ; Considérant qu'en application des dispositions de l'article L.132-5 du code de commerce, la société CAVALIER INTERNATIONAL, commissionnaire
principal, est garante des avaries ou pertes de marchandises ; qu'elle doit répondre à l'égard de la société OPHTALMIC-Betamp;T des préjudices résultant pour cette dernière de la mauvaise exécution par elle-même ou ses substitués des opérations de transport ; Considérant qu'aucune faute n'est alléguée à l'encontre de la société CAVALIER INTERNATIONAL qui a suivi l'expédition des colis et s'est régulièrement informée du sort des trois palettes déroutées, en transmettant sans retard à la société FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL les instructions nécessaires ; Considérant que la société CAVALIER INTERNATIONAL est bien fondée à obtenir la garantie de la société FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL, sous-commissionnaire substitué, pour les condamnations encourues au titre de l'indemnisation du préjudice subi par la société OPHTALMIC-Betamp;T ; SUR LE PREJUDICE :
Considérant que cette dernière fait valoir que son préjudice consiste d'une part dans la valeur des marchandises renouvelées et d'autre part dans l'atteinte à sa réputation commerciale ; Considérant que pour chiffrer à 498.520 $ soit 521.641,23 euros le dommage tenant aux marchandises remplacées, la société OPHTALMIC-Betamp;T produit aux débats une lettre de son client JOSHUA DANIEL ENTERPRISES en date du 29 mars 1999 dont les termes sont insuffisants à établir qu'il a été nécessaire de renouveler la totalité de la commande des huit palettes ; Que cette correspondance réclame seulement une pénalité de 24.926 $ qu'elle déduit de la facture pour déterminer un "solde à régler de 286.588,50 $" dont il n'apparaît pas qu'elle eut exprimé la volonté d'en refuser le paiement ; Que la société OPHTALMIC-Betamp;T n'allègue ni n'établit que ce solde de facture serait demeuré impayé ; Considérant que l'expert d'avarie intervenu à la livraison à Montréal a relevé 4.685 unités manquantes ou endommagées d'une valeur facturée de 12,10 $ l'unité ce qui détermine un préjudice de 56.688,50 $ ; Considérant que, dans ses écritures, la société OPHTALMIC-Betamp;T
retient un taux de conversion du dollar en euros de 0,9627 qui n'est pas critiqué ; Que le préjudice indemnisable au titre de la perte des marchandises et donc de 24.926 + 56.688,50 = 81.614,50 $ x 0,9627 =
78.570,30 euros ; Considérant qu'il ressort d'une quittance subrogative émise le 18 octobre 1999 et de la photocopie d'un chèque, que la compagnie d'assurance LE CONTINENT a indemnisé la société OPHTALMIC-Betamp;T pour la perte et/ou avaries survenues aux marchandises à concurrence de 349.583 francs, soit 53.293,58 euros ; Qu'il suit de là que la société CAVALIER INTERNATIONAL doit être condamnée à payer, sous la garantie de la société FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL, à la compagnie LE CONTINENT la somme de 53.293,58 euros et à la société OPHTALMIC-Betamp;T le surplus de son préjudice soit 78.570,30 - 53.293,58 = 25.276,72 euros ; Considérant que la société OPHTALMIC-Betamp;T réclame par ailleurs le paiement de la somme de 250.000 euros de dommages et intérêts en faisant valoir que la société FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL lui a causé un important préjudice commercial auprès de sa clientèle ainsi que des difficultés d'approvisionnement consécutives à la violation de son secret commercial ; Mais considérant qu'elle n'apporte à l'appui de son préjudice commercial aucun élément de nature à établir que le client JOSHUA DANIEL ENTREPRISE aurait été perdu ou que le développement de son activité avec cet intermédiaire aurait été affecté par la mauvaise exécution du contrat de transport de trois palettes ; Considérant que c'est sans le démontrer qu'elle affirme que la troisième des trois palettes réexpédiées du Venezuela aurait été livrée, par une erreur prétendument consciente, chez JOHNSON etamp; JOHNSON - VISTAKON ; qu'elle n'apporte pas davantage la preuve que la renonciation par VISTAKON France à des engagementsment consciente, chez JOHNSON etamp; JOHNSON - VISTAKON ; qu'elle n'apporte pas davantage la preuve que la renonciation par VISTAKON France à des
engagements commerciaux, qui ne sont pas au demeurant plus amplement explicités, résulterait des pérégrinations de la huitième palette entre Valencia et Montréal ; Que doit, en conséquence, être confirmé le jugement entrepris qui a débouté la société OPHTALMIC-Betamp;T de sa demande en paiement de dommages et intérêts ; SUR LES AUTRES DEMANDES : Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la société OPHTALMIC-Betamp;T et la compagnie LE CONTINENT la charge des frais qu'elles ont été contraintes d'engager en cause d'appel ; que la société FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL sera condamnée à payer à chacune d'elle une indemnité complémentaire de 1.500 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Considérant qu'il n'apparaît pas, en revanche, inéquitable de laisser à la société FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL et à la société CAVALIER INTERNATIONAL la charge des frais irrépétibles engagés par elles en cause d'appel ;
Considérant que l'appelante qui succombe dans l'exercice de son recours doit être condamnée aux dépens ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, CONFIRME, par motifs propres et adoptés, le jugement entrepris sauf à porter à 25.276,72 euros le montant de la condamnation prononcée à l'encontre de la société CAVALIER INTERNATIONAL, sous la garantie de la société FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL au bénéfice de la société OPHTALMIC-Betamp;T, Y ajoutant, CONDAMNE la société FEDERAL EXPRESS INTERNATIONAL à payer à chacune des sociétés OPHTALMIC-Betamp;T et LE CONTINENT la somme complémentaire de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, LA CONDAMNE aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par la SCP JULLIEN-LECHARNY-ROL et par Maître SEBA, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. ARRET REDIGE PAR MONSIEUR COUPIN, CONSEILLER PRONONCE PAR MADAME
LAPORTE, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET
LE GREFFIER QUI A ASSISTE
LE PRESIDENT AU PRONONCE M. THERESE Y...
FRANOEOISE LAPORTE