Nä du 24 AVRIL 2003 9ème CHAMBRE RG : 01/00704 X... COUR D'APPEL DE VERSAILLES Arrêt prononcé publiquement par Madame RACT MADOUX, président, le VINGT QUATRE AVRIL DEUX MILLE TROIS, par la 9ème chambre des appels correctionnels, en présence du ministère public, Nature de l'arrêt :
CONTRADICTOIRE (prévenu et PC)
Sur appel d'un jugement du tribunal correctionnel de CRETEIL,15ème chambre, du 19 janvier 1998. COMPOSITION DE LA COUR lors des débats, du délibéré et au prononcé de l'arrêt, Président
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Mademoiselle Y..., Monsieur Z..., MINISTÈRE PUBLIC :
Monsieur A..., substitut général. GREFFIER
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Madame B... lors des débats et du prononcé de l'arrêt PARTIES EN CAUSE Bordereau Nä du X... Michel né le xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx de nationalité française - marié - enseignant technique dans l'automobile demeurant à jamais condamné, libre, comparant, assisté de Maître LE LAY Claude, avocat au barreau de CRETEIL PARTIE CIVILE C... demeurant comparant, assisté de Maître SCHNERB Olivier, avocat au barreau de PARIS RAPPEL DE LA PROCÉDURE : LE JUGEMENT : Par jugement contradictoire en date du 19 janvier 1998, le tribunal correctionnel de CRETEIL a déclaré X...non coupable de : DENONCIATION CALOMNIEUSE, le 4 novembre 1994 , à CRETEIL, infraction prévue par l'article 226-10 AL.1 du Code pénal et réprimée par les articles 226-10 AL.1, 226-31 du Code pénal SUR L'ACTION PUBLIQUE : - l'a relaxé des fins de la poursuite sans peine, - a laissé les dépensà la charge du trésor public, SUR L'ACTION CIVILE: - a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de M. C...
- a laissé les dépens de l'action civile à la charge de M. C... LES D... :
Appel a été interjeté par : Monsieur C..., partie civile, le 21 janvier 1998, Monsieur le Procureur de la République, le 23 janvier 1998 ARRÊT DU 2 DÉCEMBRE 1999 Par arrêt du 2 décembre 1999, la cour d'appel de Paris (chambre Nä 11, section B) a : - reçu, en la forme, les appels de C..., partie civile et du ministère public, - confirmé le jugement déféré en ce qu'il a renvoyé Michel X... des fins de la poursuite du chef de dénonciation calomnieuse et en ce qu'il a déclaré C... irrecevable en sa constitution de partie civile, - rejeté la demande formée par Michel X... sur le fondement de l'article 472 du code de procédure pénale, - rejeté toutes autres demandes et conclusions plus amples ou contraires comme mal fondées. POURVOI Pourvoi a été formé par C... ARRET DU 10 OCTOBRE 2000 Par arrêt du 10 octobre 2000, la cour de Cassation, chambre criminelle a : - cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 2 décembre 1999, et pour qu'il soit jugé à nouveau, conformément à la loi, - renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil, DÉROULEMENT DES DÉBATS : A l'audience publique du 27 septembre 2001, l'affaire a été renvoyée au 02 mai 2002, puis au 06 Mars 2003, A l'audience publique du 06 mars 2OO3, Madame le Président a constaté l'identité du prévenu qui comparait assisté de son conseil, Ont été entendus : Madame RACT-MADOUX, président, en ses rapport et interrogatoire, Le prévenu, en ses explications, La partie civile, en ses observations, Maître SCHNERB, avocat, en ses plaidoirie et conclusions Monsieur A..., substitut général, en ses réquisitions, Maître LELAY, avocat, en ses plaidoirie et conclusions, , Le prévenu a eu la parole en dernier.
Madame le président a ensuite averti les parties que l'arrêt serait prononcé à l'audience du 24 AVRIL 2003 conformément à l'article 462 du code de procédure pénale. DÉCISION 5 La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, jugeant publiquement, a rendu l'arrêt suivant : Par ordonnance du juge d'instruction en date du 30 octobre1997, M. Michel X... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel de CRÉTEIL, pour avoir, à CRÉTEIL, le 4 novembre 1994, dénoncé calomnieusement à un juge d'instruction, susceptible d'y donner suite, des faits (en l'espèce, détournement de fonds, travail clandestin, homicide involontaire), de nature à entraîner des poursuites judiciaires ou administratives ou disciplinaires au préjudice de C... ; Ces faits sont prévus et réprimés par l'article 266-10 du code pénal ; M. C... , responsable de la SAR, avait été mis en cause dans une information instruite par M. HALPHEN, juge d'instruction à CRÉTEIL, du chef d'abus de bien sociaux, escroquerie ; la presse ayant rendu compte de cette affaire, M. Michel X..., président d'une association de locataires d'H.L.M., s'était spontanément présenté au juge d'instruction le 4 novembre 1994 pour dénoncer : * le fait que la SAR, dirigée par M. C... avait détourné de 1985 à 1988 5 % du montant du marché de travaux qui étaient prévus pour la réhabilitation d'immeuble H.L.M., * le recours à la sous-traitance avec l'emploi de travailleurs clandestins, * l'existence de problèmes de sécurité lors de la réalisation de travaux et la responsabilité de M. C... lors d'un accident mortel sur le chantier dans les termes suivants :
"C... a comparu devant le tribunal pour cette affaire et je crois qu'il avait été condamné..." M. C... a déposé plainte avec constitution de partie civile le 2 décembre1995 ; Par jugement du tribunal correctionnel de CRÉTEIL du 19 janvier1998, M. X... a été relaxé en l'absence de preuve de l'inexactitude des affirmations de M. Michel X... ; Sur appel du
ministère public et de la partie civile, la Cour d'appel de Paris a confirmé le jugement déféré, par substitution de motifs, en énonçant notamment qu'en l'absence de décision définitive d'acquittement de relaxe ou de non-lieu, la juridiction correctionnelle n'est tenue d'apprécier la pertinence des accusations portées par le dénonciateur que si une décision de classement sans suite ou assimilable à un classement sans suite a été prise par l'autorité compétente, que tel n'avait pas été le cas en l'espèce. Sur pourvoi de la partie civile :
M. C..., cette décision a été cassée par un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de Cassation en date du 10 octobre 2000, au motif qu'il appartient à la juridiction saisie de poursuites pour dénonciation calomnieuse d'apprécier la pertinence des accusations portées par le dénonciateur lorsque les faits dénoncés n'ont donné lieu à aucune poursuite pénale et, l'affaire a été renvoyée devant la cour d'appel de Versailles ; Il appartient donc à cette juridiction de rechercher sur l'action civile si les éléments constitutifs du délit de dénonciation calomnieuse sont réunis à l'encontre de M. X... ; devant cette Cour, M. C... fait valoir que les éléments constitutifs du délit de dénonciation calomnieuse sont réunis à l'encontre de M. X..., dès lors que celui-ci a effectué auprès du juge d'instruction, une dénonciation spontanée des faits de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires ; en effet, en ce qui concerne l'imputation d'être l'auteur d'un homicide involontaire, M. X... pouvait faire croire que M. C... était un récidiviste, pour les deux autres imputations, le procureur de la République, saisi par le juge d'instruction, sur le fondement de l'article 80 al. 3 du code de procédure pénale, aurait pu engager des poursuites ; sur la pertinence des accusations portées, M. C... soutient que ce n'est pas à l'accusateur de démontrer la fausseté des faits qui lui sont imputés mais à M. X...
de faire la démonstration devant la juridiction de la pertinence de ce qu'il a spontanément dénoncé au juge d'instruction, toute interprétation contraire conduirait à demander à la partie civile de rapporter une preuve négative, donc impossible ; en l'espèce M. C... ne peut faire la preuve de ce que sa société n'a jamais employé de travailleur clandestin, ni n'a jamais détourné de fonds ; le seul examen du réquisitoire du 16 octobre 1997 démontre que la dénonciation de M. X... n'a pas été jugée pertinente ; il sollicite une somme de 1.000 à titre de dommages-intérêts et celle de 3.000 sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale ; M. X... répond qu'en sa qualité de président d'une association de locataires d'H.L.M. dans le Val d'Oise, il avait été amené à suivre les travaux de réhabilitation d'immeubles effectués par la SAR dont M. C... était le dirigeant et à constater certaines irrégularités ; il lui avait paru nécessaire de s'en confier au juge d'instruction ; il avait ainsi accompli son devoir civique ; il fait observer qu'à plusieurs reprises, il a proposé à la justice (à M. HALPHEN, puis au juge d'instruction chargé d'instruire sur le délit de dénonciation calomnieuse) de déposer les documents qui prouvaient la véracité de ses déclarations mais que les juges n'en ont pas voulu ; il les tient encore aujourd'hui à la disposition de la cour ; il considère enfin qu'il n'a pas à rapporter la preuve de la pertinence de ses accusations, comme en matière de diffamation, une telle preuve en droit commun incombant au ministère public et à la partie civile ; il sollicite sa relaxe et l'attribution d'une somme de 1.000 , sur le fondement de l'article 516 du Code de Procédure Civile. MOTIFS DE LA COUR : - le caractère spontané de la dénonciation effectuée par M. X... qui s'est présenté au juge d'instruction pour dénoncer des faits imputables à M. C... n'est pas contesté ; - il est en outre établi que si la première allégation, selon laquelle M. C... aurait
été condamné pour homicide involontaire, ne pouvait donner lieu à des poursuites judiciaires, il en va différemment pour les deux autres imputations de travail clandestin et de détournements de fonds qui, à les supposer établies, étaient susceptibles de constituer des infractions pénales ; - en s'adressant à un juge d'instruction M. X... a effectué cette dénonciation auprès d'une autorité qui pouvait y donner suite, puisque le juge d'instruction avait le pouvoir de communiquer, en application de l'article 80 al. 3 du code de procédure pénale, cette déposition au procureur de la République en vue d'éventuelles poursuites ; - il a été établi que ces faits n'ont fait l'objet d'aucune poursuite et n'ont fait l'objet d'aucune décision judiciaire ; il appartient donc à la cour d'apprécier la pertinence des faits dénoncés par M. X... ; à cet égard, contrairement à ce qu'énonce la partie civile, c'est bien à la partie poursuivante qu'incombe la charge d'une telle preuve, conformément à l'ensemble des principes généraux applicables en procédure pénale et à l'article 6 OE 2 de la convention européenne, relatif à la présomption d'innocence; en l'espèce, une telle preuve qui ne saurait résulter de la seule existence des réquisitions de renvoi, n'a pas été rapportée par le parquet ni par la partie civile et n'était nullement impossible en l'espèce, dès lors qu'il leur appartenait, en application de l'article 82-1 du code de procédure pénale, de demander au juge d'instruction chargé d'instruire sur les faits de dénonciation calomnieuse d'ordonner à M. X... la production des documents déterminants ou des preuves que ce dernier avait déclaré détenir, tant devant M. HALPHEN ; "j'ai beaucoup de documents sur cette affaire qui sont d'ailleurs à votre disposition"; que devant le juge d'instruction, lors de sa première comparution : "tous les documents qui viennent à l'appui de la relation des faits que j'ai effectuée auprès de M. HALPHEN se trouvent à la société des H.L.M.
qui possèdent par exemple les procès-verbaux de réunions de chantiers . Tout le reste concernant l'historique de l'Amicale se trouve à la fédération C.N.L (Confédération Nationale du logement) je n'ai rien gardé chez moi, pour moi la page est tournée" ; Devant cette carence, la cour considère, comme le tribunal, que la preuve de l'absence de pertinence des faits dénoncés par M. X... n'est pas rapportée et que les éléments constitutifs du délit de dénonciation calomnieuse se sont pas réunis à son encontre ; La partie civile sera déboutée de ses demandes ; M. Michel X... doit être déclaré irrecevable en sa demande de dommages-intérêts fondée sur un article du code de procédure civile inapplicable devant les juridictions correctionnelles; PAR CES MOTIFS : LA COUR, après en avoir délibéré, Statuant publiquement et contradictoirement ; Vu l'arrêt de la chambre criminelle de la cour de Cassation du 10 octobre 2000 ; REOEOIT les appels du ministère public et de la partie civile ; CONSTATE que la saisine de la cour ne concerne plus que l'action civile; CONFIRME le jugement du tribunal correctionnel de CRÉTEIL en ce qu'il a déclaré que les éléments constitutifs du délit de dénonciation calomnieuse n'étaient pas réunis à l'encontre de M. X... ; DÉBOUTE M. C... de l'ensemble de ses demandes ; DÉCLARE irrecevable la demande de dommages-intérêts présentée par M. X... à l'encontre de M. C... . Et ont signé le présent arrêt, le président et le greffier.
LE GREFFIER,
LE PRÉSIDENT.