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03/04/2003 | FRANCE | N°JURITEXT000006943339

France | France, Cour d'appel de Versailles, 03 avril 2003, JURITEXT000006943339


La société FRIMISA avait confié à la société TRANSPORTS SAINT MICHEL, dite TSM, l'exécution de plusieurs opérations de transport de marchandises au départ de ses entrepôts de Lugo en Espagne et à destination, notamment, de la société SOCOPA à Villefranche d'Allier ; Six factures correspondant à ses prestations sont restées impayées par son donneur d'ordre qui a fait l'objet d'une procédure collective de redressement judiciaire ouverte par un jugement d'un tribunal espagnol rendu le 05 avril 2000. La société TSM a alors saisi le tribunal de commerce de Nanterre pour réclame

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La société FRIMISA avait confié à la société TRANSPORTS SAINT MICHEL, dite TSM, l'exécution de plusieurs opérations de transport de marchandises au départ de ses entrepôts de Lugo en Espagne et à destination, notamment, de la société SOCOPA à Villefranche d'Allier ; Six factures correspondant à ses prestations sont restées impayées par son donneur d'ordre qui a fait l'objet d'une procédure collective de redressement judiciaire ouverte par un jugement d'un tribunal espagnol rendu le 05 avril 2000. La société TSM a alors saisi le tribunal de commerce de Nanterre pour réclamer à la société INDUSTRIELLE ET COMMERCIALE DE VILLEFRANCHE, dite FRANVIL SOCOPA, sur le fondement de l'article 10 de la loi 98-69 du 06 février 1998 (devenu L.132-8 du code de commerce), le paiement de 26.912,28 francs (4.102,75 euros).

Par jugement rendu le 19 février 2001, cette juridiction l'a déboutée de toutes ses demandes en considérant principalement que le transport était soumis à la Convention relative au contrat de transport international de marchandises par route (CMR) laquelle ne fait pas mention d'action directe du voiturier à l'encontre du destinataire pour le paiement de ses prestations de transport. La société TSM, qui a interjeté appel de cette décision, soutient que la CMR n'interdit pas l'application de l'article L.132-8 du code de commerce en expliquant que l'article 6 de cette convention concerne essentiellement la bonne exécution du transport et ne fait aucune allusion au paiement du prix et que l'article 4 précise que le caractère incomplet du document n'influe pas sur la validité du contrat ni sur son régime. Elle fait valoir que les parties sont libres de choisir leur loi sur les points que la CMR ne règle pas. Elle explique qu'à défaut, la convention de Rome du 19 juin 1980 prévoit, eu égard en l'espèce au lieu du siège social du transporteur et du déchargement des marchandises, que la loi française doit

recevoir application ; Elle s'oppose au moyen soulevé subsidiairement par la société FRANVIL SOCOPA et affirme que le retard de paiement à peine supérieur à 15 jours pour le transport du 25 septembre 1999 ne saurait être considéré comme une prise de risque personnel assimilable à une faute de gestion. Ainsi elle demande à la cour de réformer le jugement et de condamner la société FRANVIL SOCOPA à lui payer 26.912,28 francs (4.102,75 euros) avec TVA à 19,6% et intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 09 mai 2000, outre 3.500 francs (533,57 euros) à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 10.000 francs (1.524,49 euros) par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La société INDUSTRIELLE ET COMMERCIALE DE VILLEFRANCHE, FRANVIL SOCOPA, réplique que les sociétés FRIMISA et TSM ont conclu des contrats de transport impérativement soumis à la CMR, primant et excluant les droits nationaux. Elle précise qu'au regard de ce texte, il n'est pas prévu d'action directe à l'encontre du destinataire qui n'est pas partie au contrat de transport. Elle en déduit qu'on ne saurait consacrer une telle action directe par application de l'article L.132-8 du code de commerce sauf à violer la Convention internationale. Surabondamment, elle soutient qu'est à l'origine de la créance impayée la propre carence de la société TSM qui a poursuivi ses prestations en dépit de retards de paiement sans obtenir de garantie de solvabilité, sans avertir les destinataires prétendument codébiteurs et en s'abstenant de toute diligence entre octobre 1999 et mai 2000 pour recouvrer sa créance. Elle soutient qu'ainsi, la société TSM a accordé à la société FRIMISA un crédit sans intérêt illicite au regard des dispositions "de l'article 33 du 1er décembre 1986" et, au mépris des usages, supérieur à six mois. Elle considère que cette cascade de négligences fautives et pénalement répréhensibles ne saurait être mise à sa charge. Elle ajoute que la société TSM ne justifie pas de

la ventilation d'un règlement de 111.139,28 francs (16.943,07 euros) reçu de la société FRIMISA et qui peut avoir couvert les factures litigieuses, ni de la répartition entre les trois destinataires. Aussi conclut-elle à la confirmation du jugement et réclame 4.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 10 octobre 2002 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 11 février 2003. MOTIFS DE LA DECISION :

Considérant qu'il n'est pas discuté que les factures dont le paiement est réclamé par la société TSM correspondent à des opérations de transport routier de marchandises réalisés en septembre, octobre et novembre 1999 entre la ville de Lugo en Espagne et, notamment, celle de Villefranche d'Allier en France, qui sont par conséquent régies par la Convention internationale de Genève de 1956, dite CMR, ainsi au demeurant que le confirme la mention explicite portée sur chacune des lettres de voiture et que ne le discutent pas les parties ; Considérant que cette Convention CMR ne comporte aucune disposition susceptible de régler le différend de l'espèce qui concerne seulement le règlement du prix des prestations de transport dont les conditions d'exécution ne sont pas litigieuses ; qu'il convient dès lors, et à défaut de convention des parties, de rechercher la loi applicable au contrat ; Considérant que, en matière d'exécution contractuelle, les conflits de loi entre Etats signataires du Traité instituant la Communauté économique européenne, au nombre desquels comptent la France et l'Espagne, sont réglés par la Convention de Rome du 19 juin 1980 ; Considérant que l'article 4 de cette convention édicte que la loi applicable au contrat est celle du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits ; que le paragraphe 4 de cet article indique que le contrat de transport est présumé avoir les liens les plus étroits avec le pays dans lequel le transporteur a son

établissement principal et où est situé le lieu de chargement ou de déchargement ; Qu'en l'espèce, il n'est pas discuté que le siège social de la société TSM, transporteur, était au moment de la conclusion du contrat, situé en France et que les marchandises ont été livrées dans ce pays ; Qu'il suit de là que le litige relatif au paiement du prix du transport, dans le silence de la convention CMR, est régi par la loi française et que la société TSM peut dès lors légitimement se prévaloir des dispositions de l'article L.132-8 du code de commerce pour réclamer au destinataire, la société FRANVIL SOCOPA, le paiement de prestations de transport impayées par la société FRIMISA ; Que le jugement qui a dit que la société TSM ne disposait pas d'une action directe doit en conséquence être infirmé ; Considérant que les prestations de transports de la société TSM qui sont demeurées impayées correspondent aux factures suivantes : - facture nä25629 du 25/09/1999 : 10.000,00 francs (1.524,49 euros) - facture nä26412 du 08/10/1999 : 10.500,00 francs (1.600,71 euros) - facture nä27175 du 15/10/1999 : 8.041,41 francs (1.225,91 euros) - facture nä28155 du 31/10:1999 : 6.199,50 francs (945,11 euros) - facture nä28300 du 05/11/1999 : 7.758,00 francs (1.182,70 euros) - facture nä28609 du 13/11/1999 : 10.500,00 francs (1.600,71 euros) Qu'au pied de chacune de ces factures, telles qu'elles sont produites en photocopie aux débats, figurait une lettre de change dont les mentions démontrent que la société TSM demandait à en obtenir le règlement dans un délai de trente jours ; Considérant que la société FRANVIL SOCOPA fait à la société TSM le reproche d'avoir accepté, à partir du 31 octobre1999 d'effectuer pour le compte de la société espagnole FRIMISA des transports alors qu'elle n'avait pas reçu le règlement de factures antérieures échues ; Considérant toutefois que la chronologie des facturations montre que, lors de la dernière prestation effectuée par la société TSM, seules les échéances de deux

factures étaient dépassées, celle du 25 septembre 1999 de dix-neuf jours et celle du 08 octobre suivant de seulement six jours ; Que ces constatations n'ont pas pour effet de démontrer un comportement fautif de la société TSM d'avoir accepté de transporter de la marchandise les 31 octobre et 05 novembre 1999 alors qu'une seule facturation, celle du 25 septembre précédent, enregistrait un retard de règlement et le 13 novembre alors que deux factures seulement restaient impayées à leurs échéances ; Que la poursuite des relations commerciales pendant un délai inférieur à vingt jours à compter de l'apparition d'un arriéré de règlement, ne constitue pas, comme le prétend la société FRANVIL SOCOPA, une négligence ou une faute de gestion d'une gravité telle qu'elle puisse faire perdre au transporteur le bénéfice de la garantie du destinataire ; Considérant que la résistance de la société FRIMISA à payer les factures de prestation de son transporteur ne peut en aucune manière, comme le soutient la société FRANVIL SOCOPA, s'analyser comme l'octroi par la société TSM à la société FRIMISA d'un crédit sans intérêt ; Que le transporteur produit aux débats une mise en demeure qu'il a adressée à son débiteur le 1er février 2000 pour lui réclamer le règlement de l'arriéré ; qu'il s'est trouvé confronté à l'état de cessation des paiements de la société FRIMISA et à la procédure collective qui en est résultée ; Considérant qu'en application de l'article L.132-8 du code de commerce l'expéditeur et le destinataire sont réputés garants du paiement du prix du transport et n'en sont pas les codébiteurs ; que l'action directe contre eux du voiturier n'est pas suspendue à la condition que ce dernier ait informé les garants d'une possible difficulté de recouvrer le prix des prestations de transport ; Qu'ainsi la société FRANVIL SOCOPA n'établit pas la réalité d'un quelconque comportement fautif de la société TSM susceptible de lui faire perdre le bénéfice des dispositions de ce texte ; Considérant

que la société FRANVIL SOCOPA discute le quantum de la créance qui lui est réclamée en faisant valoir que la société TSM ne justifie ni de la ventilation de la somme qui lui a été payée, ni de la répartition entre les trois sociétés destinataires ; Mais considérant que la société TSM produit aux débats le relevé du compte 411000, arrêté au 12 mai 2000, extrait de son grand livre, qui ne fait pas mention d'un quelconque règlement de la société FRIMISA ; que la somme portée au crédit pour 111.139,28 francs (16.943,07 euros) correspond au lettrage partiel de celle de 61.139,28 francs (9.320,62 euros) et au solde reporté à nouveau de 50.000 francs (7.622,45 euros) ; Considérant que, non payée par la société FRIMISA d'une somme de 52.998,91 francs (8.079,63 euros), la société TSM réclame à la société FRANVIL SOCOPA celle de 26.912,28 francs (4.102,75 euros) ; que dès son courrier du 09 mai 2000, elle expliquait que cette imputation correspondait au pro-rata du poids des marchandises transportées en même temps que celles délivrées à d'autres destinataires ; Considérant que la société TSM ne fournit toutefois aucun justificatif de cette ventilation ; que sur les six factures litigieuses, trois mentionnent en qualité de destinataire d'une part la société SOCOPA à Villefranche d'Allier et d'autre part une société SEB à Saint Dizier ; qu'une quatrième vise SOCOPA et la société SEB à Eloyes ; qu'une autre concerne SOCOPA et une société PIERREL à Eloyes ; Considérant que la société TSM ne produit aux débats que les lettres de voiture concernant les expéditions des marchandises à destination de la société FRANVIL SOCOPA de telle sorte que ne peut être établie la ventilation du coût des prestations de transport entre les différents destinataires, ni vérifié le chiffre qu'elle affirme résulter d'une telle répartition ; Considérant que la facture nä27175 du 15 octobre 1999 mentionne comme unique destinataire la société SEB à Saint Dizier et n'est pas accompagnée de la lettre de

voiture ; qu'elle n'apparaît pas ainsi correspondre à un transport à destination de la société FRANVIL SOCOPA ; Considérant que le transporteur qui entend se prévaloir des dispositions de l'article L.132-8 du code de commerce doit apporter la preuve non seulement de la réalité de sa prestation mais également du quantum de la créance qu'il allègue ; Qu'en l'espèce la société TSM ne fournit, en réponse aux observations de la société FRANVIL SOCOPA sur ce point, aucune explication et justification de la quote-part des créances qu'elle allègue qui serait imputable la société FRANVIL SOCOPA ; Qu'il ne peut en conséquence être fait droit à sa demande en paiement dont elle doit être déboutée ; Considérant que la société TSM qui échoue n'est pas fondée à réclamer des dommages et intérêts pour la prétendue résistance abusive de la société FRANVIL SOCOPA ; Considérant que l'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;

Considérant que l'appelante qui succombe dans l'exercice de son recours doit être condamnée aux dépens ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, INFIRME le jugement entrepris hormis en sa disposition condamnant la société TRANSPORT SAINT MICHEL aux dépens ; Et statuant à nouveau, DEBOUTE la société TRANSPORT SAINT MICHEL de toutes ses demandes, DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, CONDAMNE la société TRANSPORT SAINT MICHEL aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par la SCP BOMMART-MINAULT, société titulaire d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. ARRET REDIGE PAR MONSIEUR COUPIN, CONSEILLER PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET

LE GREFFIER

LE PRESIDENT M. THERESE X...

FRANOEOISE LAPORTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006943339
Date de la décision : 03/04/2003

Analyses

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention de Rome du 19 juin 1980

Il résulte de l'article 4 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 qu'entre les Etats signataires du Traité instituant la Communauté économique européenne, la loi applicable au contrat est celle du pays avec lequel ce contrat présente les liens les plus étroits, alors que le paragraphe 4 du même article prévoit que le contrat de transport est présumé avoir les liens les plus étroits avec le pays dans lequel le transporteur a son établissement principal et où est situé le lieu de chargement ou de déchargement. Il suit de là que le litige relatif au paiement du prix d'opérations de transport d'Espagne en France, entre un transporteur ayant son siège social en France et une entreprise espagnole, est régi, dans le silence sur ce point de la Convention de Genève du 19 mai 1956, dite CMR, par la loi française. C'est donc légitimement que le transporteur peut invoquer les dispositions de l'article L. 132-8 du Code de commerce pour réclamer au destinataire le paiement de ses prestations, demeurées impayées par l'expéditeur


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2003-04-03;juritext000006943339 ?
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