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20/03/2003 | FRANCE | N°JURITEXT000006942229

France | France, Cour d'appel de Versailles, 20 mars 2003, JURITEXT000006942229


Courant 1994, la Société IVECO FRANCE, qui souhaitait pénétrer le marché des véhicules de transport de béton, s'est rapprochée du Groupe RMC BETON DE FRANCE, avec lequel elle a conclu un marché pour l'acquisition par ce dernier d'un châssis-cabine ; le véhicule fut équipé par RMC BETON DE FRANCE d'une bétonnière et d'un tapis radiocommandé. Ce camion a été prêté en juin 1994 à la Société NIEDZELSKI, laquelle est assurée par la Société AXA ASSURANCES au titre d'une police " bris de machines " ; satisfaite de l'usage de ce véhicule, la Société NIEDZELSKI en a fait l'

acquisition en septembre 1994. Le 09 octobre 1995, le camion, qui était en a...

Courant 1994, la Société IVECO FRANCE, qui souhaitait pénétrer le marché des véhicules de transport de béton, s'est rapprochée du Groupe RMC BETON DE FRANCE, avec lequel elle a conclu un marché pour l'acquisition par ce dernier d'un châssis-cabine ; le véhicule fut équipé par RMC BETON DE FRANCE d'une bétonnière et d'un tapis radiocommandé. Ce camion a été prêté en juin 1994 à la Société NIEDZELSKI, laquelle est assurée par la Société AXA ASSURANCES au titre d'une police " bris de machines " ; satisfaite de l'usage de ce véhicule, la Société NIEDZELSKI en a fait l'acquisition en septembre 1994. Le 09 octobre 1995, le camion, qui était en attente de déchargement sur un chantier à EVRY, a été la proie d'un incendie ayant entraîné sa destruction presque totale Le 31 octobre 1995, la Société IVECO FRANCE a fait une déclaration de sinistre à son assureur " Responsabilité Civile Produit ", la Compagnie GERLING KONZERN. Au mois de décembre 1995, la Société NIEDZELSKI a pris l'initiative d'une procédure de référé en vue d'obtenir l'institution d'une mesure d'expertise ; par ordonnance du 17 janvier 1996, le Juge des Référés du Tribunal de Commerce de CORBEIL-ESSONNES a désigné en qualité d'expert Monsieur X..., lequel s'est adjoint Monsieur Y... en tant que sapiteur. A la suite des constatations faites en cours d'expertise, la Société IVECO FRANCE a, le 18 novembre 1998, fait une autre déclaration de sinistre auprès de son courtier, AFCM, lequel a régularisé la déclaration auprès de la Compagnie AXA GLOBAL RISKS. C'est dans ces circonstances que, par acte du 30 avril 1999, la Compagnie AXA ASSURANCES a assigné la Société IVECO FRANCE en paiement des sommes de 693.641 F (105.744,89 ) " pour son propre compte ", 235.820 F (35.950,53 ) au titre des " préjudices subis non assurés " et 267.470 F (40.775,54 ) au titre des " préjudices d'immobilisation ". Par acte du 10 septembre 1999, la Société IVECO FRANCE a appelé en intervention forcée la Compagnie AXA GLOBAL RISKS

afin qu'elle la garantisse de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre. Par jugement du 24 janvier 2001, le Tribunal de Commerce de VERSAILLES a : - condamné la Société IVECO à payer à la Société AXA ASSURANCES les sommes de : - 693.641 F (105.744,89 ), pour son propre compte ; - 235.820 F (35.950,53 ), au titre du préjudice non assuré, et 267.470 F (40.775,54 ) au titre du préjudice d'immobilisation, pour le compte de son assurée, la Société NIEDZELSKI, à charge pour elle de les lui reverser ; - dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 30 avril 1999, et que les intérêts échus pour une année entière porteront eux-mêmes intérêts au même taux ; - débouté la Société IVECO de ses demandes à l'encontre de la Société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE (nouvelle dénomination de AXA GLOBAL RISKS) ; - condamné la Société IVECO à payer à la Société AXA ASSURANCES la somme de 7.000 F (1.067,14 ) par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La Société IVECO FRANCE a interjeté appel de cette décision. Sans remettre en cause sa condamnation au paiement de la somme de 693.641 F (105.744,89 ), montant des réclamations de la Société AXA ASSURANCES pour son propre compte, elle conclut au rejet des prétentions de cette dernière au titre des intérêts et sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Subsidiairement de ce chef, elle demande à la Cour de dire que les intérêts légaux et les dispositions de l'article 1154 du Code Civil ne peuvent être pris en compte qu'à compter du 24 janvier 2001, date du jugement, et, par voie de conséquence, de condamner AXA ASSURANCES à lui restituer les intérêts indûment perçus pour la période du 30 avril 1999 au 24 janvier 2001. Elle conteste la recevabilité des autres demandes présentées par cette dernière " pour le compte de son assurée, la Société NIEDZELSKI ", en vertu du principe selon lequel " nul ne plaide par procureur ". Elle fait valoir que la fin de

non-recevoir opposée par elle est parfaitement recevable, même si elle est soulevée pour la première fois en cause d'appel. Elle allègue que, si ses écritures de première instance comportent la mention qu'elle ne conteste pas la recevabilité et le bien fondé des demandes d'AXA ASSURANCES, cette précision ne peut en aucun cas s'analyser comme étant constitutive d'un aveu judiciaire. Elle conclut également à l'irrecevabilité de l'intervention volontaire pour la première fois en cause d'appel de la Société NIEDZELSKI. Elle observe qu'en toute hypothèse, les prétentions de cette dernière sont mal fondées, à défaut d'être étayées par des pièces justificatives. De plus, la société appelante fait grief à la décision entreprise d'avoir déclaré prescrite sa demande de garantie de la Compagnie AXA GLOBAL RISKS (désormais dénommée AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE) en prenant comme point de départ du délai de deux ans l'assignation en référé délivrée à IVECO FRANCE par la Société NIEDZELSKI. A cet égard, elle explique qu'à l'époque des faits, elle avait deux assureurs, couvrant deux risques très distincts : la Société GERLING KONZERN, assureur garantissant les produits fabriqués par elle, et l'UAP (devenue AXA GLOBAL RISKS), assureur couvrant sa responsabilité civile notamment en sa qualité de réparateur. Elle précise qu'elle n'avait alors aucune raison d'appeler AXA GLOBAL RISKS dans la cause, puisque le contrat souscrit auprès de cette dernière excluait formellement le risque visé par la Société NIELZELSKI dans son assignation en référé. Elle relève que c'est seulement à la lecture du rapport d'expertise judiciaire, rédigé le 30 octobre 1998, qu'elle a pu réaliser que sa responsabilité pourrait être éventuellement recherchée, non plus en qualité de fabricant, mais en tant qu'intervenant au titre d'une réparation. Elle allègue que c'est avec la plus grande diligence, avant tout recours de la Société NIEDZELSKI, et dès qu'elle a pris connaissance du rapport d'expertise

de Monsieur X..., qu'elle a, en novembre 1998, déclaré son sinistre auprès d'AXA GLOBAL RISKS. Elle estime que, dès lors que le premier recours d'un tiers à son encontre, mettant en jeu le risque garanti par AXA GLOBAL RISKS, est constitué par l'assignation qui lui a été signifiée à la requête d'AXA ASSURANCES le 30 avril 1999, elle ne peut se voir opposer la prescription biennale de l'article L 114-1 du Code des Assurances. Elle ajoute qu'elle ne peut se voir reprocher de n'avoir pas associé cet assureur aux opérations d'expertise, alors que ce n'est qu'après le dépôt du rapport de Monsieur X... qu'elle a appris que sa responsabilité pouvait être recherchée, non plus en tant que constructeur, mais en qualité de réparateur. Aussi, la Société IVECO FRANCE demande à la Cour, en infirmant le jugement entrepris, de : - déclarer AXA ASSURANCES irrecevable à solliciter le paiement de dommages-intérêts réparant un préjudice prétendument subi par son assurée, la Société NIEDZELSKI ; - à titre subsidiaire, débouter AXA ASSURANCES de ses demandes en paiement des sommes de 35.950,53 au titre du " préjudice non assuré " et de 40.775,54 au titre du préjudice d'immobilisation et des intérêts correspondants ; - condamner AXA ASSURANCES à lui restituer les sommes précitées, en principal et intérêts, versées au titre de l'exécution provisoire, et ce avec intérêts légaux à compter du paiement ; - déclarer irrecevable, subsidiairement mal fondée, la Société NIEDZELSKI en son intervention, et débouter cette dernière de l'ensemble de ses demandes ; - à titre encore plus subsidiaire, dire que les indemnités principales pouvant revenir à la Société NIEDZELSKI ne peuvent produire intérêts et faire l'objet d'un anatocisme que, tout au plus, à la date des demandes, soit le 19 décembre 2001 ; - dire non prescrite son action en garantie contre la Compagnie AXA GLOBAL RISKS (désormais dénommée AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE), et condamner cette dernière à la garantir de toute condamnation pouvant être mise

à sa charge au titre du sinistre du 9 octobre 1995. Elle sollicite en outre la condamnation de la Société AXA GLOBAL RISKS (désormais dénommée AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE) au paiement des sommes de 7.622,45 à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, de 4.573,47 sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La Société AXA ASSURANCES IARD et la Société J.P. NIEDZELSKI concluent à titre principal à l'irrecevabilité de l'appel interjeté par la Société IVECO FRANCE, motif pris d'une part de l'acquiescement de cette dernière aux demandes adverses et de son aveu judiciaire contenu dans ses écritures de première instance, d'autre part de son aveu extrajudiciaire résultant du courrier adressé par elle à son courtier AFCM le 10 février 1999. Invoquant les dispositions de l'article 564 du Nouveau Code de Procédure Civile, la Société AXA ASSURANCES IARD soutient que la Société IVECO ne peut, pour la première fois en cause d'appel, venir quereller tant le principe que le montant des indemnités qui lui sont réclamées. Subsidiairement, elle conclut à la confirmation en toutes ses dispositions du jugement entrepris. Elle allègue qu'elle avait parfaitement intérêt et qualité pour agir au nom de son assuré, compte tenu du mandat qui lui avait été donné par celui-ci le 22 octobre 1998. A titre encore plus subsidiaire, si la Société AXA ASSURANCES était déclarée irrecevable en ses demandes formulées pour le compte de son assurée, la Société NIEDZELSKI demande à la Cour de la déclarer recevable et bien fondée en son intervention volontaire, et, en réformant le jugement entrepris, de condamner la Société IVECO FRANCE à lui payer les sommes de 235.820 F (35.950,53 ) et 267.470 F (40.775,54 ), avec intérêts au taux légal à compter du 30 avril 1999 et capitalisation des intérêts échus, et de constater que, dans le cadre de l'exécution provisoire, elle a d'ores et déjà obtenu le reversement par son assureur des sommes précitées avec intérêts au

taux légal et capitalisation. Les Sociétés AXA ASSURANCES IARD et NIEDZELSKI sollicitent en outre la condamnation de la Société IVECO FRANCE à leur payer, à chacune d'entre elles, les sommes de 50.000 F (7.622,45 ) à titre de dommages-intérêts, et de 10.000 F (1.524,49 ) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Par ailleurs, elles indiquent s'en rapporter à justice sur la recevabilité et le bien fondé de l'appel en garantie formulé par la Société IVECO FRANCE à l'encontre de son assureur. La Compagnie AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, anciennement dénommée AXA GLOBAL RISKS, conclut à la confirmation du jugement. Elle oppose la prescription biennale de l'article L 114-1 du Code des Assurances à la réclamation de la Société IVECO FRANCE, dès lors que, celle-ci, mise en cause par la Société NIEDZELSKI par assignation en référé du 11 décembre 1995, n'a déclaré le sinistre, au titre de la police souscrite auprès d'elle, que par lettre du 18 novembre 1998. Elle allègue que, dans la mesure où la Société IVECO FRANCE avait souscrit différentes polices, il lui appartenait de déclarer le sinistre à ses différents assureurs et, ce sous toutes réserves quant au déroulement des opérations d'expertise et des résultats de celle-ci. Elle considère que la société appelante ne peut utilement se prévaloir ni d'une croyance légitime en un défaut de garantie, au vu de l'assignation en référé qui lui avait été délivrée par la Société NIEDZELSKI, ni d'un obstacle insurmontable assimilable à une impossibilité d'agir, et que seuls sa négligence et son manque de prévoyance sont à l'origine de la non déclaration du sinistre auprès de la compagnie intimée. Subsidiairement, elle conclut à l'inopposabilité à son égard des opérations d'expertise lesquelles se sont poursuivies hors sa présence, et, par voie de conséquence, au rejet des demandes formulées à son encontre dans le cadre de cet appel en garantie. Elle sollicite en outre la condamnation de la

Société IVECO FRANCE ou de tout succombant au paiement de 4.000 en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 décembre 2002. MOTIFS DE LA DECISION : SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL DE LA SOCIETE IVECO FRANCE : Considérant qu'il est constant que, dans le cadre de ses écritures de première instance, la Société IVECO FRANCE a expressément indiqué qu'elle : "n'entend pas contester la recevabilité de l'action de la SA AXA ASSURANCES, non plus que son bien fondé" ; Mais considérant qu'aux termes des mêmes conclusions, IVECO a précisé : " sur les demandes formulées par la Compagnie AXA ASSURANCES, la concluante entend s'en reporter à justice ", tout en demandant au Tribunal de : " statuer ce que de droit sur les demandes de la Société SA AXA ASSURANCES " ; Considérant qu'il s'ensuit qu'en raison de son caractère équivoque, l'acquiescement susvisé ne saurait emporter renonciation de la Société IVECO aux voies de recours ; Considérant que l'indication précitée ne saurait davantage être constitutive d'un aveu judiciaire de nature à rendre l'appel d'IVECO FRANCE irrecevable pour défaut d'intérêt ; Considérant qu'en effet, en application de l'article 1356 du Code Civil, l'opinion formulée par les parties sur un point de droit ne constitue pas un aveu judiciaire liant le juge ; Considérant que la même observation peut être faite à propos du courrier de la société appelante en date du 10 février 1999, aux termes duquel celle-ci a fait savoir à son courtier AFCM que, compte tenu du délabrement du véhicule, elle n'avait pu apporter la preuve d'une absence de faute permettant d'exclure sa responsabilité ; Considérant que, dès lors qu'il porte une appréciation sur le fond du droit, cet écrit ne peut s'analyser en un aveu extrajudiciaire privant son auteur de la possibilité de remettre en question la décision du premier juge ; Considérant qu'il y a donc lieu d'écarter le moyen soulevé par les Sociétés AXA ASSURANCES et

NIEDZELSKI, tiré de l'irrecevabilité de l'appel de la Société IVECO pour défaut d'intérêt. SUR LA RECEVABILITE DE L'INTERVENTION VOLONTAIRE DE LA SOCIETE NIEDZELSKI : Considérant que la Société IVECO FRANCE conteste pour la première fois en appel la recevabilité des demandes présentées par la Société AXA ASSURANCES " pour le compte de son assurée, la Société NIEDZELSKI " ; Considérant que, s'agissant d'une fin de non-recevoir susceptible, en application de l'article 123 du Nouveau Code de Procédure Civile, d'être proposée en tout état de cause, cette contestation, qui doit s'analyser comme un moyen de défense, ne saurait être qualifiée de prétention nouvelle au sens de l'article 564 du Nouveau Code de Procédure Civile, et doit donc être déclarée recevable ; Considérant que, de surcroît, cette contestation est bien fondée, dans la mesure où les sommes réclamées en première instance par la Société AXA ASSURANCES, au titre des préjudices subis non assurés et pour préjudices d'immobilisation, correspondent au préjudice personnel de la Société NIEDZELSKI, dans les droits de laquelle la compagnie d'assurances n'était nullement subrogée ; Considérant qu'à cet égard, la procédure ne pouvait être valablement régularisée par le pouvoir établi le 22 octobre 1998 par la Société NIEDZELSKI, autorisant son assureur à défendre ses intérêts auprès des tribunaux consécutivement au sinistre qui est l'objet du présent litige ; Considérant qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevables les demandes présentées par la Société AXA ASSURANCES pour le compte de son assurée ; Considérant que, toutefois, il doit être pris acte de ce qu'en cause d'appel, la Société NIEDZELSKI est intervenue volontairement pour solliciter la réparation de son préjudice personnel ; Considérant que, conformément aux dispositions de l'article 554 du Nouveau Code de Procédure Civile, cette dernière a incontestablement intérêt à agir en son nom propre en vue d'obtenir

devant la Cour l'indemnisation de son préjudice personnel, dont la réparation avait été sollicitée en première instance par son assureur en ses lieu et place ; Considérant qu'au surplus, cette intervention n'a pour effet, ni de soumettre un litige nouveau, ni de permettre à la Société NIEDZELSKI de demander des condamnations personnelles n'ayant pas subi l'épreuve du premier degré de juridiction, puisque ces prétentions avaient été déjà formulées en première instance par la Compagnie AXA ASSURANCES ; Considérant qu'il y a donc lieu de déclarer la Société NIEDZELSKI recevable à intervenir pour la première fois en cause d'appel. SUR LE BIEN FONDE DES DEMANDES DE LA SOCIETE AXA ASSURANCES ET DE LA SOCIETE NIEDZELSKI : Considérant qu'il doit être pris acte de ce que la Société IVECO FRANCE ne conteste, ni dans son principe, ni dans son quantum, la réclamation formulée pour son propre compte par la Société AXA ASSURANCES ; Considérant que, par voie de conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la Société IVECO à payer à la Société AXA ASSURANCES la somme de 105.744,89 (693.641 F) ; Considérant que, toutefois, dans la mesure où la créance de la société intimée revêt un caractère indemnitaire, il y a lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a fait partir les intérêts légaux à compter du 30 avril 1999, date de l'assignation ; Considérant qu'il s'ensuit que, conformément aux dispositions de l'article 1153-1 du Code Civil, la condamnation principale susvisée doit être assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2001, date de la décision de première instance, les intérêts échus étant eux-mêmes capitalisés par année entière à partir de cette date ; Considérant qu'il convient en outre d'ordonner la restitution par la Société AXA ASSURANCES à la Société IVECO FRANCE des intérêts éventuellement perçus en trop, par suite de l'exécution provisoire, au titre de la période du 30 avril 1999 au 24 janvier 2001 ;

Considérant que, pour sa part, la Société NIEDZELSKI sollicite le versement des sommes de 35.950,53 (235.820 F) au titre du " préjudice non assuré ", et de 40.775,54 (267.470 F) au titre du préjudice d'immobilisation ; Considérant que, sur la base des pièces produites aux débats, en particulier le rapport d'expertise judiciaire de Monsieur X... et le rapport de FRANCEEXPERT, mandaté par la Compagnie AXA ASSURANCES, il y a lieu de fixer le " préjudice non assuré " subi par la Société NIEDZELSKI de la manière suivante : - règle proportionnelle de 8 % :

8.951,81 (58.720 F) - franchise :

2.402,60 (15.760 F) - valeur de vétusté retenue par l'expert :

24.596,12 (161.340 F) Total =

35.950,53 235.820 F ;

Considérant que l'expert judiciaire propose que le préjudice d'immobilisation soit retenu, à titre indicatif, par référence au prix journalier de location d'un véhicule de la même catégorie que celui sinistré, soit entre 1.900 F (289,65 ) et 2.300 F (350,63 ) ; Considérant que, la durée d'immobilisation ayant été estimée à cinq mois, il c onvient d'évaluer ce préjudice sur la base d'un loyer moyen égal à 320 (2.099,06 F) x 150 jours = 48.000 (314.859,36 F), dont doit être déduite l'indemnité versée de ce chef par la Compagnie AXA ASSURANCES (31.530 F, soit 4.806,72 ), de telle sorte que la Société NIEDZELSKI est fondée à obtenir à ce titre la différence = 43.193,28 (283.329,34 F), réduite à 40.775,54 (267.470 F), montant de la demande ; Considérant que, par voie de conséquence, il convient d'accueillir les réclamations de la Société NIEDZELSKI, à concurrence respectivement de 35.950,53 et de 40.775,54 ; Considérant que, conformément à l'article 1153-1 du Code Civil, les condamnations en principal prononcées en faveur de la

Société NIEDZELSKI doivent être assorties des intérêts légaux à compter du 19 décembre 2001, date de ses conclusions d'intervention volontaire, avec capitalisation par année entière à partir de cette date. SUR LA PRESCRIPTION BIENNALE OPPOSEE A LA DEMANDE DE GARANTIE :

Considérant qu'aux termes de l'article L 114-1 du Code des Assurances, toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance ; Considérant qu'en application de l'article L 114-2 du même code, la prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription et par la désignation d'experts à la suite d'un sinistre ; Considérant qu'il est constant que, alors que la Société IVECO FRANCE a été mise en cause par assignation en référé du 11 décembre 1995 à l'initiative de la Société NIEDZELSKI, c'est seulement les 18/19 novembre 1998 qu'elle a déclaré le sinistre à la Société AXA GLOBAL RISKS (ancienne dénomination de AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE) ; Considérant que la société appelante fait valoir que l'assignation en référé du 11 décembre 1995 ne peut constituer le point de départ de la prescription biennale, dès lors qu'elle visait un risque (lié à la construction du camion) autre que celui couvert par AXA GLOBAL RISKS ; Considérant qu'elle soutient qu'elle n'avait alors aucune raison de déclarer le sinistre à cette compagnie d'assurances, dans la mesure où le contrat souscrit auprès de AXA GLOBAL RISKS excluait formellement le risque visé par la société NIEDZELSKI dans son assignation ; Mais considérant que, d'une part, la croyance erronée dans la garantie due par le premier assureur, la Société GERLING KONZERN, à laquelle une déclaration de sinistre avait été adressée dès le 31 octobre 1995, n'a pas eu pour effet d'interrompre la prescription biennale à l'égard de la Société IVECO FRANCE, laquelle ne peut se prévaloir que des causes d'interruption prévues à

l'article L 114-2 susvisé ; Considérant que, d'autre part, cette croyance erronée n'aurait pu suspendre le cours de cette prescription que si la déclaration initialement faite au premier assureur avait constitué pour IVECO FRANCE un obstacle insurmontable à l'exercice de son action contre le véritable débiteur de la garantie ; Or considérant que la déclaration à cet autre assureur ne mettait nullement la société appelante dans l'impossibilité d'agir également contre la Compagnie AXA GLOBAL RISKS ; Considérant qu'à cet égard, la Société IVECO FRANCE avait connaissance, dès octobre 1995, qu'un incendie avait entraîné la destruction du camion sur lequel elle avait effectué des réparations quelques semaines auparavant ; Considérant qu'elle n'ignorait pas qu'elle avait souscrit auprès de la compagnie intimée une assurance " responsabilité civile " destinée à la garantir des conséquences dommageables de la responsabilité qu'elle pouvait encourir à l'égard des tiers ; Considérant que la circonstance qu'elle ait appris seulement à la lecture du rapport d'expertise judiciaire de Monsieur X... en date du 30 octobre 1998 que sa responsabilité était susceptible d'être engagée en tant que réparateur du véhicule ne la mettait nullement dans l'impossibilité de déclarer en temps utile le sinistre à tous les assureurs susceptibles d'intervenir dans le cadre de la réparation du préjudice subi par les tiers ; Considérant qu'il s'ensuit que la société appelante ne saurait à bon droit se prévaloir de sa croyance jusqu'alors dans la garantie de l'assureur GERLING KONZERN, pour conclure que le délai de prescription biennale n'a commencé à courir qu'à compter de l'assignation du 30 avril 1999 la mettant pour la première fois en cause du chef du risque garanti par AXA GLOBAL RISKS ; Considérant que, dès lors qu'en fonction de ce qui précède, l'assignation en référé du 11 décembre 1995 a constitué le point de départ de la prescription édictée par l'article L 114-1 du Code des

Assurances, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré prescrite l'action de la Société IVECO FRANCE à l'encontre de la Société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, et rejeté les demandes présentées par la société appelante dans le cadre de son appel en garantie. SUR LES DEMANDES COMPLEMENTAIRES ET ANNEXES : Considérant que, dès lors que la résistance opposée par la Société IVECO FRANCE aux demandes des Sociétés AXA ASSURANCES et NIEDZELSKI ne caractérise pas de sa part un comportement abusif de nature à ouvrir droit à une indemnisation en faveur des sociétés intimées, celles-ci doivent être déboutées de leur demande de dommages-intérêts de ce chef ; Considérant que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a condamné la Société IVECO à payer à la Société AXA ASSURANCES une indemnité de 7.000 F (1.067,14 ) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Considérant que l'équité commande en outre d'allouer à la Société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE une indemnité de 1.000 en remboursement des frais non compris dans les dépens exposés par elle en cause d'appel ; Considérant qu'il n'est toutefois pas inéquitable que la Société AXA ASSURANCES et la Société NIEDZELSKI conservent la charge des frais non compris dans les dépens qu'elles ont engagés devant la Cour ; Considérant que la société appelante, qui a pris l'initiative d'un appel en garantie voué à l'échec, doit être déboutée de ses demandes à l'encontre de la Société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, tant à titre de dommages-intérêts que pour indemnité de procédure ; Considérant que la Société IVECO FRANCE, qui succombe pour l'essentiel en son recours, doit être condamnée aux dépens d'appel, en ce compris ceux de l'intervention volontaire de la Société NIEDZELSKI. PAR CES MOTIFS La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, CONFIRME le jugement déféré, hormis en ce qu'il a statué sur le point de départ des

intérêts et de la capitalisation des intérêts, ainsi que sur les demandes de la Société AXA ASSURANCES pour le compte de son assurée ; Statuant à nouveau de ces deux derniers chefs : DIT que la condamnation prononcée à titre principal au profit de la Société AXA ASSURANCES pour son propre compte est assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2001, et ORDONNE la capitalisation de ces intérêts par année entière à partir de cette date ; ORDONNE la restitution par la Société AXA ASSURANCES à la Société IVECO FRANCE des intérêts éventuellement perçus en trop, par suite de l'exécution provisoire, au titre de la période du 30 avril 1999 au 24 janvier 2001 ; DECLARE irrecevables les demandes présentées par la Société AXA ASSURANCES pour le compte de son assurée, la Société NIEDZELSKI ; DECLARE recevable et bien fondée l'intervention volontaire de la Société NIEDZELSKI ; CONDAMNE la Société IVECO FRANCE à payer à la Société NIEDZELSKI les sommes principales de 35.950,53 et de 40.775,54 , augmentées des intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2001, les intérêts échus étant capitalisés par année entière à partir de cette date ; CONSTATE que ces sommes ont déjà été versées à la Société NIEDZELSKI par la Société AXA ASSURANCES dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement déféré ; y ajoutant : CONDAMNE la Société IVECO FRANCE à payer, en cause d'appel, à la Société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE une indemnité de 1.000 sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; REJETTE les demandes de dommages-intérêts et d'indemnité de procédure présentées en cause d'appel par la Société IVECO FRANCE ainsi que par les Sociétés AXA ASSURANCES et NIEDZELSKI ; CONDAMNE la Société IVECO FRANCE aux dépens d'appel, en ce compris ceux de l'intervention volontaire de la Société NIEDZELSKI, et AUTORISE d'une part la SCP MERLE etamp; CARENA-DORON, d'autre part la SCPNIEDZELSKI ; CONDAMNE la Société IVECO FRANCE aux dépens d'appel, en ce compris ceux de

l'intervention volontaire de la Société NIEDZELSKI, et AUTORISE d'une part la SCP MERLE etamp; CARENA-DORON, d'autre part la SCP DEBRAY-CHEMIN, Sociétés d'Avoués, à recouvrer directement la part les concernant, conformément à ce qui est prescrit par l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET REDIGE PAR MONSIEUR FEDOU, CONSEILLER PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET

LE GREFFIER

LE PRESIDENT M. THERESE Z...

FRANOEOISE LAPORTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006942229
Date de la décision : 20/03/2003

Analyses

ASSURANCE (règles générales) - Prescription - Prescription biennale

Il résulte des dispositions des articles L 114-1 et L 114-2 du Code des assurances que les actions dérivant d'un contrat d'assurance se prescrivent par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance, le cours de la prescription étant interrompu par l'une des causes ordinaires d'interruption de la prescription et par la désignation d'un expert consécutive à un sinistre.La croyance erronée par l'assuré que la garantie due par l'un de ses deux assureurs - l'un couvrant les vices de construction du véhicule livré, l'autre garantissant les réparations effectuées - n'a pas d'effet suspensif du cours de la prescription, sauf à établir que la déclaration faite à l'un des assureurs, ici l'assureur garant des vices de construction, aurait constitué un obstacle insurmontable à l'exercice de l'action en garantie à l'encontre du véritable débiteur de la garantie : l'assureur des risques liés à la réparation, comme une expertise l'a démontré plus tard.Aucune impossibilité ne s'oppose à ce qu'un assuré, constructeur et réparateur d'un véhicule ayant péri dans un incendie, actionne simultanément, consécutivement à sa mise en cause, les deux assureurs respectivement garants de chacune de ses activités. Il s'ensuit que la seule circonstance que l'assuré ait appris par le rapport d'expertise, plus de trois ans après sa mise en cause par assignation en référé, que sa responsabilité en qualité de réparateur, et non plus comme constructeur, était recherchée, n'a pu avoir pour effet de retarder le cours de la prescription au jour de l'assignation le mettant en cause du chef de cette activité de réparateur. Le point de départ de la prescription biennale de l'article L 114-1 précité se situant au jour de la première assignation, l'action exercée plus de trois après à l'encontre de l'assureur garant des risques liées à l'activité de réparateur est donc prescrite.


Références :

articles L 114-1 et L 114-2 du Code des assurances

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2003-03-20;juritext000006942229 ?
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