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18/03/2003 | FRANCE | N°JURITEXT000006943207

France | France, Cour d'appel de Versailles, 18 mars 2003, JURITEXT000006943207


Statuant sur l'appel régulièrement formé par Monsieur Denis X..., d'un jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre, section encadrement, en date du 17 juillet 2001, dans un litige l'opposant à la société SFR -Société Française de Radiotéléphone, et qui, sur la demande de Monsieur Denis X... en paiement d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse a : DÉBOUTÉ Monsieur Denis X... de ses demandes ; Monsieur Denis X... a été engagé par la société Générale des Eaux devenue SFR le 1er septembre 1993 en qualité de chef de ventes. Il a fait l'objet d'une convoca

tion à entretien préalable à licenciement le 17 décembre 1999 pour le 2...

Statuant sur l'appel régulièrement formé par Monsieur Denis X..., d'un jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre, section encadrement, en date du 17 juillet 2001, dans un litige l'opposant à la société SFR -Société Française de Radiotéléphone, et qui, sur la demande de Monsieur Denis X... en paiement d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse a : DÉBOUTÉ Monsieur Denis X... de ses demandes ; Monsieur Denis X... a été engagé par la société Générale des Eaux devenue SFR le 1er septembre 1993 en qualité de chef de ventes. Il a fait l'objet d'une convocation à entretien préalable à licenciement le 17 décembre 1999 pour le 22 décembre 1999 et a été licencié le 3 janvier 2000 au motif d'une utilisation détournée de l'accès Internet portant sur des sites à caractère pornogra- phique contrairement au règlement intérieur, au risque de propagation de virus, de nature à nuire à l'image de l'entreprise de la part d'un "manager" tenu de don- ner l'exemple, ayant une grande expérience, comportement contraire aux règles de gestion, de sécurité et aux principes de probité. L'entreprise emploie au moins onze salariés. Il existe des institutions représentatives du personnel. Le salaire mensuel est de 39 025 francs, Monsieur Denis X... avait 7 ans d'ancienneté et était âgé de 47 ans.

Monsieur Denis X... par conclusions écrites déposées et visées par le greffier à l'audience, conclut : À L'INFIRMATION du jugement, À LA CONDAMNATION de la société SFR à lui payer : 140 000 d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1 830 en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Il expose que l'utilisation Internet qui lui est reproché est survenu à son domicile par l'usage que son fils a fait à son insu de son ordinateur portable. La société SFR, par conclusions écrites déposées et visées par le greffier à l'audience conclut : À LA CONFIRMATION du jugement,

ET AU PAIEMENT de 1525 en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Elle expose qu'elle a mis à la disposition de Monsieur Denis X... un ordinateur portable pour son activité professionnelle, il existe un "guide des bonnes pratiques-Sécurité Internet" dans l'entreprise et a fait signer un engagement de responsabilité. La société a constaté que Monsieur Denis X... s'était branché sur des sites à caractère pornographiques le 8 octobre après 20 heures 58 et le 9 octobre 1999 entre 11 heures et 16 heures 27 allant ce jour également sur des sites comme "nitendo", "Lego.com" et "respublica". Le licenciement est justifié. Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la Cour, conformément à l'article 455 du nouveau code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ainsi qu'aux prétentions orales telles qu'elles sont rappelées ci-dessus ; MOTIFS DE LA DÉCISION Les faits reprochés à titre disciplinaire datent de plus de deux mois de l'engagement de la procédure de licenciement. La société SFR soutient par l'attestation d'un responsable du contrôle informatique que cette utilisation n'a été découverte que le 23 novembre 1999, aucun élément ne justifie de remettre en cause la sincérité de cette déclaration. La prescription de l'article L 122-44 du code du travail n'est pas acquise. Les éléments de preuve et de fait portent sur les événements du 8 et 9 octobre 1999 sans qu'il y ait lieu d'examiner d'autres dates de connexion internet. Les 8 et 9 octobre 1999 sont des vendredi et samedi, ainsi est établi l'utili- sation internet depuis le domicile du salarié hors du temps et lieu du travail, mais durant le temps de sa vie privée et familiale. La société ne conteste pas que le salarié soit autorisé à emporter l'ordina- teur portable à son domicile en semaine et en fin de semaine.

Si l'employeur est fondé à réglementer l'usage d'internet au sein de l'en- treprise, les recommandations de la Commission Nationale Informatiques et Li- bertés mettent en évidence l'existence d'un usage dans les entreprises qui admet qu'une interdiction absolue à des fins non professionnelles n'est pas raisonnable et qu'est admis un usage raisonnable de ce système à des fins personnelles, com- me est reconnu un usage de même nature du téléphone de l'entreprise. Cet usage constaté par la CNIL correspond à l'exigence de l'article L 120-2 du code du travail posant le principe de restriction proportionné et nécessaire des libertés du salarié par l'employeur. A cet égard le "guide des bonnes condui- tes" de la société SFR contrevient à cet usage et au respect de ce texte en ce qu'il pose le principe que ce qui n'est pas expressément autorisé est interdit. En autorisant Monsieur Denis X... à emporter l'ordinateur por- table à son domicile la société SFR reconnaît nécessairement un usage privé de celui-ci, sauf à étendre le temps et lieu d'exécution du contrat de travail au domicile du salarié durant son temps de repos et de vie privée ce qu'elle ne revendique pas. Le droit de l'employeur de porter atteinte aux libertés du salarié au temps et lieu du travail est encore restreint par ce texte lorsque l'employeur entend limiter l'usage de ce matériel informatique et de l'accès à internet par le salarié lorsque celui-ci est au temps et lieu de la vie privé et/ou familiale du salarié. La société reproche donc à Monsieur Denis X... un fait tiré de la vie privée du salarié. Les connexions effectués sur internet les 8 et 9 octobre concernent des sites à l'intitulé libertin et des sites de jeux. L'existence de ces derniers accréditent l'affirmation de Monsieur Denis X... de l'utilisation de l'internet par son fils.

Monsieur Denis X... démontre que l'utilisation reprochée de

l'internet est le fait de son fils et donc ne lui est pas personnellement imputable. La société SFR ne prétend pas que l'utilisation qui a été faite ait causé un préjudice au système informatique. Le caractère abusif du "guide des bonnes pratiques" ne permet pas d'opposer au salarié les restrictions d'emploi qu'il contient. Il demeure un défaut de vigilance de Monsieur Denis X... sur l'utilisation du code d'accès. Ce fait établi est indépendant de l'usage privé ou professionnel de l'internet mais il constitue une contravention légère en l'absence de précédent qui ne justifie pas en soit une cause réelle et sérieuse de licenciement. Le licenciement de Monsieur Denis X... est sans cause réelle et sérieuse. Ce licenciement lui cause, à 47 ans, et après 7 années de collaboration sans faille dans une entreprise importante, un important préjudice que la Cour évalue à 54 000 . L'équité commande de mettre à la charge de la société SFR une somme de 1 830 en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit de Monsieur Denis X... au titre de l'instance d'appel. La société SFR doit être déboutée de ses demandes dont celle en applica- tion de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS : La COUR, STATUANT publiquement par arrêt contradictoire, INFIRME le jugement et statuant à nouveau : CONDAMNE la société SFR-Société Française de Radiotéléphone à payer à Monsieur Denis X... la somme de : 54 000 (CINQUANTE QUATRE MILLE UROS) d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que 1830 (MILLE HUIT CENT TRENTE UROS) en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et ce avec intérêt de droit au taux légal du jour de la notification de l'arrêt, DÉBOUTE la société SFR de sa demande en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, CONDAMNE la société SFR aux dépens. Et ont signé le présent arrêt, Monsieur BALLOUHEY Y... et Mademoiselle Z...

TRONCHE, Greffier. LE GREFFIER

LE Y...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006943207
Date de la décision : 18/03/2003

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Pouvoir de direction - Etendue - Restrictions aux libertés individuelles

S'il est admis que l'employeur peut réglementer les conditions d'utilisation du réseau Internet au sein de l'entreprise, la Commission Nationale Informatique et Libertés considère déraisonnable toute interdiction absolue d'utilisation à des fins non professionnelles, à l'instar de ce qu'il est reconnu en matière d'usage du téléphone. Ces recommandations correspondent à l'exigence posée par l'article L 120-2 du Code du travail d'une nécessaire proportionnalité entre les restrictions imposées par l'employeur et le respect des libertés du salariés. Dès lors que le fait pour l'employeur d'autoriser un salarié à emporter un ordinateur portable à son domicile vaut nécessairement reconnaissance d'un usage privé de ce matériel, sauf à prétendre étendre le temps et lieu d'exécution du contrat de travail au domicile du salarié durant son temps de repos et de vie privée, le droit de l'employeur de porter atteinte à la liberté d'usage du réseau Internet lorsque le salarié est au temps et au lieu de sa vie privée se trouve d'autant restreint. Ainsi, le motif de licenciement tiré de la connexion, au domicile du salarié, à des sites internet considérés comme contraires à l'image de l'entreprise, repose sur un fait relevant de la vie privé du salarié


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2003-03-18;juritext000006943207 ?
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