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11/03/2003 | FRANCE | N°2002-218

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11 mars 2003, 2002-218


Suivant acte d'huissier en date du 27 janvier 1999, Monsieur Alain X... a fait assigner Madame Marie Y... épouse Z... devant le Tribunal d'Instance de RAMBOUILLET, afin de la voir condamner à la réparation du préjudice moral qu'il prétend avoir subi du fait d'une attestation rédigée par Madame Y... épouse Z... en 1996, dans le cadre de la procédure de divorce de ce dernier. Par décision en date du 21 décembre 1999, le Tribunal d'Instance de RAMBOUILLET a ordonné la réouverture des débats et a enjoint à Monsieur X... de produire la copie de l'ordonnance de non-lieu rendue le 30 o

ctobre 1998 au terme d'une instruction pénale du chef d'établi...

Suivant acte d'huissier en date du 27 janvier 1999, Monsieur Alain X... a fait assigner Madame Marie Y... épouse Z... devant le Tribunal d'Instance de RAMBOUILLET, afin de la voir condamner à la réparation du préjudice moral qu'il prétend avoir subi du fait d'une attestation rédigée par Madame Y... épouse Z... en 1996, dans le cadre de la procédure de divorce de ce dernier. Par décision en date du 21 décembre 1999, le Tribunal d'Instance de RAMBOUILLET a ordonné la réouverture des débats et a enjoint à Monsieur X... de produire la copie de l'ordonnance de non-lieu rendue le 30 octobre 1998 au terme d'une instruction pénale du chef d'établissement d'attestation faisant état de faits inexacts et usage. Par décision en date du 29 août 2000, le Tribunal a à nouveau ordonné la réouverture des débats afin que Monsieur X... prenne connaissance de la lettre adressée par Madame Y... épouse Z... au magistrat en cours de délibéré et pour lui permettre de répondre. Par jugement contradictoire en date du 26 juin 2001, le Tribunal d'Instance de RAMBOUILLET a rendu la décision suivante: -Rejette l'exception d'irrecevabilité; -Condamne Madame Y... épouse Z... à payer à Monsieur X... la somme de 762,25 à titre de dommages et intérêts; -Prononce la suppression des écrits outrageants et diffamatoires susvisés; -Rejette toute autre demande; Condamne Madame Y... épouse Z... au paiement des dépens de l'instance; -Condamne Madame Y... épouse Z... à payer à Monsieur X... une somme de 457,35 en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Par déclaration en date du 15 novembre 2001, Madame Y... épouse Z... a interjeté appel de cette décision. Madame Y... épouse Z... estime que les faits qui lui sont reprochés relèvent de la diffamation, selon les dispositions de la loi du 29 juillet 1881, et non sur une faute relevant de la responsabilité de l'article 1382 du Code Civil, de

sorte que le délai de prescription était déjà écoulé lorsque Monsieur X... a introduit une action et que sa demande est donc irrecevable. Subsidiairement, elle estime avoir attesté de ce dont elle avait été témoin et met en cause les attestations produites par Monsieur X... car elles seraient trop imprécises et certaines trop tardives. Elle considère en outre qu'il a été établi par le Tribunal de Grande Instance de CRETEIL et la Cour d'Appel de Paris que Monsieur X... négligeait sa famille, sans avoir besoin de se référer à l'attestation de Madame Y... épouse Z... de sorte qu'elle ne voit pas en quoi elle lui a causé un préjudice moral. Elle affirme en outre que la procédure engagée par Monsieur X... n'est motivée que par la volonté de nuire à son ex-femme et à sa famille. Madame Y... épouse Z... demande donc en dernier à la Cour de: -D'infirmer le jugement du Tribunal d'Instance de RAMBOUILLET en date du 26 juin 2001; -De dire Monsieur X... tant irrecevable que mal fondé en ses demandes; -De débouter Monsieur X... de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions; -De condamner Monsieur X... à payer à Madame Z... la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive en application de l'article 1382 du Code Civil; -De condamner Monsieur X... à payer à Madame Z... la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Monsieur X... estime que l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction n'a pas d'autorité de la chose jugée et ne peut s'imposer au juge civil. Il estime avoir rapporté la preuve de ce que l'attestation de Madame Y... épouse Z... établissait des faits totalement inexacts. Il fait en outre état de la déloyauté de Madame Y... épouse Z... qui avait adressé un courrier à la Présidente du Tribunal d'Instance en tentant de porter atteinte à l'honneur de Monsieur X.... Par conclusions signifiées le 15 janvier 2003, Monsieur X... sollicite le rejet des

débats en raison de conclusions et de communication de nouvelles pièces signifiées trop tardivement pour permettre le respect du principe du contradictoire. Monsieur X... prie donc en dernier la Cour de: -Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception de celles portant rejet de la demande de Monsieur X... tendant à condamner Madame Y... épouse Z... à lui payer le montant de 762,25 à titre de dommages et intérêts par application de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881; Sur appel incident: -Condamner Madame Y... épouse Z... à payer au demandeur et intimé le montant de 765 à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et par application de l'article 41 alinéa 4 de la loi du 29 juillet 1881; -Débouter Madame Y... épouse Z... de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions; -La condamner à payer à Monsieur X... la somme de 1.000 en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'en tous les dépens d'instance et d'appel. La clôture a été prononcée le 16 janvier 2003 et l'affaire plaidée à l'audience du 28 janvier 2003. SUR CE, LA COUR I) Considérant qu'il est certes exact que l'appelante a fait signifier ces dernières conclusion le 13 janvier 2003, alors que la clôture prévue pour le 16 janvier 2003 a été prononcés à cette date; Que ces dernières écritures cependant ne formulent pas de moyens de droit et de fait nouveaux et différents de ceux déjà invoqués dans les précédentes conclusions de Madame Z..., du 15 mars 2002, et que Monsieur X... se borne en termes vagues et généraux, à prétendre que ces dernières écritures du 13 janvier 2003, étaient jointes "différentes pièces"qu'il ne précise même pas, et qu'il indique qu'il y a "une attestation qui constitue une pièce nouvelle"; Qu'en tout état de cause, cette prétendue "pièce nouvelle"ne sera ni analysée ni retenue par la Cour, et qu'aucune violation du principe du contradictoire et aucune atteinte à ses

droits ne peuvent dont invoquées par l'intimé ; Considérant qu'il n'y a donc pas lieu d'écarter des débats des dernières conclusions de l'appelante du 13 janvier 2003 ni les pièces qui y sont annexées, et ce en application de l'article15 et 16 du Nouveau Code de Procédure Civile; Que Monsieur X... est donc débouté de ce chef de demande ; II) Considérant quand au fond, que l'écrit litigieux est représenté par une attestation que Madame Z... a établie le 26 février 1996, dans le cadre du divorce des époux Alain X...-HASSINE, conformément à l'article 202 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Considérant que le jugement déféré a retenu contre Madame Z... l'existence dans une attestation de "mensonges constitutifs d'un dénigrement qui engage la responsabilité de son auteur...", sans cependant préciser quel article de la loi était retenue contre elle, de ce chef (article 1382 du Code Civil, ou article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ; Considérant que sur le fondement possible de l'article 1382 du Code Civil , il appartenait à Monsieur X... de rapporter la preuve qui lui incombe d'une faute commise par l'auteur de cet écrit, puis le lien du causalité certain et direct devant exister entre cette faute et le préjudice invoqué ; Considérant, à cet égard, qu'il doit être souligné que cette attestation n'a figuré que dans un dossier de divorce, plaidé en chambre du conseil, et que rien ne démontre qu'elle aurait reçu une quelconque publicité ; Que de plus, le jugement de divorce qui est passé maintenant en force de chose jugée ne dit rien de particulier au sujet de cette attestation dont la teneur et la sincérité n'ont fait l'objet d'aucune motivation et dont il n'est pas établi qu'elle ait pu, d'une quelconque manière, être prise en compte par le Tribunal pour statuer sur les torts des époux X...-HASSINE , et même nuire aux intérêts du mari ; Considérant que cet écrit n'a donc causé aucun préjudice, même moral, à Monsieur X...; Considérant, par ailleurs que dans ses dernières conclusions

devant la Cour, du 28 janvier 2003, Monsieur X... invoque expressément l'application de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, ce qui implique néanmoins qu'il considère que cet écrit est constitutif d'une diffamation ou d'une injure ou d'un outrage public ; Qu'il lui sera alors opposé qu'en application de l'AL.3 de ce même article 41, aucune action de ces chefs n'est possible concernant cet écrit qui a été produit devant un Tribunal ; Qu'en outre, une éventuelle action de ces chefs se heurte à la prescription par 3 mois édictée par l'article 65 AL.1 de ladite loi ; Qu'enfin, en tout été de cause, cet écrit, quelle que soit la qualification à lui donner en application de cette loi et notamment de son article 41, seul expressément invoqué, n'a eu aucun caractère public et n'a causé aucun préjudice, notamment moral, Monsieur X... ; Considérant que Monsieur X... est donc débouté de sa demande de dommages et intérêts et que le jugement déféré est infirmé de ce chef, III) Considérant que par une motivation pertinente et non sérieusement critiquée, le 1er juge a fait une exacte application du l'article 41 AL.4 de la loi du 29 juillet 1881 en retenant, à bon droit, que devant ce Tribunal d'Instance, Madame Z..., à titre de moyens de défense, avait fait valoir, entre autres arguments, "Les antécédents de Monsieur X...", en affirmant que dans le passé "Monsieur X... n'a pas hésité à produire des témoignages mensongers, il a aussi fomenté toute une affaire de corbeau pour obtenir la condamnation pénale de son épouse, et encore, qu'il a eu un "Comportement pervers", et qu'il "N'a pas hésité à fomenter une affaire criminelle pour ce débarrasser à bon compte de son épouse".

Considérant que c'est donc à juste titre que le 1er juge a retenu que ces propos, devant le Tribunal d'Instance, avaient une nature outrageante et diffamatoire à l'égard de Monsieur X... et qu'ils constituaient une atteinte à son honneur, tout en sa qualité de

personne qu'en sa qualité d'avocat ; Que le jugement est donc confirmé en ce qu'il a fait une juste application des dispositions de l'article 41 AL.4 de la loi du 29 juillet 1881, et a prononcé la suppression de l'ensemble de ces propos ; Considérant qu'il est certain que cette suppression remplit entièrement Monsieur X... de ses droits et qu'il n'a donc pas lieu de lui accorder en plus des dommages et intérêts, en application de l'AL.4 de cet article 41 de la loi ; Qu'il est donc débouté de sa demande devant la Cour en paiement de dommages et intérêts de ce chef ; Considérant que, compte tenue de l'équité, les deux parties sont déboutées de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et que le jugement déféré est infirmé, en ce qu'il a accordé 457,35 à Monsieur X... en vertu de ce même article ; Considérant enfin qu'il est certes que Monsieur X... succombe en ses demandes de dommages et intérêts, mais qu'il n'est pas pour autant démontré qu'il aurait suivi une procédure abusive contre Madame Z... qu'est donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts de ce chef ; PAR CES MOTIFS La Cour, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ; Vu les articles 15 et 16 du Nouveau Code de Procédure Civile Déclare recevable les dernières conclusions de Madame Z... née Y... , du 13 janvier 2003 ; Déboute Monsieur Alain X... de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral; Confirme le jugement de ce chef ; Vu l'article 41 AL.4 de la loi du 29 juillet 1881 ; Confirme le jugement en ce qu'il prononcé la suppression des propos jugés outrageants et diffamatoires, tenus par Madame Z..., devant le Tribunal d'Instance ; Déboute Monsieur X... de ses demandes de dommages et intérêts de ce chef ; Déboute les deux parties de leurs demandes en paiement de sommes en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et infirme le jugement en ce qu'il a accordé 457,35

à Monsieur X... sur le fondement de ce même article ; Déboute Madame Z... de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ; Fait masse de tous les dépens de 1ère Instance et d'appel qui seront supportés par moitié et qui seront recouvrés directement, dans cette proportion, par la SCP d'Avoués JULLIEN LECHARNY et ROL et par la SCP d'Avoués KEIME et GUTTIN conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. Et ont signé le présent arret : Monsieur Alban CHAIX, qui l'a prononcé, Madame Natacha BOURGUEIL, qui a assisté à son prononcé, Le GREFFIER,

Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 2002-218
Date de la décision : 11/03/2003

Analyses

PRESSE - Abus de la liberté d'expression - Définition - Diffamation - Allégation ou imputation portant atteinte à l'honneur ou à la considération d'une personne

Il résulte des dispositions de l'article 41 alinéas 3 et 4 de la loi du 29 juillet 1881 que si la production en justice d'une attestation, à la supposer injurieuse et entourée de publicité, ne peut donner lieu à aucune action, le juge saisi de la cause et statuant au fond peut cependant prononcer la suppression des propos injurieux, outrageants ou diffamatoires et condamner l'auteur à des dommages et intérêts.Tel est le cas de propos diffamatoires tenus à titre de moyens de défense devant un tribunal d'instance.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : - Rapporteur : - Avocat général :

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2003-03-11;2002.218 ?
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