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25/02/2003 | FRANCE | N°JURITEXT000006942345

France | France, Cour d'appel de Versailles, 25 février 2003, JURITEXT000006942345


Par jugement du 9 juillet 2001, le conseil de prud'hommes de Versailles, section activités diverses, statuant sur les demandes présentées par Madame Marcelle X... à l'encontre de la société SG ACCUEIL PERFORMANCE tendant au paiement d'un rappel de salaire, des congés payés afférents, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse et d'une indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, a : - DÉBOUTÉ Madame X... de l'ensemble de ses demandes. Madame X... a régulièrement interjeté appel de ce jugement. La procédure a fait l'o

bjet d'une ordonnance de retrait du rôle du 6 mai 2002 et y a été ré...

Par jugement du 9 juillet 2001, le conseil de prud'hommes de Versailles, section activités diverses, statuant sur les demandes présentées par Madame Marcelle X... à l'encontre de la société SG ACCUEIL PERFORMANCE tendant au paiement d'un rappel de salaire, des congés payés afférents, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse et d'une indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, a : - DÉBOUTÉ Madame X... de l'ensemble de ses demandes. Madame X... a régulièrement interjeté appel de ce jugement. La procédure a fait l'objet d'une ordonnance de retrait du rôle du 6 mai 2002 et y a été rétablie à la demande de l'appelante le 2 octobre 2002. Par contrat à durée indéterminée du 1er avril 1999, Madame X... a été engagée par la société SG ACCUEIL PERFORMANCE en qualité de forma-trice en bureautique moyennant un salaire mensuel de 10 000 F. (1 524,49 ) pour 23,30 heures de travail par semaine, soit 101 heures par mois. Par lettre remise en mains propres le 19 juin 2000, elle a été convoquée à un entretien préalable à une mesure de licenciement fixé au 27 juin 2000 et, après la tenue de cet entretien, a été licenciée pour motif économique par lettre recommandée du 4 juillet 2000 distri- buée le lendemain. La société SG ACCUEIL PERFORMANCE employait habituellement moins de 11 personnes, n'était pas dotée d'institutions représentatives et appli- quait la convention collective des organismes de formation. Devant la Cour, par conclusions écrites, déposées et visées par le greffier à l'audience, Madame X... conclut : - A L'INFIRMATION du jugement en toutes ses dispositions; - A LA CONDAMNATION de la société SG ACCUEIL PERFOR- MANCE au paiement des sommes suivantes : - A titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail : 30 000 - Subsidiairement à cette indemnité, à titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement : 2 477,49 - A titre de

rappel de salaire pour les années 1999 et 2000, avec intérêts de droit : 8 298,67 - Au titre des congés payés afférents, avec intérêts de droit : 829,87 - Au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile : 2 000 Madame X... soutient que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse en faisant valoir à cet effet que la lettre de licenciement ne comportait pas l'indication de la suppression de son poste de travail, que la réduction du flux des stagiaires qui était invoquée comme cause économique n'était pas réelle, que l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement et n'a pas établi un ordre des licenciements. Elle indique que la lettre de convocation à l'entretien préalable ne mentionnait pas la faculté qui lui était offerte de ses faire assister par un conseiller extérieur à l'entreprise et soutient que cette irrégularité lui ouvre droit à des dommages et intérêts pour licenciement abusif qui ne peuvent être inférieurs à six mois de salaire, ou, subsidiairement, à une indemnité pour non respect de la procédure de licenciement qui ne peut être inférieure à un mois de salaire. Elle soutient en outre que l'employeur n'a pas respecté la convention collective prévoyant que le temps de face à face pédagogique ne pouvait excéder 70% de la durée totale de son temps de travail et demande, en conséquence, un rappel de salaire de 30%. Par conclusions écrites, déposées et visées par le greffier à l'audience, la société SG ACCUEIL PERFORMANCE conclut : - A LA CONFIRMATION du jugement en toutes ses disposi- tions ; - A LA CONDAMNATION de Madame X... au paiement des sommes suivantes : - A titre de dommages et intérêts pour procédure manifeste- ment abusive : 1 525 - Au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile : 1 525 La société SG ACCUEIL PERFORMANCE soutient que le nombre de stagiaires inscrits aux formations en bureautique que dispensait Madame X... avait

considérablement chuté en 2000 ce qui rendait nécessaire la suppression de son poste de travail qui a été effective, qu'ainsi son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et que, s'agissant d'un licenciement individuel, elle n'avait pas à respecter des critères d'ordre de licenciement particuliers. Elle fait valoir que le temps de travail de sa salarié n'était consacré au face à face pédagogique que pour 24 heures par module d'enseignement de 35 heures et qu'elle a ainsi respecté la convention collective. Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour, conformément aux dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ainsi qu'aux prétentions orales telles qu'elles sont rappelées ci-dessus. MOTIFS DE LA DÉCISION : - Sur la demande de rappel de salaire : La convention collective des organismes de formation distingue, en son article 10.3, pour les formateurs de catégorie D et E, le temps de face à face pédagogique (FFP) et le temps de préparation, recherche et autres activités auxquelles se livre le formateur (PRAA), précise que le temps de FFP est la période durant laquelle le formateur fait acte de formation en présence de ses stagiaires, y compris les missions d'orientation, de sélection, de suivi, d'évaluation ou de contrôle ayant lieu en présence de stagiaires dans le cadre d'un échange pédagogique, et indique, à titre d'exemple, que ne constitue pas du temps de FFP les périodes de conception, de recherche, de réunions pédagogiques, de préparation personnelle ou matérielle des stages qui n'ont pas lieu en présence des stagiaires, et les repas ou les permanences, même en présence de stagiaires. Le temps de FFP ne peut excéder 70% de la totalité du temps de travail, le formateur restant à la disposition de l'employeur pendant le reste de la durée convention- nelle de travail pour effectuer toutes les autres activités contractuelles (PRAA). Il

n'est pas contesté que la durée de chacune des sessions auxquelles participait Madame X... était de 35 heures. La salariée prétend que la totalité de ce temps, sur la base duquel a été calculée sa rémunération, était consacrée à des activités de formation en présence des stagiaires tandis que la société SG ACCUEIL PERFORMANCE affirme que sur ces 35 heures, 11 étaient réservées à des périodes au cours desquelles les stagiaires, sans l'aide du formateur qui n'était pas tenu de rester en leur présence, effectuaient des exercices ou un contrôle des acquis de la formation. A l'appui de ses affirmations, la société SG ACCUEIL PERFORMANCE ne produit aucune pièce, pas même l'emploi du temps des stages qu'elle organisait faisant apparaître les périodes d'exercices ou de contrôle des acquis dont elle fait état. Pour sa part, Madame X... verse aux débats un planning de travail des mois de mai à juillet 2000 d'où il résulte que les journées de formation qu'elle assurait avaient chacune une durée de 7 heures, temps de travail sur la base duquel elle était exclusivement rémunérée, ainsi que des attestations établies par d'autres formateurs en bureautique de la société SG ACCUEIL PERFORMANCE d'où il résulte que la totalité des heures de travail effectuées au cours des stages étaient des heures de cours les mettant en présence des stagiaires. Le fait qu'une instance prud'homale soit pendante entre l'auteur de l'une de ces attestations et l'employeur n'est pas de nature à faire perdre leur crédibilité aux autres témoignages. Il apparaît ainsi que la rémunération versée à Madame X... pendant toute la période d'exécution de son contrat de travail était la contrepartie d'une activité de face à face pédagogique qui ne pouvait excéder, selon la convention collective, 70% de la totalité de son temps de travail. Il convient ainsi d'infirmer le jugement et de lui allouer un rappel de salaire de 30%. Ce rappel de salaire doit toutefois tenir compte de ce que, durant l'exécution de son préavis,

elle a été dispensée de travail tout en étant rémunérée du 8 au 14 septembre 2000, 25 au 29 septembre 2000, du 2 au 6 octobre 2000 et du 9 au 13 octobre 2000, et doit être ainsi fixé à 7 876,36 . Il y a donc lieu de condamner la société SG ACCUEIL PERFORMANCE à lui payer la somme de 7 876,36 à titre de rappel de salaire et la somme de 787,63 au titre des congés payés afférents avec intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2000, date de réception, par l'employeur, de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes. - Sur le licenciement : Selon le premier alinéa de l'article L. 321-1 du Code du travail, constitue un licenciement économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié, résultant de la suppression ou de la transformation d'un emploi ou d'une modification substan- tielle du contrat de travail consécutive notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. La lettre de licenciement doit, selon l'article L. 122-14-2 du Code du travail, énoncer les raisons économiques et leur incidence sur l'emploi ou le contrat de travail. L'énoncé d'un motif imprécis équivaut à une absence de motif. La lettre de licenciement adressée par la société SG ACCUEIL PERFORMANCE à Madame X... le 4 juillet 2000, qui fixe définitivement les limites du litige, était ainsi motivée : "(...) Nous sommes dans l'obligation de procéder à votre licenciement pour motif économique en raison de la forte diminution des demandes de Formation en bureautique enregistrée par notre Centre au cours des derniers mois". Il apparaît ainsi que, dans cette lettre de licenciement, l'employeur faisait état d'une cause économique, la diminution des demandes de formation en bureautique, mais ne précisait pas l'incidence de cette cause sur l'emploi de la salariée, l'indication de la suppression de son poste de travail n'étant pas énoncée. Elle ne répondait donc pas aux prescriptions

posées par les dispositions susvisées. Le président directeur général de la société SG ACCUEIL PERFOR- MANCE a indiqué au cours des débats d'appel que la formation en bureautique ne constituait pas la seule activité de son entreprise. Les difficultés économiques pouvant justifier un licenciement pour motif économique doivent s'apprécier non pas au niveau du seul secteur d'activité dans lequel travaille le salarié concerné par cette mesure, mais au niveau de l'ensemble de l'entreprise. La diminution des demandes de formation en bureautique dont il était fait état dans la lettre de licenciement ne constituait donc pas, à elle seule, un motif valable de licenciement pour cause économique. Si les pièces versées aux débats par l'employeur établissent une chute très sensible du nombre de stagiaires inscrits dans les formations de bureautique au cours de l'année 2000, aucun document comptable n'est versé concernant la situation de la société SG ACCUEIL PERFORMANCE et la preuve qu'elle aurait connu des difficultés économiques n'est donc pas établie. L'ensemble de ces éléments fait apparaître que le licenciement de Madame X... était dépourvue de cause réelle et sérieuse. Il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement. Le salaire mensuel moyen perçu par Madame X... était de 2 477 compte tenu des heures complémentaires qu'elle effectuait et du rappel de 30% qui lui est alloué par le présent arrêt. Au vu des éléments soumis à son appréciation, la Cour est en mesure d'évaluer à six mois de ce salaire le préjudice qu'elle a subi du fait de son licenciement abusif. Il convient donc de condamner la société SG ACCUEIL PERFORMANCE à lui payer la somme de 14 862 à titre de dom- mages et intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt. La solution apportée par la Cour au litige opposant Madame X... à son employeur démontre que l'action engagée par la salariée n'a pas revêtu un caractère abusif. Il convient, en

conséquence, de débouter la société SG ACCUEIL PERFORMANCE de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive. L'équité commande qu'une somme de 2 000 soit mise à la charge de la société SG ACCUEIL PERFORMANCE au titre des frais non compris dans les dépens. Cette société, qui succombe, sera condamnée aux dépens et la demande qu'elle forme à ce même titre doit être rejetée. PAR CES MOTIFS : La COUR, STATUANT publiquement par arrêt contradictoire, INFIRME le jugement, et statuant à nouveau, CONDAMNE la société SG ACCUEIL PERFORMANCE à payer à Madame Marcelle X... les sommes suivantes : - Avec intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2000 : - A titre de rappel de salaire : 7 876,36 (SEPT MILLE HUIT CENT SOIXANTE SEIZE UROS TRENTE SIX CENTIMES) - Au titre des congés payés afférents : 787,63 (SEPT CENT QUATRE VINGT SEPT UROS SOIXANTE TROIS CENTIMES) - Avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt :

- À titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail : 14 862 (QUATORZE MILLE HUIT CENT SOIXANTE DEUX UROS) DÉBOUTE la société SG ACCUEIL PERFORMANCE de sa de- mande en dommages et intérêts pour procédure abusive et de sa demande en paiement des frais non compris dans les dépens. CONDAMNE la société SG ACCUEIL PERFORMANCE à payer à Madame Marcelle X... la somme de 2 000 (DEUX MILLE UROS) au titre des frais non compris dans les dépens. CONDAMNE la société SG ACCUEIL PERFORMANCE aux dépens. Et ont signé le présent arrêt, Monsieur BALLOUHEY Y... et Mademoiselle Z..., Greffier. LE GREFFIER

LE Y...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006942345
Date de la décision : 25/02/2003

Analyses

a

Il résulte des dispositions de l'article 10-3 de la Convention collective des organismes de formation que pour les formateurs des catégorie D et E, le temps de face à face pédagogique (FFP) avec les stagiaires ne peut excéder 70% de la totalité du temps de travail conventionnel durant lequel le formateur est tenu de rester à la disposition de l'employeur, en précisant que le FFP s'entend de toute période durant laquelle, à l'exception de la période des repas, le formateur fait acte de formation en présence de ses stagiaires, lequel inclut les missions d'orientation, de sélection, de suivi et d'évaluation dès lors qu'elles ont lieu en présence des stagiaires, qu'à l'inverse les périodes, notamment, de préparation intellectuelle et matérielle des stages ou de réunions pédagogiques sont exclues du FFP.Il suit de là qu'un formateur qui rapporte, sans être utilement contredit, que la rémunération perçue par lui constituait, pour la totalité de son temps de travail, la contrepartie d'une activité de face à face pédagogique avec des stagiaires, est fondé à poursuivre le paiement d'un rappel de salaire de 30%, sauf à tenir compte du fait que durant l'exécution du préavis, ce salarié dispensé de tout travail a été rémunéré.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2003-02-25;juritext000006942345 ?
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