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20/02/2003 | FRANCE | N°2001-1170

France | France, Cour d'appel de Versailles, 20 février 2003, 2001-1170


Selon contrat en date du 07 novembre 1967, la société de droit allemand ROBERT KRUPS a confié à la société DOMESTIK la représentation exclusive de ses produits sur le marché grec. Dans le courant de l'année 1975, la société DOMESTIKA s'est substituée la SARL de droit grec DOMELEKTRIKA Ltd avec laquelle la société ROBERT KRUPS a conclu en 1990 un nouveau contrat ayant le même objet. En 1991, la SA MOULINEX a absorbé la société ROBERT KRUPS. Par contrat du 27 juin 1994, la société MOULINEX a accordé à la société DOMELEKTRIKA un droit exclusif de distribution de ses produi

ts en Grèce pour une durée de deux ans minimum renouvelable par tacite ...

Selon contrat en date du 07 novembre 1967, la société de droit allemand ROBERT KRUPS a confié à la société DOMESTIK la représentation exclusive de ses produits sur le marché grec. Dans le courant de l'année 1975, la société DOMESTIKA s'est substituée la SARL de droit grec DOMELEKTRIKA Ltd avec laquelle la société ROBERT KRUPS a conclu en 1990 un nouveau contrat ayant le même objet. En 1991, la SA MOULINEX a absorbé la société ROBERT KRUPS. Par contrat du 27 juin 1994, la société MOULINEX a accordé à la société DOMELEKTRIKA un droit exclusif de distribution de ses produits en Grèce pour une durée de deux ans minimum renouvelable par tacite reconduction pour des périodes d'un an avec faculté de résiliation sous réserve d'un préavis de trois mois. Suivant lettre recommandée avec accusé de réception du 25 février 1998, la société MOULINEX a informé la société DOMELEKTRIKA de sa décision de ne pas renouveler le contrat en application de l'article 11 en lui consentant un préavis de quatre mois. La société DOMELEKTRIKA s'étant abstenue d'honorer les factures afférentes aux marchandises livrées par la société MOULINEX a été condamnée, par ordonnance du juge des référés du Tribunal de Commerce de NANTERRE du 22 septembre 1998, confirmé par arrêt de cette Cour, du 09 mars 2000, à verser une provision équivalente à la contre-valeur de 868.095 DEM soit 443.850 euros. Le 02 juillet 1998, la société DOMELEKTRIKA a saisi la Commission de la Concurrence grecque aux fins d'obtenir des mesures conservatoires à l'encontre de la société MOULINEX et de la société BENRUBI avec laquelle cette dernière a créé une entreprise commune pour la distribution de ses produits selon joint venture du 25 février 1998. Par décision du 30 octobre 1998, la Commission de la Concurrence grecque a rejeté les prétentions de la société DOMELEKTRIKA. C'est dans ces circonstances, que la société DOMELEKTRIKA a assigné la société MOULINEX devant le Tribunal de Commerce de NANTERRE en

réparation du préjudice résultant de la prétendue rupture abusive du contrat du 27 juin 1994. Par jugement rendu le 17 novembre 2000, cette juridiction a débouté la société MOULINEX de ses exceptions d'incompétence et de nullité de l'assignation et de conclusions ainsi que de sa fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée, dit n'y avoir lieu à jonction avec la procédure concernant Monsieur X..., rejeté les prétentions de la société DOMELEKTRIKA et la demande reconventionnelle de la société MOULINEX, alloué à cette dernière une indemnité de 30.000 francs (4.573,47 euros) en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et condamné la demanderesse aux dépens. Appelante de cette décision, la société DOMELEKTRIKA soutient que le caractère abusif de la rupture du contrat conclu avec la société MOULINEX résulte de la durée des relations commerciales de plus de 31 ans les ayant unies au regard desquelles un préavis de quatre mois est totalement insuffisant ainsi que des modalités de sa notification que rien ne laissait présager, compte tenu de ses excellents résultats commerciaux et de son état de dépendance économique à l'égard de la société MOULINEX impliquant de sa part un devoir de loyauté accru. Elle affirme que la rupture abusive du contrat de distribution a entraîné sa ruine. Elle sollicite donc sur le fondement des articles 1134 alinéa 3 du Code Civil et L 442-6 du Code de Commerce et eu égard au redressement judiciaire dont a fait l'objet la société MOULINEX, le 07 septembre 2001, la fixation de sa créance déclarée le 30 octobre 2001, aux sommes de 1.110.028,90 euros et 152.449,20 euros de dommages et intérêts en réparation respectivement du préjudice causé par la rupture abusive du contrat de distribution et de son préjudice commercial ainsi que de 96.865 euros correspondant aux intérêts légaux à compter de l'assignation jusqu'au jour du jugement d'ouverture du redressement judiciaire et de 15.000 euros au titre de

l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Assignés en intervention forcée, Maîtres SEGARD et GAY, ès-qualités de commissaires à l'exécution du plan de cession de la société MOULINEX, arrêté par jugement du Tribunal de Commerce de NANTERRE du 22 octobre 2001, invoquent l'absence de rupture abusive des relations contractuelles en faisant valoir que la société DOMELEKTRIKA avait déjà présenté la même argumentation devant la Cour qui ne l'avait pas admise dans son arrêt du 09 mars 2000 devenu définitif rendu au vu de la décision de la Commission de la Concurrence grecque qui ne l'a pas davantage retenue. Ils réfutent point par point les griefs formulés à l'encontre de la société MOULINEX en estimant qu'aucun comportement fautif ne peut lui être reproché et en soulignant avoir pris soin de respecter le délai de préavis en l'étendant. Ils objectent que la société MOULINEX n'avait pas l'obligation de justifier des motifs de sa décision et que l'état de dépendance économique allégué n'est pas démontré. Ils invoquent l'absence de préjudice établi par la société DOMELEKTRIKA en prétendant qu'elle est la seule responsable de ses pertes financières et qu'elle a tenté d'organiser son insolvabilité. Ils allèguent le caractère abusif et dilatoire de la procédure initiée par l'appelante. Ils concluent, en conséquence, à la confirmation du jugement hormis du chef du rejet de la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et réclament, par voie d'appel incident, la somme de 80.000 euros en application des articles 32-1 du nouveau code de procédure civile et 1382 du Code Civil. Ils demandent aussi une indemnité de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Assignée en intervention forcée à personne habilitée en qualité de représentant des créanciers au redressement judiciaire de la Société MOULINEX, la SCP BECHERET-THIERRY n'a pas constitué avoué. MOTIFS DE LA DECISION : SUR LA DEMANDE DE LA SOCIETE DOMELEKTRIKA : Considérant

qu'aux termes de l'article 36-5 de l'ordonnance nä 86-1243 du 1er décembre 1986 alors en vigueur au moment de la cessation des relations à effet au 26 juin 1998 entre les sociétés DOMELEKTRIKA et MOULINEX : Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait par tout producteur, commerçant industriel ou artisan de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie sans préavis écrit tenant compte des relations commerciales antérieures ou des usages reconnus par des accords interprofessionnels ; considérant que si ce texte a vocation à régir toutes les relations d'affaires qui se sont instaurées entre professionnels qu'elles relèvent d'une convention où se soient nouées de manière informelle, à condition qu'elles s'inscrivent dans la durée comme dans la continuité et qu'elles présentent une certaine intensité afin d'être établies, il ne peut recevoir application qu'entre les personnes physiques ou morales qui les ont réellement et effectivement entretenues ; considérant, par ailleurs, que les relations commerciales établies peuvent être rompues sans motif en respectant un préavis écrit, une motivation n'étant nécessaire qu'en cas de rupture immédiate pour inexécution par l'autre partie de ses obligations ou de force majeure ; considérant qu'en l'occurrence, s'il n'est pas discuté que la société DOMELEKTRIKA ait été le distributeur exclusif des produits KRUPS en GRECE, depuis 1975 et non, comme elle l'indique, depuis le contrat en date du 07 novembre 1967 conclu avec une autre société dont elle ne démontre pas avoir été cessionnaire, celle-ci n'a lié de relations commerciales avec la société MOULINEX que bien postérieurement lors de la signature du contrat avec cette dernière, le 27 juin 1994 ; considérant, en effet, que cette convention consentie plus de trois ans après l'absorption en 1991 de la société ROBERT KRUPS par la société MOULINEX ne constitue pas le renouvellement des contrats antérieurs mais un

nouveau contrat de distribution ; considérant ainsi que le contrat de 1994 a été signé entre les sociétés DOMELEKTRIKA et MOULINEX, laquelle est une personne juridique distincte de la société KRUPS n'existant plus, sans que l'appelante ne puisse sérieusement prétendre que le contrat serait intervenu avec "la société KRUPS INTERNATIONAL" alors qu'il est indiqué dans cet acte que KRUPS INTERNATIONAL est une division de la SA MOULINEX ; qu'il n'est pas contesté que celui-ci ait prévu des conditions financières entièrement renégociées et différentes de celles existant antérieurement sans la société DOMELEKTRIKA, qui n'a pas cru devoir produire des traductions en langue française des différentes conventions, ne démontre pas que la dernière du 27 juin 1994 serait similaire aux précédentes ; qu'il est, en revanche, établi que le contrat de 1994 a stipulé en son article 11, une date d'échéance alors que celui de 1990 était à durée indéterminée ; considérant que les relations commerciales entre les sociétés DOMELEKTRIKA et MOULINEX sont valablement établies puisqu'elles ont été créées sur le fondement du contrat de distribution exclusive précité impliquant des opérations commerciales continues, constantes et conséquentes eu égard à l'exclusivité accordée sur le territoire d'un pays entier, réalisées entre les deux sociétés et qu'elles ont été entretenues du 27 juin 1994 jusqu'au non renouvellement de la convention notifié le 25 février 1998 ; considérant qu'en fonction de la durée de moins de quatre ans des relations commerciales en cause, le délai de préavis fixé contractuellement à trois mois et porté par la société MOULINEX à quatre dans son courrier du 25 février 1998 apparaît raisonnable et suffisant ; considérant que la société DOMELEKTRIKA ne rapporte pas davantage la preuve d'un manquement caractérisé de la part de la société MOULINEX à son obligation d'exécuter le contrat du 27 juin 1994 de bonne foi ; considérant, en effet, qu'ainsi que l'a souligné,

à juste titre, le tribunal, les échanges de courriers entre les deux sociétés dont ceux de satisfaction en 1996, traduisent la situation normale et bonne des rapports ayant existé entre les parties lors de l'exécution du contrat jusqu'au terme du préavis tandis qu'il n'est aucunement justifié par la société DOMELEKTRIKA qu'il lui eut été imposé d'effectuer, ni qu'elle ait effectivement réalisé des investissements lourds dans un délai proche de la rupture ; qu'en outre, la société DOMELEKTRIKA était parfaitement informée des conditions dans lesquelles le contrat pouvait être dénoncé et qui ont été, en l'espèce, respectées ; considérant, dans ces conditions, que le tribunal a rejeté, à bon droit, la demande indemnitaire de la société DOMELEKTRIKA ; que le jugement déféré sera, en conséquence, confirmé de ce chef par adjonction de motifs. SUR LA DEMANDE EN DOMMAGES ET INTERETS DE MAITRES SEGARD ET GAY : Considérant que ces derniers ne démontrent pas que la société DOMELEKTRIKA, qui n'a fait qu'exercer les voies de droit qui lui étaient ouvertes pour la défense de ses intérêts, ait commis un abus de droit d'agir en justice alors même que contrairement à leurs dires, la Commissaire de la Concurrence grecque n'a nullement été saisie d'une demande similaire puisque celle-ci avait pour objet de solliciter des mesures conservatoires, conformément à l'article 9 OE 4 de la loi grecque 703/77, aux fins de reporter l'effectivité de la reprise de la disposition, de la représentation et de la distribution des produits KRUPS par la société alors nouvellement créée MOULINEX - BENRUBI à la suite de la décision de la société MOULINEX de créer cette société avec la société BENRUBI qui distribuait déjà auparavant ses produits en GRECE pour, après absorption de la société KRUPS par la société MOULINEX, promouvoir les produits des marques MOULINEX et KRUPS par une même entité juridique nouvelle ; que cette prétention doit dès lors être rejetée. SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES : Considérant que

l'équité commande d'allouer aux intimés une indemnité complémentaire de 2.500 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; que la société DOMELEKTRIKA qui succombe à titre principal en ses prétentions, supportera les dépens d'appel. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort, CONSTATE le redressement judiciaire de la SA MOULINEX le 07 septembre 2001 et le plan de cession arrêté par jugement du Tribunal de Commerce de NANTERRE du 22 octobre 2003, CONSTATE l'intervention forcée en reprise d'instance de Maîtres SEGARD et GAY, ès-qualités de commissaires à l'exécution de ce plan, CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions par adjonction de motifs, CONDAMNE la SARL de droit Grec DOMELEKTRIKA Ltd à verser à Maîtres SEGARD et GAY, ès-qualités, une indemnité supplémentaire de 2.500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, LA CONDAMNE aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la SCP LISSARRAGUE-DUPUIS etamp; ASSOCIES, avoués, conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile. ARRET REDIGE ET PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE PRESIDENT M. THERESE Y...

FRANOEOISE LAPORTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 2001-1170
Date de la décision : 20/02/2003

Analyses

CONCURRENCE - Transparence et pratiques restrictives

S'il résulte des dispositions de l'article 36-5 de l'ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986, applicable en l'espèce, que la brusque rupture de relations commerciales entre professionnels, quelles aient été formalisées ou pas, est de nature à engager la responsabilité d'un industriel et à l'obliger à réparer le préjudice causé dès lors qu'elles se sont inscrites dans la durée et ont revêtu une intensité suffisante à les établir, c'est sous réserve de la démonstration de l'existence des rapports commerciaux invoqués. S'agissant de la rupture d'un contrat de distribution exclusive à durée déterminée établi par le concédant plus de trois ans après l'absorption d'une société ayant entretenu durant de longues années des relations commerciales suivies avec le concessionnaire, dès lors que le contrat en cause ne constitue pas le renouvellement de contrats antérieurs, mais un nouveau contrat de distribution conclu avec une personne juridique distincte, et ce, à des conditions entièrement nouvelles et pour une durée déterminée, il apparaît qu'au regard de relations commerciales inférieures à quatre ans, un délai de préavis qui, fixé contractuellement à trois mois, a été porté à quatre mois par le concédant s'avère insuffisant


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2003-02-20;2001.1170 ?
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