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19/02/2003 | FRANCE | N°2002-771P

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19 février 2003, 2002-771P


RAPPEL DE LA PROCÉDURE : LE JUGEMENT : 5 Par jugement contradictoire en date du 11 décembre 2001, le tribunal correctionnel de Versailles statuant sur les poursuites exercées contre X... pour : BLESSURES INVOLONTAIRES AVEC INCAPACITE DE PLUS DE 3 MOIS PAR VIOLATION MANIFESTEMENT DELIBEREE D'UNE OBLIGATION DE SECURITE OU DE PRUDENCE, 3 et 4 août 1994 , à TRAPPES, infraction prévue par l'article 222-19 du Code pénal et réprimée par les articles 222-19 AL.2, 222-44, 222-46 du Code pénal SUR L'ACTION CIVILE: a déclaré recevable en la forme la constitution de partie civile de Jean Marc

Y..., Z... CHAILLARD et Jean Antoine Y...,les a déboutés en...

RAPPEL DE LA PROCÉDURE : LE JUGEMENT : 5 Par jugement contradictoire en date du 11 décembre 2001, le tribunal correctionnel de Versailles statuant sur les poursuites exercées contre X... pour : BLESSURES INVOLONTAIRES AVEC INCAPACITE DE PLUS DE 3 MOIS PAR VIOLATION MANIFESTEMENT DELIBEREE D'UNE OBLIGATION DE SECURITE OU DE PRUDENCE, 3 et 4 août 1994 , à TRAPPES, infraction prévue par l'article 222-19 du Code pénal et réprimée par les articles 222-19 AL.2, 222-44, 222-46 du Code pénal SUR L'ACTION CIVILE: a déclaré recevable en la forme la constitution de partie civile de Jean Marc Y..., Z... CHAILLARD et Jean Antoine Y...,les a déboutés en raison du jugement de relaxe,les a déchargés des frais de l'action civile, LES APPELS :

Appel a été interjeté par : Monsieur Y... A..., le 11 décembre 2001 Madame CHAILLARD Z..., le 11 décembre 2001 Monsieur Y... B..., le 11 décembre 2001 DÉROULEMENT DES DÉBATS : A l'audience publique du 13 novembre 2002, Monsieur le Président a constaté l'absence du prévenu qui est représenté par son conseil, ; Ont été entendus : Monsieur RENAULDON, conseiller, en son rapport, Les parties civiles en leurs observations, Maître HADDAD, avocat, en sa plaidoirie, et conclusions, Monsieur RENAUT, avocat général s'en est rapporté, Maître MANDEREAU, avocat, en ses plaidoirie et conclusions, , MONSIEUR LE PRÉSIDENT A ENSUITE AVERTI LES PARTIES QUE L'ARRÊT SERAIT PRONONCÉ À L'AUDIENCE DU 15 JANVIER 2003 CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 462 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE. LA COUR A PROROGE SON DELIBERE AU 29 JANVIER 2003 PUIS AU 19 FEVRIER 2003, CONFORMEMENT A L'ARTICLE 462 PRECITE, DÉCISION La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, jugeant publiquement, a rendu l'arrêt suivant : LE RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE Le 3 août 1994, B... Y..., alors âgé de 16 ans, était invité par Yannick PICHET à se baigner dans la piscine du camping du Hameau du Saut du Loup, sur la commune de

GARANCIERES . Chemin faisant, ils rencontraient Sébastien et Jean-Pierre LAMY, qui les accompagnaient. Sur place, les jeunes gens s'amusaient à sauter et à plonger dans l'eau. Jean Marc Y... tentait un saut périlleux, mais sa tête heurtait le rebord de la piscine, avant qu'il atteigne l'eau. C... ne perdait pas connaissance, mais se plaignait de douleurs au niveau de la nuque, et continuait de nager quelques instants, avant que ses camarades ne constatent qu'il était pris d'un malaise et était en train de se noyer. C... était sorti de l'eau par ses camarades, et les pompiers étaient appelés à 16 heures 40. Ces derniers alertaient le SAMU à 16 heures 41, qui parvenu sur place, à 16 heures 51, trouvait B... Y... inconscient et ne respirant plus; toutefois sa respiration revenait à la suite d'une insuflation d'oxygène. L'équipe spécialisée du SMUR décidait de pratiquer une ventilation artificielle sous anesthésie.

Le rapport de ce service, dressé par le docteur D..., faisait état "d'une noyade après traumatisme, sur le bord d'une piscine, sujet conscient d'emblée, examen neurologique normal, très dyspnéique (Respiration rapide, saturation à 88% )." Jean Marc Y..., immobilisé dans un matelas coquille, était transféré dans le véhicule de secours des pompiers, au service de réanimation du centre médico-chirurgical de la polyclinique de TRAPPES, où le Docteur E... le confiait au docteur F..., médecin de garde. A l'arrivée à la clinique à 19 heures, il était mentionné sur le livre de police interne "Rachis cervical plus noyade". Le docteur F... demandait aussitôt des radios du crâne de face et de profil et du rachis cervical. Ce praticien sans avoir pris connaissance des résultats de ces examens, privilégiait néanmoins l'état de détresse respiratoire gravissime, lié à la noyade, et partait en vacances, après avoir passé le relais au docteur X.... C... doit être précisé que le docteur F... avait

dissimulé dans un premier temps que la garde de nuit avait été assurée par le docteur X..., soutenant contre toute évidence qu'il avait pris en charge le blessé tout le temps de son hospitalisation dans le service, soit à partir du 3 août 1994, à19 heures jusqu'au lendemain 10 ou 11 heures. C... indiquait par la suite avoir téléphoné au docteur X..., de son domicile, entre 22 heures et 22 heures 30. Au cours de cette conversation, ce dernier l'avait informé que le cliché du rachis de face ne montrait rien et que celui de profil était normal, mais techniquement insuffisant, car ne montrant pas le rachis cervical bas (C5,C6,C7). Selon le docteur F..., il avait été convenu avec son confrère d'attendre le lendemain matin pour effectuer des radios complémentaires ou un scanner afin de ne pas aggraver l'état de détresse respiratoire du patient lié à la noyade. Le docteur X..., entendu seulement le 24 avril 1998, soutenait n'avoir pas gardé le souvenir précis de cette nuit de garde, n'ayant pas mémoire de l'appel du docteur F.... C... se rappelait toutefois qu'une infirmière lui avait signalé que le blessé ne réagissait pas des membres supérieurs et inférieurs, mais selon lui, cela se serait produit le lendemain matin au moment de sa relève par le docteur G... . Entendues courant mai 1998, les infirmières intervenues pendant la garde du docteur X..., apportaient certains éléments complémentaires. L'infirmière, Christine H... indiquait, qu'à minuit, puis à trois heures du matin, elle avait constaté que B... Y..., qui commençait à se réveiller, ne répondait pas aux ordres au niveau du mouvement des membres, et que le docteur X..., présent, avait déduit à trois heures, que le patient était tétraplégique, et n'avait pris aucune disposition pour effectuer un scanner et des soins sur le patient. Valérie BRIAND épouse I..., indiquait que vers minuit B... Y... avait répondu aux questions de sa collègue, que ses membres supérieurs répondaient, mais que ses

membres inférieurs ne répondaient plus. Elle précisait que ces recherches avaient été faites parce que la transmission de consignes précisait que B... Y... avait eu le "coup du lapin en plongeant dans une piscine." Le docteur X... a contesté cette version des faits, assurant n'avoir constaté la tétraplégie, que vers 6 heures, au moment de la relève, et affirmant qu'il était aurait été inconcevable, que devant le tableau clinique décrit par Christine H..., il n'ait rien fait.Le docteur G... effectuait la relève du service, entre 8 heures 30 et 9 heures, le 4 août 1994. C... indiquait que le docteur X... l'avait informé de ce que Jean Marc Y... présentait une tétraplégie. C... ordonnait un scanner et une radio de la colonne vertébrale, qui révélaient une fracture de la 5 ème vertèbre cervicale et un hématome para-médullaire important et compressif, qui selon lui, avaient eu pour résultat la tétraplégie du jeune homme. B... Y... était alors transféré au service de neuro-chirurgie de l'hôpital de GARCHES, après intervention de ses parents, qui ne voulaient pas, compte tenu de la rétention d'informations dont ils avaient été victimes, que leur fils soit opéré sur place. Jean Marc Y... était donc opéré à l'hôpital de GARCHES, par les docteurs BRICOUT et LOUBERT, en pratiquant une ostéo-synthèse de la fracture vertébrale par plaque métallique. Cependant, l'état de Jean Marc Y... ne devait pas s'améliorer et la tétraplégie restait identique après l'opération. C... doit être ajouté au fait que le docteur F... ait, dans un premier temps, indiqué qu'il s'était seul et intégralement occupé de B... Y..., que les radiographies réalisées, le 3 août1994, ont disparu dans des circonstances mal élucidées. Selon le docteur F..., celles-ci étaient inexploitables d'où la décision prise, selon lui, avec le docteur X... d'attendre le lendemain pour les refaire. C... convient en outre, de rappeler que l'enquête a permis d'établir que le dossier

informatique du patient avait été modifié le17 mars 1998, à 20 heures 06 ; que le docteur F... expliquait cette modification par un changement de police d'écriture sur le dossier qu'il avait été amené à consulter, alors qu'il avait été entendu, une première fois, le 17 mars 1998, dans les locaux de la clinique, avant d'être entendu une seconde fois, après placement en garde à vue, dans les locaux de la gendarmerie, le 18 mars 1998 à 13 heures. Dans le cadre de l'instruction, une première mission d'expertise était confiée, le 20 mars 1997, aux docteurs LE J..., chirurgien, et CARA BEURTON, anesthésiste, concluaient comme suit : "Le bilan des lésions traumatiques n'a pas été suffisamment précisé à l'arrivée du malade dans l'établissement,Celle-ci a entraîné l'apparition d'un hématome compressif de la moelle épinière au cours de la nuit, générant un trouble métabolique, et l'apparition de la tétraplégie,C... y a donc eu une perte de chance considérable. Ces experts ont conclu :A une date de consolidation au dernier jour de l'ITT, le 16 mai 1997,A un préjudice esthétique très important en raison de la très grande infirmité évidente;A

une aptitude à faire des études en milieu adapté." Une seconde expertise était confiée au docteur K... et aux professeurs Gérard SAILLANT et Michel DESGEORGES, qui concluaient comme suit : "Sur les soins et actes médicaux réalisés à la clinique de TRAPPES : la prise en charge et l'organisation des soins réalisés n'ont pris en compte que la noyade et sa conséquence respiratoire. Cette partie de soins, concernant la détresse liée à la noyade, a quant à elle été parfaitement menée. Le docteur F... qui a assuré l'accueil de la victime à la clinique, bien que déclarant avoir évoqué une atteinte cervicale à type de fracture n'a pas fait pratiquer les examens d'imagerie médicale qui s'imposaient, ni mis en place l'immobilisation cervicale. C... s'est contenté d'un cliché radiographique de mauvaise qualité, ne permettant aucun diagnostic, cliché qui a par la suite disparu. Le docteur X..., qui a pris la relève du docteur F... pour la nuit, n'a pas non plus, alors que vers trois heures du matin le diagnostic de paraplégie se confirmait, fait réaliser le scanner qui s'imposait. Le scanner qui a conduit au diagnostic et à l'intervention chirurgicale a été prescrit par le docteur G... à 9 heures 30, le 4 août 1994, soit avec un retard d'environ cinq heures, imputable à la clinique, à compter du moment où le diagnostic de paraplégie s'est imposé. A 10 heures du matin, alors que le docteur L..., neuro-chirurgien, se proposait d'opérer le jeune Y..., la famille a demandé et organisé son transfert sur l'hôpital de GARCHES, ce qui a entraîné un retard à l'opération de cinq heures, imputable cette fois à la famille. C... peut, en conséquence, être imputée au docteur F... une faute de négligence pour n'avoir pas poussé sa logique de suspicion d'atteinte du rachis à son terme et fait réaliser un scanner dés l'arrivée. Cette négligence a retardé le diagnostic, mais compte tenu de l'état de détresse respiratoire de la victime à la clinique, ce retard de

diagnostic n'a pas retardé, dans l'immédiat, une intervention chirurgicale, qui ne pouvait être réalisée qu'après amélioration et stabilisation des problèmes pulmonaires. De même l'abstention du docteur X..., à trois heures du matin, sur le même examen, alors que le diagnostic cette fois s'imposait, doit être considérée comme fautive au regard des pratiques et données acquises de la science. Dans les situations de tétraplégie par fracture de C 5, hors problème de noyade associé, si l'intervention chirurgicale comportant une décompression de la moelle (laminectomie) et une fixation des lésions est réalisée dans les huit heures, les chances de récupération sont de l'ordre de 10 % (récupération rarement totale). Dans le cas de Jean Marc Y..., on peut dire rétrospectivement que les lésions, responsables de la tétraplégie, se sont très vraisemblablement constituées d'emblée dans la piscine lors de l'accident, et dans les instants qui ont suivi (sortie de l'eau notamment), et que selon le compte rendu opératoire de l'hôpital de GARCHES (pas de laminectomie réalisée), il n'y avait pas de compression médullaire qui aurait justifié une intervention urgente et qu'en tout état de cause celle-ci n'aurait pu avoir lieu qu'après traitement du problème respiratoire. C... doit donc être considéré que les négligences et fautes, ci-dessus énoncées, concernant les médecins de la clinique de TRAPPES , sont responsables du retard apporté au diagnostic et à la mise en route de traitements potentiels, mais n'ont pas eu de conséquence sur l'évolution et les séquelles dont souffre B... Y... Selon ces experts : *L'ITT doit être retenue du 3 août 1994 au 16 mai 1997, date de l'examen du docteur LE J..., *La date de consolidation doit être fixée au dernier jour de l'ITT; *L'IPP doit être fixée à 90 % , *Le prix de la douleur doit être qualifié de très important, compte tenu des soins, longs et douloureux subis, *Le préjudice esthétique, chez un jeune homme de 22 ans, est à qualifier

de très important. Le jugement déféré est intervenu des suites de l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction, du 10 août 2001, à l'encontre de Jean-François F... et de X..., pour avoir respectivement : - à TRAPPES, en tout cas dans le département des YVELINES, les trois et quatre août 1994, en tous cas depuis temps non prescrit, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l'article 121-3 du Code Pénal, par maladresse imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement causé involontairement à B... Y... des blessures ayant entraîné une incapacité de travail pendant plus de trois mois. Cette décision a, sur l'action publique, déclaré Jean-François F... et X... non coupables et les a relaxés des fins de la poursuite, et sur l'action civile, déclaré recevable et régulière la constitution de partie civile de Jean Marc Y..., débouté B... Y... de sa demande en raison de la relaxe, déclaré recevables et régulières les constitutions de partie civile d'Hélène CHAILLARD et de A... Y..., et les a déboutés du fait de la relaxe. Cette décision a été frappée d'appel, le 11 décembre 2001, par les trois parties civiles, contre le seul X... et non à l'encontre de Jean François F... A l'audience de la Cour, les parties civiles étaient comparantes et assistées de leur conseil. Elles sollicitaient la Cour : - de les déclarer recevables et bien fondés en leur appel; - d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la relaxe du docteur Samir X...; et statuant à nouveau : - de déclarer Samir X... coupable des faits qui lui sont reprochés et statuer ce que de droit sur les réquisitions de l'avocat général Subsidiairement : - de faire application de l'article 470-1 du Code de Procédure Pénale, -En tout état de cause, de les recevoir en leur constitution de partie civile, - de condamner X... à payer à : 1) B... Y... Au titre du préjudice soumis à recours *Pour l'ITT

27 699,49 *Pour l'IPP

.411 612,34 *Pour le préjudice professionnel et économique

47 707,95 *Pour la nécessité d'une tierce personne 24H sur 24

364 101,89 Au Titre du préjudice non soumis à recours: *Pour le pretium doloris

76 224,50 *Pour le préjudice esthétique

76 224,50 *Pour le préjudice d'agrément

76 224,50 *Pour le préjudice sexuel

76 224,50 de faire droit à la demande de la C.P.A.M des YVELINES concernant les frais médicaux d' hospitalisation et frais futurs qu' elle a évalués à: -Frais médicaux d' hospitalisation

132 122,06 -Frais futurs

359 205,63 de faire droit à la demande de la Caisse d'Allocations Familiales des Yvelines, pour le montant qui sera réclamé au titre du capital représentatif de l'allocation spéciale d'adulte handicapé. Aux parents de B... Y... In solidum avec Jean-François F..., Pour Madame Y... *Au titre de la fonction de tierce personne remplie

621 424,87 Pour chacun d'eux *Au titre du préjudice moral

30 489,80 *Au titre des travaux d'aménagement

106 714,31 *Au titre des frais non remboursables par la Sécurité Sociale

60 979,60 Condamner X... à payer, à chacun des consorts Y..., au titre de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale, la somme de 1524,49 . X... représenté par son conseil, faisait valoir que les fautes relevées à son encontre et à l'encontre du docteur F..., n'ayant eu aucune conséquence sur l'évolution et les séquelles subies par B... Y..., il ne pouvait faute de lien de causalité en être tenu pour responsable, pas plus que de la perte de chance invoquée par les consorts Y... C... ajoutait au surplus que la Cour ne

disposant pas d'éléments suffisants pour évaluer sa part de responsabilité dans cette perte de chance, elle devrait, si elle faisait droit à la demande des appelants, ordonner une mesure d'expertise. C... sollicitait donc la Cour de : -Déclarer les parties civiles recevables en leur appel; -Les y déclarer mal fondées; -Confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré; -A titre infiniment subsidiaire sur la perte de chances : *Ordonner une nouvelle expertise pour permettre avec précision d'évaluer la perte de chance. La C.P.A.M des YVELINES n'était pas représentée, mais s'était constituée partie civile devant les premiers juges, et avait sollicité la condamnation solidaire des docteurs F... et X..., à la somme de 132 122,06 et celle de 359 205,63 , représentant le capital constitutif des prestations futures, au fur et à mesure de leurs échéances, s'ils n'aiment mieux se libérer du capital, outre celle de 762,25 au titre de l'indemnité forfaitaire. La Caisse d'Allocation Familiales des YVELINES n'était pas représentée, mais avait sollicité, devant les premiers, juges l'octroi de dommages et intérêts à hauteur de 23881,44 (allocation adultes handicapés) et de 33 432,07 (pour les cinq années à venir). SUR CEConsidérant que les appels interjetés dans les délais et formes légaux sont recevables; Considérant que faute d'appel du Ministère Public, en ce qui concerne l'action publique, la relaxe des fins de la poursuite prononcée par le tribunal au bénéfice de X... est devenu définitive; Considérant que par application des dispositions de l'article 470-1 du Code de procédure pénale dont s'étaient prévalues les parties civiles appelantes devant le tribunal, la Cour nonobstant la relaxe intervenue, demeure compétente pour accorder sur la demande des parties civiles, en application des règles de droit civil réparation des dommages résultant des faits qui ont fondé la poursuite ; que la demande des parties civiles est donc recevable; Sur les fautes ;

Considérant qu'au regard de l'article 1147 du code civil, toute faute du médecin peut engager sa responsabilité; Considérant qu'il ressort de la procédure et des expertises précitées que le docteur F..., qui n'est plus dans la cause, a commis une faute en omettant d'établir un bilan lisible des lésions traumatiques à l'arrivée du malade dans l'établissement, suivant les conclusions des experts LE J... et CARA BEURTON, plus précisément en négligeant d'explorer la suspicion d'atteinte au rachis et de faire réaliser immédiatement un scanner, une telle négligence ayant retardé le diagnostic; Considérant, qu'en ce qui concerne le docteur X..., il résulte clairement, malgré ses dénégations, qu'en présence de l'infirmière Christine H..., à 3 heures du matin, et après avoir constaté que B... Y... était privé de tout mouvement des membres inférieurs, il a eu une attitude passive en n'ordonnant pas un scanner, alors que selon le second collège d'experts, le diagnostic de la tétraplégie s'imposait et que cette abstention doit être considérée comme fautive, au regard des pratiques médicales et des données acquises de la science; Considérant que X... a déclaré lui même, alors qu'il soutenait ne plus se souvenir du déroulement des faits, qu'il était inconcevable que devant le tableau clinique décrit par Christine H..., il soit resté passif; Considérant toutefois, que le second collège d'experts a relevé qu'à 10 heures du matin, alors que le docteur L..., neuro-chirurgien, se proposait d'opérer le jeune Y..., la famille a demandé et organisé son transfert à l'hôpital de GARCHES, ce qui a entraîné un retard à l'opération de cinq heures, imputable cette fois à la famille; Sur la perte de chance Considérant qu'il ressort des déclarations des témoins directs de l'accident, à savoir les amis de Jean Marc Y..., que ce dernier après le choc s'est remis à nager, avant d'avoir un malaise dans l'eau; Considérant que le premier rapport du SMUR indiquait "Noyade après traumatisme

sur le bord d'une piscine, sujet conscient d'emblée, examen neurologique normal, très dyspnéique (Respiration rapide - saturation à 88% )." Considérant que selon le premier collège d'experts, la fracture vertébrale, non mise en évidence à l'accueil, a entraîné l'apparition d'un hématome compressif de la moelle épinière sous jacente au cours de la nuit, entraînant un trouble métabolique et l'apparition de la tétraplégie et ce, à l'aide de l'examen du scanner, réalisé par le docteur G..., "confirmant la fracture et l'existence d'un hématome para-médullairee la tétraplégie et ce, à l'aide de l'examen du scanner, réalisé par le docteur G..., "confirmant la fracture et l'existence d'un hématome para-médullaire important et compressif"; Considérant que la présence de cet hématome compressif a laissé penser à ces experts, qu'il s'était installé progressivement et avait pour origine les modalités de prise en charge du blessé, qu'un diagnostic plus précoce aurait pu en éviter la conséquence de tétraplégie ; qu'ils ont conclu à "Une perte de chance considérable dû au retard lésionnel"; Considérant que les seconds experts ont considéré "que les lésions neurologiques de la tétraplégie se sont très vraisemblablement constituées d'emblée, dans la piscine, lors de l'accident et dans les instants qui ont suivi (sortie de l'eau notamment), et que selon le compte rendu opératoire de l'hôpital de GARCHES (pas de laminectomie réalisée ), il n'y avait pas de compression médullaire qui aurait justifié une intervention urgente, qu'en tout état de cause celle-ci n'aurait pu avoir lieu qu'après traitement du problème respiratoire ; qu'ils ont ensuite affirmé péremptoirement "que les négligences et fautes ci-dessus énoncées concernant les médecins de la clinique de TRAPPES sont responsables du retard au diagnostic et à la mise en route de traitements mais n'ont pas eu de conséquences sur l'évolution des séquelles dont souffre B... Y..."; Considérant qu'outre le fait

que cette conclusion est en totale contradiction avec celle des premiers experts qui retiennent une perte de chance considérable, elle ne repose que sur une hypothèse, suivant laquelle la tétraplégie s'est vraisemblablement constituée d'emblée, et a écarté le rapport du SMUR parlant d'examen neurologique normal, et l'analyse du Docteur G..., indiquant que "le scanner a révélé la fracture du rachis cervical situé au niveau C5 et C6 avec un hématome compressif "; Considérant que les conclusions des seconds experts, si elles apparaissent être l'expression d'une hypothèse pessimiste d'évolution rapide de la tétraplégie, ne sont pas de nature à elles seules à écarter une perte de chance de voir stopper ou diminuer les conséquences de tétraplégie par un mode opératoire approprié et intervenu à temps; Sur le préjudice Considérant que cette perte de chance ne saurait recouvrer la totalité du préjudice dans la mesure où, bien que certaine, le fait d'échapper à ce préjudice était loin d'être acquis; qu'il résulte en effet des conclusions des seconds experts que même hors problème de noyade associé, si l'intervention chirurgicale comportant une décompression de la moelle (laminectomie) et une fixation des lésions est pratiquée dans les huit heures, les chances de récupération sont de l'ordre de 10 %; Considérant qu'en regard des conclusions des premiers experts, qui eux, ont conclu à une perte de chance très importante, et de celles plus pessimistes des seconds experts, la cour retiendra un taux de 50 % au cas d'espèce; Considérant au surplus que le docteur X... a joué un rôle secondaire, par rapport au docteur F..., dans le retard de l'établissement du diagnostic ; qu'au surplus le retard, lié au transfert de B... Y... de la clinique de TRAPPES vers l'hôpital de GARCHES, ne lui est pas imputable ; qu'il ne sera retenu à son encontre que 45 % de responsabilité dans l'origine des préjudices, sans qu'il y ait lieu à expertise sur ce point; Sur le préjudice de

Jean Marc Y... à la charge de X... Considérant que le préjudice résultant la perte de chance de ce dernier obéira aux clés de répartition suivante : représentera 50 % du préjudice actuel de la victime estimé sans réfaction (préjudice soumis à recours des organismes sociaux et préjudice non soumis à recours), dont 45% seront à la charge de X...; Sur le préjudice soumis à recours Considérant sur le préjudice soumis à recours qu'il résulte de la procédure que si la C.P.A.M des YVELINES avait effectivement conclu devant les premiers juges, ceux-ci n'ont pas statué à son égard; que la C.P.A.M n'a pas figuré dans le jugement comme étant l'une des parties concernées, en sorte qu'elle n'a pas été citée devant la Cour ; que cependant, elle a fait connaître, par courrier du 5 février 2002, qu'elle entendait se maintenir dans la présente instance ; Considérant dans ces conditions, qu'il convient de surseoir à statuer sur ce préjudice, ainsi qu'il est dit au dispositif de façon à permettre à la C.P.A.M des YVELINES de conclure devant la Cour ; Sur le préjudice non soumis à recours Considérant qu'il peut être ainsi évalué : -Pretium Doloris très important 7/7 en raison de la longueur des soins passés actuels et avenir avec inclusion de la souffrance morale de ce jeune garçon

45 000 A la charge de X... 22 500 X 45 %

10 125 -Préjudice esthétique très important en raison de la très grande infirmité 7/7

45 000 A la charge de X... 22 500 X 45%

10 125 -Préjudice d'agrément C... résulte de l'immobilisation permanente chez le sujet, alors sportif de bon niveau notamment au basket-ball, de la perte des plaisirs habituels tels que promenades à pied, danse, bains de mer, autres sports, désormais interdits sauf aménagement particulier

45 000 A la charge de X... 22 500 X 45%

10 125 -Préjudice sexuel il résulte aussi de la situation d'invalide du sujet encore jeune

45000 A la charge de X... 22 500 X 45 %

10 125 TOTAL (B) à la charge de X...

40 500 Sur le préjudice des époux Y... à la charge de X... Préjudices moraux Ils résultent des épreuves endurées devant la paralysie soudaine de leur fils et du fait qu'il n'a pas été soigné selon les pratiques médicales adéquates et les données acquises de la science. A)Z... CHAILLARD épouse Y...

30 000 A la charge de X... 15 000 X 45%

6 750 B)Jean Antoine Y...

30 000 A la charge X... 15 000 X 45%

6 750 Total

13 500 Les demandes d'Hélène CHAILLARD épouse Y..., concernant les frais non remboursables par la sécurité sociale, et la fonction de tierce personne, seront examinées dans le cadre du préjudice soumis à recours; La demande concernant les travaux d'aménagement sera rejetée en l'absence de preuve significative; Considérant qu'il convient de surseoir à statuer sur les demandes formées au titre de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale; PAR CES MOTIFS LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'encontre de de X..., de B... Y..., d'Héléne CHAILLARD épouse Y..., de Jean Antoine Y... et de défaut à l'égard de la Caisse d'Allocations Familiale des YVELINES et de la C.P.A.M. des YVELINES. -Déclare les appels recevables; Sur l'action civile : Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau:

Déclare X... responsable à hauteur de 45 % de la perte de chance d'avoir par des soins appropriés échappé aux conséquences de la paraplégie, dont Jean marc Y... a été victime

à la suite de l'accident du 3 août 1994,Sursoit à statuer sur les préjudices soumis à recours jusqu'à l'audience du 14 mai 2003, la C.P.A.M des YVELINES et la Caisse d'Allocation Familiales des YVELINES devant être impérativement citées à cette audience, par le Ministère Public,Sursoit à statuer sur les demandes au titre de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale et les dépens; Et ont signé le présent arrêt, le président et le greffier.

LE GREFFIER,

LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 2002-771P
Date de la décision : 19/02/2003

Analyses

ACTION CIVILE - Préjudice - Préjudice certain - Perte d'une chance - Modalités d'évaluation. - /

La perte d'une chance, bien que certaine, ne saurait recouvrer la totalité du préjudice subi par la victime, lorsqu'il est établi que même en cas de diagnostic précoce, les chances de récupération ne dépassent pas 10% des cas. Aussi, il convient de fixer l'indemnisation de la perte de chance résultant d'un diagnostic tardif à hauteur de 50% du préjudice actuel, sans réfaction de la victime


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2003-02-19;2002.771p ?
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