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09/01/2003 | FRANCE | N°2000-4053

France | France, Cour d'appel de Versailles, 09 janvier 2003, 2000-4053


La société MILLÉNAIRE avait acquis les droits de commercialisation d'un appareil, dit "SHELF SPEAKER", constitué d'une boîte vocale attirant, par un message publicitaire sonore, l'attention des consommateurs des grandes surfaces sur tel ou tel produit. Au mois d'avril 1996, elle a proposé au groupe PROMODES de prendre en location de tels équipements permettant aux fabricants de diffuser, moyennant contrepartie financière, des messages de promotion de leurs produits dans les rayons des hypermarchés. Les pourparlers ont été menés par la société INTERDIS, centrale d'achat alimentair

e des enseignes de ce groupe. Cette dernière a fait savoir, l...

La société MILLÉNAIRE avait acquis les droits de commercialisation d'un appareil, dit "SHELF SPEAKER", constitué d'une boîte vocale attirant, par un message publicitaire sonore, l'attention des consommateurs des grandes surfaces sur tel ou tel produit. Au mois d'avril 1996, elle a proposé au groupe PROMODES de prendre en location de tels équipements permettant aux fabricants de diffuser, moyennant contrepartie financière, des messages de promotion de leurs produits dans les rayons des hypermarchés. Les pourparlers ont été menés par la société INTERDIS, centrale d'achat alimentaire des enseignes de ce groupe. Cette dernière a fait savoir, le 09 mars 1997, à son interlocuteur qu'elle ne souhaitait pas contracter. Le 15 juillet 1998, la société MILLÉNAIRE a saisi le tribunal de commerce de NANTERRE pour obtenir l'indemnisation de la perte de chance résultant de la rupture, fautive selon elle, par la société INTERDIS des pourparlers. Elle a ensuite modifié ses prétentions et a demandé au tribunal de constater l'existence d'un contrat, d'en déclarer fautive la rupture, n'invoquant que subsidiairement celle des pourparlers, en réclamant la même indemnisation de 12.877.000 francs (1.963.085,99 euros). Par jugement rendu le 02 mai 2000, cette juridiction l'a déboutée de toutes ses demandes et condamnée aux dépens. La société MILLÉNAIRE, qui a interjeté appel de cette décision, conclut à son infirmation. Elle rappelle la chronologie de ses relations avec la société INTERDIS et fait valoir que, s'agissant d'un contrat d'entreprise, aussitôt que les parties se sont mises d'accord sur les éléments essentiels et ne soulèvent aucune réserve ou protestation, le contrat est réputé conclu. Elle explique qu'elle a présenté deux premiers projets de contrat à son interlocuteur qui a établi un premier texte puis lui a fait, le 04 février 1997, une offre ferme, précise et définitive. Elle indique qu'elle a donné, le 13 février 1997, son accord sur ce deuxième contrat et soutient

qu'ainsi la rencontre des volontés était parfaite et la convention formée. Elle réfute les arguments de la société INTERDIS, retenus par les premiers juges, tenant d'une part à sa capacité financière, laquelle était connue depuis de nombreux mois, et d'autre part à la portée d'une mention " sans valeur juridique " figurant dans l'acte. Elle ajoute que le contrat a reçu un début d'exécution par elle-même qui a acheté des machines et respecté l'exclusivité et par la société INTERDIS qui a envoyé la liste des hypermarchés et demandé un argumentaire " marketing ". Subsidiairement, elle se prévaut de l'existence d'un accord de principe, convention par laquelle les parties s'obligent à poursuivre leurs négociations sur un contrat dont les conditions restent à définir, constituant un véritable avant-contrat, dont la rupture engage la responsabilité contractuelle de son auteur. Elle qualifie, à cet égard, de particulièrement répréhensible le comportement de la société INTERDIS du point de vue de l'engagement pris de négocier de bonne foi. Elle souligne que, alors qu'aucune difficulté n'était plus soulevée, la société INTERDIS a rompu sans explication et de manière brutale, le 10 mars 1997, les premières négociations pour en proposer d'autres dépourvues de chance d'aboutir. Plus subsidiairement, elle invoque la rupture abusive et brutale, avec mauvaise foi, des pourparlers. Elle rappelle que la jurisprudence retient qu'un partenaire de négociation est fautif dès lors qu'il rompt brutalement des pourparlers engagés depuis longtemps sans raison légitime après avoir fait croire à l'autre partie que le contrat allait être signé prochainement. Elle explique que tel est le cas en l'espèce ajoutant que la rupture brutale a été prononcée sans motif légitime. Elle estime qu'en rompant cette négociation en violation des règles de bonne foi, la société INTERDIS a commis une faute qui engage sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil. Elle réfute les arguments, invoqués a posteriori pour

expliquer la rupture, relatifs aux résultats du test, à la demande d'information sur les possibilités de financement, à la durée des pourparlers et aux propositions ultérieures. Elle fait état des préjudices qu'elle estime avoir subis à titre principal pour la non exécution du contrat et qu'elle chiffre à 1.871.617 euros, et à titre subsidiaire, pour un montant identique correspondant au bénéfice escompté sur ce contrat, pour la perte d'une chance issue d'un accord de principe, comme à titre infiniment subsidiaire pour la rupture abusive des pourparlers qui doit être mise en relation avec l'impossibilité de poursuivre une prospection commerciale. Elle y ajoute les préjudices moral et commercial, à raison de son activité et des frais engagés inutilement, dont l'indemnisation ne saurait être, selon elle, inférieure à 100.000 euros. Elle sollicite en outre la condamnation de la société INTERDIS à lui payer 8.000 euros pour résistance abusive et pareille somme en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La société INTERDIS répond que les premiers contacts avec la société MILLÉNAIRE ont eu lieu le 16 juillet 1996 et observe que celle-ci a toujours ignoré le caractère bilatéral de cette négociation dont elle expose la chronologie. Elle affirme que les relations entre les parties se sont toujours limitées à des pourparlers et que la société MILLÉNAIRE déclare le contrat formé de façon unilatérale sans qu'elle-même ait jamais manifesté son consentement. Elle fait valoir que les données factuelles invoquées par l'appelante à l'appui d'une exécution du contrat concernent des faits antérieurs à la discussion des éléments de formation du contrat dont aucun projet n'avait été encore établi. Rappelant qu'en matière contractuelle le silence ne vaut pas acceptation et faisant observer qu'entre le 16 juillet 1996 et le 25 mars 1997 elle n'a envoyé que trois lettres, sur les seize courriers produits, elle qualifie de poursuite d'une logique de harcèlement le comportement de la société

MILLÉNAIRE qui n'a pourtant jamais rencontré son approbation. Elle dénie l'existence d'un contrat comme d'un accord de principe. Elle fait observer que huit mois seulement se sont écoulés entre le début et la fin des négociations ce qui n'est pas excessif eu égard à l'importance des sommes en jeu. Elle indique que la rupture des pourparlers a été motivée par le test décevant mis en place dans un hypermarché au mois de septembre 1996 dont elle n'a disposé des résultats complets qu'au mois de janvier suivant, ainsi que par les doutes sur la capacité financière de la société MILLÉNAIRE qui ont été émis par télécopie du 30 janvier 1997 sans recevoir de réponse satisfaisante. Elle prétend qu'en raison de cet aléa financier, elle était bien fondée à interrompre les pourparlers avant leur terme. Elle ajoute que, jusqu'au mois d'avril 1997, les parties en étaient encore à évaluer les risques et les chances du contrat envisagé, ce qui doit conduire à écarter toute faute, et explique que, dès l'origine, la société MILLÉNAIRE a cru le contrat conclu malgré les réserves non dissimulées. Elle fait valoir que le courrier de la société MILLÉNAIRE du 11 mars 1997, proposant de placer gratuitement les boites vocales dans les magasins, constitue une acceptation de la décision de mettre un terme aux pourparlers. Elle qualifie d'exorbitant le montant des demandes indemnitaires de la société MILLÉNAIRE dont le préjudice serait éventuellement égal au montant des frais exposés inutilement sous réserve qu'elle soit en mesure d'en apporter la preuve et que ces dépenses n'aient pas été effectuées dans la précipitation. Elle constate qu'au contraire la société MILLÉNAIRE a engagé des frais avec légèreté en cédant à un excès d'optimisme et soutient qu'elle ne saurait être tenue de payer des boites vocales qu'elle n'a jamais commandées. Elle ajoute que la société MILLÉNAIRE ne justifie d'aucun préjudice réel de la perte d'une chance sérieuse de contracter avec un autre partenaire. Aussi

conclut-elle à la confirmation du jugement et réclame 8.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et pareille somme sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Le 10 septembre 2002, la société INTERDIS a signifié des conclusions récapitulatives et a produit aux débats une pièce numérotée 13 constituée d'une consultation du professeur PRIEUR. La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 12 septembre 2002. Par conclusions signifiées le 15 octobre 2002, la société MILLÉNAIRE a demandé à la cour, au vu des dispositions de l'article 16 du nouveau code de procédure civile, de rejeter des débats les écritures signifiées et la pièce communiquée tardivement. Par conclusions signifiées le 16 octobre 2002, la société INTERDIS explique que la consultation produite était destinée à répondre à celle du professeur CHAUVEL communiquée par la société MILLÉNAIRE quelque jours avant la date initialement prévue pour la clôture et reportée. Elle conclut à la recevabilité de ses conclusions du 11 septembre et demande, dans l'hypothèse d'un rejet, d'ordonner aussi celui de la pièce 54 de la société MILLÉNAIRE communiquée le 06 juin 2002. L'affaire a été appelée une première fois à l'audience du 17 octobre puis renvoyée au 05 novembre 2002 où les conseils des parties ont plaidé. MOTIFS DE LA DECISION : ä Sur l'incident Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 15 du nouveau code de procédure civile, il appartient aux parties de se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait et de droit sur lesquels elles fondent leurs prétentions et les éléments de preuve qu'elles produisent ; considérant qu'en signifiant, l'avant-veille de la date prévue pour la clôture de la procédure de la mise en état, des conclusions récapitulatives de quarante pages et en produisant, le lendemain, une consultation juridique établie par un professeur de droit sur vingt cinq pages, la société INTERDIS a, à

l'évidence, manqué à ces obligations dès lors que la société MILLÉNAIRE ne disposait pas du temps nécessaire pour prendre connaissance du contenu de ces volumineux écrits, l'analyser et, éventuellement, y répondre ; que seront, en conséquence, écartées des débats les conclusions récapitulatives de la société INTERDIS signifiées le 10 septembre 2002 et la pièce communiquée le 11 septembre 2002 sous le nä 13 ; considérant en revanche que la société INTERDIS n'est pas fondée à demander, pour la première fois par conclusions du 16 octobre 2002, le rejet de la pièce communiquée par la société MILLÉNAIRE le 06 juin 2002 sous le numéro 54 alors qu'elle a disposé de plus de trois mois pour y répondre, la circonstance du délai d'obtention de sa propre consultation demandée à un professeur de droit étant sans incidence sur le caractère contradictoire de la communication des pièces antérieurement produites ; ä Sur l'existence d'un contrat Considérant que la société MILLÉNAIRE a, par lettre du 11 avril 1996, démarché la société PROMODES pour lui proposer la mise en place, dans les hypermarchés de ce groupe, des boites vocales publicitaires " SHELF SPEAKING " ; que le premier contact effectif avec un responsable du marketing, Monsieur Philippe X..., est intervenu le 16 juillet suivant, ainsi qu'en font foi la photocopie de l'agenda de celui-ci et le compte rendu de réunion établi le lendemain par la société MILLÉNAIRE ; que, par lettre du 22 juillet 1996, la société MILLÉNAIRE a proposé à cette personne d'organiser elle-même un test dans un magasin à l'enseigne CONTINENT, en région Ile de France ; considérant que la société INTERDIS a confié la conception et la réalisation du message vocal publicitaire d'essai à la société COCONUTS qui a demandé, par télécopie du 22 août, à la société MILLÉNAIRE de lui faire parvenir six boites vocales pour mettre au point un " test magasin " qui s'est effectivement déroulé, au début du mois de septembre 1996, dans l'hypermarché CONTINENT de

VILLETANEUSE ; considérant que le 17 octobre suivant, la société MILLÉNAIRE écrivait à Monsieur X... de PROMODES : " Nous avons appris avec plaisir votre accord sur les termes du programme shelf Speaker " et plus loin : " Nous restons dans l'attente du contrat écrit par vos services juridiques " ; considérant que la société PROMODES adressait à la société MILLÉNAIRE le 22 octobre 1996 la liste de ses magasins hypermarchés CONTINENT et le 06 décembre 1996 un projet de contrat ; que la société MILLÉNAIRE répondait dès le 09 du même mois en demandant que soient apportées certaines modifications à ce texte ; considérant que la société MILLÉNAIRE soutient, sans toutefois en justifier, qu'un rendez-vous de signature aurait été prévu pour le 16 décembre mais annulé par la société INTERDIS ; que cette affirmation se trouve toutefois contredite par sa télécopie du 19 décembre, aux termes de laquelle elle se réjouissait d'apprendre que le contrat devait être présenté au Directeur Général de Continent et sollicitait que la signature intervienne le jour même avant le départ en vacances de Monsieur X... ; considérant que, par télécopie du 30 janvier 1997, la société PROMODES confirmait ses interrogations sur la capacité de la société MILLÉNAIRE à financer un tel investissement et soulevait un risque de voir sa propre garantie financière sollicitée. Elle demandait à son interlocuteur de l'informer sur le financement envisagé et d'obtenir un accord de principe de la banque ; considérant que le 04 février 1997, la société INTERDIS faisait parvenir à la société MILLÉNAIRE un projet remanié de contrat de location des boites vocales en prenant la précaution d'y mentionner, en première page et en caractères gras de grande taille " 1er PROJET SANS VALEUR JURIDIQUE " ; considérant que par lettre du surlendemain la société MILLÉNAIRE précisait à la société PROMODES les modalités de financement de son programme et affirmait sa capacité financière

en se prévalant de détenir déjà plus de 500 machines, mais sans fournir toutefois aucune indication chiffrée ; qu'elle proposait aussi un aménagement des conditions financières de paiement de la maintenance ; qu'elle concluait sa lettre en ces termes : " Nous espérons avoir apporté les réponses nécessaires pour finaliser notre accord prochainement " ; considérant que le 12 février 1997, la société MILLÉNAIRE adressait à la société PROMODES, le projet d'un texte de condition suspensive relative à l'obtention, dans les trois mois de la signature du contrat, du financement partiel ou total, par son organisme financier, des 1.200 boites vocales ; considérant que le lendemain, elle écrivait à la société PROMODES " Nous avons l'honneur de vous confirmer notre agrément sur les termes finaux du contrat " ; qu'elle précise dans ses écritures que l'agrément ainsi exprimé visait le contrat établi par la société INTERDIS le 04 février 1997 ; considérant toutefois que ce document portait la mention " projet sans valeur juridique " ; qu'il ne constituait pas dès lors un texte définitif et ne pouvait avoir pour conséquence d'exprimer la volonté de la société INTERDIS de contracter et d'être liée en cas d'acceptation ; que la société MILLÉNAIRE était parfaitement consciente de ce défaut de volonté puisqu'elle écrivait, le 6 février, à la société PROMODES : " Nous espérons avoir apporté les réponses nécessaires pour finaliser notre accord prochainement " ; considérant au surplus que la société MILLÉNAIRE ne saurait sérieusement soutenir que le texte définitif du contrat était arrêté et accepté par les deux parties, alors que les échanges de télécopies et de lettres postérieures au 04 février démontrent que la question de la garantie du financement n'était pas, aux yeux de la société INTERDIS, résolue, la société MILLÉNAIRE proposant même l'introduction, dans le contrat, d'une condition suspensive pour le cas où surviendraient des difficultés de financement des 1.200

machines envisagées ; que, contrairement à ce que soutient l'appelante, la difficulté liée à sa capacité d'assurer le financement de l'opération était de nature à empêcher l'accord des parties, quand bien même le texte du contrat proposé avait reçu son agrément ; que l'inquiétude de la société INTERDIS ne tenait pas tant aux clauses contractuelles de la location qu'à la surface financière de son interlocuteur et à la capacité de celui-ci à mener à bien l'opération ; considérant enfin que la société MILLÉNAIRE ne peut tirer de la seule affirmation qu'elle respectait l'exclusivité prévue au contrat, avait acheté les machines et de la constatation que lui avait été adressée la liste des hypermarchés, la conclusion que le contrat avait reçu un début d'exécution ; que la mise en place par elle, antérieurement à la rédaction du projet de contrat, des éléments nécessaires à sa réalisation ne démontre que sa propre volonté de contracter ; que le seul envoi, le 22 octobre 1996, par la société PROMODES de la liste des hypermarchés CONTINENT ne peut être compris comme l'exécution d'un contrat dont le projet ne sera effectivement rédigé que trois mois plus tard ; que, comme le fait valoir à bon droit la société INTERDIS, la connaissance de cette liste était un préalable à la détermination par la société MILLÉNAIRE de ses charges d'exploitation et donc de la portée financière de ses propositions, nécessairement analysées avant la conclusion du contrat ; considérant que le 03 mars 1997, la société MILLÉNAIRE adressait à Monsieur X... une télécopie ainsi libellée : " L'autorisation du projet prend beaucoup de temps. Permettez-moi de vous parler aujourd'hui afin de voir une solution " ; qu'il s'en déduit qu'elle avait une parfaite conscience de ce que l'accord du Directeur Général de CONTINENT, visé dans sa télécopie du 19 décembre précédent, n'avait pas été obtenu ; qu'il suit de ce qui précède que la société MILLÉNAIRE n'est pas fondée à soutenir qu'à la date du 13 février

1997, la rencontre des volontés était parfaite et que le contrat était formé. ä Sur l'existence d'un engagement de négocier Considérant que la société MILLÉNAIRE ne peut davantage prétendre qu'il existait un accord de principe constituant un avant-contrat et que la société INTERDIS aurait souscrit un quelconque engagement de poursuivre des négociations pour aboutir à la conclusion d'un contrat ; qu'elle ne produit à cet égard aucun document probant ; que, dans sa démarche commerciale et sa volonté d'aboutir, elle a adressé à la société PROMODES de nombreuses correspondances et télécopies ; qu'en revanche la société PROMODES n'a procédé, pour sa part, du début des entretiens jusqu'au 04 février 1997, qu'à quatre envois : un pour communiquer la liste des hypermarchés, deux pour la transmission de projets de contrats et un pour exprimer ses inquiétudes sur la capacité financière de la société MILLÉNAIRE ; que ces éléments sont insuffisants à démontrer la réalité du prétendu accord de principe de mener à bien un contrat dont, au demeurant, la détermination du contenu ne constituait pas le seul aspect de l'opération. ä Sur la rupture des pourparlers Considérant que, poursuivant les négociations pour l'aboutissement du projet qui lui tenait particulièrement à cour, la société MILLÉNAIRE a, par télécopie du 11 mars 1997, adressé à la société PROMODES trois nouvelles propositions concernant le programme, la première impliquant une diminution à cinq du nombre de boites mises en place par magasin, la seconde proposant de vendre pour 4.800.000 francs (731.755,28 euros) 2.000 boites vocales et la troisième offrant, à défaut, de payer la société INTERDIS pour chaque boîte placée gratuitement en magasin ; considérant que, par télécopie du 02 avril 1997, la société INTERDIS confirmait qu'elle n'avait plus l'opportunité de travailler, cette année là, sur le projet de boites vocales et invitait la société MILLÉNAIRE à la contacter de nouveau au mois de septembre suivant ; considérant que cette correspondance

constitue à l'évidence un ajournement sine die des négociations qui s'analyse en une rupture des pourparlers, susceptible d'engager la responsabilité de la société INTERDIS sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil, pour autant que soient démontrés une faute, un préjudice et le lien de causalité ; considérant qu'il est établi par les pièces du dossier, visées ci-avant, et notamment par le compte rendu de la réunion du 16 juillet 1996 et l'intervention, à la diligence de la société INTERDIS, de la société COCONUTS, que la nécessité d'un test préalable de mesure de l'efficacité du produit avait été convenue ; qu'il n'est pas discuté que le test a été réalisé dans le courant de la première quinzaine du mois de septembre 1996 ; que c'est sans fournir aucun élément probant que la société INTERDIS affirme qu'elle n'en a disposé des résultats complets qu'au mois de janvier suivant ; qu'elle prétend qu'il convenait d'analyser sérieusement ces données et de les comparer aux résultats commerciaux obtenus en octobre, novembre et décembre 1996 ; qu'une comparaison avec les ventes enregistrées les années précédentes, à pareille époque, pouvait être menée dès la fin du test ; que la société MILLÉNAIRE produit aux débats des " extraits d'interview ", non discutés par la société INTERDIS, du chef de département épicerie, du responsable charcuterie et du chef de rayon produits frais du CONTINENT VILLETANEUSE qui attestent de la satisfaction exprimée ; qu'il suit de là que la société INTERDIS ne peut sérieusement faire valoir la prétendue durée des tests pour soutenir qu'elle ne pouvait envisager de donner une réponse à la société MILLÉNAIRE avant la fin du mois de janvier ; qu'au demeurant, à supposer démontrée la réalité de ce délai, il convient de noter qu'elle a attendu le début du mois d'avril, c'est à dire deux mois supplémentaires, pour signifier à la société MILLÉNAIRE la rupture des négociations ; considérant en revanche

qu'elle est parfaitement fondée à invoquer le caractère volatile et très marqué par la mode du produit " SHELF SPEAKER ", admis par la société MILLÉNAIRE elle-même aux termes de son assignation, pour justifier une réflexion préalable à la souscription d'un engagement qui portait sur un budget annuel supérieur à 20 millions de francs (3.048.980,34 euros) et qui touchait à une stratégie commerciale qu'elle explique, à bon droit, ne pas pouvoir gérer à court terme ; qu'ainsi, au regard de la nouveauté et de l'importance de l'opération, la durée de neuf mois des négociations n'apparaît pas d'une longueur excessive ; qu'il convient de souligner à cet égard qu'il n'est pas démontré que la société INTERDIS aurait exigé, pendant cette période, l'exclusivité des négociations et que la société MILLÉNAIRE aurait ainsi été privée de la possibilité de promouvoir son produit auprès d'autres groupes de distribution en grandes surfaces ; considérant qu'outre la définition du cadre juridique de la mise en place de l'opération, devait être menée à bien par la société INTERDIS l'analyse de l'intérêt économique et commercial du projet, de sa faisabilité au regard du transfert de la charge financière aux annonceurs fabricants les produits promus, ainsi que de la garantie financière de sa durée ; considérant à cet égard que la société INTERDIS a sollicité, par télécopie du 30 janvier 1997, de la société MILLÉNAIRE des informations sur le mode de financement envisagé en réclamant un accord de principe de la banque à ce sujet ; que, dans sa réponse du 06 février suivant, la société MILLÉNAIRE se bornait à énumérer, d'une manière générale et succincte, ses sources de financement, sans fournir aucune précision chiffrée ; qu'elle joignait à son envoi une attestation délivrée par la banque CREDIT DU NORD faisant mention de l'octroi d'une facilité de caisse temporaire, en août 1996 ; que l'ancienneté de ce concours et l'absence de toute indication chiffrée n'étaient pas de nature à

constituer une réponse satisfaisante aux inquiétudes exprimées par la société INTERDIS sur le risque de voir sa propre garantie financière sollicitée ; considérant que l'affirmation par la société MILLÉNAIRE de la détention de 500 machines ne constituait pas, contrairement à ce qu'elle affirmait, la preuve de sa capacité de financement des 1.200 prévues dès lors qu'elle ne précisait pas même l'importance des investissements et la ventilation de ses ressources financières entre apports personnels, supports financiers de la part de proches et concours bancaires ; considérant que la proposition faite le 12 février 1997 d'introduire dans le projet de contrat une condition suspensive tenant à l'obtention du financement partiel ou total des 1.200 appareils dans un délai de trois mois de la signature n'était pas de nature à donner à la société INTERDIS les assurances demandées ; qu'au contraire elle pouvait laisser présager, ainsi que le fait observer la société INTERDIS, une exécution contractuelle aléatoire et problématique ; que c'est à bon droit que cette dernière fait valoir qu'elle ne pouvait pas se permettre de laisser au hasard un plan de communication de cette ampleur sans avoir les garanties suffisantes d'une exécution globale et satisfaisante de la part de son cocontractant, et ajoute que le moindre incident, en portant atteinte à la notoriété de l'enseigne, aurait engendré un préjudice ; considérant que la société MILLÉNAIRE affirme que la durée et le contenu des pourparlers l'ont conduite à la croyance que le contrat devait être conclu ; considérant toutefois que cette persuasion ne pouvait résulter des écrits, au nombre très limité, émanant de son interlocuteur ; que si les services juridiques de la société INTERDIS ont établi le cadre contractuel des relations envisagées, la société MILLÉNAIRE n'ignorait pas, ainsi qu'en fait foi sa lettre du 19 décembre 1996, que le projet devait être soumis à la direction générale de CONTINENT ; que l'aspect financier de l'opération a été

examiné au regard de l'importance de l'engagement ; que, dans sa lettre du 10 juin 1996, la société MILLÉNAIRE s'était présentée comme fournisseur des sociétés CANADA DRY, COORS, PHILIPP MORRIS, PROCTER etamp; GAMBLE, DANONE, REVLON et ORANGINA ; que la société INTERDIS était fondée à demander la confirmation des modalités de financement d'une telle opération ; qu'elle n'a pas reçu de réponse satisfaisante ; que ses inquiétudes se sont ultérieurement révélées justifiées dès lors qu'il ressort des comptes de la société MILLÉNAIRE, arrêtés au 30 septembre 1996, tels qu'ils sont produits aux débats, que son chiffre d'affaires de l'exercice s'était élevé à 220.588 francs (33.628,42 euros) et le résultat bénéficiaire à 1.434 francs (218,61 euros) ; que la situation nette comptable s'élevait à 55.889 francs (8.520,22 euros), le capital de 100.000 francs ( 15.244,90 euros) étant amputé de pertes antérieures ; considérant qu'il est ainsi établi que c'est pour le motif légitime de l'aléa financier inhérent à la situation de la société MILLÉNAIRE que la société INTERDIS a rompu les pourparlers ; que cette rupture ne peut dès lors être reconnue fautive et donner lieu à indemnisation du préjudice qu'allègue la société MILLÉNAIRE ; qu'il résulte de ce qui précède que le jugement entrepris doit recevoir confirmation en toutes ses dispositions. ä Sur les autres demandes Considérant qu'aucune des deux parties ne démontre le caractère abusif du comportement de l'autre, ni ne justifie du préjudice qu'elle allègue ; que leurs demandes respectives en paiement de dommages et intérêts doivent être rejetées ; considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la société INTERDIS la charge des frais qu'elle a été contrainte d'engager en cause d'appel ; que la société MILLÉNAIRE sera condamnée à lui payer une indemnité complémentaire de 1.500 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

considérant que l'appelante qui succombe dans l'exercice de son

recours doit être condamnée aux dépens. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, ECARTE des débats les conclusions récapitulatives de la société INTERDIS signifiées le 10 septembre 2002 et la pièce communiquée le 11 septembre 2002 sous le nä 13, CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris, Y ajoutant, CONDAMNE la société MILLÉNAIRE à payer à la société INTERDIS la somme complémentaire de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, LA CONDAMNE aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par la SCP LISSARRAGUE-DUPUIS et ASSOCIES, société titulaire d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. ARRET REDIGE PAR MONSIEUR COUPIN, CONSEILLER PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE PRESIDENT M. THERESE Y...

FRANOEOISE LAPORTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 2000-4053
Date de la décision : 09/01/2003

Analyses

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Faute - Convention - Formation - Pourparlers engagés en vue de sa conclusion

L'ajournement sine die de négociations, s'il constitue une rupture des pourparlers de nature à engager la responsabilité de son auteur sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, suppose la démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité. S'agissant d'une opération portant sur la mise en place d'un nouveau vecteur de communication publicitaire dans les hypermarchés dont le coût se serait élevé à plusieurs dizaines de millions de francs et aurait été de nature à engager, en cas d'incident, la notoriété de l'enseigne, une durée de négociation de neuf mois avant rupture n'apparaît pas d'une longueur excessive dès lors que, par sa nouveauté et son ampleur, le projet nécessitait que le souscripteur se livre à l'analyse de l'intérêt économique et commercial de celui-ci, de sa faisabilité au regard du transfert de charge financière aux annonceurs fabricants les produits promus qu'il impliquait, et s'assure que l'auteur du projet présentait les garanties suffisantes pour une exécution globale satisfaisante. Etant par ailleurs établi que l'aléa financier inhérent à la situation de la société auteur du projet est à l'origine de l'arrêt des négociations, à défaut pour le cocontractant d'avoir apporté une réponse satisfaisante quant aux modalités de financement de l'opération, une telle rupture, motivée par des inquiétudes légitimes confirmés par la production aux débats d'une chiffre d'affaires dérisoire, ne peut être reconnue fautive et donner lieu à indemnisation du préjudice allégué


Références :

Code civil, article 1382

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2003-01-09;2000.4053 ?
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