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05/12/2002 | FRANCE | N°2000-6091

France | France, Cour d'appel de Versailles, 05 décembre 2002, 2000-6091


Monsieur X... et madame Y..., son épouse, dirigent la société DIPARLUX POLAND qui distribue en Pologne des articles de parfumerie. Par contrat en date du 02 juillet 1992, la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS a accordé à la société DIPARLUX, société de droit français créée à cette occasion, la distribution exclusive, sur le territoire de la Pologne, de ses parfums, cosmétiques et produits de soin de la peau, pour une durée venant à expiration le 31 décembre 1994 et ensuite renouvelable tacitement par années civiles. La société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS notifiait à sa co

contractante, par lettre du 18 juin 1998, la cessation des relations c...

Monsieur X... et madame Y..., son épouse, dirigent la société DIPARLUX POLAND qui distribue en Pologne des articles de parfumerie. Par contrat en date du 02 juillet 1992, la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS a accordé à la société DIPARLUX, société de droit français créée à cette occasion, la distribution exclusive, sur le territoire de la Pologne, de ses parfums, cosmétiques et produits de soin de la peau, pour une durée venant à expiration le 31 décembre 1994 et ensuite renouvelable tacitement par années civiles. La société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS notifiait à sa cocontractante, par lettre du 18 juin 1998, la cessation des relations commerciales au 31 décembre 1998. La société DIPARLUX et la société DIPARLUX POLAND, laquelle estimait que le mécanisme tripartite mis en place l'assimilait à un sous-concessionnaire ayant avec la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS des liens contractuels, ont saisi le tribunal de commerce de Nanterre pour réclamer l'indemnisation des préjudices subis par la société DIPARLUX POLAND à raison de 1.334.744 francs (203.480,41 euros) au titre de la résiliation abusive du contrat et pareille somme pour les avantages retirés par la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS de son comportement parasitaire ainsi que 147.576 francs (22.497,82 euros) pour les dépenses publicitaires. La société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS a réfuté l'existence de tout lien contractuel avec DIPARLUX POLAND et s'est opposée à ces demandes. Par jugement rendu le 09 juin 2000, cette juridiction a considéré qu'existait une situation contractuelle tripartite de fait dans laquelle la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS était tenue des mêmes obligations à l'égard de la société DIPARLUX que de la société DIPARLUX POLAND. Elle a examiné les motivations avancées par la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS pour refuser le renouvellement du contrat. Elle l'a ainsi condamnée à payer à la société DIPARLUX 80.000 francs (12.195,92 euros) de dommages et intérêts pour résiliation abusive, 30.000 francs

(4.573,47 euros) au titre du refus de vente et pareille somme en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Les sociétés DIPARLUX et DIPARLUX POLAND, qui ont interjeté appel de cette décision, font, à titre liminaire, grief à la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS d'insinuations calomnieuses qui portent atteinte à leur considération. Elles indiquent qu'il appartient à la cour d'apprécier si les propos incriminés sont compatibles avec les exigences de l'article 24 du nouveau code de procédure civile. Elles exposent qu'en avril 1992, YVES SAINT-LAURENT leur avait transmis les éléments nécessaires à l'élaboration de l'ensemble contractuel composé d'un contrat de distribution entre la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS et la société DIPARLUX et d'un autre entre cette dernière et la société DIPARLUX POLAND. Elles soulignent que ces projets stipulaient expressément l'implication contractuelle de la société DIPARLUX POLAND à l'égard de la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS. Elles indiquent les chiffres d'affaires réalisés de 1994 à 1997 dans le cadre de l'exécution du contrat. Elles expliquent que, dans le but de récupérer sans indemnité le réseau développé par DIPARLUX POLAND, YVES SAINT-LAURENT PARFUMS a imposé de nouvelles exigences contractuelles, notamment pour renforcer l'action commerciale après le départ d'une dame Z..., chef de produits, a notifié la résiliation dès l'acceptation de ces exigences tout en laissant espérer la signature d'un nouveau contrat, puis a modifié ses conditions de règlement en allant jusqu'à refuser de vendre pendant quatre mois. Elles qualifient d'accumulation d'agissements déloyaux le comportement de la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS à l'occasion de la rupture consécutive au non-renouvellement du contrat, ses atermoiements et revirements, le recours à des motifs fallacieux, et la privation d'un préavis effectif. Elles considèrent que le préjudice consécutif ne saurait

être évalué à moins d'une année de marge brute, calculée à raison de 30%, sur un chiffre d'affaires qui aurait dû s'établir, en 1998, à 4.449.149 francs (678.268,39 euros). Elles ajoutent qu'en dépit d'une clause contractuelle de non-sollicitation, la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS a travaillé avec madame Z... et a récupéré indûment les investissements commerciaux de DIPARLUX POLAND auprès des détaillants en confiant la distribution de ses produits à une entreprise fondée par cette ancienne salariée. Elle demandent à la cour de prendre en considération le profit illégitime réalisé à long terme par l'auteur du parasitisme ce qui justifie, selon elles, la condamnation de la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS au paiement d'une année de marge brute. Réfutant les arguments avancés par la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS pour justifier le refus de vente qui a induit, selon elles, une perte de chiffre d'affaires et, donc, de marge brute, elles évaluent à 450.000 francs (68.602,06 euros) le préjudice causé. Elles concluent ainsi à la confirmation du jugement entrepris dans son principe mais à sa réformation dans son quantum et sollicitent la condamnation de la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS à payer à la société DIPARLUX POLAND 203.480,41 euros en réparation de la rupture abusive, pareille somme au titre des avantages tirés du comportement parasitaire et 68.602,06 euros pour refus de vente. Elles demandent subsidiairement à la cour de dire que l'ensemble de ces sommes devra être payé à la société DIPARLUX et réclament en outre 7.500 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS répond qu'elle n'a pas contracté avec la société DIPARLUX POLAND, que le contrat de distribution exclusive, en langue anglaise, a été signé le 02 juillet 1992 entre elle-même et la société DIPARLUX. Elle fait grief aux appelantes d'avoir produit aux débats une photocopie d'un contrat non signé et dénie tout accord avec la société DIPARLUX

POLAND. Elle qualifie de superfétatoire les digressions des sociétés DIPARLUX et DIPARLUX POLAND faites sur le fondement de l'article 24 du nouveau code de procédure civile d'autant qu'elles ne tirent aucune conséquence de leur développement. Elle rappelle qu'aux termes de l'acte d'assignation, la société DIPARLUX et la société DIPARLUX POLAND ont soutenu que le contrat ferait de cette dernière un véritable co-obligé au sens de l'article 1101 du code civil ou comporterait une stipulation pour autrui prévue à l'article 1121 dudit code. Elle observe l'absence de fondement juridique dans le "par ces motifs" de leurs écritures et conclut à leur nullité, en application des articles 15, 16 et 954 du nouveau code de procédure civile. Subsidiairement, elle prétend que les dispositions de l'article 1101 du code civil ne sont pas applicables à la société DIPARLUX POLAND qui, en application de l'article 1165 du même code, ne peut se prévaloir des dispositions du contrat du 2 juillet 1992. Elle dénie toute stipulation, exprimée dans le contrat ou résultant de la volonté des parties, au profit de la société DIPARLUX POLAND. Elle en infère que celle-ci ne peut se prévaloir d'aucun lien contractuel avec elle. Elle rappelle que le refus de renouvellement d'un contrat de concession n'a pas à être motivé et ne peut être sanctionné qu'en cas d'abus de droit. Elle soutient que sa volonté n'est pas abusive, qu'elle n'a pas été motivée par une intention de nuire, n'est pas intervenue avec une légèreté blâmable et n'a résulté que de l'attitude fautive et dolosive de la société DIPARLUX qui a violé le contrat en commercialisant, sans l'informer, des produits d'autres marques, qui n'a apporté aucune réponse précise sur l'absence d'incorporation à l'actif de DIPARLUX POLAND des matériels publicitaires et qui n'a jamais communiqué le contrat conclu avec cette dernière. Elle rappelle que madame A... n'a jamais été salariée de la société DIPARLUX mais de la seule la société

DIPARLUX POLAND qui ne peut se prévaloir de la clause de non-sollicitation, et explique que cette personne avait cessé de travailler en octobre 1997 soit plus de quinze mois avant la rupture du contrat. Elle ajoute que la société DIPARLUX POLAND ne rapporte pas la preuve d'un préjudice et souligne qu'il n'y a eu, en tout état de cause, aucun débauchage de sa part. Elle réfute ainsi toute faute et tout agissement concurrentiel. Elle conclut à la réformation du jugement entrepris, soutient que le non renouvellement du contrat du 02 juillet 1992 est légitime et exempt de tout abus de droit et demande à la cour de débouter la société DIPARLUX de ses demandes de dommages et intérêts sur le fondement des l'article 1147 du code civil et la société DIPARLUX POLAND, en tant que de besoin, sur celui de l'article 1382 du même code. Elle explique qu'en cours de préavis, elle a été contrainte de modifier les conditions de paiement en raison d'un contrôle fiscal dont faisait l'objet la société DIPARLUX, indique que cette modification a été levée dès le 11 septembre 1998 et soutient qu'il n'en est résulté aucune gêne pour la société DIPARLUX en raison de la faible activité pendant la période estivale. Aussi conclut-elle au débouté des sociétés DIPARLUX et DIPARLUX POLAND de leur demande du chef de refus de vente. Subsidiairement, elle demande à la cour de confirmer la décision qui a fixé à 12.195,92 et 4.573,47 euros le montant des dommages et intérêts. Elle réclame la condamnation in solidum des appelantes à lui payer 7.625 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 26 septembre 2002 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 22 octobre 2002. MOTIFS DE LA DECISION : SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 24 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE Considérant que les sociétés DIPARLUX et DIPARLUX POLAND ont fait état, dans leurs conclusions, de projets de contrat et d'avenant qui,

en définitive, n'ont pas été signés ; que la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS a soutenu que ces pièces n'étaient pas des copies fidèles de pièces originales ; qu'elle a ajouté que n'était pas anodine la communication d'une pièce non sincère ; Considérant que les termes retenus par la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS pour soutenir le caractère non probant de ces pièces, présentent une ambigu'té qui a eu pour résultat de priver, pour partie, l'échange des conclusions, de la sérénité nécessaire ; Considérant toutefois que la société DIPARLUX et la société DIPARLUX POLAND invoquent, à cet égard, les dispositions de l'article 24 du nouveau code de procédure civile sans pourtant en tirer aucune conclusion et sans formuler aucune demande ; Que la cour n'estime pas devoir, d'office, déclarer calomnieux ces écrits ; SUR LA NULLITE DES ECRITURES Considérant qu'aux termes des dispositions des articles 15 et 954 du nouveau code de procédure civile, les parties doivent formuler les moyens de droit sur lesquels elles fondent leurs prétentions ; Que l'acte introductif d'instance, les écritures de première instance et les conclusions récapitulatives en cause d'appel des société DIPARLUX et DIPARLUX POLAND invoquent explicitement les articles 1101, 1121, 1134, 1147, 1161 et subsidiairement 1382 du code civil, visent les fondements d'abus de droit et de parasitisme et exposent en détail les éléments de fait auxquels les demandes se rapportent ; Qu'il ne convient pas dès lors de faire droit à la demande de la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS de prononcer la nullité des écritures des appelantes pour une prétendue absence totale de fondement juridique, laquelle n'est pas établie ; SUR L'EXISTENCE DE LIENS CONTRACTUELS ENTRE LA SOCIETE YVES SAINT-LAURENT PARFUMS ET LA SOCIETE DIPARLUX POLAND Considérant que le contrat de distribution exclusive a été signé le 02 juillet 1992 entre la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS et la société DIPARLUX, laquelle a été spécifiquement constituée à

l'effet de prendre en charge cette distribution, après les contacts intervenus entre le fabricant français et monsieur et madame X... qui animent en France la société APEX et en Pologne la société DIPARLUX POLAND ; Que le contrat prévoit que les produits seront vendus sur le territoire polonais "par l'intermédiaire de la société DIPARLUX POLAND, installée en Pologne" et dont les actions du capital social appartiennent à un actionnaire du distributeur ; Que la convention stipule en outre que le distributeur (la société DIPARLUX) signera, dans un délai d'un mois, un contrat de distribution avec la société DIPARLUX POLAND et qu'un exemplaire de ce contrat signé sera envoyé à la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS ; Considérant que ce sous-contrat a été signé le 24 juillet 1992 ; que, rédigé en langue anglaise, il est produit aux débats sans sa traduction ; que la connaissance que peut avoir la cour de cette langue lui permet de comprendre que son objet est la concession par la société DIPARLUX à la société DIPARLUX POLAND du droit de distribuer, en Pologne, les produits YVES SAINT-LAURENT ; Considérant toutefois que ces deux conventions n'ont aucunement pour effet d'établir un lien contractuel direct entre la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS et la société DIPARLUX POLAND ; que cette dernière est seulement désignée dans le contrat principal de distribution exclusive comme l'intermédiaire qui sera chargé par la société DIPARLUX de distribuer les produits en Pologne ; qu'à cet égard, par lettre du 11 mai 1992, la société DIPARLUX POLAND proposait à la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS, pour l'établissement du contrat, la clause de sous-concession adoptée par la société L'OREAL ; que cette proposition n'a pas été suivie d'effet ; Que c'est vainement que les sociétés DIPARLUX et DIPARLUX POLAND mettent en exergue le contenu de projets de contrat et d'avenant, qui n'ont pas été signés, pour tenter d'établir le caractère tripartite des relations contractuelles ; qu'au contraire,

la substitution à ces projets des contrats définitifs démontre que le contenu initialement envisagé n'a pas reçu l'accord des parties ; Considérant que, postérieurement à la constitution de la société DIPARLUX et à la signature du contrat, pendant son exécution, et à l'occasion de son non-renouvellement litigieux, toutes les correspondances parvenues à la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS étaient émises par la société DIPARLUX à l'exception d'une télécopie en date du 18 novembre 1994 concernant l'envoi de "dimensions de visuel" ; Considérant que l'avenant signé le 16 juin 1998 entre la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS et la société DIPARLUX comporte la signature de la société DIPARLUX POLAND mais ne désigne pas cette société comme partie contractante ; que cette signature sur une convention qui met à la charge de la société DIPARLUX diverses modifications dans les modalités et moyens mis en place pour l'action de son distributeur en Pologne n'a pas pour effet d'établir une relation contractuelle directe entre la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS et le représentant polonais de son distributeur exclusif ; Considérant que, si le contrat de distribution exclusive signé le 02 juillet 1992 désigne nommément la société DIPARLUX POLAND comme devant assurer la distribution des produits sur le territoire de la Pologne, force est de constater qu'il ne comporte au bénéfice de cette société aucune stipulation, ni expresse ni implicite, de la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS ; Qu'il résulte de l'absence de tout lien contractuel entre la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS et la société DIPARLUX POLAND que cette dernière ne peut pas se prévaloir des dispositions contractuelles pour fonder ses demandes d'indemnisation ; que les griefs, articulés ensemble par les sociétés DIPARLUX et DIPARLUX POLAND doivent être examinés séparément sur des fondements juridiques de l'inexécution contractuelle en ce qui concerne la société DIPARLUX et sur celui de la responsabilité

délictuelle à l'égard de la société DIPARLUX POLAND SUR LES MANQUEMENTS ALLEGUES AU TITRE DU CONTRAT DE DISTRIBUTION Considérant que le contrat de distribution exclusive, a été conclu entre la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS et la société DIPARLUX le 02 juillet 1992 pour une durée devant s'achever le 31 décembre 1994 et ensuite renouvelable tacitement, par années civiles successives, sauf dénonciation six mois avant chaque échéance ; Que c'est par lettre recommandée adressée le 18 juin 1998 que la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS a fait part à son cocontractant de sa volonté de mettre un terme au contrat à effet du 31 décembre suivant ; Considérant que cette décision de non-renouvellement, qui a été signifiée dans le strict respect des stipulations contractuelles de forme et de délai, ne nécessitait pas d'être motivée ; que sont, à cet égard, sans portée les développements de la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS sur les prétendues violation du contrat par la société DIPARLUX, la lettre de protestation et de mise au point de SANOFI BEAUTE en date du 31 mai 1996 n'ayant, au demeurant, jamais connu de suite ; Considérant que la société DIPARLUX fait à la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS le grief d'agissements déloyaux tenant à des atermoiements et des revirements à l'occasion du non-renouvellement du contrat qu'elle qualifie de rupture abusive ; Considérant qu'à partir du début de l'année 1998, des tensions sont apparues entre la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS et la société DIPARLUX relativement aux modalités de mise en oeuvre de la distribution, en Pologne, des produits ; Que la première difficulté, qui portait sur l'embauchage de personnel spécialisé et exclusivement dédié aux marques SANOFI BEAUTE dont YSL, a abouti à la signature d'un "avenant ä1" daté du 16 juin 1998, lequel stipule notamment qu'avant fin mai 1998 (sic) la société DIPARLUX veillera à ce que la société DIPARLUX POLAND mette en place une organisation constituée

d'un chef de produit général pour tous les produits du groupe SANOFI et d'un artiste ou responsable exclusif du maquillage ; Considérant que cet avenant donnait également satisfaction à une demande de la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS, formulée dès janvier 1998 dans le projet qu'elle avait envoyé, et tenant à ce que les supports publicitaires ainsi que les meubles personnalisés fournis "au cours de la période de validité du contrat" dans les boutiques des revendeurs agréés "resteront" sa propriété exclusive ; Que l'ambigu'té de cette clause a amené la société DIPARLUX à interroger la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS sur les modalités de son application formelle dès lors qu'elle s'appliquait, dans le futur, à des matériels qui avaient, antérieurement, fait l'objet d'une vente ferme ainsi qu'en justifie la société DIPARLUX par la production des factures ; que la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS n'allègue pas avoir donné de réponse à cette question technique, posée au demeurant à plusieurs reprises ;lègue pas avoir donné de réponse à cette question technique, posée au demeurant à plusieurs reprises ; Que par lettre du 14 mai 1998, la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS mettait la société DIPARLUX en demeure de prendre sous un mois les mesures nécessaires pour que la société DIPARLUX POLAND n'apparaisse plus, au regard du droit fiscal et comptable polonais comme propriétaire de ce matériel et de ces stands ; Que le 16 juin DIPARLUX indiquait à YVES SAINT-LAURENT PARFUMS que le matériel importé avait été enregistré par la société DIPARLUX POLAND dans ses charges déductibles et ne figurait pas dans sa comptabilité ; que la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS a considéré ces éléments insuffisants et ne satisfaisant pas sa demande ; Considérant que la lettre du 18 juin 1998 par laquelle la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS notifie à la société DIPARLUX sa décision de ne pas reconduire le contrat exposait son insatisfaction sur ce point ; Qu'elle soutient que sa décision de ne

pas renouveler le contrat était parfaitement légitime et ajoute que la société DIPARLUX pouvait régulariser la situation en transmettant d'une part la preuve formelle de l'absence d'inscription du matériel publicitaire litigieux à l'actif de DIPARLUX POLAND et d'autre part le contrat conclu entre DIPARLUX et son intermédiaire polonais, qui ne lui avait pas été communiqué ; Mais attendu qu'en exigeant de son cocontractant une preuve négative alors que lui avait été fournie une réponse technique qui pouvait faire l'objet d'une simple vérification, dans les livres comptables de la société DIPARLUX POLAND, par un professionnel de la comptabilité, et en affirmant que constituait une violation du contrat la non communication, qu'elle n'avait au demeurant jamais réclamée pendant près de six ans, de la convention passée entre DIPARLUX et DIPARLUX POLAND, la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS a manqué à la bonne foi et à la loyauté qui doivent, en application des dispositions de l'article 1134 du code civil, présider à l'exécution des conventions ; Considérant au surplus que, bien qu'ayant fait part de sa décision de ne pas renouveler le contrat, la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS expose, dans la lettre même de signification, qu'elle n'exclut pas la possibilité d'examiner l'éventuelle poursuite, au delà du 1er janvier 1999, des relations commerciales sur d'autres bases contractuelles si les mesures réclamées étaient prises ; qu'à cet égard de nombreux échanges de correspondances sont produits aux débats qui montrent que l'éventualité de la signature d'un nouveau contrat a continué d'être envisagée, de part et d'autre, jusqu'au 03 novembre 1998 ; Considérant que, dans son article 6, le contrat de distribution exclusive stipule que le paiement des produits achetés par le distributeur "devra s'effectuer à 60 jours à compter de la fin du mois d'émission de la facture, par virement bancaire" ; Considérant que le 16 juillet 1998, la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS a

adressé à la société DIPARLUX une télécopie ainsi libellée : "Suite à l'entretien que vous avez eu avec Michel Hossenlopp la semaine dernière, nous vous confirmons que toutes les commandes sont à payer à l'avance avec une remise en bas de facture de 1,5%. Nous vous informons que la commande 98.06.111 est en attente et n'a donc pas été expédiée à ce jour. Le montant de cette dernière est de 92.220,85 FRF moins une remise de 1,5% soit 90.837,54 FRF. Merci de nous faire parvenir le règlement le plus rapidement possible de manière à pouvoir expédier cette dernière." ; Considérant que cette modification unilatérale des modalités de paiement constitue, à l'évidence, un manquement grave aux conditions contractuelles qui continuaient d'être en vigueur pendant toute la durée d'exécution du préavis, lequel s'en est ainsi trouvé indirectement écourté ; que, mise en demeure de revenir aux conditions contractuelles par lettre du 03 août, la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS s'est bornée à invoquer, dans sa réponse du 07 août, un accord verbal sur le principe d'un règlement d'avance ; qu'elle ajoute toutefois que ces conditions avaient été posées par elle en raison de prétendus risques encourus à la suite d'une visite que lui avait faite des représentants de l'administration fiscale dans le cadre d'un contrôle effectué chez DIPARLUX ; Qu'elle reprend en cause d'appel cette argumentation en ajoutant qu'il appartenait à la société DIPARLUX de certifier et de garantir la régularité de ses opérations d'exportation, en particulier au plan douanier ; Mais considérant que la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS procède par simple affirmation, sans expliquer en quoi une opération de contrôle fiscal, et non douanier, pouvait présenter pour elle un risque quelconque et sans fournir la moindre pièce de nature à justifier l'incidence d'un tel contrôle administratif sur les conditions contractuelles de paiement de la marchandise commandée par DIPARLUX ; qu'elle explique avoir

repris ses livraisons normales dès le 11 septembre 1998 sans préciser les raisons, qui justifiaient ce rétablissement, autres que le respect de ses engagements contractuels ; Qu'il est ainsi établi qu'en signifiant la non reconduction du contrat quelque jours après avoir obtenu de la société DIPARLUX la signature d'un avenant satisfaisant ses exigences de mise en place de moyens modifiés en Pologne, en laissant entendre à son cocontractant jusqu'au début du mois de novembre 1998 que la conclusion d'un nouveau contrat pourrait être possible, en soumettant cette éventualité à la condition de la production d'une preuve négative tenant à la non propriété des matériels publicitaires, en modifiant de façon brutale et injustifiée les conditions de paiement pourtant contractuellement arrêtées, la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS a manqué à son obligation de loyauté et de bonne foi dans la cessation des relations contractuelles ; qu'elle a exercé de manière abusive son droit à ne pas renouveler le contrat en tentant, afin d'en maîtriser directement l'exploitation sur le territoire de la Pologne, de récupérer la propriété des matériels publicitaires qu'elle avait précédemment vendus à son cocontractant ; qu'elle a montré une intention caractérisée de nuire à la société DIPARLUX en mettant, au cours du préavis, à ses livraisons de marchandises une condition de paiement d'avance contraire aux conventions signées ; SUR LE PREJUDICE Considérant que l'attitude de la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS dans l'usage abusif du droit de ne pas renouveler le contrat et dans la modification unilatérale momentanée des conditions de paiement ont causé à la société DIPARLUX un préjudice certain ; Que la société DIPARLUX soutient qu'il ne saurait être inférieur à une année de marge brute ; que le tableau des ventes réalisées, tel qu'il est produit aux débats, montre que le total s'en est élevé à 2.166.543 francs (330.287,35 euros) en 1997 et 1.782.420 francs (271.728,18

euros) l'année suivante ; que la moyenne s'établit à 1.974.481 francs, soit environ 300.000 euros ; Considérant que les sociétés DIPARLUX et DIPARLUX POLAND affirment que la marge brute s'établissait à 30% ; que ce taux, qui n'est pas discuté par la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS, correspond toutefois à la marge globale du prix des produits entre le fabriquant et le détaillant ; que la marge brute a nécessairement été partagée entre la société DIPARLUX et son intermédiaire polonais ; Considérant que la société DIPARLUX ne produit aux débats aucun élément de sa comptabilité de nature à montrer le taux de marge qu'elle pouvait pratiquer sur les produits qu'elle revendait à la société DIPARLUX POLAND ; que cette dernière supportait la majorité du coût d'animation, en Pologne, de la distribution, de telle sorte que peut être estimé un partage de la marge à raison de 15% pour l'exportateur et 85% pour le distributeur polonais ; Qu'il suit de là que le préjudice allégué par la société DIPARLUX au titre du caractère abusif de l'exercice du droit à non renouvellement peut être estimé à 300.000 euros x 30% x 15% = 13.500 euros ; Considérant que la société DIPARLUX a souffert par ailleurs d'un préjudice distinct résultant des modifications unilatérales que lui a imposées la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS dans les conditions de paiement des marchandises ; que ces exigences ont eu pour effet de la priver d'un approvisionnement régulier ; qu'il n'est pas discuté que l'exigence d'un paiement d'avance a porté, au moins, sur une commande de 15.000 euros environ ; qu'à la perte de marge brute sur cette commande s'ajoute le préjudice commercial résultant de la désorganisation de la société DIPARLUX dont l'activité principale était précisément d'assurer l'approvisionnement de DIPARLUX POLAND ; qu'il convient en conséquence de fixer à 7.000 euros le montant de l'indemnisation du préjudice de la société DIPARLUX de ce chef ; SUR LES AGISSEMENTS CONCURRENTIELS ;

Considérant que les sociétés DIPARLUX et DIPARLUX POLAND font à la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS le grief de s'être livrée à des manouvres pour récupérer le réseau de points de vente développé par DIPARLUX POLAND en Pologne ; Qu'elles soutiennent à cet égard que YVES SAINT-LAURENT PARFUMS a notamment, en travaillant avec madame B..., violé la clause contractuelle de non-sollicitation figurant dans le contrat du 02 juillet 1992 ; Mais considérant que la société DIPARLUX POLAND ne peut se prévaloir d'une clause figurant à un contrat auquel elle n'a pas été partie ; que la société DIPARLUX qui, selon contrat du 24 juillet 1992 a concédé à DIPARLUX POLAND ses droits de distribution exclusive ne peut se prévaloir des acquis obtenus, en Pologne, par son sous-distributeur ; Considérant que la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS explique, sans être contredite, que madame B... n'avait été la salariée que de la seule société DIPARLUX POLAND dans le cadre d'un contrat de travail qui avait pris fin au mois d'octobre 1997 ; que DIPARLUX POLAND n'allègue ni ne démontre la réalité de démarches de débauchage qu'aurait faites la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS ; que l'embauchage de cette personne par la société POLLUX, nouveau distributeur des produits YVES SAINT-LAURENT, ou même sa participation à la direction, ne saurait dans ces circonstances, constituer un comportement fautif imputable à la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS Considérant que la société DIPARLUX POLAND affirme que cette personne ne présentait pas seulement un simple potentiel de savoir faire et qu'en lui confiant la distribution de ses produits, YVES SAINT-LAURENT PARFUMS a entendu se placer dans un cadre parasitaire pour récupérer indûment les investissements commerciaux ; Mais considérant qu'elle procède par simple affirmation, sans produire aux débats le moindre élément de nature à préciser exactement les fonctions occupées par cette collaboratrice

et les circonstances de son départ ; qu'elle n'indique pas comment le réseau des distributeurs a été animé entre le mois d'octobre 1997 et la fin de l'année suivante ; Qu'ainsi n'apparaît aucunement justifiée l'affirmation selon laquelle la collaboration avec cette dame B... aurait permis à la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS de récupérer les investissements commerciaux qu'au demeurant la société DIPARLUX POLAND ne définit pas davantage ; que le grief de parasitisme n'est pas fondé ; Qu'il suit de là que la société DIPARLUX POLAND doit être déboutée de toutes ses prétentions ; SUR LES AUTRES DEMANDES Considérant que la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS ne démontre pas le caractère abusif du comportement des sociétés DIPARLUX et DIPARLUX POLAND, ni ne justifie du préjudice qu'elle allègue ; que sa demande de dommages et intérêts doit être rejetée ; Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la société DIPARLUX la charge des frais qu'elle a été contrainte d'engager en cause d'appel ; que la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS sera condamnée à lui payer une indemnité complémentaire de 2.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Considérant que l'intimée qui succombe doit être condamnée aux dépens ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, CONFIRME par motifs propres et adoptés le jugement entrepris, sauf à porter les condamnations en principal de la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS à : - 13.500 euros à raison du caractère abusif du non renouvellement du contrat, - 7.000 euros pour le préjudice résultant de la modification unilatérale des conditions de paiement, Y ajoutant, DEBOUTE la société DIPARLUX POLAND de toutes ses demandes, CONDAMNE la société YVES SAINT-LAURENT PARFUMS à payer à la société DIPARLUX la somme complémentaire de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, LA CONDAMNE aux dépens d'appel qui

pourront être recouvrés directement par la SCP KEIME-GUTTIN, société titulaire d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. ARRET REDIGE PAR MONSIEUR COUPIN, CONSEILLER PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET

LE GREFFIER FAISANT FONCTION

LE PRESIDENT QUI A ASSISTE AU PRONONCE CH. BOUCHILLOU

FRANOEOISE LAPORTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 2000-6091
Date de la décision : 05/12/2002

Analyses

CONTRATS DE DISTRIBUTION

2) Contrats et obligations, Exécution, Bonne foi, Exécution du préavis 1) Dans un contrat de distribution exclusive, passé entre deux sociétés de droit français, la circonstance qu'une société de droit polonais soit désignée comme devant assurer la distribution des produits en Pologne, n'a pas pour effet de conférer à celle-ci la qualité de partie au contrat, dès lors que non désignée comme telle dans cette convention.Il suit de là qu'en cas de rupture du contrat de distribution, le distributeur polonais ne peut se prévaloir, en l'absence de tout lien contractuel établi avec le concédant, des dispositions contractuelles du contrat auquel elle n'a pas été partie. 2) Les conventions s'exécutent de bonne foi, même s'agissant de la période de préavis précédant la cessation des relations contractuelles. N'exécute pas de bonne foi ses obligations contractuelles durant le préavis, une société qui, ayant signifié a un distributeur la non reconduction du contrat de distribution exclusive après avoir obtenu de lui la signature d'un avenant satisfaisant à ses propres exigences, laisse néanmoins espérer la conclusion d'un nouveau contrat en la subordonnant à la production d'une preuve négative et modifie unilatéralement, de façon brutale et injustifiée, les conditions de paiement contractuellement applicables.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2002-12-05;2000.6091 ?
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