La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/12/2002 | FRANCE | N°2001-5741

France | France, Cour d'appel de Versailles, 02 décembre 2002, 2001-5741


La société SOFEAC a fait construire, courant 1988, un ensemble immobilier 21 avenue Georges Pompidou à SURESNES dont la promotion a été confiée à la société COGEDIM aux droits de laquelle se trouve désormais L'OMNIUM DE GESTION ET DE DÉVELOPPEMENT IMMOBILIER ; Une police assurance dommages-ouvrage a été souscrite auprès de la compagnie ASSURANCES GÉNÉRALES DE FRANCE (A.G.F. ) ; par ailleurs, le lot gros-oeuvre a été confié à la société AUCIBAT, désormais en liquidation judiciaire, laquelle était assurée en responsabilité décennale auprès de la S.M.A.B.T.P. ; La réc

eption des travaux a été prononcée sans réserves le 03 octobre 1988 ; Des dé...

La société SOFEAC a fait construire, courant 1988, un ensemble immobilier 21 avenue Georges Pompidou à SURESNES dont la promotion a été confiée à la société COGEDIM aux droits de laquelle se trouve désormais L'OMNIUM DE GESTION ET DE DÉVELOPPEMENT IMMOBILIER ; Une police assurance dommages-ouvrage a été souscrite auprès de la compagnie ASSURANCES GÉNÉRALES DE FRANCE (A.G.F. ) ; par ailleurs, le lot gros-oeuvre a été confié à la société AUCIBAT, désormais en liquidation judiciaire, laquelle était assurée en responsabilité décennale auprès de la S.M.A.B.T.P. ; La réception des travaux a été prononcée sans réserves le 03 octobre 1988 ; Des désordres sont apparus en 1989, dans certains appartements et parties communes sous forme d'éclatement des bétons ; la compagnie A.G.F. a assuré le préfinancement des travaux de reprises ; En mars 1996, les mêmes désordres sont réapparus en même temps que des poussées des fers entraînant des éclats de béton sur les têtes des balcons et des traces de rouille en sous face des balcons ; La compagnie A.G.F., après avoir fait réaliser l'expertise prévue par la loi, a dénié sa garantie pour cette seconde vague de désordres ; Selon l'expert judiciaire, les éclats de béton sous forme de pustules qui se détachent de la surface des murs, des planchers et des plafonds sont dus à la présence de chaux dans le mélange ; chaux qui, en présence d'humidité, se dilate et fait éclater le béton ; qu'il estime, par ailleurs, que la poussée des fers est due à un mauvais positionnement de l'armature du béton par AUCIBAT lors de la mise en oeuvre ; qu'enfin, il attribue les traces de rouille à l'oxydation des fils métalliques qui tiennent les armatures en place lors de la coulée du béton ; ces éléments techniques ne sont contestés par personne ; Par jugement du 06 juillet 2001, le Tribunal de grande instance de NANTERRE a, notamment : ä déclaré les époux X... et les consorts Y..., copropriétaires, recevables en leur action contre les

A.G.F. ; ä déclaré les demandeurs recevables en leur action contre la S.M.A.B.T.P. (Sauf les époux X... et les consorts Y... pour lesquels elle est prescrite) ; ä dit que les éclats de béton constituent des désordres de nature décennale ; ä condamné, in solidum, les A.G.F., la société SOFEAC représentée par son liquidateur amiable L'OMNIUM DE GESTION ET DE DÉVELOPPEMENT IMMOBILIER et la S.M.A.B.T.P. à payer au syndicat des copropriétaires les sommes de : ä 257.030 F. (39.183,97 ) HT, outre TVA, avec indexation, au titre des reprises des éclats de béton ; ä 23.132,70 F. (3.526,56 ) HT, outre TVA, avec indexation, au titre des frais de maîtrise d'oeuvre, de coordination et d'assurance dommages-ouvrage pour les travaux de reprises ; ä 71.315,52 F. (10.871,98 ) au titre des frais complémentaires ä 80.000 F. (12.195,92 ) d'indemnité de procédure ; ä condamné la compagnie A.G.F. à payer 60.000 F. (9.146,94 ) au titre de l'indemnisation de leur trouble de jouissance à chacun des copropriétaires époux Z..., Sylvie OLIVE, A..., Francis LAURENT, époux X... et consorts Y... ; ä débouté les demandeurs du chef des poussées des fers à béton et des points de rouille s'agissant de préjudices éventuels pour les premiers et esthétiques pour les seconds ; ä condamné la S.M.A.B.T.P. à garantir la compagnie A.G. F. des condamnations prononcées contre elle au profit du syndicat des copropriétaires et à concurrence de 20 % des condamnations prononcées au profit des copropriétaires à l'exception des époux X... et des consorts Y... ; ä condamné la S.M.A.B.T.P. à garantir la société SOFEAC des condamnations prononcées contre elle au profit du syndicat des copropriétaires ; ä débouté les parties de leurs autres demandes ; Vu les conclusions de la compagnie ASSURANCES GÉNÉRALES DE FRANCE, du 18 juin 2002, auxquelles la Cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et demandes, et dans lesquelles elle expose que son appel est limité à

la violation, par le Tribunal, des dispositions de l'article L. 242-1 du code des assurances puisqu'il l'a condamnée, pour n'avoir pas rempli ses obligations d'assurance dommages-ouvrage, à payer des dommages-intérêts aux copropriétaires alors que, selon le texte précité, la seule sanction pour l'assureur dommages-ouvrage est prévue par la loi sous forme d'un doublement du taux de l'intérêt légal sur les sommes mises à sa charge ; que telle est d'ailleurs, l'interprétation du texte qui est donnée par la Cour de Cassation dans un arrêt du 17 juillet 2001 ; qu'à titre subsidiaire, si des dommages-intérêts étaient laissés à sa charge, elle devrait être intégralement garantie par la S.M.A.B.T.P. en sa qualité d'assureur décennal d'AUCIBAT dans la mesure où une éventuelle carence de sa part dans l'indemnisation n'exonère nullement les constructeurs de la présomption de responsabilité qui pèse sur eux et qui confère à l'assurance dommages-ouvrage un recours subrogatoire intégral contre ces derniers ; que, pour le reste, le syndicat des copropriétaires et la S.M.A.B.T.P. doivent être déboutés de leurs demandes ; Vu les conclusions de la S.M.A.B.T.P., du 23 mai 2002, auxquelles la Cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et demandes, et dans lesquelles elle expose que la compagnie A.G. F. doit être déboutée de son appel mais qu'il doit être fait droit à son propre appel incident ; qu'elle considère, en effet, que toute action du syndicat des copropriétaires et des copropriétaires était irrecevable faute de mise en cause de la société AUCIBAT son assuré ; que, dans les dix ans de la réception du 03 octobre 1988, aucune assignation n'ayant été délivrée à AUCIBAT, l'action contre elle est prescrite ; qu'à titre subsidiaire, elle conteste le caractère décennal des éclats de béton alors que l'expert estime que la solidité de l'ouvrage n'est pas affectée et que les appartements restent habitables ; qu'il s'agit donc de désordres purement esthétiques ; qu'à titre encore

plus subsidiaire, elle fait valoir que son assurée AUCIBAT peut s'exonérer de toute responsabilité dans la mesure où elle n'a commis aucune faute de mise en oeuvre et que ces éclats de béton sont dus à la présence de chaux dans le béton ce qui constitue pour elle une cause étrangère ; que le Tribunal , par ailleurs, se contredit en déclarant la demande des époux X... et des consorts Y... irrecevable à son encontre alors qu'il fait garantir par la S.M.A.B.T.P. la somme de 176.230 F. (26.866,09 ) qui englobe le préjudice de ces deux parties ; que la compagnie A.G. F. a commis une faute personnelle qui exclut tout recours en garantie contre elle ; qu'enfin, l'appel incident du syndicat des copropriétaires sur le quantum de son indemnisation doit être rejeté ; Vu les conclusions du syndicat des copropriétaires de l'immeuble "Allée de Seine" à SURESNES, des époux Z..., de la dame A..., de Francis LAURENT, des époux X..., des consorts Y..., de Sylvie OLIVE, du 06 mai 2002, auxquelles la Cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et demandes, et dans lesquelles ils exposent que la nature décennale des désordres est incontestable aussi bien pour la poussée des fers des balcons que pour les éclats de béton ; que, d'ailleurs, les A.G.F. ne contestent plus ce caractère décennal ; que l'action directe contre la S.M.A.B.T.P. n'exige plus la mise en cause de l'assuré et qu'elle n'est pas prescrite ; qu'AUCIBAT est soumise à présomption de responsabilité et ne s'en exonère pas ; qu'à tort l'expert suivi par le Tribunal a réduit l'indemnisation de son préjudice et écarté les frais de syndic ; que, pour le moins, le jugement contient une erreur puisqu'il oublie une somme de 80.800 F. (12.317,88 ) HT relative aux reprises des parties communes ; qu'enfin, si le caractère décennal des désordres de poussée des fers et des traces de rouille n'était pas retenu, SOFEAC resterait quand même débitrice de son obligation contractuelle de livrer un ouvrage

exempt de vice et doit être condamnée à payer le coût des reprises ; Vu les conclusions des sociétés SOFEAC et OMNIUM DE GESTION ET DE DÉVELOPPEMENT IMMOBILIER, du 12 avril 2002, auxquelles la Cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et demandes, et dans lesquelles elles exposent qu'elles ne sont pas concernées par l'appel principal des A.G.F. qui a commis une faute dans la gestion de ce dossier et a concouru à l'aggravation du trouble de jouissance ; que, par ailleurs, le jugement doit être confirmé sur la condamnation de la S.M.A.B.T.P. à garantie intégrale à leur égard ; SUR QUOI, LA COUR : Iä) SUR LA NATURE DES DÉSORDRES : I-1ä) Sur les éclats de béton en surfaces courantes : Attendu que le caractère décennal de ce désordre n'est plus contesté que par la S.M.A.B.T.P. ; que, sur ce point, les motifs des premiers juges ne peuvent qu'être repris par la Cour quand ils constatent que les appartements affectés de ces éclats de béton ne peuvent plus recevoir de revêtements muraux ou de revêtements de sol ce qui suffit à caractériser l'impropriété à sa destination d'un immeuble destiné à l'habitation dans des conditions normalement exigibles de confort ; que le jugement sera confirmé sur ce point ; I-2ä) Sur la poussée des fers : Attendu, selon l'expert, que la poussée des fers provoque par la corrosion, un éclatement des bétons qui conduit, à terme, à la ruine des balcons si le phénomène n'est pas traité ; Attendu que le Tribunal en a déduit qu'il ne s'agissait là que d'un désordre futur et hypothétique non indemnisable alors qu'au moment des débats, le délai d'épreuve décennal était expiré sans que n'eût été constatée la ruine annoncée des ouvrages ; Attendu, toutefois, qu'une telle analyse relève d'une mauvaise interprétation des termes du rapport ; qu'en effet, au moment où l'expert intervient, il constate les éclatements des bétons des balcons et il n'est pas contestable, dans ces conditions, que le phénomène de ruine des ouvrages était d'ores et déjà en marche ;

qu'ainsi les désordres ne sont nullement hypothétiques et futurs mais déjà constitués même si le processus de dégradation n'a pas fini son oeuvre ; qu'il n'en reste pas moins que la solidité des ouvrages est affectée et ce désordre entre donc bien dans le cadre de la garantie décennale ; que le jugement sera réformé de ce chef; I-3ä) Sur les traces de rouille : Attendu que l'expert relève qu'il s'agit là d'un désordre de nature esthétique qu'il conviendra de réparer en réalisant le ravalement de l'immeuble dont l'imminence s'impose au syndicat des copropriétaires dans le cadre de l'entretien normal ; Attendu que l'immeuble n'est pas affecté dans sa solidité et qu'il n'est pas rendu impropre à sa destination par un tel désordre ; que le jugement sera donc confirmé quand il estime qu'il ne rentre pas dans le cadre des obligations légales des constructeurs ; que si la société SOFEAC est tenue de livrer un immeuble exempt de vice, son obligation, aux termes de l'article 1646-1 du code civil, se règle sur celles des constructeurs et elle ne peut être tenue à plus que ces derniers ; que le jugement sera donc confirmé ; IIä) SUR LES PARTIES TENUES A INDEMNISATION : Attendu que la compagnie A.G.F. ne conteste pas être tenue à indemnisation des désordres de nature décennale en application de son contrat ; Attendu que SOFEAC, comme il a été dit, est tenue à indemnisation sur le fondement de l'article 1646-1 du code civil en sa qualité de venderesse ; Attendu que la société AUCIBAT, subit, elle, la présomption édictée par l'article 1792 du code civil et son assurance ne saurait prétendre qu'elle s'en exonère dans la mesure où le vice du matériau mis en oeuvre par AUCIBAT, à savoir la présence de chaux dans les composants du béton, ne constitue nullement une cause étrangère pour l'entreprise qui répond de la qualité des matériaux qu'elle utilise sous réserve de ses recours contre les fabricants ; Attendu que la mise en cause de l'assuré n'est pas une condition de recevabilité de l'action directe

de la victime contre l'assurance de responsabilité décennale , étant précisé qu'en l'espèce une telle mise en cause est impossible compte tenu de la disparition de la société AUCIBAT; Attendu que l'assignation en référé délivrée par le syndicat des copropriétaires à la S.M.A.B.T.P. le 09 juin 1997 a interrompu la prescription décennale à l'égard de cette partie ; que seuls, parmi les demandeurs initiaux, les époux X... et les consorts Y..., qui ont assigné la compagnie le 22 juin 2000, après l'expiration du délai décennal, sont donc irrecevables en leurs demandes à l'égard de la S.M.A.B.T.P. ; que celle-ci est donc tenue à indemnisation et le jugement sera confirmé sur ce point ; IIIä) SUR LE MONTANT DES INDEMNISATIONS : Attendu que le syndicat des copropriétaires reprend ses demandes de première instance ; que, comme le remarque le Tribunal, l'expert s'est livré, en raison des contestations multiples de l'architecte conseil de la copropriété, à un examen minutieux des travaux de reprises; qu'ayant relevé que les éclats de béton ne portaient pas atteinte à la solidité des ouvrages, il estime de façon raisonnable qu'il est inutile de les colmater avant de les cacher derrière un doublage qui peut être posé sans inconvénient sur les cratères ainsi créés ; que, de même, l'expert, architecte de spécialité, est mieux placé que quiconque pour apprécier à leur juste valeur les prestations de maîtrise d'oeuvre nécessaires lors des travaux de reprise ; qu'il n'existe aucun élément de nature à remettre en cause son opinion sur ce point étant précisé que les reprises sont des travaux qui n'exigent pas en soi une technicité très grande ; qu'enfin, en l'absence de versement aux débats du contrat de syndic ou de la convention d'honoraires, le bien fondé de la facture du cabinet IMMOGEST a été écartée à bon droit ; que le jugement sera donc confirmé sous les trois exceptions ci-après ; Attendu, tout d'abord qu'il faut ajouter aux sommes mises à la charge in solidum de

la compagnie A.G.F., de SOFEAC et de la S.M.A.B.T.P. la somme de 26.600 F. (4.055,14 ) HT relative aux reprises des fers des balcons à la suite de la réformation de ce chef ; Attendu, en second lieu, que le Tribunal a commis une erreur matérielle quand il condamne les parties précitées au paiement d'une somme de 257.030 F. (39.183,97 ) HT au titre des reprises alors qu'il résulte du rapport d'expertise (pages 25 et 35) que cette somme ne correspond qu'à la remise en état des parties privatives et qu'il faut y ajouter les reprises des parties communes pour 80.800 F. (12.317,88 ) HT outre TVA et indexation ; que le jugement sera donc réformé sur ce point ; Attendu, en troisième lieu que le Tribunal, après avoir déclaré irrecevables les demandes des copropriétaires Y... et X... à l'encontre de la S.M.A.B.T.P. ne pouvait condamner cette dernière, in solidum avec SOFEAC et les A.G.F. à payer aux demandeurs (dont lesdits copropriétaires) la somme de 257.030 F. (39.183,97 ) qui incluait à hauteur de 50.800 F. (7.744,41 ) (Soit 43.055 + 7.745 frs) les dommages chez ces deux parties ; que la condamnation de la S.M.A.B.T.P., pour les parties privatives, sera donc limitée à la somme de 206.230 F. (31.439,56 ) ; qu'en revanche, le Tribunal tient bien compte de l'irrecevabilité de la demande des consorts X... et Y... dans son dispositif quand il statue sur le recours des A.G.F. contre la S.M.A.B.T.P. ; IV) SUR LE TROUBLE DE JOUISSANCE : Attendu que le Tribunal fait une exacte appréciation du préjudice subi par les copropriétaires quand il fixe à 60.000 F. (9.146,94 ) le montant de l'indemnisation accordée à chacun de ceux-ci en contemplation de la durée du préjudice, de la nature des désordres qui a affecté la qualité de la jouissance de leurs appartements, de la perte de surface due à la pose de doublages non prévus et des travaux de reprises lourds auxquels il faudra procéder dans des lieux occupés ; que le jugement sera confirmé de ce chef ; Attendu que la

condamnation sur ce point a été prononcée à l'encontre de la compagnie A.G.F. non pas sur le fondement de ses obligations contractuelles mais en raison de la faute qu'elle a commise en refusant abusivement sa garantie, faute qui a eu pour effet de retarder la réalisation des travaux de reprises et de prolonger ainsi le préjudice de jouissance de ses assurés ; Attendu que la sanction prévue par l'article L.242-1 du code des assurances à l'encontre de l'assurance dommages-ouvrage qui ne respecte pas les délais prévus aux alinéas 3 et 4 du même texte ou qui propose une indemnisation manifestement insuffisante (possibilité pour le maître d'ouvrage d'engager les dépenses et d'obtenir sur l'indemnité un intérêt porté au double du taux légal) est limitée par le texte à ces deux seuls cas et ne saurait être étendue à la présente espèce dans laquelle l'assurance a bien respecté le délai mais a opposé à son assuré un refus de garantie abusif ; qu'en effet, en décider autrement aboutirait à déroger, sans texte spécial, au droit commun de l'abus de droit dont la sanction naturelle est l'octroi de dommages-intérêts et à faire bénéficier l'assurance dommages-ouvrage dont la mauvaise foi serait avérée d'une situation privilégiée en la mettant à l'abri d'une telle action alors que le législateur n'a manifestement jamais envisagé une telle hypothèse quand il a encadré de façon stricte le processus d'indemnisation de l'assurance de dommages obligatoire ; Attendu, en conséquence, que la jurisprudence de la Cour de Cassation du 17 juillet 2001, invoquée par l'appelante ne saurait donc s'appliquer au cas d'espèce puisqu'elle se situe dans une occurrence de non respect du délai de soixante jours et non de l'abus du droit accordé à la compagnie de refuser sa garantie ; Attendu, en l'espèce, que cet abus est manifeste ; qu'il apparaît, en effet, que, pour de simples raisons d'opportunité, la compagnie A.G.F. a refusé sa garantie alors qu'elle avait, en 1989, couvert un sinistre précédent

ayant pour origine les mêmes désordres ; qu'aujourd'hui encore, la compagnie A.G.F. ne donne aucune explication pour justifier un tel revirement alors que les deux sinistres qui lui étaient déclarés sont en tous points les mêmes ainsi qu'il résulte de la lecture comparée de ses lettres des 21 avril 1989 (acceptant la garantie) et du 20 mai 1996 (la refusant) et des deux rapports d'expertise qu'elle a fait réaliser ; que d'ailleurs, sa lettre du 20 mai 1996 est révélatrice de l'identité des deux sinistres puisqu'elle parle à différentes reprises de "la réapparition" des pustules dans les appartements HARDY et Z... précédemment indemnisés ; Attendu que le refus de prise en charge du second sinistre ne reposait donc sur aucun fondement sérieux et se révèle fautif ; que cette faute a empêché que les reprises ne soient préfinancées dès mai 1996 et le lien de causalité entre la faute et la prolongation du trouble de jouissance est ainsi avéré ; Attendu, dans ces conditions, que c'est à bon droit que le Tribunal a condamné la compagnie A.G.F. au paiement de l'indemnisation du trouble de jouissance et qu'il a limité le recours en garantie de cette compagnie à l'encontre de la S.M.A.B.T.P. à 20 % seulement en contemplation de l'incidence que la faute personnelle de l'assurance dommages-ouvrage a eue sur la durée d'un préjudice qui trouve sa source dans le vice de construction imputable à l'assurée de la S.M.A.B.T.P. ; que le jugement sera donc confirmé ; Vä) SUR LES AUTRES DEMANDES : Attendu qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser supporter aux sociétés A.G.F. et S.M.A.B.T.P. la charge des frais irrépétibles qu'elles ont dû engager ; qu'elles seront donc déboutées de leur demande de ce chef; Attendu qu'il apparaît inéquitable de laisser supporter aux autres parties la charge de la totalité des frais irrépétibles qu'elles ont dû engager; qu'il sera accordé une somme de 2.000 euros au syndicat des copropriétaires et aux copropriétaires ensemble et une somme de 1.000 euros, ensemble, aux

sociétés SOFEAC et OMNIUM DE GESTION ET DE DÉVELOPPEMENT IMMOBILIER à ce titre, à la charge des sociétés A.G.F. et S.M.A.B.T.P. ; Attendu que les dépens d'appel seront supportés pour un tiers chacun par les A.G.F., la S.M.A.B.T.P. et le syndicat des copropriétaires qui succombent en leurs prétentions principales ; PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort : VU les articles 1382, 1646-1, 1792 et suivants, 2244 et 2270 du code civil

VU l'article L. 242-1 du code des assurances ; REFORME le jugement entrepris en ce qu'il a : dit que les désordres dus à la poussée des fers des balcons n'entraient pas dans le cadre de la garantie décennale ; condamné, in solidum, les A.G. F., la société SOFEAC représentée par son liquidateur amiable L'OMNIUM DE GESTION ET DE DÉVELOPPEMENT IMMOBILIER et la S.M.A.B.T.P. à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 257.030 F. (39.183,97 ) HT, outre TVA, avec indexation, au titre des reprises ; STATUANT A NOUVEAU, sur les points réformés : DIT que les désordres provenant de la poussée des fers d'armature des balcons relèvent de la garantie décennale ;

CONDAMNE, in solidum, la société A.G.F., la société SOFEAC représentée par son liquidateur amiable L'OMNIUM DE GESTION ET DE DÉVELOPPEMENT IMMOBILIER et la S.M.A.B.T.P., cette dernière à concurrence de quarante-sept mille huit cent douze euros et cinquante-neuf centimes d'euros (47.812,59 ) seulement, à payer au syndicat des copropriétaires la somme de cinquante cinq mille cinq cent cinquante-sept euros (55.557 ) au titre des reprises des éclats de béton et des poussées des fers, déduction faite, pour la S.M.A.B.T.P. des sommes relatives aux reprises chez les consorts Y... et X... ; lesdites sommes étant à verser, TVA en sus, avec indexation sur l'indice BT 01 entre le 06 août 1999 et le jour du jugement et avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

CONFIRME, en toutes ses autres dispositions le jugement entrepris ; CONDAMNE, in solidum, les sociétés A.G.F. et S.M.A.B.T.P. à payer au syndicat des copropriétaires et aux copropriétaires, d'une part, ensemble et aux sociétés SOFEAC et OMNIUM DE GESTION ET DE DÉVELOPPEMENT IMMOBILIER, d'autre part, ensemble, les sommes respectives de deux mille euros (2.000 ) et mille euros (1.000 ) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; CONDAMNE la compagnie A.G. F., d'une part, la S.M.A.B.T.P., d'autre part, et le syndicat des copropriétaires, en troisième lieu, aux dépens d'appel dans la proportion d'un tiers chacun ; ACCORDE, pour les dépens d'appel, aux avoués de la cause, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile ; Arrêt signé par Marie-Christine COLLET, greffier et Jean-Pierre MUNIER, président qui l'a prononcé.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 2001-5741
Date de la décision : 02/12/2002

Analyses

ASSURANCE DOMMAGES - Garantie - Etendue

S'agissant d'un sinistre dont les désordres, déjà pris en charge par l'assureur dommage-ouvrage, sont réapparus six ans plus tard, le refus opposé par l'assureur de prendre en charge ce second sinistre, identique au premier, se trouve dépourvu de fondement sérieux et constitue une faute. Dès lors que cette faute a empêché le préfinancement des travaux de reprises dès la déclaration du sinistre, le lien de causalité entre la faute et le dommage, ici la prolongation du trouble de jouissance, est avéré ; il y a donc lieu de condamner l'assureur à indemniser le trouble de jouissance et de limiter son recours en garantie contre l'assureur du constructeur, eu égard à l'incidence de cette faute personnelle sur la durée d'un préjudice imputable à un vice de construction.


Références :

Code des assurances article L.242-1

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2002-12-02;2001.5741 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award