Par acte en date du 24 janvier 1992, monsieur André X... a donné en location à la société POROUX un terrain nu, sis à COIGNIERES, en bordure de la nationale 10, pour une durée de vingt-trois mois à compter du 1er février 1992, moyennant un loyer mensuel de 18.976 francs (2.892,87 euros). Selon un deuxième contrat non daté, il a donné en location une partie de ce même terrain à la même société locataire pour une durée de quatre ans à compter du 1er juillet 1994. Par lettre recommandée en date du 16 juin 1998, il a demandé à la société POROUX de libérer les lieux à l'échéance contractuelle du 30 juin. Cette dernière s'y est refusée en arguant qu'elle avait acquis la propriété commerciale en raison d'une construction qu'elle avait édifiée sur le terrain pendant le courant du premier contrat. Monsieur X... a alors saisi le tribunal de grande instance de Versailles pour obtenir l'expulsion de la société POROUX ainsi qu'une somme de 2.000.000 francs (304.898,03 euros) en réparation du préjudice qu'il estimait avoir subi, résultant de l'impossibilité de commercialiser le terrain. Par jugement rendu le 15 mai 2001, cette juridiction a dit que la société POROUX ne pouvait pas se prévaloir des dispositions du décret du 30 septembre 1953, a constaté que la location avait pris fin, a ordonné l'expulsion de la société POROUX qu'elle a condamnée à payer un million de francs (152.449,02 euros) à titre de dommages et intérêts en fixant l'indemnité d'occupation à compter du 1er juillet 1998 à un montant égal au dernier loyer. Pour statuer ainsi, les premiers juges ont considéré que le chapiteau qui avait été élevé sur le terrain ne constituait pas une construction, au sens dudit décret. La société POROUX, qui a interjeté appel de cette décision, explique que le terrain loué est mitoyen de l'immeuble où elle exerce son activité de concessionnaire d'un constructeur d'automobiles et qu'il a donc reçu une destination commerciale que connaissait le bailleur, qu'après avoir fait des
travaux de terrassement et des massifs d'appui elle y a édifié un chapiteau constitué d'une structure en aluminium, équipée d'un faux plafond, de baies vitrées et d'un plancher, pour laquelle elle a dû solliciter et a obtenu un permis de construire. Elle ajoute que monsieur X... ne peut dénier avoir donné son autorisation à cette construction puisque l'objet du second contrat la vise expressément. Elle se prévaut des dispositions de l'article L.145-5 du code de commerce en expliquant qu'elle est restée en possession à l'issue du premier contrat de vingt-trois mois, et que, par la signature du second contrat, il s'est opéré un nouveau bail auquel est applicable le statut des baux commerciaux. Elle prétend que, placée en position de demandeur, elle n'a pu se soustraire à la renonciation au bénéfice de la propriété commerciale, réclamée par monsieur X... dans le but de faire échapper la location aux dispositions protectrices de la loi. Elle ajoute que l'ensemble des pseudo-actes de renonciation est nul et de nul effet puisque émis, pour la première fois le 1er juillet 1994 date de la conclusion du second contrat, sous l'emprise d'une contrainte économique, c'est à dire entachée d'un vice du consentement, ainsi qu'en application des dispositions de l'article L.145-15 du code de commerce. Elle déduit du refus de renouvellement du bail, qu'elle est bien fondée à réclamer une indemnité d'éviction et sollicite, pour en estimer le montant, la désignation d'un expert ainsi que le versement, à titre provisionnel, d'une somme de 76.335 euros. Elle réclame par ailleurs sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil l'indemnisation, à concurrence d'une somme de 152.462 euros, du préjudice indépendant résultant de ce que le bailleur s'est abusivement placé en marge des dispositions protectrices du décret ainsi que la restitution de celle d'un million de francs (152.449,02 euros) qu'elle a été condamnée à payer par le jugement dont elle observe, à cet égard, l'insuffisance de
motivation. Subsidiairement, elle fait valoir l'absence de préjudice de monsieur X... en soulignant qu'elle a continué à payer le loyer après le 30 juin 1998, que les prétendus acheteurs du terrain n'ont jamais existé et que monsieur X... cherche aujourd'hui à vendre à un prix double de l'offre qu'il dit avoir reçue en son temps. Elle demande enfin l'octroi de 7.633,58 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Monsieur André X... répond que les terrains nus ne sont pas soumis au statut des baux commerciaux. Il affirme que la tente installée par la société POROUX sur le terrain loué n'est pas une construction. Il fait observer que le permis de construire, qui vise l'élévation d'un chapiteau, est postérieur aux factures d'installation de la tente, laquelle, ajoute-t-il ne réunit pas les critères de fixité et de solidité d'une construction. Il prétend que la société POROUX a procédé à cette installation sans son autorisation et soutient que la mention du mot "chapiteau" dans le deuxième bail n'autorise pas la société locataire à se prévaloir d'une autorisation alors qu'elle a affirmé, par écrit le 1er juillet 1998, que la tente ou le bungalow mobile érigés n'entraient pas dans la catégorie des constructions. Il précise que s'il n'avait eu l'assurance qu'il s'agissait d'une simple tente, il n'aurait pas consenti un deuxième contrat et conteste que cette déclaration aurait été arrachée sous la pression. Il fait valoir que le premier bail n'est pas soumis aux dispositions de l'article 3-2 du décret du 30 septembre 1953 (en réalité L.145-5 du code de commerce), que la société POROUX n'a pas été laissée dans les lieux à l'issue de ce contrat et que le deuxième bail ne constitue pas un renouvellement du premier puisque, ne portant que sur 45% de la superficie de terrain précédemment loué, il n'avait pas le même objet. Il en déduit que ce deuxième contrat ne confère pas au preneur le bénéfice du statut des baux commerciaux. Il ajoute,
subsidiairement, que la société POROUX a expressément renoncé à la propriété commerciale le 03 novembre 1994, et l'a fait, selon lui, valablement puisque postérieurement au 1er juillet 1994 date du second contrat dont elle se prévaut pour revendiquer le bénéfice du statut des baux commerciaux. Il explique que le maintien abusif lui a causé un préjudice car le terrain occupé donne accès à un plus grand de 50.000 m qu'il avait mis en vente mais qui est demeuré inexploitable et invendable, jusqu'au 31 août 2001, puisque privé de tout accès sur la route nationale. Il précise qu'un acquéreur était intéressé, dès juillet 1998, pour acquérir les terrains moyennant le prix de 10.200.000 francs (1.554.979,98 euros). Il chiffre ainsi son préjudice à la somme de 304.898 euros calculée à raison d'un intérêt annuel de 6,19% sur 10.200.000 francs (1.554.979,98 euros) pendant trois ans. Aussi conclut-il à la confirmation du jugement entrepris sauf à porter à 304.898 euros le montant de la condamnation à titre de dommages et intérêts et réclame 5.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 12 septembre 2002 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 15 octobre 2002. MOTIFS DE LA DECISION Considérant que le contrat de location signé le 24 janvier 1992, intitulé "BAIL PRECAIRE DE TERRAIN NU" a effectivement pour objet "un terrain nu situé à COIGNIERES (Yvelines), en bordure de la Route Nationale Nä 84 (contre allée) Section X264" ; Considérant que le deuxième contrat, non daté, est pareillement intitulé "BAIL PRECAIRE DE TERRAIN NU" ; qu'il a pour objet : "Un terrain nu situé à Coignières en bordure de la nationale 10, au numéro 84 (contre-allée) ; ce terrain faisant partie d'un plus grand terrain cadastré X 264 et 142 " ; Qu'il est ajouté à cette désignation : "La partie louée est située sur toute la façade (à l'exception de 7 m contigus à la station TOTAL). Elle se situe en
profondeur sur 38 mètres depuis la façade, soit jusqu'au bout de la surface occupée par le chapiteau, ce qui représente approximativement 45% de la superficie totale du terrain." Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L.145-1 du code de commerce le statut des baux commerciaux ne s'applique qu'aux immeubles ou aux locaux dans lesquels un fonds est exploité ; que le paragraphe 2ä de ce texte en étend les dispositions aux baux des terrains nus sur lesquels ont été édifiées, soit avant, soit après le bail, des constructions à usage commercial ; Considérant que la société POROUX produit aux débats une facture émanant de la société VIA FRANCE qui est libellée en travaux de remplacement d'une clôture, de terrassement, et de mise en oeuvre de grave ciment revêtu d'un gravillonnage qui ne peuvent en aucune manière être assimilés à des constructions puisqu'ils correspondent à la simple amélioration du revêtement et de la clôture du terrain nu sans édification d'un quelconque bâtiment ; Qu'elle fait également valoir une facture de la société DALO, datée du 24 février 1992, pour la fourniture d'un bureau de vente et d'une structure pour véhicules d'occasion ; Que ce document décrit le premier élément comme une structure en aluminium de 4mx4m soit 16 m garnie d'un faux plafond d'une membrane en toile et de quatre cotés en baies vitrées et équipée d'un plancher ; que la dimension très modeste, la consistance et la légèreté d'une telle installation ne permettent en aucune manière de la considérer comme une construction ; Que le second élément de cette facture est ainsi désigné "Structure en acier galvanisé avec mat central et tendeurs de forme octogonale (25m20 x 25m20) REF. 264 m " ; Qu'un constat d'huissier dressé le 02 juin 1999 et la photographie qui y est annexée, montrent que cette structure se présente comme une toile de tente pointue, de couleur blanche, soutenue par un mat central, tendue par des cordages fichés au sol, qui, sur tout son pourtour, ne
descend pas jusqu'au sol, laissant ainsi la zone qu'elle couvre ouverte à tous vents ; que l'ensemble est dépourvu de socle ; Considérant que cette structure, dépourvue de fondation à l'exception des plots de béton, tels qu'ils sont mentionnés sur la facture, est érigée par un mat simplement posé au sol et maintenu vertical par le seul effet de haubanage de la toile et des cordes ; qu'elle est donc démontable par simple détachement de ces cordages ; que les matériaux de toile blanche et de cordes employés ne sont pas de nature à présenter un quelconque caractère de résistance durable aux intempéries ; Que monsieur X... produit à cet égard un constat d'huissier dressé le 13 janvier 2000 montrant, photographies à l'appui, que la tente et le mat central ont été couchés par le vent ; Qu'un second constat d'huissier en date du 30 juin 2000 qui fait état de la présence, sur le terrain, du chapiteau à toiture blanche conique établit qu'à cette date, la tente avait été remontée ; que ces constatations successives démontrent l'absence de tout caractère de fixité de cet équipement ; Que monsieur X... ajoute enfin, sans être contredit, qu'à la libération du terrain par la société locataire, la tente n'existait plus ; Considérant que la société POROUX se prévaut d'une demande de permis de construire, au demeurant postérieure de près de quatre mois à la facture d'achat des structures puisque datée du 17 juin 1992, et du permis obtenu le 29 juillet suivant, pour conclure à la réalité d'une construction ; Mais considérant que la délivrance d'une telle autorisation administrative, découle de réglementations d'urbanisme qui ne concernent pas seulement les constructions définitives mais aussi la mise en place d'aménagements érigés ou d'équipements précaires, provisoires, ou momentanément immobilisés ; Considérant que la production d'un simple devis pour la réalisation de massifs en maçonnerie, dépourvu de mention d'acceptation, sans la facture
correspondante dûment acquittée est insuffisante à démontrer l'exécution effective de ces travaux ; Qu'il suit de là que ni l'installation de 16 m , ni le chapiteau de toile ne peuvent être qualifiés de constructions au sens des dispositions de l'article L.145-1 du code de commerce et que la société POROUX ne peut en conséquence se prévaloir, pour les baux considérés, de l'acquisition de la propriété commerciale ; que tous les arguments et les demandes tirées des dispositions du tire 4 chapitre 5 du code de commerce sont dès lors sans portée ; Considérant que le deuxième contrat de location du terrain nu a été conclu pour une durée de quatre ans à compter du 1er juillet 1994 pour finir le 30 juin 1998 ; Que la société POROUX s'est refusée, à cette échéance, à libérer le terrain en faisant valoir, à tort, une propriété commerciale ; que monsieur X... affirme, sans être contredit que le départ effectif de la société occupante n'est intervenu qu'au mois d'août 2001, après le jugement de première instance prononçant l'expulsion et assorti de l'exécution provisoire ; Que la résistance de la société POROUX à respecter ses obligations contractuelles en se maintenant, sans droit ni titre, contre la volonté du propriétaire du terrain est manifestement abusive et génératrice d'un préjudice d'autant plus grave que le terrain occupé ne constituait qu'une parcelle d'un ensemble plus grand de 50.000 m qui, en raison de la configuration des lieux, se trouvait ainsi privé de la façade sur la route nationale ; Considérant que l'implantation sur le site, dès le mois d'août 1998 d'un panneau indiquant que le terrain de 6.000 à 50.000 m était à vendre, établit la volonté de monsieur X... de procéder, dès cette époque, à la cession de tout ou partie de cet ensemble ; Que cette volonté et les efforts mis en place pour y parvenir se trouvent confirmés par la lettre de la société BOURDAIS du 25 juillet 1998 adressée à son confrère GESTRAFIM précisant que le client était
intéressé par l'achat de 30.000 m au prix de 1.500 francs (228,67 euros) les premiers mille mètres et 300 francs (45,73 euros) les suivant, ce qui correspond à un prix total de 10.500.000 francs (1.600.714,68 euros) ; Que la société POROUX ne peut soutenir le défaut de préjudice au motif de l'inefficacité de ces efforts et de l'absence d'acheteur alors que, précisément, son occupation irrégulière de la partie du terrain en façade sur la nationale était de nature à dissuader tout candidat acquéreur ; Considérant que le 08 juin 1994 monsieur X... avait consenti à la société POROUX une promesse unilatérale de vente valable du 02 janvier 1996 au 1er juin 1997 de 3.000 m pour le prix de 6.700.000 francs (1.021.408,42 euros), prix qui confirme l'importante valeur vénale de ce bien immobilier pour sa partie située en façade de la route nationale ; Qu'il en résulte que l'estimation faite par monsieur X... de la valeur vénale de la totalité du terrain dont il était propriétaire et chiffrée à 10.200.000 francs (1.554.979,98 euros) correspond à la réalité économique et doit être retenue ; Qu'en revanche, le préjudice du propriétaire ne tient qu'à l'indisponibilité de la contre-valeur en numéraire de ces actifs ; qu'en retenant un taux d'intérêt annuel de 6,19%, monsieur X... fait à l'évidence une mauvaise appréciation du prix du loyer de l'argent sur cette période 1998-2001 ; que, comme le souligne la société POROUX, les biens considérés n'ont pas perdu de valeur en capital de sorte que doit être retenu un taux de rendement plus modeste qu'il convient de fixer à 3% par an, ce qui détermine une perte de revenu de 918.000 francs (139.948,20 euros) ; Considérant que la société POROUX expose sans être contredite qu'elle a continué, pendant toute la durée de son occupation, à payer une indemnité égale au loyer contractuel de 6.900 francs (1.051,90 euros) par mois ; qu'il convient en conséquence, pour arrêter le préjudice financier de monsieur X... de déduire les
indemnités encaissées pendant trois ans soit 248.400 francs (37.868,34 euros) ; Qu'il s'ensuit que le préjudice subi par monsieur X... doit être arrêté à la somme de 918.000 - 248.400 = 669.600 francs (102.079,86 euros) ; Qu'il en résulte que le jugement entrepris doit être confirmé sauf à ramener à 102.079,86 euros le montant de la condamnation au titre des dommages et intérêts ; Considérant que l'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et que les dépens d'appel doivent être supportés, après masse, par moitié par chacune des parties qui succombent partiellement en leurs prétentions ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, CONFIRME le jugement entrepris sauf à ramener à 102.079,86 euros le montant de la condamnation de la société POROUX au titre de dommages et intérêts, Y ajoutant, DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, CONDAMNE chacune des parties aux dépens d'appel, après masse, par moitié, qui pourront être recouvrés directement par les avoués respectifs des parties, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. ARRET REDIGE PAR MONSIEUR COUPIN, CONSEILLER PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER
LE PRESIDENT M. THERESE Y...
FRANOEOISE LAPORTE