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28/11/2002 | FRANCE | N°2000-7725

France | France, Cour d'appel de Versailles, 28 novembre 2002, 2000-7725


Par acte sous seing privé en date du 25 août 1989, Mesdames Marcelle D... Veuve X... et Jacqueline Y... née X... ont donné à bail à Monsieur et Madame Z..., en renouvellement d'un précédent, divers locaux à usage commercial dépendant de deux immeubles sis à SURESNES (92150), ..., en vue d'y exercer une activité de boulangerie-pâtisserie-confiserie (au nä 26), ainsi qu'à usage d'habitation (au nä 28), pour une durée de 3, 6, 9 années ayant commencé à courir rétroactivement au 1er janvier 1989, moyennant un loyer principal de 60. 000 F (9. 146, 94), payable à terme échu. L

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Par acte sous seing privé en date du 25 août 1989, Mesdames Marcelle D... Veuve X... et Jacqueline Y... née X... ont donné à bail à Monsieur et Madame Z..., en renouvellement d'un précédent, divers locaux à usage commercial dépendant de deux immeubles sis à SURESNES (92150), ..., en vue d'y exercer une activité de boulangerie-pâtisserie-confiserie (au nä 26), ainsi qu'à usage d'habitation (au nä 28), pour une durée de 3, 6, 9 années ayant commencé à courir rétroactivement au 1er janvier 1989, moyennant un loyer principal de 60. 000 F (9. 146, 94), payable à terme échu. Le fonds de commerce, comprenant le droit au bail, a été cédé les 25 août et 20 septembre 1989 par les époux Z... à Monsieur et Madame A..., lesquels l'ont vendu, par acte du 22 juillet 1995, à la SARL BOULANGERIE CARNOT. Le 19 août 1997, Madame Jacqueline Y... a donné congé à la SARL BOULANGERIE CARNOT pour le 28 février 1998, avec offre de renouvellement pour une durée de neuf années à compter du 1er mars 1998 et moyennant le versement d'un loyer annuel hors taxes et hors charges de 150. 000 F (22. 867, 35), toutes autres conditions restant inchangées. Le 27 août 1997, la SARL BOULANGERIE CARNOT a indiqué accepter le renouvellement du bail à compter du 1er mars 1998, moyennant la fixation du loyer annuel hors taxes et hors charges à la somme de 55. 000 F (8. 384, 70). Consécutivement à un échange des mémoires entre les parties, la Société BOULANGERIE CARNOT a, par acte du 25 février 1999, assigné Madame Jacqueline Y... devant le Président du Tribunal de Grande Instance de NANTERRE, pour, à titre principal, voir fixer le loyer annuel à la somme de 55. 000 F (8. 384, 70) à compter du 1er mars 1998, subsidiairement, voir instituer une mesure d'expertise. Désigné en qualité d'expert par jugement avant-dire-droit du 18 juin 1999, Monsieur B... a déposé rapport de ses opérations le 05 juin 2000.
Par jugement du 20 octobre 2000, le Juge des Baux Commerciaux du Tribunal de Grande Instance de NANTERRE a :
- fixé à 91. 212 F (13. 905, 18) le montant du loyer annuel dû par la Société BOULANGERIE CARNOT pour le renouvellement à compter du 1er mars 1998 du bail des locaux sis à SURESNES (92150) ... ;
- déclaré irrecevable la demande relative au paiement des intérêts sur l'arriéré de loyer ;
- fait masse des dépens qui comprendront les frais et honoraires d'expertise, et dit qu'ils seront supportés par moitié par les parties.
La SARL BOULANGERIE CARNOT a interjeté appel de cette décision. La société appelante, qui est assistée de Maître Francisque GAY, agissant en qualité d'administrateur judiciaire de cette société en redressement judiciaire, fait valoir que Madame Y... ne lui a pas notifié son mémoire après expertise, et que l'omission de cette formalité constitue une irrégularité de fond, entraînant la nullité de ce mémoire et des moyens qu'il contient. Elle relève qu'une telle irrégularité de fond peut être proposée en tout état de cause, sans que la partie qui l'invoque ait à justifier d'un quelconque grief. Elle explique, que dans son mémoire frappé de nullité, la partie adverse contestait l'appréciation faite par l'expert judiciaire de la valeur du local d'habitation. Elle en déduit que la contestation du loyer du local d'habitation est irrecevable et que les conclusions du rapport d'expertise ayant estimé la valeur locative globale du fonds de commerce litigieux à la somme de 11. 735, 12 (76. 977, 36 F) doivent être entérinées. Par voie de conséquence, elle demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris, de déclarer nul le mémoire après expertise de Madame Y..., et de fixer le loyer au 1er mars 1998 du bail commercial renouvelé à la somme de 11. 735, 12 (76. 977, 36 F) HT. Elle réclame en outre le versement de la somme de 1. 500 au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Madame Jacqueline Y... réplique que l'absence de notification préalable du mémoire ne peut rentrer dans la catégorie des nullités de fond de l'article 117 du Nouveau Code de Procédure Civile, et que le décret du 30 septembre 1953 institue un formalisme réduit en ce qui concerne les mémoires échangés postérieurement à l'exécution d'une mesure d'instruction. Elle soutient que, s'agissant d'une irrégularité de forme, l'omission de cette notification ne saurait emporter la nullité du mémoire, dès lors qu'aucun grief n'est invoqué par la BOULANGERIE CARNOT, celle-ci ayant eu une parfaite connaissance du mémoire de l'intimée auquel elle a répondu. Elle précise que ce vice de forme a été couvert, au sens de l'article 112 du Nouveau Code de Procédure Civile, par le " mémoire additionnel après expertise " déposé par la partie adverse en réponse au mémoire de la bailleresse. Tout en indiquant accepter la fixation du montant annuel du loyer de la partie commerciale à la somme de 8. 710, 45 (57. 136, 80 F), elle fait valoir que le premier juge a sous-estimé la valeur locative du logement en retenant à ce titre un montant égal à 5. 194, 73 (34. 075, 20 F). Se portant incidemment appelante de ce chef, elle demande à la Cour de fixer le montant du loyer annuel de la partie habitation à 7. 226, 08 (47. 400 F), et donc de porter la valeur locative globale à la somme de 15. 936, 53 (104. 536, 80 F). Subsidiairement, elle sollicite la confirmation du jugement entrepris. Elle réclame en outre le versement de 1. 000 sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. L'ordonnance de clôture a été prononcée le 13 juin 2002.
MOTIFS DE LA DECISION :
SUR LA NULLITE DU MEMOIRE DEPOSE PAR LA BAILLERESSE :
Considérant qu'aux termes de l'article 30-1 alinéa 5 du décret du 30 septembre 1953, dès le dépôt du constat ou du rapport, le secrétaire-greffier avise les parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou, si elles sont représentées, leurs avocats de la date à laquelle l'affaire sera reprise et de celle à laquelle les mémoires faits après l'exécution de la mesure d'instruction devront être échangés ;
Considérant que l'article 29-1 dernier alinéa dispose que les mémoires sont notifiés par chacune des parties, à l'autre, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ;
Considérant qu'il est admis que les conditions de fond et de forme que doivent remplir les mémoires au sens des dispositions légales précitées revêtent un caractère impératif ;
Considérant qu'au regard de ce qui précède, il incombe aux parties de procéder après expertise à l'échange des mémoires tel que prévu par l'article 30-1 susvisé, le dépôt de conclusions ne répondant pas aux exigences légales ;
Considérant qu'en l'occurrence, il est constant que le mémoire déposé par Madame Y... le 4 septembre 2000 en réponse à celui qui lui avait été adressé par la SARL BOULANGERIE CARNOT le 18 août 2000 n'a pas fait l'objet d'une notification préalable à cette dernière conformément aux règles de procédure ci-dessus rappelées ;
Considérant qu'au surplus, l'omission de cette formalité constitue une irrégularité de fond, laquelle, en application des articles 117 et suivants du Nouveau Code de Procédure Civile, peut être proposée en tout état de cause, sans que la partie qui l'invoque ait à justifier d'un quelconque grief ;
Considérant que, par ailleurs, cette irrégularité n'étant pas susceptible d'être couverte, il est indifférent que la société appelante ait ultérieurement déposé un " mémoire additionnel après expertise ", aux termes duquel elle développe une argumentation au fond sans invoquer un moyen de nullité ;
Considérant qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré, d'annuler le mémoire après expertise de Madame Y..., et, subséquemment, d'écarter la contestation, relative au montant du loyer du local d'habitation, formulée par cette dernière aux termes de son mémoire entaché de nullité ;
Considérant que, dès lors qu'il ne peut être valablement statué que sur les moyens et conclusions des mémoires régulièrement échangés par la Société BOULANGERIE CARNOT, il convient d'entériner le rapport d'expertise judiciaire de Monsieur B... , et, par voie de conséquence, de fixer à la somme de 11. 735, 12 (76. 977, 36 F) HT le montant du loyer annuel dû par la Société BOULANGERIE CARNOT pour le renouvellement à compter du 1er mars 1998 du bail des locaux litigieux.
SUR LES DEMANDES COMPLEMENTAIRES ET ANNEXES :
Considérant que, dès lors que la demande de Madame Y..., relative aux intérêts au taux légal sur le rappel de loyers, résulte de son mémoire déclaré nul, sa prétention de ce chef doit être déclarée irrecevable ;
Considérant que l'équité commande d'allouer à la SARL BOULANGERIE CARNOT une indemnité égale à 1. 000 sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Considérant qu'il n'est en revanche pas inéquitable que l'intimée conserve la charge des frais non compris dans les dépens exposés par elle dans le cadre de la présente instance ;
Considérant que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a fait masse des dépens de première instance, comprenant les frais et honoraires d'expertise, et dit qu'ils seront supportés par moitié par chacune des parties ;
Considérant que les dépens d'appel doivent être supportés entièrement par Madame Y....
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
DECLARE recevable l'appel interjeté par la SARL BOULANGERIE CARNOT, le dit bien fondé ;
INFIRME le jugement déféré, et statuant à nouveau :
ANNULE le mémoire après expertise déposé le 4 septembre 2000 par Madame Y... ;
FIXE à la somme de 11. 735, 12 le montant du loyer annuel dû par la SARL BOULANGERIE CARNOT au titre du renouvellement à compter du 1er mars 1998 du bail des locaux sis à SURESNES (92150) 26 et 28 rue Carnot ;
DECLARE irrecevables les demandes présentées par Madame Y... aux termes de son mémoire déclaré nul ;
CONDAMNE Madame Jacqueline Y... à payer à la SARL BOULANGERIE CARNOT, assistée de Maître Francisque GAY, en sa qualité d'administrateur judiciaire de cette société, la somme de 1. 000 sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
FAIT MASSE des dépens de première instance, comprenant les frais et honoraires d'expertise, et DIT qu'ils sont partagés par moitié par chacune des parties ;
CONDAMNE Madame Jacqueline Y... aux dépens d'appel, et AUTORISE la SCP FIEVET-ROCHETTE-LAFON, Société d'Avoués, à recouvrer directement la part la concernant, conformément à ce qui est prescrit par l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
ARRET REDIGE PAR MONSIEUR FEDOU, CONSEILLER PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET
LE GREFFIER
LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 2000-7725
Date de la décision : 28/11/2002

Analyses

BAIL COMMERCIAL - Procédure - Bail révisé ou renouvelé - Mémoire - Mémoire préalable - Défaut - Conclusions après expertise - Portée - /

Il résulte des dispositions combinées des articles 29-1 et 30-1 du décret n° 53-960 du 30 septembre 1953 que les parties doivent échanger leurs mémoires, notamment ceux faits après l'exécution d'une mesure d'instruction, et que cet échange donne lieu à notification, par chacune des parties à l'autre, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, l'omission de cette formalité constituant une irrégularité de fond qui, en application des articles 117 et suivants du NCPC, peut être proposée en tout état de cause, sans que la partie qui l'invoque ait à justifier d'un quelconque grief. Il s'ensuit qu'après expertise, le mémoire en réponse qu'un bailleur a déposé à la suite de celui adressé par le preneur, sans effectuer cette formalité, est nul


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2002-11-28;2000.7725 ?
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