La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/11/2002 | FRANCE | N°2001-4242

France | France, Cour d'appel de Versailles, 26 novembre 2002, 2001-4242


Suivant acte d'huissier en date du 20 octobre 2000, Madame X... a fait assigner ses locataires les époux Jean Y... devant le Tribunal d'Instance de BOULOGNE BILLANCOURT aux fins d'obtenir notamment : - leur déchéance de plein droit du titre d'occupation, - leur expulsion, - leur condamnation au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation de 2871,22 et ce jusqu'à libération définitive des lieux. Par jugement contradictoire en date du 3 mai 2001, le Tribunal d'Instance de BOULOGNE BILLANCOURT a rendu la décision suivante : - valide le congé délivré à Monsieur et Madame Jean Y...

par Madame Micheline X... concernant les lieux situés 29, r...

Suivant acte d'huissier en date du 20 octobre 2000, Madame X... a fait assigner ses locataires les époux Jean Y... devant le Tribunal d'Instance de BOULOGNE BILLANCOURT aux fins d'obtenir notamment : - leur déchéance de plein droit du titre d'occupation, - leur expulsion, - leur condamnation au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation de 2871,22 et ce jusqu'à libération définitive des lieux. Par jugement contradictoire en date du 3 mai 2001, le Tribunal d'Instance de BOULOGNE BILLANCOURT a rendu la décision suivante : - valide le congé délivré à Monsieur et Madame Jean Y... par Madame Micheline X... concernant les lieux situés 29, rue des Tenneroles à SAINT-CLOUD, à effet du 31 mars 2000, - ordonne l'expulsion de Monsieur et Madame Jean Y... et dit que la partie défenderesse devra quitter les lieux, les laisser libres de tous occupants de leur chef et de tous biens, et qu'à défaut de départ volontaire, ils pourront y être contraints par tous moyens de droit à la suite d'un délai de six mois suivant signification du présent jugement, - dit qu'à l'issue de ce délai de six mois, il sera procédé en tant que de besoin à l'enlèvement des meubles et objets mobiliers se trouvant dans les lieux et à leur séquestration dans un garde-meubles aux frais, risques et périls de la partie défenderesse, - fixe l'indemnité d'occupation au montant des loyers et charges en cours et condamne la partie défenderesse à son paiement jusqu'à libération effective des lieux, - dit que l'indemnité d'occupation sera majorée de 20 % à l'issue du délai de six mois suivant la signification du présent jugement, - ordonne l'exécution provisoire, - condamne solidairement Monsieur et Madame Jean Y... à payer à Madame Micheline X... une somme de 457,35 sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamne solidairement Monsieur et Madame Jean Y... aux dépens. Par déclaration en date du 26 juin 2001, les époux Y... ont

interjeté appel de cette décision. Les époux Y... soutiennent que le congé pour vendre délivré par Madame X... est nul et frauduleux, dès lors que le prix proposé est manifestement excessif au regard de l'état de cette maison louée. Ils ajoutent de plus, que Madame X... n'a effectué aucune démarche en vue de faire visiter les lieux, ce qui démontre son absence de volonté de vendre, et par conséquent le caractère frauduleux du congé. Les époux Y... demandent donc en dernier à la Cour de : - les dire et juger recevables et bien fondés en leur appel, y faisant droit, - infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 3 mai 2001 par le Tribunal d'Instance de BOULOGNE BILLANCOURT, et statuant à nouveau : à titre principal : - déclarer frauduleux, nul et de nul effet le congé délivré à Monsieur et Madame Y... sur le fondement des dispositions de l'article 15 de la loi du 6 Juillet 1989 le 22 septembre 1999 à effet du 31 mars 2000 et à la requête de Madame X..., - débouter Madame X... de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions, à titre subsidiaire : vu les dispositions des articles L. 613-1 du Code de la Construction et de l'Habitation et 1244-1 du Code Civil, - accorder à Monsieur et Madame Y... un délai de vingt quatre mois pour quitter les lieux à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, - fixer le montant en principal de l'indemnité d'occupation due par Monsieur et Madame Y... à Madame X... à une somme équivalente au loyer contractuel mensuel et ce jusqu'à la libération des lieux, - débouter Madame X... du surplus de ses demandes, - condamner Madame X... à payer à Monsieur et Madame Y... une somme de 1219,59 par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamner Madame X... en tous les dépens de première instance et d'appel. Madame X... expose que pour voir le congé déclaré nul, les locataires doivent établir que le prix proposé

est excessif et que le propriétaire n'a pas réellement l'intention de vendre. Elle soutient que les époux Y... ne rapportent pas la preuve du caractère frauduleux du congé ni celle du caractère manifestement excessif du prix. Madame X... prie donc en dernier la Cour de : - la déclarer recevable et bien fondée en ses présentes conclusions, - confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal d'Instance de BOULOGNE-BILLANCOURT le 3 mai 2001, - débouter les époux Y... de l'ensemble de leurs demandes, - les condamner solidairement à verser la somme de 2000,00 au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au titre des frais irrépétibles engagés devant la Cour d'Appel, - les condamner solidairement aux dépens. La clôture a été prononcée le 13 juin 2002 et l'affaire plaidée à l'audience du 8 octobre 2002. SUR CE, LA COUR : I ) - Considérant, en Droit, que l'offre de vente notifiée par le bailleur en vertu de l'article 15-I et 15-II de la loi du 6 Juillet 1989, ne doit pas être faite pour un prix volontairement excessif ne correspondant pas à l'état du marché immobilier, ni être volontairement dissuasif dans l'intention manifestement frauduleuse d'empêcher le locataire d'exercer son droit légal de préemption ; Considérant, en la présente espèce, que le prix proposé, le 22 septembre 1999, était de 487.836,85 et que ce prix doit normalement correspondre aux prix ordinairement constatés à l'époque dans le voisinage pour des immeubles de caractéristiques similaires ; que Madame X... n'a communiqué que cinq références pour des prix de 518.326,66 à 1.143.367,60 qui, selon elle, devraient démontrer la sincérité de son prix proposé, mais qu'il lui sera opposé que ces références ne datent pas de septembre 1999, mais sont de mars 2001, et que de plus et surtout, le bien litigieux est constitué par une maison, rue des Tenneroles à SAINT CLOUD, composée de deux étages (six pièces au total), alors que quatre des références citées se

situent dans d'autres quartiers et sont afférentes à des appartements (dont deux DUPLEX) dans des résidences dites de "standing", dont l'une avec parc et tennis privé ; Considérant que les époux Jean Y... sont donc en droit de contester le prix qui leur a été proposé et qu'ils rapportent la preuve que ce prix de septembre 1999 est excessif et volontairement dissuasif puisqu'il est démontré par eux que cette maison présente : * par endroits, des murs avec enduits fissurés et décollés, * des volets et leurs quincailleries en mauvais état, * un état très moyen des clôtures et du portail, * des dégradations par infiltrations de certains murs et cloisons à l'intérieur, * des parties basses des fenêtres, abîmées, * une installation électrique très vétuste et non conforme, * une installation de distribution d'eau, en plomb, et qu'elle st donc, à bon droit, qualifiée par les architectes de maison d'un "état général très vétuste" qui nécessite une rénovation, pour un montant de travaux de 76.224,51 à 91.469,41 H.T. (valeur décembre 2001) ; Considérant qu'il est donc ainsi établi qu'il y a eu fraude de la part de la propriétaire par notification d'un prix excessif et volontairement dissuasif, et qu'il est manifeste que cette fraude a directement causé aux locataires un grief certain en les privant de la possibilité d'exercer leur droit de préemption dans des conditions normales et en les contraignant à résister et à faire valoir leurs droits en Justice ; Considérant que la Cour infirmant et statuant à nouveau retient la fraude et annule donc le congé pour vendre litigieux ; II) - Considérant que de plus, et en tout état de cause, ce congé pour vendre doit se fonder sur : "la décision de vendre..." (article 15-II alinéa 1er de la loi) et que cette décision implique nécessairement l'accomplissement d'actes positifs par la bailleresse en vue de parvenir à une vente effective, un congé pour vendre ne pouvant être un acte préparatoire, fait dans le cadre d'un simple

projet de vendre ; qu'il appartenait donc à Madame X... de démontrer la sincérité de sa décision en donnant un mandat de vendre à un agent immobilier et en faisant organiser une publicité en vue de cette vente et des visites de son bien, par des acheteurs éventuels, ce qu'elle n'a jamais fait en trois ans, et alors qu'elle ne peut expliquer sa carence complète par une quelconque impossibilité de procéder à ces démarches normales et nécessaires, sans avoir à attendre une réponse de ses locataires ; Considérant que ce congé litigieux n'est pas justifié par une décision sincère de vendre et qu'il doit par conséquent être également annulé de ce chef ; Considérant, en définitive, que Madame Micheline X... est déboutée des fins de toutes ses demandes se fondant sur la validation de ce congé pour vendre ; III) - Considérant enfin que, compte tenu de l'équité, Madame X... est condamnée à payer aux époux Jean Y... la somme de 1000,00 en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et que le jugement est infirmé en ce qu'il a cru devoir lui accorder 457,35 sur ce fondement. PAR CES MOTIFS : La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort. Vu les articles 15-I et 15-II alinéa 1ä de la loi du 6 Juillet 1989 : Vu la fraude :

Infirmant entièrement et statuant à nouveau : - Annule le congé pour vendre notifié le 22 septembre 1999 : - Déboute Madame Micheline X... de toutes ses demandes fondées sur la validation de ce congé. - La condamne à payer aux époux Jean Y... la somme de 1000,00 en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; infirme le jugement en ses dispositions ayant fait application de cet article. - Condamne Madame X... à tous les dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés directement contre elle par Me. Claire RICHARD, Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. Et ont signé le présent arrêt : Monsieur Alban Z...,

Président, Madame Natacha A..., Greffier, qui a assisté à son prononcé, Le GREFFIER,

Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 2001-4242
Date de la décision : 26/11/2002

Analyses

BAIL A LOYER (loi du 6 juillet 1989) - Congé - Congé pour vendre - Prix de l'offre - Estimation - Caractère exorbitant et intention frauduleuse du bailleur

Il résulte des dispositions des articles 15-I et 15-II de la loi du 6 juillet 1989, qu'en cas de congé pour vendre, l'offre notifiée par le bailleur ne doit pas être faite à un prix volontairement excessif, au regard du prix du marché, et dissuasif dans l'intention manifestement frauduleuse de faire échec au droit légal de préemption du locataire. Dès lors, une offre de vente portant sur une maison vétuste dont le montant du prix demandé n'est justifié qu'au regard de références prises, deux ans plus tard, dans d'autres quartiers, et correspondant à des appartements situées dans des résidences dites " de standing ", constitue une fraude justifiant l'annulation du congé.


Références :

Loi du 6 juillet 1989 article 15-I et 15-II

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2002-11-26;2001.4242 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award