La SA CHAMPAGNE MO T ET CHANDON a confié, selon deux ordres de transport en date des 23 octobre et 03 novembre 1998, à la société GROUPECO le soin d'acheminer 1740 caisses de champagne à destination de la société SCHENKER à BERGHEIM en AUTRICHE. La société GROUPECO a affrété à cette fin la SARL TRANSPORTS WETZEL suivant deux télécopies du 06 novembre 1998. Le 10 novembre 1998, les trois palettes de champagne ont été chargées à bord d'un semi-remorque de la société WETZEL dans les entrepôts DANZAS à EPERNAY et transportées sous couvert d'une lettre de voiture CMR, jusqu'à SAINT JEAN LES SAVERNE (67) où le véhicule a été stationné vers 21 h 30 dans le parking de la société WETZEL. Le 11 novembre 1998 vers 23 heures, le chauffeur de la société WETZEL venu prendre son service a constaté la disparition de la semi-remorque avec son chargement. Le véhicule a été retrouvé vide quelques jours plus tard. Le préjudice résultant du vol s'est élevé à la somme de 1.197.125,20 francs (182.500,56 euros). En sa qualité d'assureur du commissionnaire de transport GROUPECO, la SA ALTE LEIPZIGER a indemnisé la société MO T ET CHANDON selon quittance du 10 février 1999, puis a exercé une action subrogatoire à l'encontre de la société WETZEL et de son assureur la SA HELVETIA ASSURANCES devant le Tribunal de Commerce de NANTERRE. Par jugement rendu le 20 juillet 2000, cette juridiction a condamné la société WETZEL à payer à la société ALTE LEIPZIGER la somme de 1.197.125,20 francs (182.500,56 euros) majorée des intérêts légaux à compter de la quittance subrogative du 10 février 1999 capitalisés avec le bénéfice de l'exécution provisoire, l'a déboutée de son appel en garantie à l'encontre de la compagnie HELVETIA, a alloué une indemnité de 15.000 francs (2.286,74 euros) en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile aux sociétés ALTE LEIPZIGER et HELVETIA et condamné encore la société WETZEL aux dépens. Appelante de cette décision, la société WETZEL dément qu'il puisse lui être reproché, en l'espèce,
une faute lourde en faisant valoir que l'ensemble routier qui a dû s'arrêter en raison du 11 novembre a été stationné sur un parking privé dans une commune non répertoriée "zone à risques" et que le vol a été perpétré par une bande de malfaiteurs professionnels qui n'auraient pas été arrêtés par une clôture cadenassée ou un antivol classique. Elle prétend n'avoir pas été informée par la société GROUPECO de la valeur de la marchandise en dépit de l'obligation de conseil pesant sur le commissionnaire de transport et n'avoir donc pu souscrire une assurance complémentaire. Elle s'estime fondée à rechercher la garantie de son assureur en affirmant que l'article 2 de la police intitulé "règles générales de prévention" invoquée par la compagnie HELVETIA constitue, en réalité, une clause d'exclusion qui ne répond pas aux prescriptions de l'article L 112-4 du Code des Assurances à défaut d'avoir été mentionnée en caractères apparents. Elle prétend qu'en toute hypothèse les systèmes de sécurité prévus dans le contrat d'assurance n'auraient pas été efficaces en présence de voleurs professionnels. Elle sollicite donc l'entier débouté de la société ALTE LEIPZIGER et le remboursement des sommes versées par l'effet de l'exécution provisoire, subsidiairement sa garantie intégrale par la société HELVETIA et dans tous les cas, une indemnité de 50.000 francs (7.622,45 euros) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La compagnie HELVETIA oppose que la semi-remorque dérobée n'était munie d'aucun dispositif antivol contrairement aux conditions particulières de la police contractée par la société WETZEL. Elle en déduit que le sinistre n'est pas couvert par sa garantie puisque la société WETZEL n'a pas respecté les règles de prévention imposées par le contrat d'assurance qui en conditionnaient la mise en oeuvre contrairement à ce qu'a retenu le tribunal. Elle se réfère néanmoins et, en tout cas, aux motifs des premiers juges qui ont estimé que les dispositions en cause étaient
conformes à l'article L 112-4 du Code des Assurances et dénuées d'ambigu'té pour l'assurée. Elle conclut, en conséquence, à la confirmation de la décision déférée du chef du rejet de l'appel en garantie de la société WETZEL à son encontre par substitution de motifs aux fins de voir juger que les règles générales de prévention visées à la clause 9203 A de la police souscrite par la société WETZEL constituent les conditions de la garantie de l'assureur et ne s'analysent nullement en une clause d'exclusion. Elle réclame, en outre, une indemnité de 3.811,23 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La société ALTE LEIPZIGER considère que les circonstances de l'espèce caractérisent la faute lourde du transporteur, lequel a abandonné pendant plus de 24 heures une cargaison de valeur et facilement négociable sur une aire de stationnement non gardée. Elle observe que la société WETZEL connaissait la nature de la marchandise comme les conditions de prise en charge. Elle demande à la Cour de confirmer entièrement le jugement attaqué et d'y ajouter l'octroi d'une indemnité de 4.573,47 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en sa faveur. MOTIFS DE L'ARRET : SUR LA RESPONSABILITE DE LA SOCIETE WETZEL : Considérant qu'il s'infère des rapports dressés par Monsieur X... et le Cabinet SERI, mandatés respectivement par la société ALTE LEIPZIGER et la compagnie HELVETIA concordants sur les circonstances du vol, qu'en raison de l'interdiction de circuler, le 11 novembre, pour les poids lourds, le chauffeur de la société WETZEL a garé l'ensemble routier contenant les caisses de champagne sur le parking de cette entreprise à Saint Jean de Saverne le 10 novembre 1998 à 21 heures 15 ; que la semi-remorque devait être prise en charge le lendemain soir par un autre chauffeur Monsieur Y... et attelée à un autre tracteur en vue de son acheminement à destination de L'AUTRICHE ; que le chauffeur Monsieur Z... a donc dételé le
tracteur de la semi-remorque chargée et s'est rendu à son domicile au volant du tracteur auquel il avait attelé une autre semi-remorque ; que le vol de la semi-remorque a été constaté, le 11 novembre 1998, vers 23 heures par Monsieur Y... lorsque celui-ci a pris son service ; que les voleurs ont dérobé la semi-remorque à l'aide d'un autre tracteur stationné sur le parking de la société WETZEL, lesquels devaient être retrouvés vides le 14 novembre 1998, en Côte d'Or ; considérant que l'aire de stationnement où est demeurée la semi-remorque jusqu'au vol est proche du dépôt de la société WETZEL et située à l'entrée du village de Saint Jean de Saverne ; que cette zone de stationnement est accessible directement par la route sans qu'aucune clôture, ni toute autre mesure de protection ne viennent empêcher son libre accès ; qu'elle n'est pas surveillée, ni éclairée pendant la nuit, et ne bénéficie d'aucune liaison d'alarme, ni de gardiennage ; considérant qu'au fond du parking, il existe un important hall dont l'entrée s'opère par deux grands portails munis de volets roulants métalliques ; considérant, en outre, que la semi-remorque à ossature métallique dont les côtés comportent une bâche n'était munie d'aucun dispositif de blocage de rotule ; considérant que la société WETZEL ne peut utilement prétendre ne pas avoir été informée de la valeur de la marchandise en se référant à la mention de "1740 caisses de vin" figurant sur la lettre de voiture, dès lors que celle-ci comporte l'indication comme expéditeur de la société MO T et CHANDON dont la qualité de producteur de champagne est notoirement connue et qu'antérieurement à son émission, l'ordre de transport qui lui a été adressée, le 06 novembre 1998, par la société GROUPECO fait clairement et expressément état de palettes de champagne ; qu'il lui appartenait de prendre les mesures de sécurité adaptées au transport de marchandises de ce type ainsi que de prévoir d'assurer leur gardiennage temporaire adéquat compte tenu des
conditions de prise en charge, le 10 novembre, dans l'après-midi dont elle n'a jamais discuté la teneur et de l'interdiction réglementaire habituelle de circulation imposée aux poids lourds les jours fériés ; considérant que la circonstance de l'implantation de l'aire de stationnement dans une zone non qualifiée à risques n'est pas de nature à exonérer le transporteur de son obligation d'assurer la sûreté des marchandises qui lui sont confiées en tout lieu et durant toute l'exécution du transport pendant laquelle elles sont sous sa garde ; considérant enfin que le stationnement ayant eu lieu un jour férié les membres du personnel non présents sur les lieux ne pouvaient, en aucun cas, assurer une quelconque surveillance dont à l'instar d'un chauffeur qui est resté dans son camion un certain temps ce jour là, ils n'avaient pas reçu mission d'assumer, tandis que la société WETZEL qui n'a pris aucune des mesures nécessaires à la sécurité des produits transportés pendant leur immobilisation, ne saurait sérieusement prétendre, par voie de supputations à leur inefficacité en raison de la nature du vol commis par des malfaiteurs vraisemblablement organisés ; considérant ainsi que la société WETZEL qui a décidé de laisser stationner la semi-remorque dans une propriété privée non close, ni gardée et dépourvue de tout système de sécurité un jour férié durant plus de 24 heures alors qu'elle n'ignorait pas la nature du chargement constitué de 1740 caisses de champagne de valeur et aisément commercialisables, que celui-ci était placé dans une semi-remorque simplement bâchée non munie d'un antivol de pivot d'attelage et qu'elle disposait à proximité immédiate d'un entrepôt fermé comprenant des volets roulants métalliques, a commis des négligences d'une extrême gravité confinant au dol et démontrant son inaptitude à accomplir la mission qu'elle a acceptée constitutives d'une faute lourde ; considérant que le tribunal a donc, à juste titre, condamné la société WETZEL à régler à la société
ALTE LEIPZIGER, subrogée dans les droits de la société GROUPECO, l'entière indemnité versée par cette intimée, ès-qualités d'assureur du commissionnaire de transport à l'expéditeur, outre les intérêts légaux depuis le 10 février 1999 capitalisés. SUR L'APPEL EN GARANTIE DE LA SOCIETE WETZEL A L'EGARD DE LA COMPAGNIE HELVETIA :
Considérant que les conditions particulières de la police souscrite par la société WETZEL auprès de la compagnie HELVETIA disposent que "la garantie des risques de vol est soumise aux conditions des clauses nä 9203 A et 9203 B qui font partie intégrante du contrat d'assurances" et énumèrent les antivols et dispositifs de protection complémentaire agréés par l'assureur dont ceux fabriqués par la société NAUDER ; considérant que le dispositif de protection de semi-remorque imposé par la compagnie HELVETIA dans les conditions particulières correspond à un antivol de pivot d'attelage soit à un système de blocage de rotule ayant pour effet d'empêcher l'introduction du pivot d'attelage dans la sellette du tracteur en sorte que la remorque ne peut plus être attelée à un tracteur ; considérant qu'il s'infère des rapports de Messieurs A... et REMI, experts amiables, que le dispositif de vases à ressort équipant les semi-remorques TRAILOR dont se prévaut la société WETZEL s'avère être une sécurité d'immobilisation de la semi-remorque par freinage sans constituer un système antivol puisque les commandes se trouvent à l'extérieur du véhicule ; considérant que pour dénier sa garantie, la compagnie HELVETIA invoque l'article 2 intitulé "règles générales de prévention" de la clause 9203 a stipulant que lorsqu'un vol de marchandises est commis alors que le véhicule routier est en stationnement la garantie des risques est acquise lorsque les deux conditions suivantes ont été respectées simultanément : 1. Le véhicule routier est équipé d'un dispositif antivol, 2. Le dispositif antivol est mis en oeuvre. Considérant qu'il est établi que la
semi-remorque n'était munie d'aucun dispositif antivol étant observé que les arguments tirés de l'inefficacité de l'antivol de pivot d'attelage imposé par la compagnie HELVETIA comme de la couverture sans discussion du sinistre si la semi-remorque avait été attelée dans la mesure où le tracteur comportait un antivol sont inopérants dès lors que d'une part, ce dispositif est prescrit par l'assureur et que d'autre part, la clause 9203 A précitée définit comme véhicule routier tout véhicule ou attelage automobile, remorque ou semi-remorque même dételée ; considérant que seule la clause qui prive l'assuré du bénéfice de la garantie des risques de vol en considération de circonstances particulières de réalisation de risque s'analyse comme une exclusion de garantie ; considérant que la pose d'un système antivol imposé par la compagnie HELVETIA sur un véhicule routier au sens de la police qui s'analyse en une mesure permanente de prévention du risque constitue une condition de garantie qui n'est pas soumise aux prescriptions de l'article L 112-4 dernier alinéa du Code des Assurances ; considérant que l'absence d'installation d'un tel dispositif par la société WETZEL s'avérant patente, en l'espèce, la compagnie HELVETIA est en droit de lui refuser sa garantie. SUR LES AUTRES PRÉTENTIONS DES PARTIES : Considérant que l'équité commande d'allouer à chacune des intimées une indemnité supplémentaire de 1.850 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; que la société WETZEL qui succombe en son appel, supportera les dépens. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions par substitution partielle de motifs, CONDAMNE la SARL TRANSPORTS WETZEL à verser à chacune des sociétés intimées une indemnité complémentaire de 1.850 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, LA CONDAMNE aux dépens d'appel qui seront recouvrés par les SCP
LEFEVRE-TARDY et JULLIEN-LECHARNY-ROL, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRÊT RÉDIGÉ ET PRONONCÉ PAR MADAME LAPORTE, PRÉSIDENT ET ONT SIGNÉ LE PRÉSENT ARRÊT
LE GREFFIER FAISANT FONCTION
LE PRÉSIDENT QUI A ASSISTÉ AU PRONONCÉ CH. BOUCHILLOU
FRANOEOISE LAPORTE