La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/11/2002 | FRANCE | N°2000-3839

France | France, Cour d'appel de Versailles, 14 novembre 2002, 2000-3839


La société anonyme ORIAL, qui a été constituée en 1995, a pour objet social, notamment, l'exercice de la profession d'expert comptable et de commissaire aux comptes. La société FIDUCIAL, société civile qui a pour objet la prise de participations dans toutes entreprises, a procédé, le 1er février 1996, au dépôt d'une marque semi-figurative constituée du mot ORIAL et d'un logo, puis, le 28 mars suivant, a modifié sa dénomination sociale en "ORIAL". Alléguant de ses droits antérieurs, la société anonyme ORIAL a assigné la société civile ORIAL (anciennement FIDUCIAL) à com

paraître devant le tribunal de grande instance de Nanterre pour obtenir ...

La société anonyme ORIAL, qui a été constituée en 1995, a pour objet social, notamment, l'exercice de la profession d'expert comptable et de commissaire aux comptes. La société FIDUCIAL, société civile qui a pour objet la prise de participations dans toutes entreprises, a procédé, le 1er février 1996, au dépôt d'une marque semi-figurative constituée du mot ORIAL et d'un logo, puis, le 28 mars suivant, a modifié sa dénomination sociale en "ORIAL". Alléguant de ses droits antérieurs, la société anonyme ORIAL a assigné la société civile ORIAL (anciennement FIDUCIAL) à comparaître devant le tribunal de grande instance de Nanterre pour obtenir le transfert à son bénéfice de la marque, la modification de la dénomination sociale de la société civile ORIAL (anciennement FIDUCIAL) et une indemnité pour ses frais irrépétibles. Par jugement rendu le 17 avril 2000, cette juridiction l'a déboutée de toutes ses demandes et condamnée à payer 15.000 francs (2.286,74 euros) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Pour statuer ainsi, les premiers juges, relevant la qualité de holding de la société civile ORIAL (anciennement FIDUCIAL), ont considéré qu'aucun risque de confusion n'était démontré, nonobstant la détention de participations dans une société d'expertise comptable concurrente de la société anonyme ORIAL. La société anonyme ORIAL, qui a interjeté appel de cette décision, fait valoir que la société civile ORIAL (anciennement FIDUCIAL) exerce une activité analogue à la sienne et est inscrite à l'Ordre des experts comptables et à la compagnie nationale des commissaires aux comptes. Soulignant l'antériorité de ses droits sur la dénomination sociale ORIAL, elle se prévaut des dispositions de l'article L.711-4 du code de la propriété intellectuelle en faisant valoir l'existence d'un risque de confusion dès lors que les deux sociétés exercent leur activité sur des secteurs très proches et que la société civile ORIAL est liée à FIDUCIAL, confrère et concurrent.

Elle fait état de la réception de courriers qui ne lui étaient pas destinés et de nombreux appels de ses clients à la suite de la publication d'un article de presse concernant la société civile ORIAL (anciennement FIDUCIAL). Elle ajoute que la confusion créée dans l'esprit de certains de ses clients affaiblit son réseau international ce qui constitue un préjudice dont la preuve est, selon elle, rapportée. Elle demande en conséquence à la cour d'infirmer le jugement et, en faisant application des dispositions de l'article L.712-6 du code de la propriété intellectuelle, de dire que la propriété des droits détenus sur la marque ORIAL devra être transférée à son profit, d'ordonner à la société civile ORIAL (anciennement FIDUCIAL) de cesser d'utiliser la marque litigieuse pour l'avenir, et de procéder sous astreinte de 100 francs (15,24 euros) par jour à une modification de sa dénomination sociale, de la condamner enfin au paiement de 50.000 francs (7.622,45 euros) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La société civile ORIAL (anciennement FIDUCIAL) répond que les dispositions de l'article L.712-6 du code de la propriété intellectuelle imposent que soit prouvée la fraude du dépôt de la marque et soutient que la société anonyme ORIAL ne peut se contenter d'invoquer l'antériorité. Elle fait valoir que la preuve n'est pas rapportée que la marque aurait été déposée en connaissance de cause, dans le but de nuire, d'empêcher de procéder à un dépôt de la marque et d'en faire usage. Expliquant qu'elle est une société holding, détenant à titre principal des participations dans des entreprises non réglementées, non constituée entre membre de l'Ordre et pas inscrite à l'Ordre des experts comptables, elle prétend que le signe ORIAL n'est pas utilisé pour désigner une entreprise et des services susceptibles d'être confondus avec la société anonyme ORIAL. Elle demande à la cour de constater que le dépôt du 1er février 1996 n'a

aucun caractère frauduleux. Elle fait observer que la marque comporte aussi un logo, qu'elle est donc une marque complexe dont il n'est pas possible de céder partiellement un élément. Elle en déduit que la demande de transfert de la société anonyme ORIAL ne peut prospérer. Elle ajoute que la marque désigne un certain nombre de services qui ne rentrent pas dans l'activité de la société anonyme ORIAL laquelle ne peut en conséquence en revendiquer la propriété. Elle en déduit que l'action basée sur l'article L 712-6 du code de la propriété intellectuelle ne peut prospérer. Sans contester que la société anonyme ORIAL détient un droit, antérieur au dépôt de la marque, sur la dénomination sociale ORIAL, elle s'oppose à la demande de cessation de l'usage de cette marque basée sur les dispositions de l'article L.711-4 du code de la propriété intellectuelle, en affirmant l'absence de risque de confusion dans l'esprit de la clientèle et en réfutant à cet égard point par point les arguments de la société anonyme ORIAL. Elle expose que cette dernière, titulaire d'aucune marque, ne peut fonder sa demande en modification de la dénomination sociale sur les dispositions du code de la propriété intellectuelle et soutient que l'action ne peut prospérer que dans la mesure où est démontré un risque de confusion entre les deux dénominations sociales, ce qu'elle conteste en l'espèce, soulignant que la confusion invoquée ne causerait, en tout état de cause, aucun préjudice à la société anonyme ORIAL qui ne demande aucune indemnité financière. Aussi conclut-elle à la confirmation du jugement et réclame 7.621,95 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 13 juin 2002 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 03 octobre 2002. MOTIFS DE LA DECISION Considérant que la société anonyme ORIAL, constituée par un groupement d'experts comptables, a pour objet social l'exercice

des professions d'expert comptable et de commissaire aux comptes et a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Lyon le 06 juillet 1995 ; Considérant que la société civile ORIAL a, sous son ancienne dénomination de FIDUCIAL, procédé le 1er février 1996 au dépôt à l'Institut national de la propriété industrielle d'une marque semi-figurative constituée d'un logo en forme de quadrilatère aux côtés égaux, aux coins arrondis, barré horizontalement d'une ligne sinueuse, sous lequel figure le mot "ORIAL" ; que cette marque complexe a été publiée le 08 mars 1996 sous le numéro 96608736 ; qu'elle est inscrite pour les classes 35, 36 et 42 et vise la prise de tous intérêts et participations financières, ainsi que leur administration, leur gestion, leur contrôle et leur mise en valeur et la fourniture de services aux sociétés contrôlées ; Considérant que la société anonyme ORIAL, revendique les droits de la société civile ORIAL (anciennement FIDUCIAL) sur la marque déposée en application des dispositions de l'article L712-6 du code de la propriété intellectuelle mais en faisant valoir que le dépôt de la marque n'a pas été effectué conformément aux dispositions de l'article L.711-4 dudit code ; Considérant toutefois que la mise en ouvre d'une revendication de marque sur le fondement de l'article L.712-6 nécessite que soit démontré le caractère frauduleux du dépôt ; Considérant qu'à cet égard, la société anonyme ORIAL n'allègue aucunement la fraude ; qu'il n'est nullement établi que la société civile ORIAL (anciennement FIDUCIAL), dont le siège est à Paris, pouvait avoir connaissance avant le dépôt de la marque, de l'existence récente de la société anonyme ORIAL à Lyon ; Qu'elle se borne à affirmer que le dépôt n'a pas été effectué conformément aux dispositions de l'article L.711-4 du code de la propriété intellectuelle, en opposant au déposant de la marque litigieuse, l'antériorité des droits qu'elle détient sur le vocable ORIAL en

raison de sa dénomination sociale ; Considérant que ce texte édicte que ne peut être adopté comme marque, un signe portant atteinte à des droits antérieurs et, notamment, à une dénomination sociale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ; Considérant que, pour démontrer le risque de confusion qu'elle allègue, la société anonyme ORIAL affirme qu'elle est une société holding de groupe détenant des titres de sociétés d'experts comptables et de commissaires aux comptes, et que la société civile ORIAL (anciennement FIDUCIAL) est pareillement un holding de groupe ; Mais considérant que l'extrait d'immatriculation de la société anonyme ORIAL mentionne que les activités qu'elle exerce effectivement sont les professions d'expert comptable et de commissaire aux comptes alors que celles concernant la société civile ORIAL (anciennement FIDUCIAL) font état de "la prise d'intérêts et de participations dans toutes entreprises existantes ou à créer en France et dans tous pays, la conservation, administration et la gestion des titres ainsi possédés" ; Considérant que la société anonyme ORIAL expose être inscrite au tableau de l'Ordre des experts comptables et à la Compagnie Nationale des commissaires aux comptes ; que c'est sans en apporter la démonstration qu'elle soutient qu'il en est de même de la société civile ORIAL (anciennement FIDUCIAL), laquelle le dénie ; Considérant que la société anonyme ORIAL affirme que le risque de confusion réside dans le fait que la société civile ORIAL est liée à la société FIDUCIAL, confrère et concurrent, sans produire aux débats aucun élément de nature à établir la réalité d'un usage par FIDUCIAL de la marque litigieuse et sans même alléguer que la société civile ORIAL aurait, sous sa dénomination et en usant de la marque litigieuse, des contacts avec la clientèle des sociétés dont, en sa qualité de holding, elle aurait le contrôle direct ou indirect ; Considérant que la société anonyme ORIAL explique elle-même que

l'activité essentielle de la société civile ORIAL (anciennement FIDUCIAL) est la prise d'intérêts dans des sociétés de services dans le secteur de la technologie de pointe et plus particulièrement de l'informatique ; que cette affirmation est corroborée par plusieurs articles de presse faisant état de la prise de contrôle par cette société de l'éditeur de logiciel "SERVANT SOFT" ; que ces activités n'ont pas de point commun avec les professions réglementées d'expert comptable ou de commissaires aux comptes, le recours à des outils informatiques n'étant pas spécifique à ces professions ; Considérant que la réception par la société anonyme ORIAL, à Lyon, d'un envoi d'avenant à un prêt par le CREDIT LYONNAIS, d'un courrier électronique adressé à "ballary.orial.fr" et d'une proposition immobilière émanant de la cellule économique de la Ville de CHAUMONT (Haute Marne), ne démontrent pas l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle qui résulterait de l'usage par la société civile ORIAL (anciennement FIDUCIAL) de la marque litigieuse ; que ces correspondances adressées par erreur n'émanent pas, en effet, de clients ; Qu'il suit de là que la société anonyme ORIAL, qui n'établit pas la réalité d'un risque de confusion, ne peut opposer l'antériorité de sa dénomination sociale à la validité du dépôt de la marque d'autant qu'elle n'en réclame pas l'annulation mais le transfert à son bénéfice, en application des dispositions de l'article L.712-6 ; Considérant que la société anonyme ORIAL qui ne dispose d'aucun droit sur la marque semi-figurative déposée par la société civile ORIAL (anciennement FIDUCIAL) n'est pas fondée à demander que soit ordonnée à cette dernière une modification de sa dénomination sociale dès lors que n'est pas démontré le risque de confusion préjudiciable entre les deux sociétés qui déploient des activités différentes, dont l'une est implantée à COURBEVOIE et l'autre à LYON ; Qu'il convient, en conséquence de ce qui précède de

confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; Considérant que l'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Considérant que l'appelante qui succombe dans l'exercice de son recours doit être condamnée aux dépens ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris, Y ajoutant, DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, CONDAMNE la société anonyme ORIAL aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par la SCP LISSARRAGUE-DUPUIS et ASSOCIES, société titulaire d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. ARRET REDIGE PAR MONSIEUR COUPIN, CONSEILLER PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET

LE GREFFIER FAISANT FONCTION

LE PRESIDENT QUI A ASSISTE AU PRONONCE CH. BOUCHILLOU

FRANOEOISE X...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 2000-3839
Date de la décision : 14/11/2002

Analyses

MARQUE DE FABRIQUE - Dépôt - Revendication - Fraude - Dénomination antérieure

La mise en ouvre d'une revendication de marque sur le fondement de l'article L 712-6 du Code de la propriété intellectuelle nécessite la démonstration du caractère frauduleux du dépôt. Il suit de là que celui qui, sans alléguer aucune fraude, se borne à opposer au déposant l'antériorité de ses droits sur un voc- able utilisé par elle comme nom commercial, en invoquant l'irrégularité du dépôt au regard des dispositions de l'article L 711-4 du code précité, doit établir l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public.Tel n'est pas le cas de deux sociétés qui, implantées, l'une en région parisienne, l'autre dans la région lyonnaise, déploient des activités différentes


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2002-11-14;2000.3839 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award