La Cour est saisie de l'appel nullité interjeté par la SA LA FELLETINOISE ENTREPRISE, représentée par Maître BACHELIER, mandataire ad litem, à l'encontre du jugement rendu le 17 janvier 2002 par le Tribunal de commerce de Nanterre qui a prorogé la durée du plan de redressement et la mission du commissaire à l'exécution du plan de redressement de la SA LA FELLETINOISE ENTREPRISE. Par jugement en date du 2 juillet 1998 le Tribunal de commerce de Versailles a ouvert la procédure de redressement judiciaire de la SA LA FELLETINOISE ENTREPRISE. Par jugement en date du 3 février 1999, le Tribunal de commerce de Versailles a arrêté le plan de cession totale de l'entreprise, l'activité menuiserie ayant été cédée à la société PARIS OUEST, aux droits de laquelle se trouve la SARL LA FELLETINOISE MENUISERIE, et l'activité de gros oeuvre ayant été cédée à la société GUEBLIF. Ce jugement a fixé la durée du plan à un an, et a nommé pour la durée du plan Maître Véronique BECHERET Commissaire à l'exécution du plan. Par ordonnance en date du 21 juillet 1999, le Juge-Commissaire a désigné, en qualité de personne qualifiée, Monsieur X..., pour analyser les documents sociaux et la gestion de la société. Par jugement rendu le 25 janvier 2001, le Tribunal de commerce de Nanterre a prorogé la durée du plan et de la mission du commissaire à l'exécution du plan jusqu'au 31 décembre 2001. Par requête en date du 14 décembre 2001, la SCP BECHERET THIERRY et Maître BECHERET, es qualités, ont demandé au Tribunal de commerce de Nanterre de bien vouloir proroger la durée du plan et la mission du commissaire à l'exécution du plan. Par jugement en date du 17 janvier 2002, le Tribunal de commerce de Nanterre a prorogé jusqu'au 31 décembre 2003 la durée du plan et la mission du commissaire à l'exécution du plan. La SA LA FELLETINOISE ENTREPRISE, représentée par Maître BACHELIER, mandataire ad litem, a interjeté appel nullité de ce jugement et demande à la Cour : - de dire que le jugement est
nul car la requête n'a pu saisir le Tribunal de commerce qui ne pouvait l'être valablement que par une citation délivrée aux parties, - de dire que le jugement est nul pour non respect du principe du contradictoire, et notamment non convocation des parties visées par l'article L.621-69 du Code de commerce, - de dire que le jugement est nul car le Tribunal de commerce a commis un excès de pouvoir dans la mesure où il n'avait pas le pouvoir de proroger la durée du plan et la mission du commissaire à l'exécution du plan, à seule fin de permettre à ce dernier d'engager une action à l'encontre des dirigeants sociaux, et d'engager une action pour obtenir l'annulation de paiement effectués en période suspecte, - de débouter la SCP BECHERET THIERRY, es qualités, de toutes ses prétentions. La SA LA FELLETINOISE ENTREPRISE souligne que le jugement a été rendu au pied de la requête déposée par la SCP BECHERET THIERRY et par Maître BECHERET, es qualités. Elle soutient que le jugement doit être annulé, d'une part parce que les dispositions de l'article L.621-69 du Code de commerce qui veulent que soient cités à l'audience, les parties, les représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et toute personne intéressée, n'ont pas été respectées, et que par ailleurs le principe du contradictoire n'a pas été respecté, le jugement ayant été rendu sur les seules observations de l'auteur de la requête. La SA LA FELLETINOISE ENTREPRISE soutient également que le jugement est nul car le Tribunal de commerce a commis un excès de pouvoir dans la mesure où il n'avait pas le pouvoir de proroger la durée du plan et la mission du commissaire à l'exécution du plan, à seule fin de permettre à ce dernier d'engager une action à l'encontre des dirigeants sociaux, et d'engager une action pour obtenir l'annulation de paiement effectués en période suspecte. A ce propos elle souligne que l'article 90 du décret 85-1388 du 27 décembre 1985 dispose que les instances auxquelles est
partie l'administrateur ou le représentant des créanciers et qui ne sont pas terminées lorsque la mission de ces derniers a pris fin, sont poursuivies par le commissaire à l'exécution du plan ou si celui-ci n'est plus en fonction, par un mandataire ad hoc désigné par le tribunal devant lequel s'est déroulée la procédure de redressement judiciaire. La SCP BECHERET THIERRY, es qualités, demande à la Cour, à titre principal, puis subsidiaire : - de dire que le jugement constitue une mesure d'administration judiciaire qui n'est susceptible d'aucun recours et qu'en conséquence l'appel est irrecevable, - de dire que la SA LA FELLETINOISE ENTREPRISE n'étant pas partie au jugement, est irrecevable en son appel, - de dire que l'appel est irrecevable car tardif, ayant été déclaré le 5 février 2002, plus de 10 jours après le prononcé du jugement du 17 janvier 2002, - de dire que la SA LA FELLETINOISE ENTREPRISE n'a pas qualité pour faire appel, à défaut d'intérêt, - de dire que le Tribunal de commerce a statué dans la limite de ses pouvoirs, - de dire que la mission du commissaire à l'exécution du plan se poursuit à l'expiration du plan, la procédure n'étant pas clôturée, le prix de cession n'étant pas réparti, des actifs restant à réaliser et des actions judiciaires demeurant à entreprendre, - de confirmer le jugement, La société GUEBLIF demande à la Cour de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur la nullité du jugement, de condamner tout succombant aux dépens, et à lui payer la somme de 1.500 EUR sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Monsieur Y..., représentant des salariés, et la SARL FELLETINOISE MENUISERIE ont été assignés, mais n'ont pas constitué Avoué.
DISCUSSION Sur le jugement déféré Considérant que la SCP BECHERET THIERRY et Maître BECHERET, es qualités, ont saisi par requête le Tribunal de commerce de Nanterre aux fins de prorogation de la durée
du plan de redressement par voie de cession de la SA LA FELLETINOISE ENTREPRISE, et de leur mission de commissaire chargé de l'exécution du plan ; Considérant que le Tribunal de commerce de Nanterre a fait droit à cette requête ; Sur l'application des dispositions de l'article L.621-69 Considérant que la SA LA FELLETINOISE ENTREPRISE soutient que la prorogation de la durée du plan et de la mission du commissaire à l'exécution du plan ne peut se faire qu'en application des dispositions de l'article L.621-69 du Code de commerce et ne peut donc être demandée que par le chef d'entreprise, et en suivant la procédure prévue par cet article, exigeant la citation des parties, des représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et de toute personne intéressée ; Mais considérant que l'article L.621-69 s'applique lorsque le chef d'entreprise demande une modification substantielle dans les objectifs et les moyens du plan (qui ne peut être un changement dans le montant du prix) ; que cet article n'a donc pas vocation à s'appliquer lorsque comme en l'espèce le commissaire à l'exécution du plan demande la prorogation de la durée du plan et de sa mission ; Sur la nature gracieuse de la demande Considérant que la SA LA FELLETINOISE ENTREPRISE soutient que le Tribunal de commerce ne pouvait statuer qu'après avoir entendu ou appelé les parties, et qu'en conséquence le Tribunal de commerce n'a pas été valablement saisi par requête, et que le jugement est nul pour non respect du principe du contradictoire ; Mais considérant que la prorogation de la durée d'un plan de cession et de la mission du commissaire à l'exécution du plan relève de la juridiction gracieuse ; que l'existence d'instances, ou la perspective d'instances, poursuivies ou engagées par le commissaire à l'exécution du plan, est sans incidence sur la qualification gracieuse de la décision de prorogation qui, en elle-même, ne revêt aucun caractère litigieux ; Considérant que c'est donc à bon droit que la juridiction a été
saisie par voie de requête, conformément aux dispositions de l'article 60 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Considérant que si l'article 332 du Nouveau Code de Procédure Civile ouvre la faculté pour la juridiction d'ordonner la mise en cause des personnes dont les droits ou les charges risquent d'être affectés par la décision à prendre, il ne lui en fait pas obligation ; qu'ainsi le jugement a pu être valablement rendu sans débat contradictoire ; Sur le droit de faire appel de la SA LA FELLETINOISE ENTREPRISE Considérant que la SCP BECHERET THIERRY et Maître BECHERET, es qualités, font observer que comme le rappelle l'article 546 du Nouveau Code de Procédure Civile, la voie de l'appel n'est ouverte qu'aux parties au jugement, et en déduisent que cette voie de recours n'est pas ouverte à la SA LA FELLETINOISE ENTREPRISE qui n'était pas partie au jugement ; Mais considérant qu'en matière gracieuse le même article 546 précise que la voie de l'appel est également ouverte aux tiers auxquels le jugement a été notifié ; Considérant que les éléments du dossier ne permettent pas de s'assurer que le jugement n'a pas été notifié à la SA LA FELLETINOISE ENTREPRISE ; Considérant que de toute façon il n'est pas douteux que le jugement concerne directement les droits du débiteur, et que le jugement aurait dû lui être notifié ; Considérant que cette absence de notification ne doit pas le priver de son droit de faire appel ; que l'exception d'irrecevabilité de l'appel sera en conséquence rejetée ; Considérant que d'autre part, le délai d'appel n'ayant pas couru à défaut de notification, le recours n'est pas tardif ; Considérant enfin que la prorogation de la durée du plan et de la mission du commissaire à l'exécution du plan, concerne directement les droits du débiteur, ainsi qu'il a été dit ; qu'il s'en déduit que l'exception d'irrecevabilité pour défaut d'intérêt doit être rejetée ; Sur le pouvoir du Tribunal de commerce de proroger la durée du plan et celle de la mission du commissaire à
l'exécution du plan Considérant que la SA LA FELLETINOISE ENTREPRISE soutient que le jugement est nul car le Tribunal de commerce a commis un excès de pouvoir dans la mesure où il n'avait pas le pouvoir de proroger la durée du plan et la mission du commissaire à l'exécution du plan, à seule fin de permettre à ce dernier d'engager une action à l'encontre des dirigeants sociaux, et d'engager une action pour obtenir l'annulation de paiement effectués en période suspecte ; Mais considérant que l'article L.624-6 donne mission au commissaire à l'exécution du plan d'engager contre les dirigeants, le cas échéant, les actions prévues par les articles L.624-3 à L.624-5 ; que de même l'article L.621-110 lui donne mission d'engager, le cas échéant, les actions en nullité prévues par les articles L.621-107 et suivants ; Considérant que le commissaire à l'exécution du plan a le droit, sinon le devoir, de demander une prorogation de la durée du plan et de la durée de sa mission, pour lui permettre d'accomplir sa mission dans son intégralité ; Considérant d'ailleurs qu'il résulte des dispositions de l'article 106 du décret 85-1388 du 27 décembre 1985 que le commissaire à l'exécution du plan doit attendre le terme des actions et procédures engagées dans l'intérêt de l'entreprise ou des créanciers, pour en dresser rapport, avant de procéder à la reddition des comptes pour qu'il puisse être mis fin à sa mission ; Considérant que de son côté le Tribunal de commerce se doit de donner au commissaire à l'exécution du plan les moyens, et donc le temps, d'aller au bout de sa mission ; que l'on doit en conséquence lui en reconnaître le pouvoir ; Qu'il échet en conséquence de rejeter le moyen de nullité tiré de l'excès de pouvoir ; Sur le fond Considérant sur le fond que la SA LA FELLETINOISE ENTREPRISE soutient que le Tribunal de commerce n'aurait pas dû prolonger la durée du plan et la mission du commissaire à l'exécution du plan, mais aurait dû désigner un mandataire ad hoc, conformément aux dispositions de l'article 90
du décret 85-1388 du 27 décembre 1985 ; Mais considérant que cet article dispose que les instances auxquelles est partie l'administrateur ou le représentant des créanciers et qui ne sont pas terminées lorsque la mission de ces derniers a pris fin, sont poursuivies par le commissaire à l'exécution du plan ou si celui-ci n'est plus en fonction, par un mandataire ad hoc désigné par le tribunal devant lequel s'est déroulée la procédure de redressement judiciaire ; Considérant que cet article permet la nomination d'un mandataire ad hoc pour poursuivre les actions qui ne sont pas terminées lorsque le commissaire à l'exécution du plan n'est plus en fonction, mais ne diminue en rien le pouvoir du Tribunal de commerce de prolonger la durée de la mission du commissaire à l'exécution du plan, lorsqu'il n'a pas achevé toutes les tâches qui lui incombent ; Considérant qu'ainsi rien ne s'oppose à la prorogation de la durée du plan et de la mission du commissaire à l'exécution du plan ; que ces prorogations apparaissent opportunes pour permettre au commissaire à l'exécution du plan de mener à bien sa mission, et notamment celle d'introduire, ainsi qu'il a été dit, les actions visées par les articles L.624-6 et L.621-110 du Code de commerce ; Qu'il échet en conséquence de confirmer le jugement ; Sur les autres demandes Considérant qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties la totalité des frais irrépétibles exposés par elles ; Considérant que la SA LA FELLETINOISE ENTREPRISE qui succombe sera condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS Statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire, Déclare recevable l'appel interjeté par la SA LA FELLETINOISE ENTREPRISE, Déboute la SA LA FELLETINOISE ENTREPRISE de sa demande en annulation du jugement rendu le 17 janvier 2002 par le Tribunal de commerce de Nanterre, Confirme le jugement, Condamne la SA LA FELLETINOISE ENTREPRISE aux dépens d'appel et accorde à la SCP
JULLIEN - LECHARNY - ROL, et à la SCP LEFEVRE etamp; TARDY, titulaires d'un office d'Avoué, le droit de recouvrement conforme aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile, Et ont signé le présent arrêt : Monsieur Jean Z..., qui l'a prononcé, Madame Michèle A..., qui a assisté à son prononcé, Le GREFFIER,
Le PRESIDENT,