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07/11/2002 | FRANCE | N°2001-4957

France | France, Cour d'appel de Versailles, 07 novembre 2002, 2001-4957


Monsieur Ali X... et son épouse avaient consenti à monsieur Amar Y... un bail sur divers locaux commerciaux dont ils étaient propriétaires 12 rue Arago à PUTEAUX. Monsieur Hocine X... leur fils, devenu par héritage et licitation l'unique propriétaire de ce bien en mars 1990, a délivré au locataire, en juillet 1991, un congé pour le 1er février suivant, sans offre de renouvellement. Un expert judiciaire fut désigné qui a rendu son rapport le 11 mars 1994. Le 07 avril 1994, monsieur Hocine X... cédait la moitié indivise de l'immeuble à la SCI SL. Par jugement rendu le 07 septembr

e 1995, signifié le 22 janvier 1996 et devenu définitif, le tri...

Monsieur Ali X... et son épouse avaient consenti à monsieur Amar Y... un bail sur divers locaux commerciaux dont ils étaient propriétaires 12 rue Arago à PUTEAUX. Monsieur Hocine X... leur fils, devenu par héritage et licitation l'unique propriétaire de ce bien en mars 1990, a délivré au locataire, en juillet 1991, un congé pour le 1er février suivant, sans offre de renouvellement. Un expert judiciaire fut désigné qui a rendu son rapport le 11 mars 1994. Le 07 avril 1994, monsieur Hocine X... cédait la moitié indivise de l'immeuble à la SCI SL. Par jugement rendu le 07 septembre 1995, signifié le 22 janvier 1996 et devenu définitif, le tribunal de grande instance de Nanterre fixait à 370.000 francs (56.406,14 euros) l'indemnité d'éviction et à 34.800 francs (5.305,23 euros) celle d'occupation à compter du 1er février 1992. Le 24 décembre 1997, monsieur Hocine X... a cédé la moitié indivise de propriété qu'il possédait encore à la SCI SL qui est ainsi, depuis, seule propriétaire de la totalité de l'immeuble. L'hypothèque judiciaire prise et la saisie attribution pratiquée antérieurement à cette vente n'ont pas été suffisantes pour désintéresser monsieur Y... qui a assigné la SCI SL devant le tribunal de grande instance de Nanterre pour lui réclamer le paiement de 352.788,09 francs (53.782,20 euros) au titre de l'indemnité d'éviction et des intérêts courus, 200.000 francs (30.489,80 euros) de dommages et intérêts et 30.000 francs (4.573,47 euros) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Par jugement rendu le 11 mai 2001, cette juridiction, considérant que la charge de l'indemnité d'éviction constitue une dette personnelle et non une sûreté réelle et qu'il n'y avait eu aucune subrogation conventionnelle de la SCI SL, déniant à la deuxième vente immobilière la qualification de licitation, retenant que le congé avait été délivré avant la première vente immobilière, a débouté monsieur Y... de l'intégralité de ses demandes

et l'a condamné aux dépens. Monsieur Amar Y..., qui a interjeté appel de cette décision, rappelant les dispositions des articles 8 et 32 du décret du 30 septembre 1953 (en réalité L.145-14 et L.145-58 du code de commerce) et celles de l'article 883 du code civil, fait valoir que le propriétaire qui avait la qualité pour, dans le délai de quinze jours, exercer le droit de repentir était l'indivision existant entre lui et la SCI SL. Il en déduit que, à défaut d'exercice de ce droit, l'indemnité d'éviction devenait une charge des propriétaires indivis. Il soutient que la vente à laquelle il a été procédé ensuite, qu'il qualifie de licitation, a fait cesser l'indivision et a eu les effets déclaratifs d'un partage, que la SCI SL s'est ainsi trouvée propriétaire de la totalité de l'immeuble depuis le 07 avril 1994, date de son entrée dans l'indivision. Il en tire la conséquence qu'elle lui est redevable de la totalité de l'indemnité d'éviction. Il fait au surplus valoir le préjudice qui découle de l'impossibilité pour lui de se réinstaller et de consentir des garanties sur le fonds qui lui permettraient d'en assurer le fonctionnement et le développement. Il demande en conséquence à la cour de réformer le jugement entrepris, de condamner la SCI SL à lui payer 313.869,47 francs (47.849,09 euros), d'ordonner la capitalisation des intérêts courus sur cette somme depuis le 24 décembre 1997, de condamner la SCI SL au paiement de 200.000 francs (30.489,80 euros) de dommages et intérêts et 40.000 francs (6.097,96 euros) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La SCI SL réfute l'argumentation de monsieur Y..., selon elle contraire à la jurisprudence aux termes de laquelle l'indemnité d'éviction constitue une dette personnelle à la charge du bailleur ayant refusé le renouvellement du bail et dont il n'est pas déchargé par la vente de l'immeuble. Faisant observer qu'elle est devenue, partiellement puis totalement, propriétaire de l'immeuble

postérieurement à la délivrance du congé, soulignant que l'acte de vente du 07 avril 1994 stipule que le bien vendu est libre de toute location ou occupation et que celui du 24 décembre 1997 ne comporte aucune clause de subrogation, elle soutient que monsieur Y... est privé de tout recours à son encontre et conclut à la confirmation du jugement. Subsidiairement, elle fait valoir que monsieur Y... ne lui règle pas l'indemnité d'occupation et est, ainsi, redevable d'une somme de 53.052,30 euros à la date du 1er février 2002, équivalente au montant de son indemnité d'éviction, ce qui prive, selon elle, la procédure d'intérêt en raison de la compensation légale entre ces deux créances certaines. Elle soutient que la demande en paiement de dommages et intérêts est irrecevable et mal fondée dès lors que monsieur Y... continue d'exploiter le fonds sans payer l'indemnité d'occupation. Elle demande à la cour d'en débouter monsieur Y... et de le condamner, en tout état de cause, à lui payer 2.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 13 juin 2002 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 24 septembre 2002. MOTIFS DE LA DECISION Considérant que les dispositions de l'article L.145-14 du code de commerce font naître à la charge du bailleur, auteur du congé avec refus de renouvellement, une dette personnelle à l'égard du locataire évincé, constituée de l'indemnité égale au préjudice causé par l'éviction ; Considérant que monsieur Y..., relève qu'entre la date d'effet du congé et celle du jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 07 septembre 1995, signifié le 22 janvier 1996, monsieur Hocine X... a cédé à la SCI SL la moitié indivise de la propriété de l'immeuble ; Qu'invoquant les dispositions de l'article L.145-58 du code de commerce, il fait valoir que seuls les copropriétaires indivis pouvaient, dans le délai du 15 jours du 23 février 1996,

exercer leur droit de repentir et se dispenser ainsi de payer l'indemnité ; Qu'il en déduit que cette dernière devenait une charge des propriétaires indivis ; Mais considérant qu'en cas de vente de l'immeuble, en sa totalité ou pour une fraction indivise, l'obligation de payer l'indemnité d'éviction ne se transmet pas avec la propriété de l'immeuble, les obligations nées du bail présentant un caractère personnel et non réel ; Que le délai de quinze jours édicté à l'article L.145-58 définit la date limite d'exigibilité de l'indemnité et non l'identité de son débiteur ; Que l'exercice par le nouveau propriétaire de son droit de repentir a seulement pour effet d'éteindre une dette existant à la charge de l'ancien ; qu'il ne peut être déduit, a contrario, du défaut d'exercice de ce droit, que le cessionnaire de l'immeuble deviendrait le nouveau débiteur de l'indemnité ; Qu'il s'ensuit qu'à défaut de toute stipulation de subrogation dans chacun des deux actes de vente des moitiés indivises de la propriété de l'immeuble, signés entre monsieur Hocine X... et la SCI SL, le 07 avril 1994 et le 27 décembre 1997, monsieur Y... n'est pas fondé à réclamer à la SCI SL le paiement de tout ou partie de l'indemnité d'éviction dont la charge, née avec le congé, n'a pas été transmise au nouveau propriétaire, comme des dommages et intérêts réparant le préjudice de la prétendue rétention ; Que les considérations sur l'effet déclaratif de la vente, intervenue le 24 décembre 1997, par monsieur X... de la seconde moitié de la propriété indivise de l'immeuble, sont dès lors sans portée puisque la charge de l'indemnité n'a pas été transmise lors de la première cession ; Que le jugement entrepris doit, en conséquence de ce qui précède, recevoir confirmation ; Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la SCI SL des frais qu'elle a été contrainte d'engager en cause d'appel ; que monsieur Y... sera condamné à lui payer une indemnité de 1.500 euros en application de l'article 700 du nouveau

code de procédure civile ; Considérant que l'appelant qui succombe dans l'exercice de son recours doit être condamné aux dépens ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris, Y ajoutant, CONDAMNE monsieur Y... à payer à la SCI SL la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, LE CONDAMNE aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par la SCP JULLIEN-LECHARNY-ROL, société titulaire d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. ARRET REDIGE PAR MONSIEUR COUPIN, CONSEILLER PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET

LE GREFFIER

LE PRESIDENT M. THERESE Z...

FRANOEOISE LAPORTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 2001-4957
Date de la décision : 07/11/2002

Analyses

BAIL COMMERCIAL - Indemnité d'éviction - Paiement - Charge - Bailleur ayant délivré le congé - Vente de l'immeuble - Portée - /

Les obligations nées du contrat de bail ayant un caractère non réel mais personnel, en cas de vente, totale ou partielle, d'un immeuble grevé par un bail commercial, et en l'absence de toute stipulation de subrogation dans l'acte de vente, l'obligation de payer l'indemnité d'éviction incombe toujours au bailleur qui a évincé le preneur pour vendre l'immeuble loué et non à l'acquéreur de cet immeuble


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2002-11-07;2001.4957 ?
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