La société SODIMER exploitait à MERU (Oise) un magasin sous le panonceau CENTRE LECLERC, dans le cadre d'un contrat signé le 10 juillet 1979 entre sa dirigeante et actionnaire majoritaire, madame X..., et l'Association des Centres Leclerc. Madame X... a démissionné de l'association le 09 avril 1996 à effet du 28 du même mois. Parallèlement et par lettre du 12 avril 1996, la société SODIMER démissionnait du GALEC, société coopérative, centrale nationale de référencement du groupement Leclerc. Cette dernière, après que son assemblée générale réunie le 23 juin 1997 eut prononcé l'exclusion de la société SODIMER a interrompu tout reversement de ristournes à son ancien adhérent et l'a attrait devant le tribunal de commerce de Nanterre pour obtenir, en application de la clause pénale prévue à l'article 12 des statuts, sa condamnation au paiement de 892.953 francs (136.129,81 euros). Elle s'est, sur le même fondement, opposé au reversement des ristournes. Cette juridiction a rejeté la demande de la société SODIMER de prononcer la nullité de l'article 12 des statuts et n'a pas considéré que la clause pénale présentait un caractère manifestement excessif. Elle a fait droit aux demandes de la société coopérative GALEC et a rejeté celles reconventionnelles de la société SODIMER en paiement des ristournes et en désignation d'un expert. La société SODIMER, qui a interjeté appel de cette décision, soutient que les rapports contractuels sur lesquels se fonde le GALEC sont nuls. Elle rappelle que l'article 52 de la loi du 24 juillet 1867, devenu L 231-6 du Code de Commerce, pose le principe du droit au retrait des associés d'une société coopérative. Elle explique que ce droit, d'ordre public, ne peut être laissé à la libre initiative des dirigeants de la coopérative et rappelle que sont nulles les stipulations qui le remettent directement ou indirectement en cause. Elle fait valoir que les pénalités prévues dans les statuts du GALEC, déterminées à raison d'une somme égale à 0,50% du chiffre d'affaires
HT de la dernière année civile et du non-paiement des droits à ristournes dans la limite de 18 mois, sont tellement lourdes qu'elles rendent impossible tout départ alors que, par ailleurs, une durée d'affiliation minimum de vingt-cinq ans est imposée aux sociétaires. Elle ajoute qu'elle s'est trouvée contrainte de payer en plus à la société SCAPNORD, centrale d'achat, une somme de 1.304.182,83 francs (198.821,39 euros). Elle en déduit que le montant total des pénalités que le groupement LECLERC entend mettre à la charge des adhérents représente une somme colossale qui rend impossible toute velléité de retrait et que l'article 12 des statuts est incompatible avec l'article 52 de la loi du 24 juillet 1867 (L 231-6 du Code de Commerce. Subsidiairement, elle fait valoir le caractère manifestement excessif de la clause pénale que constitue l'application de cet article 12, dès lors que le GALEC ne justifie d'aucun préjudice particulier. Elle rappelle que le demandeur à l'application d'une clause pénale ne doit en retirer aucun avantage excessif. Elle invoque une jurisprudence de la cour de cassation qui a estimé qu'il existait des incertitudes sur les modalités objectives des décomptes des ristournes liées à l'existence des redevances confidentielles perçues par le groupement pour le compte de l'adhérent et conservées par celui-là. Elle soutient que les deux pénalités de l'article 12 ne visent en réalité qu'à réparer le même préjudice. Elle demande la désignation d'un expert afin de connaître le montant total des ristournes consenties par les fournisseurs au GALEC et qui doivent lui revenir. Aussi conclut-elle à la réformation de la décision entreprise et au débouté de la société coopérative GALEC. Subsidiairement, elle demande à la cour de dire et juger que l'article 12 des statuts constitue une clause pénale qui doit être réduite à 1 franc (0,15 euro) et, en tout état de cause, de condamner le GALEC à lui rembourser les ristournes qui lui sont dues, de dire
et juger que ce dernier ne saurait conserver les ristournes et une pénalité dont le montant est indéterminé, de nommer un expert pour connaître le montant des ristournes non versées auxquelles elle peut légitimement prétendre. Elle réclame au surplus 100.000 francs (15.244,90 euros) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La société coopérative GALEC répond en faisant un long exposé sur les modalités d'organisation et de fonctionnement du mouvement LECLERC et rappelle qu'y est appliqué "l'exclusivisme coopératif" qui justifie qu'aient été mis en place, avec l'approbation de la société SODIMER et de madame Y..., des mécanismes protecteurs en cas de départ d'un coopérateur et notamment les pactes de préférence sur toute cession d'actions ou de fonds de commerce et l'article 12 des statuts. Elle fait observer que la force de chaque entreprise individuelle reposant sur la stabilité et l'essor du mouvement collectif. Elle explique que madame Y... a démissionné et a cédé, sans même respecter le préavis de trois mois, les actions de la société SODIMER au groupe INTERMARCHE et que cette situation a entraîné la mise en ouvre de la procédure d'exclusion. Elle soutient qu'il est parfaitement licite de convenir statutairement, dans une société coopérative, qu'il sera fait obstacle au droit de retrait du coopérateur. Elle indique qu'en l'espèce, l'engagement de fidélité d'une durée de vingt-cinq ans ne constitue qu'une modalité de mise en ouvre des possibilités qu'offre l'article 52 de la loi du 24 juillet 1867, devenu L 231-6 du Code de Commerce. Elle fait valoir que le montant de l'indemnité, prévue par l'article 12 des statuts, ne fait pas obstacle au droit de retrait du coopérateur, trouve une justification économique, résulte du vote unanime des coopérateurs et est exactement proportionnel aux opérations commerciales réalisées avec la coopérative. Elle fait observer que le taux de 0,50% n'est manifestement pas excessif compte
tenu de la durée de l'engagement et du taux de cotisation annuelle de 0,10% du chiffre d'affaires. Elle précise qu'en l'espèce le montant des ristournes non encore distribuées qui lui restent acquises correspondait à une somme de 858.686 francs (130.905,84 euros) et souligne que le total ne représente que 1,20% du chiffre d'affaires d'un seul exercice de la société SODIMER. Elle affirme également la justification juridique de l'indemnité forfaitaire en raison de la réciprocité des relations contractuelles et fait observer que la clause pénale repose fondamentalement, non sur la notion de préjudice, mais sur celles de la force obligatoire du contrat et de la contrainte, seule l'inexécution de l'obligation constituant le fondement nécessaire et suffisant de la clause pénale qui ne peut être réduite qu'à titre exceptionnel lorsqu'elle a un caractère manifestement excessif ce qui n'est pas, selon elle, le cas en l'espèce. Elle décrit les modalités de rétrocession des ristournes obtenues des fournisseurs, explique les raisons de celles dites "confidentielles" et fait valoir que chaque coopérateur ne peut en ignorer les montants puisqu'il connaît le chiffre d'affaires qu'il a réalisé avec le fournisseur, possède l'accord GALEC lui-même et l'état de répartition. Elle demande en conséquence à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter la société SODIMER de toutes ses demandes et de la condamner à lui payer 4.600 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 12 septembre 2002 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 15 octobre 2002. MOTIFS DE LA DECISION Considérant que par exploit d'huissier délivré le 12 avril 1996, la société SODIMER a signifié à la société coopérative GALEC qu'elle entendait exercer son droit de retrait dans les conditions statutaires ; Considérant que l'article 12 des statuts de la société coopérative stipule que tout
associé peut se retirer du GALEC en adressant trois mois à l'avance une lettre recommandée et ajoute qu'en cas de retrait, l'associé est redevable d'une indemnité forfaitaire comprenant : "- la perte, au jour de sa décision de retrait, de tout droit à ristournes directes ou indirectes non encore payées, qui seront acquises au GALEC, - en outre le versement d'une somme représentant un demi pour cent (0,50%) du chiffre d'affaires TTC de la dernière année civile précédant la date de retrait" ; SUR LA NULLITE ALLEGUEE DES RAPPORTS CONTRACTUELS Considérant que la société SODIMER fait à l'article 12 des statuts, régulièrement approuvé par l'assemblée générale du 25 juin 1990, le grief d'une nullité en ce que ses dispositions seraient contraires à celles de l'article 52 de la loi du 24 juillet 1867 (en réalité L.231-6 du code de commerce) ; Considérant que ce texte édicte que chaque associé d'une société coopérative peut se retirer lorsqu'il le juge convenable, à moins de conventions contraires ; Considérant que les statuts du GALEC ne contreviennent pas à ces dispositions dès lors qu'ils prévoient explicitement la faculté pour chaque adhérent de se retirer avant l'achèvement de l'engagement de vingt-cinq ans initialement souscrit ; que, précisément, les dispositions statutaires critiquées procèdent des "conventions contraires" prévues par ce texte ; Considérant que la société SODIMER soutient que c'est le montant "colossal" des pénalités infligées par le GALEC qui rend impossible tout départ ; Considérant cependant qu'il n'est pas discuté que l'application du taux de 0,50% au chiffre d'affaires de l'année civile précédente détermine un montant de pénalité de 892.953 francs (136.129,81 euros) ; que la société coopérative GALEC chiffre à 858.686 francs (130.905,84 euros) le montant des ristournes non reversées ; que l'application de l'article 12 met ainsi à la charge de la société SODIMER une indemnité de 1.751.639 francs (267.035,64 euros) ; Considérant qu'un tel montant représente 1,20% du chiffre
d'affaires du seul exercice 1995 de la société SODIMER ; qu'il ne peut sérieusement être qualifié de colossal et considéré comme de nature à empêcher la société SODIMER d'exercer son droit de retrait ; Considérant en effet que, comme le fait observer la société GALEC, en raison des dispositions législatives limitant les possibilités d'ouvertures de nouveaux super et hyper marchés, les groupes de la grande distribution sont contraints, pour augmenter leur part de marché, d'acquérir des points de vente et, dans cette perspective de croissance, supportent facilement le montant de pénalités statutaires dont le coût s'intègre à leur investissement ; Considérant que, comme l'ont pertinemment relevé les premiers juges, l'appréciation du montant de la clause pénale contractuelle ne peut pas s'effectuer en procédant à un amalgame avec d'autres indemnités dues à des structures autres que le GALEC et qui ne concernent pas le présent litige ; Qu'il suit de là que doit être confirmé le jugement qui a débouté la société SODIMER de sa demande de voir déclarer nul l'article 12 des statuts au regard de l'article 52 de la loi du 24 juillet 1867 (L.231-6 du code de commerce) ; SUR LA DEMANDE DE REDUCTION A 1 FRANC (0,15 EURO) DE LA CLAUSE PENALE Considérant que n'est pas discuté le caractère de clause pénale de la sanction financière mise par l'article 12 des statuts à la charge de l'associé coopérateur qui choisit de faire valoir son droit au retrait ; Considérant que cette sanction comporte un volet positif constitué de l'obligation de payer une somme calculée à raison de 0,50% du chiffre d'affaires et une sanction négative consistant en la perte des ristournes non encore payées au jour de la décision de retrait ; Que la société SODIMER discute le bien fondé de ces sommes, réclamées sur le fondement de la stricte application des statuts, et se prévaut de leur caractère manifestement excessif pour en demander la modération en application des dispositions de l'article 1152 du code civil ;
Considérant qu'il est de l'essence même du système coopératif que les coopérateurs associés s'entraident et créent des outils communs collectivement financés ; qu'il est dès lors cohérent et légitime que la démission d'un coopérateur avant le terme du délai de vingt-cinq ans pendant lequel il s'était engagé à maintenir son appartenance, a fortiori lorsque ce départ est suivi d'une adhésion à un groupe de distribution concurrent, entraîne l'exigibilité de sanctions indemnitaires dont le montant doit présenter un caractère dissuasif au départ, afin d'épargner aux coopérateurs demeurant dans le groupement de rester tenus des risques financiers décidés en commun et d'achever, en moindre nombre, l'amortissement d'investissements dont le démissionnaire a temporairement tiré profit ; Considérant que la clause pénale contractuelle ne saurait, ainsi, se limiter à la réparation du préjudice subi par la société coopérative GALEC ; qu'elle repose fondamentalement sur la force obligatoire du contrat, au sens des dispositions des articles 1134 et 1152 alinéa 1 du code civil, et surtout sur le moyen contractuellement voulu par les coopérateurs pour contraindre chacun d'eux, dans l'intérêt de tous, à respecter son engagement de fidélité de vingt-cinq ans, afin de garantir la pérennité de la coopérative dont la puissance réside dans le groupement du plus grand nombre ; Qu'il suit de là que l'application d'une clause pénale ne nécessite aucunement que soit au préalable démontrée l'existence d'un préjudice d'un montant identique aux effets de la clause, laquelle, en l'espèce, ne constitue pas, comme le soutient à tort la société SODIMER, une sanction économique d'une exceptionnelle dureté ; Que, de surcroît, pour une société coopérative regroupant des distributeurs indépendants, la perte d'un membre, ayant au surplus rejoint la concurrence, ne se trouvera, sur la durée restant à courir de l'engagement de fidélité de vingt-cinq ans, que partiellement contrebalancée par le montant de la clause
pénale de telle sorte que le GALEC ne tirera de l'application de la peine contractuelle aucun avantage excessif ; Que faire droit aux demandes de la société SODIMER de réduire à 1 franc (0,15 euros) le montant de la clause pénale reviendrait à définir, contrairement aux dispositions statutaires contractuelles librement choisies qui font la loi des parties, qu'un coopérateur pourrait à tout moment, nonobstant son engagement de fidélité de vingt-cinq ans, quitter le groupement en ne supportant que le coût d'une indemnité symbolique ; Considérant que la société SODIMER invoque l'indétermination des ristournes dites "confidentielles" obtenues des fournisseurs par le GALEC qui n'en discute pas la réalité, précisant que de tels procédés résultent de la volonté de certains fournisseurs de ne pas voir diffuser l'existence ces ristournes complémentaires afin d'éviter que d'autres distributeurs en réclament aussi l'attribution ; que l'opacité du traitement opéré par le GALEC de ces ristournes confidentielles n'est pas levée par l'envoi à chaque coopérateur adhérent d'états sur lesquels le nom du fournisseur et le taux de la ristourne sont remplacés par un code interne, dont il n'est pas soutenu que la clé en soit communiquée au coopérateur ; Considérant que la société SODIMER ne tire toutefois de la constatation de l'indétermination de ces ristournes complémentaires confidentielles aucune autre conséquence que le caractère selon elle manifestement disproportionné, par rapport au préjudice revendiqué, des dispositions de l'article 12 des statuts la privant de toutes les ristournes directes ou indirectes non encore versées ; qu'elle n'invoque pas les dispositions des articles 1108, 1126 et 1129 du code civil pour alléguer la nullité de la clause ; Considérant que le GALEC chiffre à 858.686 francs (130.905,83 euros) le montant des ristournes non reversées à la société SODIMER en application de l'article 12 des statuts ; que cette dernière ne discute pas ce
chiffre ; qu'elle se borne à demander la désignation d'un expert pour le vérifier mais ne fournit aucune analyse comptable ou financière, notamment comparative avec les exercices précédents, des ristournes effectivement encaissées eu titre de l'exercice 1996 et de celles qu'elle estime devoir lui revenir ; Que cette absence de toute critique du chiffre affirmé par le GALEC ajoutée à l'indétermination des ristournes confidentielles à percevoir, prive de toute pertinence l'affirmation du caractère prétendument excessif de ce volet négatif de la clause pénale, dès lors que le montant des ristournes, comparé au chiffre d'affaires de l'année civile précédente, ne représente que 0,48 % ; Qu'il résulte de ce qui précède que doit être confirmé le jugement qui a dénié à l'article 12 des statuts du GALEC tout caractère manifestement excessif de clause pénale et qui a condamné la société SODIMER à payer à la société coopérative GALEC la somme de 892.953 francs (136.129,81 euros) majorée des intérêts légaux à compter du 22 juillet 1997 avec anatocisme ; SUR LA DEMANDE D'EXPERTISE Considérant que l'application des dispositions statutaires et, notamment, de la clause pénale de l'article 12 emporte la perte par la société SODIMER de tout droit à paiement des ristournes non encore versées à la date de sa démission ; Que ne peut dès lors prospérer sa demande de voir déterminer par une mesure d'expertise le montant desdites ristournes ; SUR LES AUTRES DEMANDES Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la société coopérative GALEC la charge des frais qu'elle a été contrainte d'engager en cause d'appel ; que la société SODIMER sera condamnée à lui payer une indemnité complémentaire de 2.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Considérant que l'appelante qui succombe dans l'exercice de son recours doit être condamnée aux dépens ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, CONFIRME en toutes ses
dispositions le jugement entrepris, Y ajoutant, CONDAMNE la société SODIMER à payer à la société coopérative GALEC la somme complémentaire de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, LA CONDAMNE aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par Maître TREYNET, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. ARRET REDIGE PAR MONSIEUR COUPIN, CONSEILLER PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER
LE PRESIDENT M. THERESE Z...
FRANOEOISE LAPORTE