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24/10/2002 | FRANCE | N°2000-8200

France | France, Cour d'appel de Versailles, 24 octobre 2002, 2000-8200


La société DELTA REFLEX, souhaitant installer pour le 17 mars 1998 un stand sur le parc des expositions d'ALGER, a confié à la société TRANSEX, dont la qualité de commissionnaire de transport n'est pas discutée, l'acheminement de divers matériels, cette dernière ayant, dans la réalisation de cette opération de transport, sollicité les services de la société CMGT. L'expédition des marchandises était initialement prévue par bateau au départ de MARSEILLE, mais a souffert de retards. La société TRANSEX a fait acheminer l'envoi par transport aérien le 18 mars 1998. Pour obteni

r l'indemnisation du préjudice qu'elle estimait avoir subi en raison ...

La société DELTA REFLEX, souhaitant installer pour le 17 mars 1998 un stand sur le parc des expositions d'ALGER, a confié à la société TRANSEX, dont la qualité de commissionnaire de transport n'est pas discutée, l'acheminement de divers matériels, cette dernière ayant, dans la réalisation de cette opération de transport, sollicité les services de la société CMGT. L'expédition des marchandises était initialement prévue par bateau au départ de MARSEILLE, mais a souffert de retards. La société TRANSEX a fait acheminer l'envoi par transport aérien le 18 mars 1998. Pour obtenir l'indemnisation du préjudice qu'elle estimait avoir subi en raison d'une livraison tardive, la société DELTA REFLEX a attrait, devant le tribunal de commerce de PONTOISE, la société TRANSEX laquelle a appelé la société CMGT à la garantir de toutes éventuelles condamnations. Par jugement rendu le 17 octobre 2000, cette juridiction a retenu la responsabilité de la société TRANSEX, commissionnaire, dans le retard et l'a condamnée à payer à la société DELTA REFLEX une somme de 55.598 francs (8.475,86 euros) de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 15 juin 1998 ainsi que 5.000 francs (762,25 euros) sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Relevant que la société CMGT avait le choix du bateau et l'initiative dans l'organisation du transport, elle a dit que l'intervention de celle-ci était celle d'un commissionnaire et pas seulement d'un simple transitaire. Elle a déclaré inopposables à la société TRANSEX, car non acceptées par elle ou portées à sa connaissance, les conditions générales de la société CMGT qu'elle a déboutée de sa prétention de voir appliquer une limitation de l'indemnisation. Elle a en conséquence condamné celle-ci à payer à la société TRANSEX des sommes identiques à celles allouées à la société DELTA REFLEX. Les premiers juges ont au surplus mis hors de cause la société AXA COURTAGE, qui était intervenue volontairement au litige,

en disant que celle-ci n'était pas tenue de garantir son assurée la société CMGT des conséquences du sinistre objet du litige. La société CMGT a interjeté appel de cette décision à l'encontre de toutes les parties présentes en première instance, puis s'est désistée à l'égard de AXA COURTAGE et de DELTA REFLEX. Par ordonnances rendues les 31 mars 2001 et 28 mars 2002, le Conseiller de la Mise en Etat a donné acte à la société CMGT de son désistement partiel d'appel et a constaté l'extinction de l'instance entre celle-ci et les sociétés DELTA REFLEX et AXA COURTAGE. L'appelante critique le jugement d'avoir décidé que son intervention pour le compte de la société TRANSEX s'inscrivait dans le cadre d'un contrat de commissionnaire de transport. Elle fait valoir le caractère détaillé de sa cotation et de sa facture et souligne le faible montant des frais demandés. Elle soutient que la société TRANSEX avait la maîtrise des opérations, lui a imposé un transport maritime, a émis un connaissement où elle-même n'est pas mentionnée et a finalement décidé de faire transporter la marchandise par la voie aérienne en choisissant un autre transitaire. Elle en infère que, n'ayant fait que suivre les instructions de la société TRANSEX, elle n'est intervenue dans l'opération qu'en qualité de simple agent de transit à MARSEILLE et qu'elle n'était pas tenue de garantir la bonne fin du transport. Expliquant qu'elle n'était liée par aucune date impérative de livraison, et qu'à défaut, la seule obligation était le respect d'un délai compatible avec la nature et l'objet de la prestation, elle soutient n'avoir commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité en tant que transitaire. Elle conclut ainsi à l'infirmation du jugement et au débouté de la société TRANSEX de toutes ses demandes. Subsidiairement, elle oppose au commissionnaire principal les dispositions de l'article 8 de ses conditions générales prévoyant une limitation de l'indemnisation à une somme égale au prix du transport

soit 467 euros. Plus subsidiairement encore, elle demande à la cour de confirmer le jugement qui a refusé à la société TRANSEX la réparation d'un préjudice commercial. Elle réclame par ailleurs 3.050 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La société TRANSEX répond en rappelant les missions respectives d'un transitaire et d'un commissionnaire, même substitué. Elle explique que la société CMGT s'était chargée du choix du navire, de la cotation du fret, des formalités d'exploitation, du choix de son mandataire pour la réception à ALGER et l'importation des marchandises, l'avait avisée de l'acheminement par un navire, puis par un autre, et enfin de ce que la marchandise était restée à quai. Elle ajoute qu'elle n'a jamais désigné le transporteur maritime dont le fret était coté directement par la société CMGT. Elle estime que l'intervention de cette dernière en qualité de commissionnaire est ainsi avérée en faisant observer que l'expédition, effectuée en définitive par transport aérien, est sans rapport avec cette qualité. Elle soutient que lui sont inopposables les limitations de responsabilité résultant de conditions générales de la société CMGT, comme de celles d'une Fédération professionnelle. Elle conclut ainsi à la confirmation du jugement mais, formant un appel incident, sollicite l'indemnisation du préjudice qui lui a été causé vis à vis de sa cliente la société DELTA REFLEX par l'octroi d'une somme de 30.000 francs (4.573,47 euros) de dommages et intérêts, réclamant en outre 20.000 francs (3.048,98 euros) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 27 juin 2002 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 10 septembre 2002. ä MOTIFS DE LA DECISION ä Sur la qualité de la société CMGT Considérant que selon télécopie émise le 27 février 1998, la société TRANSEX a interrogé la société CMGT pour connaître son meilleur prix pour

assurer l'expédition de diverses caisses de matériel à destination D'ALGER ; qu'il n'apparaît pas que cette demande ait reçu d'autre réponse qu'orale puisque par télécopie du 02 mars la société TRANSEX adressait à la société CMGT sous la référence " Export Alger " deux factures pro-forma, une liste de colisage et un exemplaire d'étiquette en précisant " Prix Aller - FOB 750 F - 230 x 8,10 m3 =

1863 - douane 450 F " pour un total de 466,95 euros (3.063 francs) ; considérant qu'il est établi par un récépissé que les huit caisses de marchandises ont été remises à la société CMGT à MARSEILLE le 04 mars 1998 par la société de transport SUSSET et Fils ; qu'il n'est produit aux débats aucun document de nature à démontrer que la société TRANSEX aurait donné à la société CMGT une quelconque instruction pour les modalités d'expédition de ces marchandises ; considérant que la société CMGT a exécuté le 06 mars 1998 auprès des autorités douanières les formalités d'exportation ainsi qu'en atteste le formulaire produit aux débats ; qu'elle a délivré l'ordre de mise à quai de la marchandise pour un embarquement sur le navire TLEMCEN dont le départ de Marseille était prévu le même jour ; considérant qu'elle a adressé à TRANSEX, le 09 mars une télécopie informant cette dernière de " changements concernant l'expédition " précisant que les huit colis seraient chargés sur le navire TENEB devant quitter MARSEILLE le 11 mars à destination d'ALGER ; que par deux autres télécopies adressées l'une à TRANSEX, l'autre à MONDIAL TRANSIT, transitaire à ALGER, elle indiquait que l'expédition interviendrait par le navire MARIO effectuant la traversée de MARSEILLE à ALGER le 12 mars ; considérant qu'il est ainsi avéré que la société CMGT s'est chargée complètement de l'expédition de ces huit caisses de marchandises en organisant à sa guise le transport, en sollicitant le transitaire algérois chargé de dédouaner la marchandise à l'arrivée, en choisissant librement d'envisager d'embarquer les colis sur trois

navires successifs à des dates différentes sans recueillir un quelconque accord de la part de TRANSEX ; qu'elle ne justifie à cet égard d'aucune instruction, demandée à ou reçue de cette dernière pour effectuer l'opération ; qu'il suit de là que la société CMGT est intervenue dans l'opération de transport en qualité de commissionnaire substitué de la société TRANSEX et n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a agi qu'en simple transitaire ; considérant que la ventilation de la cotation de l'opération en trois postes : FOB, transport et frais de douane ne suffit pas à contredire cette qualité qui est principalement établie par la liberté du choix des moyens de transport ; considérant au surplus que la société CMGT se prévaut du faible montant de sa note d'honoraire émise le 17 mars 1998 ; que toutefois cette facture correspond non pas à l'opération de transport à destination d'Alger, mais aux frais de manipulation de la marchandise livrée à l'aéroport de MARIGNANE, après que la société TRANSEX, pour compenser le retard pris par l'expédition, ait décidé de reprendre à la société CMGT les colis et d'en confier l'envoi à un transporteur aérien ; que cette note d'honoraire de 338,06 euros (2.217,50 francs), qui ne correspond d'ailleurs pas au coût du transport auquel la société CMGT fait référence au titre des limitations de responsabilité, n'a dès lors aucune portée pour qualifier l'intervention de celle-ci dans l'opération qui lui avait été initialement confiée ; considérant que la désignation de la société CMGT en tant que transitaire, dans le bordereau informatique de l'état des expéditions tel qu'il est émis par l'organisation du port de MARSEILLE n'a pas pour effet de s'opposer à ce que la société CMGT ait eu dans l'opération considérée un rôle de commissionnaire de transport, la qualité de transitaire ou de commissionnaire ne résultant pas seulement d'appellations qui, dans la profession, sont fréquemment utilisées de manière indifférente ; considérant que

l'absence du nom de la société CMGT sur le connaissement établi pour le chargement sur le navire TLEMCEN n'a pas pour objet de démontrer que la société CMGT n'a pas traité l'opération en son nom personnel ; qu'elle a inclus le coût du transport maritime dans sa cotation ; qu'elle ne produit pas, au demeurant, aux débats les connaissements établis pour les chargements ultérieurement envisagés sur les navires TENEB puis MARIO ; considérant que par sa qualité de sous-commissionnaire dans l'opération de transport, en application des dispositions de l'article L.132-4 du code de commerce, la société CMGT est garante de l'arrivée des marchandises dans le délai déterminé par la lettre de voiture ; que la télécopie émise par la société TRANSEX le 27 février 1998 mentionne explicitement que le matériel est à destination du parc des expositions d'ALGER et que la livraison doit être effectuée le 13 mars ; que les deux factures proforma transmises à la société CMGT précisent que les colis contiennent du matériel BMW destiné au parc des expositions d'ALGER pour un salon se déroulant du 17 au 23 mars ; qu'en ayant retardé du 06 au 11 puis au 12 l'envoi de ces marchandises la société CMGT n'a pas été en mesure d'organiser l'opération dans un délai compatible avec la nature et l'objet de la prestation dont elle ne pouvait ignorer les conditions ; qu'ainsi, et en ayant en définitive contraint la société TRANSEX à les expédier par la voie aérienne, elle a engagé sa responsabilité de commissionnaire et est tenue à garantir la société TRANSEX de l'indemnisation des préjudices qui en ont résulté. ä Sur la limite d'indemnisation Considérant que la société CMGT ne justifie pas d'avoir porté à la connaissance de la société TRANSEX, préalablement à la conclusion du contrat, les conditions générales emportant limitation de l'indemnisation de sa responsabilité pour retard ; qu'est à cet égard indifférent le fait qu'elles émanent de celles généralement recommandées par la

Fédération des Commissionnaires de transport ; qu'elle ne peut en conséquence les opposer à la société TRANSEX. ä Sur l'appel incident Considérant que la société TRANSEX soutient que cette opération lui a causé un préjudice vis à vis de sa cliente la société DELTA REFLEX et réclame à ce titre 4.573,47 euros (30.000 francs) de dommages et intérêts ; qu'elle ne justifie toutefois aucunement d'un préjudice distinct de celui qui se trouve indemnisé au titre de la condamnation qu'elle a encourue au bénéfice de DELTA REFLEX ; qu'elle ne produit aux débats aucun élément de nature à démontrer la réalité d'un préjudice commercial résultant par exemple de la perte de ce client ; que sa demande à titre de dommages et intérêts doit être rejetée. ä Sur les autres demandes Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la société TRANSEX la charge des frais qu'elle a été contrainte d'engager en cause d'appel ; que la société CMGT sera condamnée à lui payer une indemnité complémentaire de 1.500 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

considérant que l'appelante qui succombe dans l'exercice de son recours doit être condamnée aux dépens. ä PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions déférées à la cour, Y ajoutant, CONDAMNE la société CMGT à payer à la société TRANSEX la somme complémentaire de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, LA CONDAMNE aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par la SCP KEIME-GUTTIN, société titulaire d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. ARRET REDIGE PAR MONSIEUR COUPIN, CONSEILLER PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE PRESIDENT M. THERESE X...

FRANOEOISE LAPORTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 2000-8200
Date de la décision : 24/10/2002

Analyses

TRANSPORTS MARITIMES - Marchandises - Commissionnaire de transport

La qualité de commissionnaire de transport est principalement établie par la liberté du choix des moyens de transport. Ainsi, une société de transports qui n'établit pas avoir reçu d'instruction relative aux modalités d'expéditions des marchandises par le commissionnaire de transport en titre, alors qu'il est avéré qu'elle s'est chargée complètement de l'expédition des marchandises en organisant le transport à sa guise - choix du transitaire, du port de destination pour le dédouanement, choix d'embarquer les marchandises sur trois navires successifs à des dates différentes - sans justifier à cet égard d'instruction de- mandée ou reçue du commissionnaire de transport, est de ce fait intervenue dans l'opération de transport en qualité de commissionnaire substitué, et non en qualité de simple transitaire, peu important que son nom ne figure pas sur les connaissements ou sa désignation en qualité de transitaire sur les bordereaux informatiques d'expédition. Dès lors qu'en application de l'article L 132-4 du Code de commerce, le sous-commissionnaire est garant de l'arrivée des marchandises dans le délai déterminé par la lettre de voiture, en cas de retard, il engage sa responsabilité et est tenu de garantir le commissionnaire de l'indemnisation des préjudices qui en ont résulté


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2002-10-24;2000.8200 ?
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