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26/09/2002 | FRANCE | N°JURITEXT000006941115

France | France, Cour d'appel de Versailles, 26 septembre 2002, JURITEXT000006941115


Le 24 mars 1999, un incendie d'une ampleur exceptionnelle est survenu dans le tunnel du Mont-Blanc qui se serait déclaré sur un ensemble routier de transport de marchandises, immatriculé en Belgique, y circulant, composé d'un tracteur Volvo et d'une remorque Norfrig. Ce sinistre a provoqué la mort de trente neuf personnes et des dommages matériels et immatériels considérables. Une information pénale du chef d'homicides involontaires aggravés a été ouverte le 25 mars 1999 au Tribunal de Grande Instance de BONNEVILLE et le juge d'instruction a désigné un collège d'experts qui a dÃ

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Le 24 mars 1999, un incendie d'une ampleur exceptionnelle est survenu dans le tunnel du Mont-Blanc qui se serait déclaré sur un ensemble routier de transport de marchandises, immatriculé en Belgique, y circulant, composé d'un tracteur Volvo et d'une remorque Norfrig. Ce sinistre a provoqué la mort de trente neuf personnes et des dommages matériels et immatériels considérables. Une information pénale du chef d'homicides involontaires aggravés a été ouverte le 25 mars 1999 au Tribunal de Grande Instance de BONNEVILLE et le juge d'instruction a désigné un collège d'experts qui a déposé son rapport au début de l'année 2001, puis ordonné une contre expertise. Le 26 mars 1999, le Ministre des Transports a annoncé l'ouverture d'une enquête administrative et technique. Par ordonnance du 06 avril 1999, le Président du Tribunal Administratif de GRENOBLE, sur requête de la société d'Economie Mixte Concessionnaire Français pour la Construction et l'Exploitation du Tunnel du Mont-Blanc -ATMB- a nommé Monsieur X... en qualité d'expert aux fins de procéder à un constat d'urgence sur des éléments de fait relatifs à l'incendie et étendu, les 03 mai et 12 juillet 1999, cette mesure à d'autres sociétés concernées. Le 22 juillet 1999, la compagnie ALLIANZ, aux droits de laquelle est la compagnie d'Assurances Générales de France IARD -AGF- SA, assureur de la société ATMB, a saisi le juge des référés du Tribunal de Commerce de NANTERRE qui, par décisions en dates des 04 août 1999 et 07 décembre 1999, a ordonné une expertise en répartissant les frais entre certaines parties et l'a rendue commune à d'autres. Le Juge chargé du contrôle de cette mesure d'instruction a, par ailleurs, rendu trois ordonnances les 30 mai 2000, 27 juin 2000 et 13 juin 2001, ayant trait respectivement à l'adjonction au collège expertal de deux traducteurs, à la reconstitution des opérations effectuées le jour de l'incendie en salles de commandes française et italienne avec suspension

corrélative des travaux ainsi qu'à un complément de consignation de provision. Toutes ces décisions ont été déférées à la Cour et le Conseiller de la mise en état a joint les procédures afférentes aux ordonnances des 04 août 1999 (R.G. 296/00) et 13 juin 2001 (R.G. 4378/01), le 25 octobre 2001, ainsi que celles-ci avec les instances d'appel des décisions du 07 décembre 1999 (R.G. 77/00), 30 mai 2000 (5262/00) et 27 juin 2000 (5049/00) le 20 décembre 2001. Toutefois, ces instances certes toutes relatives à l'expertise en cause, conservent néanmoins chacune une autonomie propre et posent des questions juridiques différentes tandis qu'elles ne comportent pas une identité d'objet, en sorte qu'elles ne présentent pas un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les juger ensemble. La Cour ordonne donc leur disjonction en application de l'article 367 du nouveau code de procédure civile et statuera sur chacune d'elles par un arrêt distinct sous leurs nouveaux numéros d'enregistrement RG 02/6345 ex : 01/4378, RG 02/6344 ex : 00/77, RG 02/6343 ex : 00/5262, RG 02/6342 ex : 00/5049, et dans la présente décision sur l'instance née du recours contre l'ordonnance du 30 mai 2000 sous le RG nä 5262/00, réenrôlé 02/6343. Le magistrat chargé du contrôle de l'expertise par cette décision rendue sur requête du Président du collège expertal, l'a autorisé à s'adjoindre le concours de deux interprètes traducteurs en langue anglaise et italienne en les personnes respectives de Monsieur Y... et de Madame Z... et dit que les frais et honoraires de ces sapiteurs seraient imputés sur la consignation dans un compte distinct aux fins de permettre sa reconstitution à due concurrence des sommes versées par la société SITMB par l'interprète en langue italienne et par la société VOLVO TRUCKS FRANCE pour celui en langue anglaise. La société de droit italien ASSITALIA GROUPE INA, assureur de la société de droit italien ITALIANA PER IL TRAFORO DEL MONTE BIANCO, SITMB, concessionnaire

italien du tunnel du Mont-Blanc qui a relevé appel de cette ordonnance le 08 juin 2000, prétend que son recours est recevable. Elle se prévaut de l'évolution du litige survenue depuis le prononcé de la décision attaquée résultant de la saisine au fond du Tribunal d'AOSTE, du Tribunal de Grande Instance de BONNEVILLE et du Tribunal de Commerce de NANTERRE pour estimer que la Cour ne peut plus statuer sur les questions qui lui sont soumises. Elle conteste la validité de cette décision qui n'est que l'accessoire et la conséquence de l'ordonnance du 04 août 1999 ayant prescrit selon elle à tort une expertise eu égard à celle précédemment ordonnée par le magistrat instructeur ayant un objet identique de recherche des causes de l'incendie et de ses circonstances aggravantes et à la règle selon laquelle "le criminel tient le civil en l'état" en se référant à une consultation du Professeur BOULOC du 22 juin 2000. Elle ajoute que la société SITMB qui n'a versé aucune somme au titre de la consignation, n'a pas lieu, par ailleurs, de supporter les frais de l'interprète en italien. Elle demande, en conséquence, à la Cour outre la jonction de toutes les instances, de se déclarer incompétente pour se prononcer sur les questions relatives à l'expertise et de renvoyer les parties à se pourvoir devant les juges du fond présentement saisis des mêmes questions. Elle conclut subsidiairement à l'infirmation de l'ordonnance entreprise. Formant appel incident, la société SITMB s'associe aux prétentions de jonction et d'infirmation de son assureur en soulignant que la décision en cause a entraîné des frais inutiles. Elle réclame aussi de tout succombant une indemnité de 3.048,98 euros en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La société de droit belge NV MALFROOT TRUCKS, vendeur du tracteur VOLVO, s'en rapporte à justice. Les sociétés VOLVO s'en rapportent à la sagesse de la Cour pour statuer ce que de droit. La société ATMB soutient que l'ordonnance en question ayant la nature de

celles visées à l'article 167 du nouveau code de procédure civile ne pouvait faire l'objet d'un appel immédiat en application de l'article 170 du même code. Elle soulève donc l'irrecevabilité des appels et sollicite subsidiairement la confirmation de la décision critiquée et dans tous les cas, une indemnité de "50.000 francs" au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La compagnie AGF demande également à la Cour de déclarer les appels irrecevables sur le fondement de l'article 170 du nouveau code de procédure civile, outre de condamner les sociétés ASSITALIA et SITMB à lui verser une indemnité de 6.500 euros en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Les sociétés de droit belge ASTRUCK RENTING etamp; CO et FORTIS CORPORATE INSURANCE, respectivement crédit-preneur du tracteur Volvo et assureur responsabilité civile automobile de ce dernier, sollicitent aussi l'irrecevabilité des appels sur le fondement à titre principal, de l'article 496 du nouveau code de procédure civile en qualifiant la décision attaquée d'ordonnance sur requête et subsidiairement, des articles 150 et 170 du nouveau code de procédure civile et en tout état de cause, leur rejet ainsi qu'une indemnité de 3.000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Les sociétés de droit néerlandais PACTON BV et GRENCO TRANSPORT COOLING, la société de droit belge ARTESIA LEASING RENTING, la société de droit irlandais THERMO KING IRELAND LIMITED et la société de droit danois NORFRIG A/S ont été assignées en intervention forcée, étant observé que l'expertise leur a été rendue commune par ordonnances des 28 septembre et 14 février 2000. La société PACTON, fabricante de la remorque de l'ensemble routier impliqué dans l'incendie, s'en rapporte à justice sur les mérites de l'appel formé par la compagnie ASSITALIA. La société NORFRIG, fabricante des caisses réfrigérantes sur cette remorque, demande acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur le bien fondé de l'appel et

réclame une indemnité de 3.000 euros en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La société THERMO KING, fabricante de l'unité de réfrigération de la remorque, s'en rapporte aussi à justice quant au mérite de l'appel et sollicite une indemnité de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La société GRENCO, distributeur de la société THERMO KING, s'en rapporte également à justice sur le bien fondé des appels et demande une indemnité de 5.000 francs (762,25 euros) en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La société ARTESIA qui a procuré le financement de l'achat du tracteur Volvo à la société ASTRUCK s'en rapporte aussi à justice sauf à réclamer une indemnité de 1.524,49 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Le dossier a été communiqué, le 06 mars 2002, au Ministère Public qui l'a visé à la même date. A l'audience de plaidoiries du 06 juin 2002, l'avoué de la société ATMB a renoncé expressément à son incident de rejet des débats des conclusions et des pièces signifiées, le 16 mai 2002, par la société ASSITALIA comme en fait foi l'extrait de plumitif. MOTIFS DE L'ARRET : SUR LA RECEVABILITE DES APPELS : Considérant que lorsqu'une mesure d'instruction a été ordonnée avant tout procès, la décision qui l'ordonne, la modifie, ou qui est relative à son exécution peut être frappée d'appel immédiat ; considérant que tel est le cas de la décision en cause ayant trait à l'exécution de l'expertise ordonnée par le juge des référés, le 04 août 1999, sur le fondement de l'article 145 du nouveau code de procédure civile, prononcée par le juge chargé de son contrôle, lequel n'est resté saisi d'aucune demande distincte ; qu'il suit de là, que l'appel principal de la compagnie ASSITALIA est recevable ainsi que, par voie

de conséquence, celui incident de la société SITMB. * SUR LES POUVOIRS DE LA COUR : Considérant que la Cour statuant sur une décision consécutive à une ordonnance de référé prescrivant une expertise avant tout procès doit prendre en compte l'évolution du litige et en tirer les conséquences de droit quant à la décision qui lui est déférée ; considérant qu'il s'infère des éléments des débats que deux juridictions sont actuellement saisies au fond d'un litige en vue duquel la mesure d'instruction in futurum a été sollicitée ; considérant, en effet, que la compagnie AGF, assureur de la responsabilité civile de la société ATMB, a initié devant le Tribunal de Commerce de NANTERRE une action à l'encontre des sociétés VOLVO TRUCKS FRANCE, VOLVO EUROPEA TRUCK, et VOLVO TRUCKS CORPORATION, recherchant leur responsabilité dans la survenance de la catastrophe du 24 mars 1999 sur le fondement de l'article 1386-1 du Code Civil à laquelle ont été successivement attraites toutes les parties concernées ; considérant, par ailleurs, que la société ATMB a engagé devant le Tribunal de Grande Instance de BONNEVILLE une action envers la société ASTRUCK et la société de droit belge TRADING CORPORATION, locataire du tracteur impliqué dans le sinistre du 24 mars 1999, pour les voir déclarer tenues à l'indemnisation de l'ensemble de ses conséquences dommageables en vertu de la loi du 05 juillet 1985 et que les différentes parties ont aussi été mises en cause dans cette instance ; considérant qu'en outre, la compagnie ASSITALIA dans le cadre de la seconde procédure, a formé une demande en nullité de l'expertise ordonnée, le 04 août 1999, notamment pour non respect du principe du contradictoire et de la règle "le criminel tient le civil en l'état" ; considérant ainsi que sauf à excéder les limites de ses pouvoirs et à se substituer au juge du fond, la Cour qui n'a plus compétence pour statuer sur la validité et le bien fondé de la mesure d'instruction préventive, ne peut davantage se prononcer sur

l'adjonction du collège expertal de deux sapiteurs qui n'en constitue que la conséquence et le complément, ces questions relevant désormais de la seule appréciation des juridictions du fond auxquelles elles sont ou devront être soumises et qu'il appartiendra donc aux parties de mieux se pourvoir devant elles, dorénavant seules habilitées à les juger. * SUR LES AUTRES DEMANDES ACCESSOIRES : Considérant qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties leurs frais non compris dans les dépens ; considérant que la société ASSITALIA qui a maintenu son recours alors que le juge du fond était parallèlement saisi supportera les frais engagés devant la Cour. PAR CES MOTIFS La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, ORDONNE la disjonction de l' instance RG 00/5262 du RG 296/00, DIT que celle résultant de l'appel de l'ordonnance du 30 mai 2000 est jugée sous le numéro RG 5262/00, réenrôlée sous RG 02/6343. Vu l'extrait de plumitif du 06 juin 2002, CONSTATE la renonciation de la société ATMB à son incident de rejet des débats du 27 mai 2002, DEBOUTE les sociétés ASSITALIA et SITMB de leurs demandes de jonction, DECLARE recevables la compagnie ASSITALIA GROUPE INA en son appel principal, et la société SITMB, en son appel incident, Vu les actions au fond pendantes devant le Tribunal de Commerce de NANTERRE et le Tribunal de Grande Instance de BONNEVILLE, CONSTATE que la Cour n'a plus les pouvoirs pour se prononcer sur la validité et le bien fondé de l'adjonction de sapiteurs au collège expertal désigné par ordonnance de référé du 04 août 1999 sur le fondement de l'article 145 du nouveau code de procédure civile, RENVOIE, en conséquence, les parties à mieux se pourvoir sur ces points devant les juges du fond, DIT n'y avoir lieu en la cause à l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, LAISSE les entiers dépens d'appel à la charge de la compagnie ASSITALIA GROUPE INA et AUTORISE les avoués des autres parties à les

recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE PRESIDENT M.THERESE GENISSEL

FRANOEOISE LAPORTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006941115
Date de la décision : 26/09/2002

Analyses

MESURES D'INSTRUCTION

Une décision qui ordonne, modifie ou est relative à l'exécution d'une mesure d'instruction ordonnée avant tout procès sur le fondement de l'article 145 du NCPC, peut être frappée d'appel immédiatement sauf au juge d'appel à prendre en compte l'évolution du litige au regard du fondement d'une telle mesure.S'agissant de l'appel d'une mesure ordonnée in futurum alors qu'il s'infère des éléments des débats que deux juridictions ont depuis été saisies au fond du litige, en prévision duquel la mesure d'instruction avait été sollicitée, la Cour n'a plus pouvoir d'apprécier du bien fondé d'une mesure d'instruction ou de l'aménagement de ses modalités d'exécution, lequel relève de la seule compétence des juridictions saisies du fond du litige.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2002-09-26;juritext000006941115 ?
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