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19/09/2002 | FRANCE | N°2001-4722

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19 septembre 2002, 2001-4722


Madame X... épouse Y..., laquelle est née le 5 mars 1963 à Saint-Denis de M. Z... et de Mme A... son épouse, est appelante du jugement rendu le 8 juin 2001 par le tribunal de grande instance de NANTERRE, lequel statuant sur l'action en contestation de paternité et maternité légitimes en alléguant d'une supposition d'enfant, l'a déclarée recevable en son action mais mal fondée et l'a condamnée à payer à Z... et A... la somme de 1 franc de dommages et intérêts. Aux termes de ses dernières écritures en date du 23 avril 2002 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, ell

e conclut à titre principal à la nullité du jugement, et prie la co...

Madame X... épouse Y..., laquelle est née le 5 mars 1963 à Saint-Denis de M. Z... et de Mme A... son épouse, est appelante du jugement rendu le 8 juin 2001 par le tribunal de grande instance de NANTERRE, lequel statuant sur l'action en contestation de paternité et maternité légitimes en alléguant d'une supposition d'enfant, l'a déclarée recevable en son action mais mal fondée et l'a condamnée à payer à Z... et A... la somme de 1 franc de dommages et intérêts. Aux termes de ses dernières écritures en date du 23 avril 2002 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, elle conclut à titre principal à la nullité du jugement, et prie la cour, usant de son pouvoir d'évocation de dire et juger qu'elle n'est pas l'enfant de Z... et de A..., qu'elle ne portera plus leur nom patronymique et de dire qu'elle portera conformément aux dispositions de l'article 57 du code civil, son second prénom, Caroline, comme nom patronymique, d'ordonner mention de l'arrêt en marge de son acte de naissance, subsidiairement d'ordonner une mesure d'expertise génétique. Elle fait valoir que son action est recevable, ainsi que jugé par le tribunal, qu'elle n'est pas prescrite. Au soutien de sa demande de nullité du jugement, elle invoque essentiellement la violation des dispositions de l'article 455 du nouveau code de procédure civile et l'absence de motivation, celle retenue étant fondée sur des constatations objectivement erronées. Sur le fond, elle rappelle que la preuve est libre, qu'il existe en l'espèce un faisceau d'indices qui associés au refus des intimés de se soumettre à un test génétique, suffisent à forger la conviction de l'absence de lien de filiation entre elle et les intimés. Elle se prévaut de l'arrêt rendu le 28 mars 2000 par la Cour de Cassation réputant l'expertise biologique de droit en matière de filiation pour dénoncer le caractère injustifié et illogique du tribunal de recourir à ce mode de preuve. Elle invoque à titre d'indices, les déclarations de Monsieur M. Z... à des tiers selon

lesquelles il ne serait pas son père, l'impossibilité génétique de toute filiation tenant à ce que les intimés ont les yeux bleus et qu'elle a les yeux vert-marron, les maltraitances dont elle a été l'objet enfant, les irrégularités entachant les registres de la clinique de l''Estrée, les relations existant entre elle et ses prétendus parents, l'impossibilité pour ces derniers de produire des photographies la représentant bébé et avant un an, les incohérences des éléments avancés par les intimés, leur comportement depuis l'introduction de cette instance. Si la cour n'était pas convaincue par tous ces indices, elle sollicite une mesure d'expertise et dénie tout motif légitime aux intimés de s'y soustraire. M. Z... et Mme A..., intimés, concluent aux termes de leurs dernières écritures en date du 22 mai 2002 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, à la confirmation du jugement, au débouté de l'appelante, vu les articles 184 et suivants du nouveau code de procédure civile, que soit ordonnée la comparution personnelle des parties, afin de les interroger sur les faits invoqués par leur fille et subsidiairement que soit ordonnée une enquête pour entendre Madame B..., en tout état de cause, sollicitent la condamnation de Madame X... épouse Y... à leur payer la somme de 8000 à titre de dommages et intérêts outre celle de 5000 par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. C... s'attachent à démontrer le peu de sérieux des éléments invoqués par l'appelante au soutien de son action, réfutent les allégations de maltraitance et violences, affirment rapporter la preuve indiscutable de la filiation de Madame X... épouse Y..., écartant toute allégation de supposition d'enfant par la preuve de la réalité de l'état de grossesse et de l'accouchement de Madame A... C... s'estiment fondés à invoquer un motif légitime à ne pas se soumettre à la mesure d'expertise biologique sollicitée. C... insistent enfin sur les conséquences particulièrement douloureuses pour eux de cette

procédure, pour justifier leur demande de dommages et intérêts. Le Procureur Général a conclu aux termes de ses dernières écritures en date du 16 mai 2002 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé. SUR CE Considérant que le jugement déféré satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau code de procédure civile, et que la simple invocation d'une prétendue confusion dans l'appréciation des faits invoqués par Madame X... épouse Y... et leur adéquation aux règles de droit , par les premiers juges, ne peut caractériser le grief et justifier l'annulation du jugement ; Considérant que les parties ont comparu en personne à l'audience tenue en chambre du conseil, qu'il a été ainsi satisfait à la demande formulée à cette fin par les intimés dans leurs conclusions ; Considérant que selon l'article 322 du code civil, nul ne peut réclamer un état contraire à celui que lui donnent son titre de naissance et la possession d'état conforme à ce titre, que l'article 322-1 autorise, s'il est allégué qu'il y a eu supposition d'enfant, ou substitution, la preuve contraire laquelle peut être faite par tous moyens ; Considérant que Madame X... épouse Y... alléguant d'une supposition d'enfant, est recevable à agir ; Considérant que la preuve de la supposition peut être rapportée par tous moyens ; Considérant que l'existence d'une supposition résulterait de la preuve que la mère n'aurait pas accouché de l'enfant ; Considérant, suivant ainsi l'appréciation des premiers juges, qu'aucun élément ne permet de mettre en doute l'authenticité des documents relatifs à l'accouchement de Madame A... , qu'ainsi la copie de la feuille de registre d'admission de la clinique de l'Estrée adressée par l'établissement à l'appelante, mentionne bien l'entrée le 5 mars 1963 de Madame A..., inscrite sous le numéro n°1989, un accouchement normal et le nom de la sage femme, que ces indications sont confortées par celles figurant sur le registre des naissances, signalant sous le même numéro et par la même sage-femme,

la naissance à 18 heures d'un enfant de sexe féminin ; Considérant que la grossesse même de Mme A... est établie de façon probante par les attestations versées aux débats émanant d'une relation professionnelle de la mère qui certifie l'avoir vue à son travail enceinte, d'une amie du couple Z.../A... ainsi que de la propre soeur de Mme A..., qui témoignent avoir visité l'accouchée, vu l'enfant et même assisté au baptême ; Considérant que "l'embarras" des services de la clinique à satisfaire la demande de consultation et communication des registres, de nature selon l'appelante, à faire douter de la sincérité des documents, s'explique aisément par l'ancienneté des faits et le caractère peu banal de la démarche ; Considérant que l'allégation de l'existence d'un trafic d'enfants entre la France et l'Algérie à l'époque de la naissance, dont la clinique aurait été le siège, relève d'une pure spéculation et n'est corroborée par aucun élément sérieux ; Considérant que l'allégation de l'absence de traces tangibles de la vie de Madame X... épouse Y... la première année de sa naissance au sein de la famille Z.../A... est elle-aussi dénuée de tout sérieux, les époux Z.../A... arguant avec raison avoir remis à leur fille à sa demande les photographies et autres souvenirs personnels la concernant, et invoquant avec pertinence le fait qu'à l'époque, la photographie était un art moins facilement exercé qu'aujourd'hui ; Considérant qu'en définitive l'appelante n'apporte aucun élément probant permettant de suspecter à tout le moins l'existence d'une supposition d'enfant dont elle aurait été victime, alors que les époux Z.../A... apportent des éléments particulièrement fiables et tangibles de la réalité de la grossesse de Mme A... et de l'accouchement de sa fille Caroline le 5 mars 1963 à la clinique de l'Estrée ; Considérant que pour pallier sa carence dans la preuve de la supposition, l'appelante tente de jeter la suspicion sur la réalité de la paternité et la maternité biologiques de Monsieur et

Mme A... ; Considérant qu'elle invoque l'aveu de Monsieur Z... de sa non paternité d'une part lors d'une conversation téléphonique à la préparatrice de la pharmacie de Madame X... épouse Y... et d'autre part à la propre fille de M. Z... née d'un premier lit ; Considérant que M. Z... conteste vigoureusement la portée donnée à ses propos tenus téléphoniquement dans le seul but d'avoir des nouvelles de sa fille, que les déclarations de sa première fille, dont il avait caché l'existence à l'appelante qui en a eu la révélation tardive, ne sont pas aussi catégoriques qu'il est affirmé, quant à leur portée relativement à sa paternité ; Considérant que l'existence de relations particulièrement conflictuelles entre l'appelante et les époux Z.../A... ne suffit pas à faire douter de la filiation ; Considérant que l'invocation d'une maltraitance durant son enfance, fermement démentie par les époux Z.../A... et quelque peu contredite par la teneur des courriers échangés entre eux, est un argument tout autant inopérant à faire douter d'une filiation biologique ; Considérant que la démonstration de l'impossibilité génétique tenant à ce que les époux Z.../A... ont les yeux bleus et Madame X... épouse Y... brun-verts et verts selon ses parents, n'est pas parfaite eu égard au fait que Madame X... épouse Y... admet avoir les yeux, non pas marrons, ce qui pourrait justifier alors l'impossibilité alléguée, mais verts-bruns ; Considérant qu'il n'est pas nécessaire de répondre aux autres arguments purement factuels invoqués par l'appelante qui sont totalement inopérants au regard de la preuve de la supposition alléguée ou de la contestation de la filiation biologique ; Considérant que Madame X... épouse Y... sollicite subsidiairement qu'une expertise génétique soit ordonnée et voit dans le refus de ses parents l'aveu de l'absence de filiation biologique ; Considérant que le caractère impératif de l'expertise biologique en matière de filiation pris par l'appelante comme l'autorisant à s'affranchir des

dispositions de l'article 146 du nouveau code de procédure civile, cède le pas devant l'intérêt légitime d'une partie à s'y soumettre ; Considérant que les époux Z.../A... qui peuvent se prévaloir ici de la possession d'état conforme au titre de naissance de l'appelante, et donc d'une paternité et d'une maternité légitimement établies, justifient d'un intérêt légitime à s'opposer à la mesure d'expertise génétique sollicitée résultant de la faiblesse des éléments de preuve invoqués par l'appelante au soutien de l'allégation d'une supposition, alors qu'a contrario, et bien que la charge de cette preuve ne pèse pas sur eux, ils apportent aux débats des éléments notoires et dès lors probants de la grossesse de la mère et la naissance de leur enfant ; Considérant que la demande d'expertise sera en conséquence écartée ; Considérant qu'il convient de déclarer Madame X... épouse Y... mal fondée en son appel et de confirmer le jugement qui par une exacte application des dispositions des articles 322 et 322-1 du code civil l'a déboutée de ses demandes ; Considérant que le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Madame X... épouse Y... au paiement d'un franc symbolique de dommages et intérêts pour le préjudice causé à ses parents par l'engagement d'une procédure de telle nature ; Considérant que si l'exercice d'une voie de recours ne caractérise pas l'abus du droit d'ester en justice, il demeure que la faiblesse des moyens d'appel comme la gravité des accusations portées contre les intimés, rendent l'exercice de ce recours particulièrement préjudiciable aux intimés, qu'il convient de condamner l'appelante à leur payer la somme symbolique d'un euro à titre de dommages et intérêts ; Considérant qu'eu égard aux situations respectives des parties, aucun motif d'équité commande l'application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Considérant que l'appelante qui succombe dans ses prétentions, supportera la charge des dépens ; PAR CES MOTIFS LA COUR, statuant après débats en

chambre du conseil, contradictoirement et en dernier ressort, REOEOIT MadameMadame X... épouse Y... en son appel mais la déclare mal fondée, CONFIRME le jugement déféré, CONDAMNE MadameMadame X... épouse Y... à payer aux époux M. Z... 1 à titre de dommages et intérêts, DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, CONDAMNE MadameMadame X... épouse Y... aux dépens avec faculté de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier,

Le Président, Sylvie RENOULT

Francine BARDY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 2001-4722
Date de la décision : 19/09/2002

Analyses

FILIATION - Dispositions générales - Modes d'établissement - Expertise biologique - Examen de droit - Exception - Motifs légitimes - /

En application de l'article 322-1 du Code civil, l'enfant qui allègue d'une substitution est recevable à contester sa filiation biologique par tous moyens. En revanche, sa carence dans la preuve de la substitution ne peut l'autoriser à s'affranchir des dispositions de l'article 146 du nouveau Code de procédure civile pour revendiquer une expertise biologique qui pour être de droit suppose qu'il n'existe pas de motif légitime de ne pas y procéder. Les parents qui, ici, peuvent se prévaloir de la possession d'état conforme au titre de naissance de l'enfant, et donc d'une paternité et d'une maternité légitimement établies, justifi- ent d'un intérêt légitime à s'opposer à la mesure d'expertise génétique sollicité par cet enfant du fait même de la faiblesse des éléments de preuve invoqués par lui au soutien de l'allégation de substitution, alors qu'a contrario, et bien que la charge de la preuve ne leur incombe pas, ils apportent aux débats des éléments probants de la grossesse de la mère et de la naissance de l'enfant


Références :

Code civil, article 322-1

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2002-09-19;2001.4722 ?
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